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26/02/2021 | FRANCE | N°4

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 26 février 2021, 4


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 19/00323 -
No Portalis 352J-W-B7D-COUNF

No MINUTE :

Assignation du :
04 Janvier 2019

JUGEMENT
rendu le 26 Février 2021
DEMANDERESSE

S.A.S. NORD'WAYS
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentée par Maître Gwendal BARBAUT de la SELEURL IPSIDE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1489

DÉFENDERESSE

S.A.S. FRANCE TEXTILE PRODUCTION
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE

représentée par Maître Anne-Laure M

OYA-PLANA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0176

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Emilie...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 19/00323 -
No Portalis 352J-W-B7D-COUNF

No MINUTE :

Assignation du :
04 Janvier 2019

JUGEMENT
rendu le 26 Février 2021
DEMANDERESSE

S.A.S. NORD'WAYS
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentée par Maître Gwendal BARBAUT de la SELEURL IPSIDE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1489

DÉFENDERESSE

S.A.S. FRANCE TEXTILE PRODUCTION
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE

représentée par Maître Anne-Laure MOYA-PLANA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0176

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Emilie CHAMPS, Vice-Présidente

assistées de Géraldine CARRION, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffier lors de la mise à disposition.

DEBATS

A l'audience du 18 Décembre 2020
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. NORD'WAYS, immatriculée le 28 avril 1977, se présente comme une société familiale spécialisée dans le chaussant professionnel et de sécurité, revendiquant un savoir-faire lui permettant de proposer sous le nom commercial « NORD'WAYS » des produits haut de gamme esthétiques et confortables dans ce domaine. Elle indique disposer d'un réseau de plus de 700 distributeurs en Europe.

Elle exploite un site marchand sous le nom de domaine etlt;nordways.fretgt; réservé depuis le 9 mai 2007, et est notamment titulaire des marques suivantes :

- marque semi-figurative française no 97/ 666 226 « NORD WAYS LE CHAUSSANT PROFESSIONNEL », déposée le 24 février 1977 et renouvelée depuis lors pour désigner, en classes 9 et 25, les « Chaussures - Bottes - Sabots ou autres Articles Chaussants pour Hom
me et Femme, dits de Travail ou à Usage professionnel. Avec ou sans embout de Sécurité. Antistatique ou non » :

- marque semi-figurative française « NORD WAYS C'EST LE PIED WWW.NORDWAYS.FR FOURNISSEUR OFFICIEL DE CONFORT AU TRAVAIL » no 3 693 457 déposée le 23 novembre 2009 pour désigner, en classes 9, 10 et 25, les « Appareils et instruments scientifiques (autres qu'à usage médical), nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d'enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction ou le traitement du son ou des images ; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques ; disquettes souples ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à pré-paiement ; caisses enregistreuses ; machines à calculer ; équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs ; extincteurs ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d'ordinateurs ; batteries électriques ; détecteurs ; fils électriques ; relais électriques ; combinaisons, costumes, gants ou masques de plongée ; vêtements de protection contre les accidents, les irradiations et le feu ; dispositifs de protection personnelle contre les accidents ; lunettes (optique) ; articles de lunetterie ; étuis à lunettes ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; cartes à mémoire ou à microprocesseur ; bâches de sauvetage » (classe 9) ; « Bas pour les varices ; vêtements spéciaux pour salles d'opération ; appareils de massage ; appareils pour massages esthétiques ; mobilier spécial à usage médical, coutellerie chirurgicale, chaussures orthopédiques » (classe 10) « Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; couches en matières textiles ; sous-vêtements » (classe 25) :

- marque verbale française « NORDWAYS » 4243607 déposée le 26 janvier 2016 pour désigner des « vêtements et chaussures de protection » en classe 9, des « chaussures orthopédiques » en classe 10 et des chaussures de sport, travail et loisirs en classe 25 ;

- marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 enregistrée le 13 novembre 2018 pour désigner en classes 9, 10 et 25 des « Vêtements et chaussures de protection contre les accidents, les radiations et le feu; gants et casques de protection contre les accidents, les radiations et le feu; articles de lunetterie de protection; lunettes de protection; masques de protection; dispositifs de protection personnelle contre les accidents; gants, casques et lunettes de protection pour la pratique du sport; vêtements de protection contre les produits chimiques; vêtements en amiante pour la protection contre le feu; vêtements et gants de soudage pour la protection contre les accidents ou les blessures; vêtements isolants et chaussures de protection contre les accidents ou blessures; vêtements et chaussures spéciaux pour laboratoires » (classe 9), Chaussures orthopédiques; orthèses à insérer dans les chaussures; couvre-chaussures à usage chirurgical; couvre-chaussures de chirurgie; soutiens de voûtes plantaires pour chaussures; semelles orthopédiques » (classe 10) « Chaussures; antidérapants pour chaussures; bottes; brides de chaussures; chaussures de course; chaussures de cyclisme; chaussures de danse; chaussures de football; chaussures de plage; chaussures de sport; chaussures de travail; chaussures en bois; chaussures en cuir; chaussures en toile; chaussures pour bébés; chaussures pour les loisirs; couvre-chaussures; empeignes de chaussures; ferrures de chaussures; lanières de chaussures; sabots [chaussures]; semelles de chaussures; talonnettes pour chaussures; trépointes de chaussures; bouts de tige [parties de chaussures]; bouts [parties de chaussures]; bouts renforts de chaussures; chaussures à usage professionnel; clous pour chaussures de sport; crampons de chaussures de football; ferrures de protection pour chaussures et bottes; languettes ou pattes pour chaussures et bottes; pointes de chaussures de golf; semelles de chaussures pour la cordonnerie; semelles intérieures pour chaussures; vêtements, chaussures, chapellerie; articles vestimentaires, chaussures, articles de chapellerie; vêtements et chaussures de protection pour la pratique du sport » (classe 25) :

- marque semi-figurative de l'Union européenne N NORTH WAYS W no12692653 enregistrée le 13 mars 2014 pour désigner notamment des « vêtements de travail » « chaussures et bottes de protection » en classe 9 et 25, et des « sacs, maroquinerie » en classe 18 :

-marque verbale de l'Union européenne NORTH WAYS no12690831 enregistrée le 13 mars 2014 pour désigner notamment des « vêtements de travail » « chaussures et bottes de protection » en classe 9 et 25, et des « sacs, maroquinerie » en classe 18.

-marque verbale de l'Union européenne NORTH WAYS no12690831 enregistrée le 13 mars 2014 pour désigner notamment des « vêtements de travail » « chaussures et bottes de protection » en classe 9 et 25, et des « sacs, maroquinerie » en classe 18.

Exposant avoir découvert dans le courant de l'année 2015 à l'occasion du salon PREVENTICA à [Localité 3] que des vêtements et accessoires de travail et de pluie pour professionnels étaient commercialisés sous la marque NORTH WAYS, et estimant que ces agissements portaient atteinte à ses droits de propriété industrielle, la société NORD'WAYS a par courrier du 16 juillet 2015 demandé à la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION de cesser l'exploitation du signe en cause en tant que marque, enseigne, nom commercial ou dénomination sociale dans le domaine des vêtements et chaussures ainsi que de renoncer à ses droits sur les enregistrements no10 3 709 382 auprès de l'INPI pour les produits de la classe 25, et sur les no 012692653 et 012690831 auprès de l'EUIPO pour les produits des classes 9, 25, 35 et 45.

