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26/02/2021 | FRANCE | N°17/10284

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 26 février 2021, 17/10284


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 17/10284 -
No Portalis 352J-W-B7B-CK6VW

No MINUTE :

Assignation du :
22, 27, 28 Juin et 4 Juillet 2017

JUGEMENT
rendu le 26 Février 2021
DEMANDERESSES

Société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]

Société ALLERGAN FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentées par Maîtres Benjamin MAY et Louis JESTAZ de la SELARL ARAMIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0186

DÉFENDERESSES

Société DERMAVITA CO

MPANY SARL (anciennement DERMAVITA COMPANY (Limited partnership) PARSEGHIAN et PARTNERS)
[Adresse 2]
[Adresse 2] (LIBAN)

représentée par Maître Galina PA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 17/10284 -
No Portalis 352J-W-B7B-CK6VW

No MINUTE :

Assignation du :
22, 27, 28 Juin et 4 Juillet 2017

JUGEMENT
rendu le 26 Février 2021
DEMANDERESSES

Société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]

Société ALLERGAN FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentées par Maîtres Benjamin MAY et Louis JESTAZ de la SELARL ARAMIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0186

DÉFENDERESSES

Société DERMAVITA COMPANY SARL (anciennement DERMAVITA COMPANY (Limited partnership) PARSEGHIAN et PARTNERS)
[Adresse 2]
[Adresse 2] (LIBAN)

représentée par Maître Galina PARICHEVA de la SELARL OOLITH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1473

Société AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT
[Adresse 3]
[Localité 2] (BULGARIE)

Société VITAL ESTHÉTIQUE
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentées par Maître Philippe MIRO de la SCP VITOUX et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0273

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Présidente
Laurence BASTERREIX, Vice-Présidente
Elise MELLIER, Juge

assistées de Alice ARGENTINI, Greffière lors des débats et de Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l'audience du 27 Janvier 2021
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société française ALLERGAN HOLDINGS FRANCE détient un portefeuille de marques contenant le terme JUVEDERM, seul ou en combinaison avec d'autres termes (JUVÉDERM ULTRA, JUVÉDERM VOLITE?) pour les produits des classes 3, 5 et 10 et détient des participations dans la société ALLERGAN INDUSTRIE qui fabrique pour le monde entier, les produits JUVÉDERM de comblement des rides administrés par injection dont le principal ingrédient actif est l'acide hyaluronique, produits qui sont commercialisés en France par la société ALLERGAN FRANCE.

Les sociétés ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE exposent faire face à un important réseau de fraude visant le portefeuille de marques JUVEDERM, impliquant notamment les sociétés DERMAVITA, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT(« ASD ») et VITAL ESTHÉTIQUE, respectivement immatriculées au Liban, en Bulgarie et en France et qu'elles présentent comme contrôlées par le même groupe de personnes.

Les sociétés ALLERGAN ont notamment obtenu à l'encontre des sociétés DERMAVITA libanaise, chef de file, ASD bulgare et DIMA CORP luxembourgeoise et de Monsieur [D] [N] et Madame [O] [N] une mesure d'interdiction provisoire, par ordonnance de référé du 2 juin 2017, pour contrefaçon vraisemblable des marques des sociétés ALLERGAN opposées dans le cadre de la présente instance. Elles ont également découvert l'implication d'autres sociétés MY CREAM LAB et LAZEO, utilisées notamment pour contourner l'interdiction provisoire précitée.

Par actes des 22 juin 2017, 27 juin 2017, 28 juin 2017 et 04 juillet 2017, les sociétés ALLERGAN ont fait assigner devant ce tribunal, en contrefaçon de marques, et subsidiairement atteinte à la marque renommée et concurrence déloyale, les sociétés DERMAVITA, DIMA Corp., MY CREAM LAB, LAZEO,, VITAL AESTHETIC et ASD, ainsi que [D] et [O] [N], en invoquant dans le dernier état de leurs demandes les deux marques suivantes :

? la marque verbale de l'Union européenne JUVÉDERM no5807169, enregistrée en classe 5 pour les « produits pharmaceutiques administrés par injection pour hydratation de la peau et réduction des rides », déposée initialement par ALLERGAN Inc. puis cédée à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE (cession régulièrement transcrite à l'OHMI) et donnée en licence à ALLERGAN FRANCE, pour le territoire français, le 18 mai 2017,

? la marque verbale française JUVÉDERM no 3061345, enregistrée en classe 10 pour les seuls produits suivants « Appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride », à l'exception des « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse », pour lesquels la marque susvisée n'est pas opposée au titre de la contrefaçon dans la présente instance. Cette marque a été déposée initialement par le Laboratoire d'Esthétique Appliquée, transférée à la société CORNEAL INDUSTRIE, devenue ALLERGAN INDUSTRIE, laquelle l'a cédée à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE avant de la donner en licence le 18 mai 2017 à ALLERGAN FRANCE, pour le territoire français.

Les sociétés ALLERGAN ajoutent être également respectivement titulaire et licenciée d'une marque verbale de l'Union européenne « JUVÉDERM » no 2196822, mais qu'elles renoncent à invoquer dans la présente procédure (en raison d'une contestation de la validité de celle-ci devant l'EUIPO).

Dans le cadre de cette instance, le juge de la mise en état a statué sur une première demande de sursis à statuer, rejetée (ordonnance du 25 mai 2018), une demande de jonction avec une autre procédure rejetée (ordonnance du 07 juin 2019) et une nouvelle demande de sursis à statuer rejetée (ordonnance du 07 février 2019) et a ordonné une expertise de tri (ordonnance du 07 juin 2019). Il a, le 10 février 2020, prononcé une nouvelle interdiction provisoire pan-européenne, visant les sociétés VITAL AESTHETIC, MY CREAM LAB et LAZEO.

Par ordonnance du 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a constaté le désistement des sociétés ALLERGAN à l'égard de [D] et [O] [N], des sociétés LAZEO, DYMA Corp. et MY CREAM LAB.

Dans le dernier état de leurs prétentions, signifiées par voie électronique le 02 novembre 2020, les sociétés ALLERGAN sollicitent du tribunal de :
Vu les articles L. 713-2, 2o, 713-3, L. 716-7-1, L. 716-14, L. 717-1 et autres du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 9 2o b) et c) et autres dispositions du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