Le 14 septembre 2015, la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION a répondu qu'elle n'entendait pas se soumettre à ces injonctions en invoquant l'absence d'usage sérieux des marques invoquées, une forclusion par tolérance à l'égard de sa marque française en raison de l'ancienneté de son dépôt et l'absence de similitudes entre les signes en conflit et les produits respectivement désignés.

Des pourparlers ont ensuite été engagés durant plusieurs mois entre les deux opérateurs sans qu'une issue amiable ne puisse être trouvée au litige les opposant, la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION se voyant parallèlement reprocher par la première de faire évoluer son offre vers le domaine des chaussures de sécurité.

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier en date du 4 janvier 2019, la société NORD'WAYS a fait assigner la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION devant ce tribunal pour le fondement des dispositions relatives à la contrefaçon de marques et à la concurrence déloyale.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juin 2020, elle présente les demandes suivantes :
Vu les articles L 711-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle sous leur ancienne rédaction,
Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,
Vu les pièces,

DIRE recevable et bien fondée son action,

DIRE ET JUGER que la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION a commis des actes de contrefaçon des marques françaises NORD WAYS no 97 666 226 et no 3 693 457 ainsi que des actes de concurrence déloyale,

DEBOUTER la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION de ses demandes reconventionnelles,

En conséquence,
FAIRE DEFENSE à la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION d'utiliser la dénomination NORTH WAYS ou toute autre dénomination similaire, pour quelque motif que ce soit et quelque titre que ce soit, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux revendiqués sous les marques françaises NORD WAYS no 97 666 226 et no 3 693 457 et/ou à l'activité exercée sous le signe « NORD WAYS » à titre de dénomination sociale, de nom commercial et de nom de domaine, sous astreinte définitive de 1.500 euros par infraction constatée dès signification du jugement à intervenir,
PRONONCER la nullité de la marque française NORTH WAYS NW no 3 709 382 pour les produits de la classe 25 suivants : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; couches en matières textiles ; sous-vêtements »,

PRONONCER la nullité de la marque de l'Union européenne N NORTH WAYS W no 12692653 pour les produits et services des classes 9, 25, 35 et 45 suivants : « Vêtements de travail, combinaisons, costumes, tabliers (vêtements), gants, masques, chaussures et bottes de protection; vêtements de travail, combinaisons, costumes, tabliers (vêtements), gants, masques, chaussures et bottes de protection contre les accidents, les irradiations et le feu; gants de soudage; lunettes de protection; casques de protection; masques respiratoires; appareils pour la protection des oreilles; lunettes (optique) et articles de lunetterie; lunettes de sport pour ski, natation, plongée, cyclisme, patinage et motocyclisme; genouillères pour ouvriers ; Vêtements; vêtements de travail; vêtements de pluie; vêtements de loisir; combinaisons, tabliers, manteaux, vestes, parkas, blousons, pulls, polaires, soft shells, gilets, gilets sans manche, chemises, surchemises, tee-shirts, pantalons, bermudas, shorts, chaussures, bottes, chaussettes, bonnets, cagoules, calottes, casquettes, bobs et gants; combinaisons, manteaux, vestes, parkas, blousons, pulls, polaires, soft shells, gilets, gilets sans manche, chemises, surchemises, tee-shirts, pantalons, bermudas, shorts, chaussures, bottes, chaussettes, bonnets, cagoules, calottes, casquettes, bobs et gants de travail; combinaisons, manteaux, vestes, parkas, blousons, pulls, polaires, soft shells, gilets, gilets sans manche, chemises, surchemises, tee-shirts, pantalons, bermudas, shorts, chaussures, bottes, chaussettes, bonnets, cagoules, calottes, casquettes, bobs et gants de pluie ; Regroupement pour le compte de tiers (à l'exception de leur transport) de vêtements de pluie et de protection, permettant aux consommateurs de les voir et de les acheter commodément dans des magasins de vente au détail et sur Internet » ; Location de vêtements de pluie et de protection » ;

PRONONCER la nullité de la marque de l'Union européenne NORTH WAYS no 12690831 pour les produits et services des classes 9, 25, 35 et 45 suivants : « Vêtements de travail, combinaisons, costumes, tabliers (vêtements), gants, masques, chaussures et bottes de protection; vêtements de travail, combinaisons, costumes, tabliers (vêtements), gants, masques, chaussures et bottes de protection contre les accidents, les irradiations et le feu; gants de soudage; lunettes de protection; casques de protection; masques respiratoires; appareils pour la protection des oreilles; lunettes (optique) et articles de lunetterie; lunettes de sport pour ski, natation, plongée, cyclisme, patinage et motocyclisme; genouillères pour ouvriers ; Vêtements; vêtements de travail; vêtements de pluie; vêtements de loisir; combinaisons, tabliers, manteaux, vestes, parkas, blousons, pulls, polaires, soft shells, gilets, gilets sans manche, chemises, surchemises, tee-shirts, pantalons, bermudas, shorts, chaussures, bottes, chaussettes, bonnets, cagoules, calottes, casquettes, bobs et gants; combinaisons, manteaux, vestes, parkas, blousons, pulls, polaires, soft shells, gilets, gilets sans manche, chemises, surchemises, tee-shirts, pantalons, bermudas, shorts, chaussures, bottes, chaussettes, bonnets, cagoules, calottes, casquettes, bobs et gants de travail; combinaisons, manteaux, vestes, parkas, blousons, pulls, polaires, soft shells, gilets, gilets sans manche, chemises, surchemises, tee-shirts, pantalons, bermudas, shorts, chaussures, bottes, chaussettes, bonnets, cagoules, calottes, casquettes, bobs et gants de pluie ; Regroupement pour le compte de tiers (à l'exception de leur transport) de vêtements de pluie et de protection, permettant aux consommateurs de les voir et de les acheter commodément dans des magasins de vente au détail et sur Internet ; Location de vêtements de pluie et de protection »,

CONDAMNER la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION à procéder aux formalités de retrait
desdites marques auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle et de l'Office de l'Union Européenne pour la Protection de la Propriété Intellectuelle, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

DIRE ET JUGER qu'à défaut pour la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION d'avoir procédé aux retraits dans les délais impartis, la société NORD'WAYS sera habilitée à demander à l'Institut National de la Propriété Industrielle et à l'Office de l'Union Européenne pour la Protection de la Propriété Intellectuelle de procéder à la radiation desdites marques et ce, aux frais de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION,

ORDONNER la transcription du jugement à intervenir sur le Registre National des Marques et sur le Registre des marques de l'Union Européenne, sur réquisition de Monsieur le Greffier en Chef du Tribunal,

DONNER INJONCTION à la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION de procéder, à ses frais, aux formalités de radiation du nom de domaine north-ways.com sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,

DIRE ET JUGER que le Tribunal se réservera expressément le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées conformément aux dispositions de l'article L.131-3 du Code des Procédures Civiles d'exécution,

CONDAMNER la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques commis à leur encontre,

CONDAMNER la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à leur encontre,

ORDONNER la publication du jugement à intervenir, par extrait, dans cinq revues de son choix et aux frais de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION à concurrence de 5.000 euros HT par insertion,

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel, à tout le moins en ce qui concerne la mesure d'interdiction de poursuite des actes litigieux sous astreinte ainsi que le paiement des indemnités,

CONDAMNER la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION à lui payer la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION aux entiers dépens de l'instance, en ce compris l'intégralité des frais et honoraires du constat effectué le 27 décembre 2018 par Maître [B] [G], huissier de Justice, au profit de Maître Me Gwendal BARBAUT sur son affirmation de droit.

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION présente, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2020, les demandes suivantes :

Vu les articles L.714-5 et L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle;
Vu les articles L.713-2 2o et L.716-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
Vu l'article 1240 du Code civil ;
Vu les pièces versées au débat ;

REJETER toutes conclusions contraires comme injustes et mal-fondées;

Sur l'action en contrefaçon de marques :

Sur la déchéance des marques invoquées comme prétendument contrefaites :

A titre principal, sur la déchéance des marques invoquées comme prétendument contrefaites à raison de leur absence d'usage pour les signes semi-figuratifs tels que déposés et enregistrés :

DIRE ET JUGER recevable la demande en déchéance de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION à l'encontre des marques semi-figuratives françaises no97666226 et no3693457 ;

DIRE que les marques semi-figuratives françaises no97666226 et no3693457 n'ont jamais été exploitées telles que déposées et enregistrées ;

PRONONCER en conséquence la déchéance des marques semi-figuratives françaises no97666226 et no3693457, dans les termes de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, à compter du 15 août 2002, pour la première, et du 1er mai 2015, pour la seconde ;

A titre subsidiaire, sur la déchéance des marques invoquées comme prétendument contrefaites à raison de leur absence d'usage pour les produits désignés par leurs enregistrements :

DIRE que la marque semi-figurative française no97666226 n'a jamais été exploitée pour les produits « Chaussures ; Bottes ; Sabots ou autres Articles Chaussants pour Homme et Femme, dits de Travail ou à Usage professionnel. Avec ou sans embout de Sécurité. Antistatique ou non », en classe 25, et « Chaussures ; Bottes », en classe 9, visés par l'enregistrement ;

PRONONCER en conséquence la déchéance partielle de la marque semi-figurative française no97666226, pour les produits « Chaussures ; Bottes ; Sabots ou autres Articles Chaussants pour Homme et Femme, dits de Travail ou à Usage professionnel. Avec ou sans embout de Sécurité. Antistatique ou non », en classe 25, et « Chaussures ; Bottes », en classe 9, dans les termes de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, et ce à compter du 15 août 2002 ;

DIRE que la marque semi-figurative française no3693457 n'a jamais été exploitée pour les produits visés par son enregistrement ;

PRONONCER la déchéance totale de la marque semi-figurative française no3693457, dans les termes de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, et ce à compter du 1er mai 2015 ;

DIRE ET JUGER la société NORD'WAYS irrecevable en son action en contrefaçon de marques ;

A titre subsidiaire, sur l'absence de bien-fondé des demandes au titre de la contrefaçon de marques :

DIRE ET JUGER que le dépôt et l'usage des marques semi-figurative française no3709382, semi-figurative de l'Union européenne , verbale de l'Union européenne « NORTH WAYS », tout comme du signe distinctif verbal « NORTH WAYS » à titre de nom commercial ou d'enseigne et du nom de domaine north-ways.com, ne constituent pas un acte de contrefaçon par imitation des marques semi-figuratives françaises no97666226 et no09/3 693 457 ;

A titre reconventionnel, sur les actes de contrefaçon de marques de la société NORD'WAYS :

DIRE ET JUGER que la société NORD'WAYS a commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la marque no3709382, mais aussi et surtout des marques de l'Union européenne verbale « North Ways » no12690831 et semi-figurative no12692653 au préjudice de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION ;

DIRE ET JUGER en conséquence nul l'enregistrement des marques verbales française et internationale « NORDWAYS » no16/4243607 et de la marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 ;

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la société NORD'WAYS a commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la marque semi-figurative de l'Union européenne no12692653, au préjudice de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION ;

DIRE ET JUGER en conséquence nul l'enregistrement de la marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 ;

ORDONNER en conséquence à la société NORD'WAYS de cesser tout usage du signe semi-figuratif, sous astreinte de 1.000 euros par jour et par infraction constatée, à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

ORDONNER en conséquence à la société NORD'WAYS de cesser tout usage du signe verbal « NORDWAYS » et du semi-figuratif , sous astreinte de 1.000 euros par jour et par infraction constatée, à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

Sur l'action en concurrence déloyale :

Sur l'irrecevabilité de l'action :

DIRE ET JUGER que l'action en concurrence déloyale est irrecevable en tant que ne visant pas des faits distincts de ceux visés par l'action en contrefaçon de marques ;

A titre subsidiaire, sur l'absence de bien-fondé des demandes au titre de la concurrence déloyale :

DIRE ET JUGER que la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION n'a commis aucune faute au préjudice de la société NORD'WAYS ;

DIRE ET JUGER en conséquence la société NORD'WAYS mal-fondée en son action en concurrence déloyale et l'en débouter ;

A titre reconventionnel, sur les actes de concurrence déloyale de la société NORD'WAYS :

DIRE ET JUGER que la société NORD'WAYS a capté et usurpé les investissements intellectuels, commerciaux et financiers de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, profitant ainsi sans bourse délier desdits investissements ;

DIRE ET JUGER en conséquence que la société NORD'WAYS s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION ;

CONDAMNER la société NORD'WAYS à payer à la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale subis ;

CONDAMNER la société NORD'WAYS à payer à la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION la somme de 40.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société NORD'WAYS aux entiers dépens ;

ORDONNER que, par exception au principe posé par l'article 514 du Code de procédure civile, la décision à intervenir ne sera pas assortie de l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2020 et l'affaire plaidée le 18 décembre 2020.

Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1- Déchéance des droits sur les marques no97/666226 et no3693457:

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION fait valoir que la société NORD'WAYS n'exploite plus les signes invoqués, ayant notamment procédé le 30 novembre 2015 au dépôt d'une marque semi-figurative française no15/4 229 920 et le 26 janvier 2016, de la marque verbale française « NORDWAYS » no16/4 243 607 :

Elle soutient qu'elle a un intérêt à agir au titre de la déchéance pour l'ensemble des produits visés à l'enregistrement des titres qui lui sont opposés, dès lors que l'assignation ne contient aucune précision à cet égard et que le périmètre de l'action en contrefaçon initiée à son encontre n'est pas limité. La société FRANCE TEXTILE PRODUCTIONS estime que les signes nouvellement exploités par la demanderesse ne peuvent être considérés comme « globalement équivalents » à ceux des marques semi-figuratives invoquées dont ils s'écartent au contraire significativement.

Ainsi sur le premier signe invoqué, elle expose que l'encadré, le positionnement des mots en partie centrale, la répétition des termes « le chaussant professionnel » et son inscription en baseline sous forme de signature constituent des éléments distinctifs.

Sur la marque dite « C'EST LE PIED » comportant une empreinte en partie centrale, elle fait valoir que les éléments verbaux utilisent un relief particulier et des effets de lumière participant à sa distinctivité et plus généralement, que l'ensemble des signes de la demanderesse ont connu une évolution et des ajouts/retraits d'éléments figuratifs tels qu'ils ne peuvent être considérés comme l'exploitation des marques déposées sous une forme modifiée.

La société NORD'WAYS conteste en premier lieu l'intérêt à agir de la défenderesse pour les produits dont elle n'invoque pas le caractère identique ou similaire, soulignant que FRANCE TEXTILE PRODUCTIONS ne démontre d'ailleurs aucune entrave à son activité pour les produits des classes 9 et 10 visés par la marque no 3 693 457.

Sur le bien fondé des demandes, elle affirme que les formes d'exploitation adoptées témoignent d'une évolution graphique certaine mais n'altèrent pas le caractère distinctif des marques en cause, en ce que celui-ci dépend essentiellement des termes « NORD WAYS » visuellement et conceptuellement dominants comparés aux autres éléments perçus comme des slogans laudatifs ou des détails descriptifs sans incidence sur la perception de l'ensemble.
Elle indique plus précisément que :
-pour la marque no 3 693 457, le signe demeure exploité sous sa forme « quasi intégrale » sur des catalogues et les semelles intérieures de ses articles chaussants ;

-pour la marque no 97 666 226, elle n'a en réalité jamais cessé d'utiliser l'élément verbal « NORD WAYS » quasi-systématiquement avec la baseline « chaussant professionnel ».

Elle estime en conclusion que les éléments ajoutés ou retirés de ses signes désormais exploités sont soit purement ornementaux, soit insignifiants sur le plan visuel et conceptuel.

Sur ce,

L'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose dans sa version applicable au litige, que « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage :
a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;
b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;
c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.
La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés.
L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande ».
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ».
Le même texte dispose désormais que :
« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'État.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation ».
Selon la jurisprudence de l'Union européenne à la lumière de laquelle les conditions requises par ces dispositions nationales doivent être appréciées, une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires. Il est tenu compte en particulier des usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l'étendue et de la fréquence de l'usage de la marque (CJUE 19 décembre 2012, LENO MERKEN BV/HAGELKRUIS BEHEER BV, C-149/11, point 29). L'usage de la marque doit être constaté pour les produits et services visés à son enregistrement. Il ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs témoignant d'une utilisation effective et suffisante sur le marché concerné (TUE 19 avril 2013, LUNA INTERNATIONAL Ltd/OHMI ASTERISINDUSTRIALAND COMMERCIAL COMPANY SA, T-454/11, point 29).

En application de l'article R.712-23 du code de la propriété intellectuelle, la date à laquelle une marque est réputée enregistrée pour l'application des articles L.712-4 et L.714-5 du même code est « pour les marques françaises, celle du bulletin officiel de la propriété industrielle dans lequel l'enregistrement est publié ».
L es conditions de la déchéance doivent être satisfaites au jour de la demande et la charge de la preuve de l'usage sérieux de la marque pour chacun des produits qu'elle désigne doit être rapportée par le titulaire des droits.
La « personne intéressée » n'étant pas spécifiquement définie dans le cadre de l'action en déchéance elle doit, en application de la règle générale posée par l'article 31 du code de procédure civile, disposer d'un intérêt légitime au succès de sa prétention. Les conditions de recevabilité de l'action en déchéance s'apprécient au jour de la demande et le plus souvent au regard de l'activité économique exercée. Elles ne sont pas subordonnées à la propriété ou à la validité d'une marque antérieure mais supposent la démonstration par le demandeur que son action est motivée par l'entrave potentielle à son développement que représente le signe inexploité, et qui indépendamment de la présence éventuelle d'obstacles d'une autre nature, serait levée en cas de disponibilité de la marque. Il doit donc s'agir d'un opérateur économique intervenant sur le même marché que le titulaire de la marque concernée pour des produits et services identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement, justifiant d'un projet d'exploitation.
C onformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, qui exigent l'existence d'un lien suffisant entre les prétentions originaires et les demandes reconventionnelles ou additionnelles, lorsqu'une partie invoque par voie d'exception - en défense à une demande formée contre lui - la déchéance des droits du titulaire sur une marque qui lui est opposée, la demande doit être limitée aux produits et services qui lui sont opposés à titre principal.

Sur l'intérêt à agir de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, il suffit de relever que dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société NORD'WAYS demande au tribunal de constater que celle-ci « a commis des actes de contrefaçon des marques françaises NORD WAYS no97 666 226 et no 3 693 457 » et de lui faire défense « d'utiliser la dénomination NORTH WAYS ou toute autre dénomination similaire, pour quelque motif que ce soit et quelque titre que ce soit, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux revendiqués sous les marques françaises NORD WAYS no 97 666 226 et no 3 693 457 et/ou à l'activité exercée sous le signe NORD WAYS » ce qui comme le relève la défenderesse, ne peut s'interpréter comme une demande sélective sauf à la contraindre, pour les besoins de sa défense, à vérifier elle-même pour chaque produit en cause s'il peut être jugé ou non similaire à ceux entrant dans le périmètre du litige.

Ses demandes doivent en conséquence être déclarées recevables.

Ensuite sur le fond, il y a lieu de rappeler que les dispositions précitées autorisant l'usage d'un signe sous une forme modifiée se justifient par la nécessité de réserver au titulaire des droits une certaine liberté d'exploitation afin de permettre d'adapter la marque à une évolution commerciale, la Cour de justice de l'Union européenne énonçant ainsi qu'en évitant d'exiger une conformité stricte entre la forme utilisée dans le commerce et celle sous laquelle une marque a été enregistrée, l'article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no207/2009 vise à permettre au titulaire de cette marque d'apporter à cette dernière, à l'occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l'adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés (arrêts du 25 octobre 2012, Rintisch, point 21, et du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C 252/12, , point 29).

Sont ainsi admises des variations de couleurs de marques complexes ou portant sur des éléments figuratifs n'en altérant pas la perception visuelle, la suppression d'une préposition dans un ensemble verbal, la substitution d'une lettre phonétiquement équivalente, la modification de la police d'écriture ou l'ajout de termes purement descriptifs. Il ressort globalement de ces exemples que les évolutions en cause doivent concerner des « éléments négligeables » de telle sorte que les deux signes seront « considérés comme globalement équivalents » ( TPICE, 23 février 2006, aff. T-194/03).

Les modalités d'exploitation de chacune des marques invoquées doivent être examinées au regard de ces principes en indiquant à titre liminaire que pour l'appréciation des éléments distinctifs des signes comparés, il y a lieu de se référer au public pertinent qui est ici constitué pour l'essentiel de consommateurs et/ou distributeurs de chaussures et vêtements adaptés à des besoins professionnels ou répondant à des exigences particulières de protection ou de sécurité, dotés d'une vigilance légèrement supérieure à la moyenne au regard de ces objectifs.

1-1-marque no97/666226 « NORD WAYS LE CHAUSSANT PROFESSIONNEL » (pièce DMD 8):

Ainsi que le souligne à juste titre la société NORD'WAYS, la répétition des éléments verbaux n'a aucune incidence sur la perception de la marque qui visuellement, sera appréhendée par le public pertinent comme un encadré identifiant l'origine commerciale des produits et le secteur d'activité de l'entreprise.
D'un point de vue conceptuel, l'utilisation d'une calligraphie évoquant une signature sera perçue comme un engagement et une spécialisation renforçant cette garantie d'origine. Enfin la séparation des éléments verbaux présentés sur deux lignes conduit à isoler intellectuellement chacun d'eux.
Il en ressort que si le terme « NORD WAYS » est l'élément distinctif le plus important du signe, celui-ci tire également cette distinctivité de la mention « le chaussant professionnel » qui insiste sur un segment d'activité très spécifique et se présente comme une signature individualisant l'opérateur.

La société NORD'WAYS, qui ne conteste pas avoir cessé d'exploiter sa marque telle que déposée, se prévaut d'utilisations contenant l'élément verbal « NORD WAYS » en un seul mot ou séparé par une apostrophe ou une empreinte de pied, dans certains cas avec un « N » stylisé reprenant sa marque no15/4 229 920 reproduite ci-dessus, et souligné par la mention « chaussant professionnel » sans l'article « le » (ses pièces 3.4 à 3.8 et surtout 5.1 à 5.5 ) :

Bien que ces modes d'utilisation de la marque reprennent l'essentiel de la mention « chaussant professionnel » dont l'importance vient d'être relevée, ils en omettent le graphisme particulier évoquant une signature et ajoutent quasi systématiquement soit un « N » stylisé incontestablement distinctif et visuellement imposant, soit une empreinte de pied qui renforce la perception conceptuelle du signe, ce qui constitue des différences significatives ne permettant pas de considérer ces exploitations comme des formes modifiées de la marque no97/666226 qui de surcroît, ne contient aucun élément de couleur et un encadré influençant sa perception visuelle.

La déchéance des droits sur ce titre de la société NORD'WAYS - qui ne justifie d'aucun autre mode d'exploitation - doit donc être prononcée selon les modalités indiquées au dispositif, à compter de l'expiration d'une période de 5 ans suivant la date de la publication de son enregistrement avec modifications soit du 15 août 2002.

1-2-marque no09/3693457 « NORD WAYS C'EST LE PIED WWW.NORDWAYS.FR FOURNISSEUR OFFICIEL DE CONFORT AU TRAVAIL » (pièce DMD 9) :

La marque en cause est constituée des termes NORD WAYS inscrits en lettres légèrement inclinées, avec un effet visuel de relief présentant des reflets qui évoquent des éléments métalliques. Les deux termes sont séparés par un ovale sur lequel s'inscrit une empreinte de pied en trois parties - talon, partie avant, orteils - et dont le détail comme l'emplacement central en font un élément distinctif renforçant conceptuellement la mention « c'est le pied ». L'ajout de l'ensemble verbal « fournisseur officiel de confort au travail », au-delà de son caractère descriptif, constitue à l'instar de l'expression « chaussant professionnel » de la marque précédemment examinée, un élément soulignant la spécialisation et le caractère technique des produits ainsi que le secteur d'activité de la demanderesse. La mention du site web dédié aux articles, très peu visible et purement descriptive, ne sera pas prise en compte dans la perception de l'ensemble.

La société NORD'WAYS expose qu'elle continue à utiliser régulièrement dans sa forme quasi-intégrale la marque française no 3 693 457 notamment sur ses catalogues, en marquage sur les semelles intérieures de ses sabots, ainsi que sur ses bottes et sur les boîtes de ses chaussures. Elle produit à ce titre :
-la pièce 3.1 qui est un catalogue 2007/2008 portant sur des sabots et chaussures à usage professionnel ;
-la pièce 3.5 qui n'est pas datée ;
-la pièce 5.3 qui montre une étiquette code-barres sur une boîte de chaussures, revêtue du signe constitué des deux termes « NORD WAYS » séparés par une empreinte de pied ;
-la pièce 5.4 qui est une boîte comportant l'inscription « fournisseur officiel de confort au travail » sans aucun élément figuratif ;
-la pièce 5.5 non datée qui est une boîte de sabots suédois.
Les pièces 28 à 30, relatives à des factures de catalogues et à des emballages de chaussures, ne rapportent pas la preuve d'autres utilisations.

Il en ressort que la demanderesse démontre l'exploitation pour des articles chaussants professionnels du signe « NORD WAYS » dépouillé de ses autres éléments verbaux mais accompagné de son élément figuratif central formant une empreinte de pied :

Cette forme modifiée intégrant les principaux éléments visuellement dominants et conceptuellement distinctifs de la marque no09/3693457 tels que précédemment identifiés, elle suffit à écarter la demande en déchéance formée par la société FRANCE TEXTILE PRODUCTIONS pour les « chaussures, chaussons » en classe 25, et « chaussures orthopédiques » en classe 10, aucune preuve d'exploitation n'étant en revanche fournie s'agissant des autres produis visés à l'enregistrement.

La société NORD'WAYS doit en conséquence être déclarée déchue de ses droits sur ce titre à compter du 1er mai 2015, soit passé la 5ème année suivant sa publication, sauf en ce qui concerne les « chaussures, chaussons » en classe 25 et les « chaussures orthopédiques » en classe 10.

2- Actes de contrefaçon allégués (marque no09/3693457) :

Au regard de ce qui précède, ne seront examinés ici que les arguments se rapportant à la contrefaçon de la marque no09/3693457, en ce qu'elle désigne des « chaussures orthopédiques », « chaussures » et « chaussons ».

1o- recevabilité :

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION invoque en premier lieu la forclusion par tolérance de la marque no10/3 709 382 au motif que la demanderesse avait selon elle parfaitement connaissance de l'existence du signe distinctif « NORTH WAYS » dans la mesure où la société ACTIPRO - dont le siège social est établi à la même adresse que la société NORD WAYS, à savoir [Adresse 2], avait en 2010 commandé plusieurs produits revêtus de cette marque. Elle ajoute que les relations entre ces deux entités sont évidentes en ce que [L] [P], qui était en 2010 vendeur au sein de la société demanderesse, est devenu gérant de la société BLEUAGRO - nouvelle dénomination d'ACTIPRO - et occupe en même temps la fonction de président de la société FJC assurant la présidence de NORD'WAYS.

La société NORD'WAYS répond que la connaissance de l'exploitation d'un signe permettant d'invoquer une forclusion de l'action en contrefaçon doit être effective, ce qui ne saurait se déduire des circonstances précédemment décrites en présence d'entités juridiques parfaitement distinctes et d'un achat isolé de 7 articles de vêtements.

Sur ce,

Selon l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige, est irrecevable « toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. Toutefois, l'irrecevabilité est limitée aux seuls produits et services pour lesquels l'usage a été toléré ».

A supposer même qu'il puisse pertinemment être opposé au regard des liens constatés entre les sociétés en cause du caractère isolé de la commande invoquée, cet argument est devenu inopérant en ce que l'action en contrefaçon de la société NORD'WAYS ne peut - compte-tenu de la déchéance prononcée - que porter sur des articles chaussants, alors que les ventes concernées intervenues le 24 novembre 2010 concernaient des vêtements de pluie et des salopettes.

La fin de non-recevoir tirée de la forclusion par tolérance de la marque semi-figurative française no10/3 709 382 de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION sera donc écartée.

2o-bien-fondé de l'action en contrefaçon :

La société NORD'WAYS rappelle que sa marque française no 3 693 457 est une marque en couleur composée au sein d'un cartouche rectangulaire noire composée sur une première ligne des mots « NORD » et « WAYS » écrits dans une police en relief de couleur grise en lettres minuscules d'imprimerie entrecoupés par le logo d'une empreinte de pied et précédé, au-dessus du mot « ways », des mots « C'EST LE PIED » et suivi, en-dessous du mot « nord », de l'adresse web de son site et sur une seconde ligne, du slogan « FOURNISSEUR OFFICIEL DE CONFORT AU TRAVAIL » écrit en lettres majuscules d'imprimerie grises et grasses de caractères standard de plus petite taille.

Elle soutient qu'au sein de cette combinaison, l'ensemble verbal « NORD WAYS » est particulièrement distinctif en ce qu'il est arbitraire au regard des produits visés et occupe visuellement un place dominante. Elle estime dans ces conditions que les marques semi-figuratives française no 3709382, de l'Union européenne no 126926653 et verbale de l'Union européenne no 12690831, portent atteinte à la marque précitée de même que « le nom commercial et l'enseigne NORTH WAYS » « la dénomination sociale NORTH WAYS » et « le nom de domaine north-ways.com ».

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION conteste les actes de contrefaçon reprochés en affirmant que les différences notamment visuelles existant entre les signes excluent tout risque de confusion.
Elle ajoute que les produits désignés ne sont pas non plus les mêmes.

Sur ce,

Aux termes des articles L.713-2 et L. 712-3 du code de la propriété intellectuelle dans leur version applicable au litige « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement (..) » (L. 712-2).
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » (L. 712-3).
L'article L. 713-2 dispose désormais qu' « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque».

L 'appréciation de la contrefaçon implique de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, lequel doit être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce.
Les signes en conflit sont respectivement les suivants :

NORD WAYS no 3 693 457

NORTH WAYS NW no3709382
NORTH WAYS W no12692653

NORTH WAYS no12690831

1ocomparaison de la marque NORD WAYS avec NORTH WAYS NW no3709382 :

D'un point de vue visuel, les signes diffèrent sensiblement en ce que la marque seconde adopte un graphisme très contemporain et des couleurs produisant de forts effets de contraste. Les signes sont structurellement très différents, en ce que la marque NORD'WAYS se présente en deux parties séparées par un élément figuratif évocateur de l'univers du pied et de la chaussure, alors que le signe NORTH WAYS est une imbrication de mots dont l'acronyme « NW » est rappelé après le mot « WAYS » intégrant le terme « NORTH » superposé à la première lettre. Le signe comporte également un insert sur lequel sont représentées des gouttes stylisées.

Phonétiquement, les signes seront respectivement prononcés « NORD WAYS » et « NORTH WAYS ou « NW ». Ils présentent donc des similitudes rythmiques et sonores.

Sur le plan conceptuel enfin, « NORD WAYS » et « NORTH WAYS » renvoient à la même signification « ROUTES DU NORD » dont le sens littéral est modifié ou complété dans chaque cas par un élément figuratif qui est dans le premier cas une empreinte de pied et dans le second, une représentation de l'eau - également évoquée par la couleur bleue - qui renvoie à la notion d'étanchéité. Contrairement à la marque première qui doit être considérée ici sous sa forme telle que déposée, le signe second ne contient aucune référence à un environnement de travail ou au confort du pied, ce qui conduit à retenir une similitude moyenne voire faible à cet égard.

Contrairement à ce que soutient la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, les marques en conflit désignent des produits identiques puisque dans chaque cas, il s'agit de chaussures en classe 25.

Dans le cadre d'une appréciation globale du risque de confusion, cette identité apparaît cependant compensée par les différences notamment visuelles des signes en ce qu'au sein de la marque seconde, le terme « NORTH WAYS » ne se distingue pas de l'élément figuratif dans lequel il est au contraire complètement inséré, ce qui conduit le public pertinent à percevoir spontanément le mot « WAYS » avant « NORTH».

La contrefaçon alléguée n'est donc pas caractérisée.

1ocomparaison de la marque NORD WAYS avec NORTH WAYS NW no12692653 :

D'un point de vue visuel, les marques sont respectivement rectangulaires et carrées sur fond noir. La marque seconde est dominée par les lettres « N » et « W » l'une sur l'autre et séparées par le syntagme « north ways » le tout dans une police très stylisée conférant à chaque lettre une forme particulière. Compte-tenu de l'espace occupé par chacun de ces éléments, le signe sera essentiellement appréhendé comme un ensemble graphique plutôt que verbal.
Pour le surplus, les observations qui précèdent sur la comparaison phonétique sont partiellement transposables.
D'un point de vue conceptuel, la marque seconde - qui ne fait pas plus référence à un environnement professionnel - n'évoque pas le confort du pied mais tout au plus la marche, à travers le terme « WAYS » présent dans les deux signes.

A ces différences visuelles et conceptuelles s'ajoute le fait que la marque seconde ne désigne pas des chaussures au sens large mais uniquement des « chaussures de protection » et « vêtements de travail » en classe 9.

Selon les critères dégagés par la jurisprudence des tribunaux et par la pratique des offices dans le cadre des procédures d'opposition, des produits ou services sont considérés comme similaires ou complémentaires s'ils ont les mêmes nature, fonction, destination ou circuits de distribution - de telle sorte que le public est susceptible de leur attribuer la même origine - ou bien s'il existe entre eux un lien étroit et nécessaire également de nature à générer ce risque de confusion, par référence auquel la notion de similitude doit toujours être appréciée. Ainsi dans l'affaire Canon [J] [D] c/Metro-Goldwyn-Mayer Inc ( CJCE 29 septembre 1998, C-39/97) la Cour a dit pour droit que « il peut exister un risque de confusion au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 même lorsque, pour le public, les produits et services en cause ont des lieux de production différents. En revanche, l'existence d'un tel risque est exclue s'il n'apparaît pas que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement ».

Dans le cas d'espèce, et ainsi que le souligne à juste titre la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, le fait que la marque première désigne des « chaussures » sans autre précision alors que le signe NORTH WAYS est enregistré pour des vêtements de protection ou de sécurité « exclusivement destinés aux travailleurs » - ce qui est expressément indiqué qu'il s'agisse de la classe 9 ou 25 - ne permet pas de retenir, dans la comparaison des signes tels que déposés indépendamment de leurs conditions d'exploitation et au regard des critères précédemment cités, que le public pertinent sera conduit à leur attribuer une origine commune dès lors que ces catégories d'équipements, qui visent une clientèle particulière, empruntent généralement des circuits de distribution spécifiques.
La contrefaçon invoquée à ce titre ne peut en conséquence être retenue.

3ocomparaison de la marque NORD WAYS avec NORTH WAYS no12690831 :

D'un point de vue visuel, les signes sont moyennement similaires en ce que la marque première est un ensemble complexe comportant un élément figuratif occupant une position centrale ainsi que des caractères comportant en eux-mêmes une composante graphique.

Ils présentent d'évidentes ressemblances phonétiques, sonores et rythmiques, les deux expressions ne se différenciant que par le son « TH » caractéristique de la langue anglaise.

Sur le plan conceptuel, les signes diffèrent en ce que la référence au monde du travail est totalement absente de la marque seconde plutôt évocatrice d'espace et d'évasion, dimension que le signe invoqué revêt partiellement.

La marque NORTH WAYS no 12690831 est également enregistrée pour désigner notamment des « chaussures de protection » et « vêtements de travail » exclusivement destinés aux travailleurs et non plus généralement des chaussures en classe 25, ce qui permet là encore d écarter le risque de confusion allégué et partant, de considérer les actes de contrefaçon comme insuffisamment caractérisés.

3- Action en nullité visant les marques française no3703982, UE 12692653 et UE 12690831 :

Aucun argument lié à la contrefaçon finalement écartée ne pouvant être invoqué au soutien de ces demandes, celles-ci doivent être examinées ci-après dans le cadre de l'action en concurrence déloyale au visa de laquelle elles sont également présentées.

4- Action en contrefaçon fondée sur les marques française no3703982, UE 12692653 et UE 12690831 (du fait de l'enregistrement des verbale française « NORDWAYS » 4243607 et semi-figurative de l'Union européenne no17984127) :

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION estime qu'il est porté atteinte à ses droits issus des marques précitées du fait des enregistrements suivants par la société NORD'WAYS :
-marque verbale française « NORDWAYS » no16/4 243 607, déposée le 26 janvier 2016 ;
-marque verbale internationale « NORDWAYS » désignant notamment l'Union européenne no1327575, déposée le 20 mai 2016 ;
-marque figurative de l'Union européenne no17984127, déposée le 13 novembre 2018.

La société défenderesse se limite cependant à exposer que « si par extraordinaire un risque de confusion venait à être caractérisé entre les signes de la société NORD'WAYS et ceux de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, les marques verbales française et internationale « NORDWAYS » no16/4 243 607 et no17984127, ainsi que la marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 seraient indiscutablement, le cas échéant, contrefaisantes à l'endroit des marques semi-figurative française no10/3 709 782, mais aussi et surtout verbale de l'Union européenne « North Ways » no12690831 et semi-figurative de l'Union européenne no12692653 » de sorte que les développement qui précèdent, auxquels il est renvoyé, suffisent à écarter ces demandes.

5- Action en nullité visant la marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 :

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION invoque encore la nullité de la marque semi-figurative no17984127 de la société NORD'WAYS au motif que celle-ci constitue une imitation manifeste de sa marque no12692653, jugeant la calligraphie des deux signes très similaire.

La société NORD'WAYS réplique que les signes sont différents et qu'outre les marques qu'elle invoque, elle détient des droits antérieurs sur le signe « NORD WAYS » qui est sa dénomination sociale.

Sur ce,

En application de l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne,

« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (?) ».

Les signes dont la forte similitude est alléguée sont les suivants :

Sur le plan visuel, la marque première est constituée des lettres « N » et « W » superposées et séparées par l'expression « NORTH WAYS » le tout se détachant sur un fond noir. D'un point de vue phonétique, la marque sera prononcée « NORTH WAYS » ou « NW » étant ajouté que conceptuellement, le signe sera perçu comme un acronyme renvoyant aux deux éléments verbaux évoquant l'espace et le déplacement.
La marque critiquée ne sera pas spontanément appréhendée comme un ensemble de lettres mais comme des lignes parallèles séparées par un espace, pouvant représenter la lettre N seule dont les contours et angles sont accentués. Conceptuellement, le signe ne renvoie à aucune signification particulière, ce qui conduit d'ailleurs la société NORD'WAYS à l'utiliser accompagné de son nom commercial et parfois de la mention « BEYOND COMFORT ».

Au regard de ces observations, l'enregistrement et l'exploitation de la marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 ne peuvent caractériser des actes de contrefaçon du signe semi-figuratif « NW NORTH WAYS » de la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, dont les demandes de ce chef n'apparaissent dès lors pas fondées.

6- Demandes fondées sur la concurrence déloyale, dont celles relatives au nom de domaine NORTHWAYS (demande principale):

La société NORD'WAYS soutient que la défenderesse se livre à des actes de concurrence déloyale en portant atteinte à ses dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine « NORD WAYS », ce par l'exploitation de la dénomination « NORTH WAYS » comme moyen d'identification de ses activités qui sont concurrentes des siennes.

Sur la fin de non recevoir qui lui est opposée, elle fait valoir que ses prétentions à ce titre ne sont pas fondées sur ses marques mais sur ses autres signes distinctifs.
La société NORD'WAYS expose être titulaire sur le signe « NORD WAYS » de droits au titre de sa dénomination sociale et de son nom commercial depuis son immatriculation au R.C.S. le 28 avril 1977 pour une activité recouvrant, en pratique, la fabrication et la commercialisation de produits d'équipements professionnels comprenant principalement des chaussures de travail et des accessoires, ajoutant que le nom de domaine nordways.fr réservé depuis le 9 mai 2007 renvoie vers un site présentant les nombreuses références d'articles qu'elle propose dans ce cadre. Elle indique se positionner principalement sur le marché de l'équipement professionnel en vue d'améliorer le confort au travail, viser dans ce secteur un très large public composé de professionnels de l'industrie, des métiers de la bouche, de la cuisine, du service et de l'hôtellerie, de la restauration rapide, des collectivités ou encore des métiers de la santé et commercialiser par l'intermédiaire de distributeurs présents en France, Suisse et Italie une très grande variété de chaussures.

Elle fait valoir que la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION se place dans le même secteur d'activité de l'équipement professionnel - qu'il s'agisse de vêtements ou de chaussures - sous la dénomination « NORTH WAYS », ce qui est générateur d'un risque de confusion dans la mesure où ces produits sont généralement distribués au moyen de circuits et surfaces de vente dédiés.

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION répond que l'action en concurrence déloyale exercée parallèlement par la demanderesse est irrecevable en ce qu'elle ne repose pas sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon.
Elle l'estime en outre mal fondée aux motifs que les signes en conflit même dans leur déclinaison uniquement verbale ne présentent pas de similitudes, et que les activités respectivement exercées - et déclarées au RCS - par chaque entité sont différentes en ce que la première commercialise des articles chaussants adaptés à des situations de travail et la seconde, des vêtements destinés à l'activité professionnelle.

Sur ce,

La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore, ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise.

Dans le cas d'espèce, le litige trouve globalement son origine dans le fait que la société NORD'WAYS, qui démontre utiliser cette dénomination depuis sa constitution pour commercialiser des articles chaussants professionnels même si ses titres initialement déposés ne reflétaient pas ce positionnement, reproche à son concurrent - désormais titulaire de droits patrimoniaux enregistrés dans la classe 9 pour des vêtements et chaussures de protection - d'avoir fait évoluer son activité vers ce même secteur, ce que la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION ne conteste pas.

Or si les différences entre le périmètre de protection de la marque no 3 693 457 invoquée et celui des titres litigieux ne permettent pas pour les raisons exposées plus haut de retenir l'existence d'actes de contrefaçon, c'est en revanche à juste titre que la société NORD'WAYS, qui dispose d'un droit antérieur sur cette dénomination sociale, soutient que les activités effectivement exploitées sous les signes verbaux en conflit sont de nature à créer un risque de confusion qui contrairement à ce que soutient la défenderesse, n'est pas dissipé par les différences se réduisant au terme d'attaque - dont la traduction anglaise est connue du public pour être couramment utilisée dans le domaine des équipements sportifs et de loisir - et la présence d'un tiret ou d'une apostrophe qui sont visuellement insignifiants et n'ont phonétiquement aucune incidence.

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, qui ne pouvait ignorer ce risque de confusion, s'est donc livrée à une concurrence déloyale d'une part, en déposant le signe verbal NORTH WAYS en tant que marque pour désigner des chaussures de protection, ce qui porte atteinte au droit antérieur de la demanderesse sur sa dénomination sociale, et d'autre part, en utilisant le nom de domaine « north-ways » pour commercialiser des articles chaussants destinés à un usage professionnel.

Ce risque de confusion préjudiciable à la société NORD'WAYS est toutefois, contrairement à ce qu'elle affirme et pour les raisons précédemment exposées tenant aux caractéristiques visuelles des signes semi-figuratifs de la défenderesse, limité au cas dans lesquels le signe « NORTH WAYS » sans ajout figuratif est utilisé pour désigner des chaussures de protection ou de sécurité ou plus généralement, répondant à des besoins professionnels spécifiques.

7- Demandes fondées sur la concurrence déloyale, dont celles visant l'utilisation du terme NORD WAYS (demande reconventionnelle):

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION fait valoir à titre reconventionnel qu'en réalité la demanderesse, confrontée au succès croissant de son concurrent, a modifié ses signes pour se rapprocher des marques « NORTH WAYS » dont elle adopte désormais les codes couleurs, la charte graphique et même l'identité anglo-saxonne reprise dans la baseline « beyond comfort » qu'elle associe à son nouveau signe figuratif. Elle souligne que les étapes de son rebranding témoignent de cette volonté délibérée de rapprochement.

La société NORD'WAYS répond d'une part, que la demande de ce chef repose sur les mêmes griefs que ceux invoqués au titre de la contrefaçon invoquée reconventionnellement et d'autre part, qu'il ne peut lui être reproché de se placer dans le sillage de la défenderesse dès lors que l'évolution d'une identité visuelle est inhérente à toute activité économique.

Sur ce,

Les demandes étant fondées non pas sur la ressemblance entre deux signes mais plus globalement sur un comportement « suiveur » de la société NORD'WAYS, elles sont parfaitement recevables.

Il ressort toutefois de l'ensemble de ce qui précède que celle-ci a fait évoluer le périmètre de protection de ses marques déposées en adéquation avec l'activité qu'elle poursuit depuis sa constitution, alors que l'exploitation par la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION du signe « NORTH WAYS » isolé de ses éléments figuratifs s'est progressivement étendue au domaine des articles chaussants. Dans ces conditions, la recherche par la demanderesse d'une nouvelle identité graphique - qui s'inscrit du reste dans une tendance observable chez de nombreux opérateurs adoptant des signes épurés moins complexes et des termes issus de la langue anglaise - ne peut être considérée comme fautive.

8- demandes réparatrices et indemnitaires présentées par la société NORD'WAYS :

La société NORD'WAYS expose que la présence d'un concurrent s'identifiant sous une dénomination quasi-identique à celle sous laquelle elle est connue et a inscrit l'identité de ses produits est susceptible de marquer un frein significatif au développement de son activité en la privant d'une partie du marché qui lui été dédié du fait de l'attrait de sa marque et en la gênant dans sa stratégie de diversification dans le domaine de l'équipement de protection individuelle. Elle ajoute que le marché considéré est relativement restreint de sorte que les produits NORD WAYS et NORTH WAYS peuvent aisément se retrouver en confrontation directe ou présentés côte-à-côte et qu'auparavant, la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION se contentait de communiquer sous sa dénomination sociale avant de promouvoir de manière intensive ses activités sous ses marques.

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION réplique que la demanderesse ne justifie d'aucun préjudice en ce que son chiffre d'affaires connaît une croissance régulière depuis 2007 et que les signes en conflit ont cohabité jusqu'en 2015 sans impact sur leurs activités respectives, ce que confirme le caractère tardif de l'action initiée à son encontre.

Sur ce,

Bien que la demanderesse ne justifie d'aucune perte de parts de marché lié à l'exploitation des marques et du nom de domaine « NORTH WAYS » s'accompagnant d'une évolution des activités de FRANCE TEXTILE PRODUCTION dans le domaine des chaussures de protection, le fait d'être confrontée à l'exploitation fautive d'un signe portant atteinte à sa dénomination sociale demeurée inchangée depuis sa constitution et utilisée en tant que nom commercial lui cause nécessairement un préjudice, que l'ensemble des circonstances précédemment relevées permettent d'évaluer à 50 000 euros.

A supposer que l'atteinte portée au droit antérieur constitué par la dénomination sociale « NORD WAYS », justifie l'annulation sollicitée de la marque verbale de l'Union européenne NORTH WAYS no12690831 enregistrée le 13 mars 2014 - en ce qu'elle désigne en classe 9 des « chaussures et bottes de protection; Chaussures et bottes de protection contre les accidents, les radiations et le feu » - il est relevé que la présente juridiction n'est pas compétente pour faire droit à cette demande en application de l'article 60 du RMUE, aux termes duquel « la marque de l'Union européenne est (?) déclarée nulle sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si son usage peut être interdit en vertu d'un autre droit antérieur selon la législation de l'Union ou le droit national qui en régit la protection (?) ».

Il sera néanmoins fait interdiction à la défenderesse de faire usage du signe verbal « NORTH WAYS » en tant que marque, nom commercial et nom de domaine, pour commercialiser des chaussures et bottes de protection ou chaussures destinées spécifiquement à un usage professionnel.

Il n'est pas justifié, au regard du contexte d'introduction de l'action faisant suite à de longs échanges pré-contentieux entre les parties ayant tenté de résoudre amiablement le litige, d'assortir ces interdictions d'une astreinte ni de prononcer l'exécution provisoire ainsi que des mesures de publication.

La société FRANCE TEXTILE PRODUCTION, partie perdante, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, lesquels ne peuvent inclure les frais de constat qui n'ont pas été autorisés judiciairement.

Elle doit en outre être condamnée à verser à la société NORD'WAYS, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 30 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

ECARTE la fin de non-recevoir opposée à l'action en déchéance des droits de la société NORD'WAYS sur les marques semi-figuratives françaises no97666226 et no3693457 ;

PRONONCE la déchéance totale des droits de la société NORD'WAYS sur la marque semi-figurative française no97666226 pour l'ensemble des produits visés à son enregistrement et ce, à compter du 15 août 2002 ;

PRONONCE la déchéance partielle des droits de la société NORD'WAYS sur la marque semi-figurative française no3693457, sur l'ensemble des produits visés à son enregistrement à l'exclusion des « chaussures, chaussons » en classe 25 et les « chaussures orthopédiques » en classe 10 et ce, à compter du 1er mai 2015 ;

DEBOUTE pour le surplus des demandes formées au titre de la déchéance ;

DEBOUTE la société NORD'WAYS de ses demandes formées au titre de la contrefaçon des marques no97666226 et no09/3693457 ;

DEBOUTE la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION de ses demandes en contrefaçon fondée sur les marques française no3703982, UE 12692653 et UE 12690831 ;

DEBOUTE la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION de sa demande en nullité de la marque semi-figurative de l'Union européenne no17984127 ;

DIT qu'en déposant à titre de marque le signe NORTH WAYS et en exploitant le nom de domaine etlt;north-ways.cometgt; pour désigner et commercialiser des chaussures et bottes de protection et chaussures destinées à un usage professionnel, la société FRANCE TEXTILE PRODUCTION a porté atteinte aux droits antérieurs de la société NORD'WAYS sur sa dénomination sociale et a commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice ;

SE DECLARE INCOMPETENT pour statuer sur la demande en nullité de la marque de l'Union européenne NORTH WAYS no 12690831 notamment pour les produits suivants : « chaussures et bottes de protection » « chaussures et bottes de protection contre les accidents, les irradiations et le feu » en classe 9 ;

FAIT INTERDICTION à la société FRANCE TEXTILE PROTECTION de faire usage du signe verbal « NORTH WAYS » en tant que marque, nom commercial et nom de domaine, pour commercialiser des chaussures et bottes de protection ou chaussures destinées spécifiquement à un usage professionnel ;

CONDAMNE la société FRANCE TEXTILE PROTECTION à verser à la société NORD'WAYS une somme de 50 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;

DEBOUTE la société FRANCE TEXTILE PROTECTION de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

REJETTE la demande de publication ;

CONDAMNE la société FRANCE TEXTILE PROTECTION à payer à la société NORD'WAYS une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société FRANCE TEXTILE PROTECTION aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, lesquels ne peuvent inclure les frais de constat qui n'ont pas été autorisés judiciairement ;

DIT n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 26 Février 2021

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 4
Date de la décision : 26/02/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-02-26;4 ?
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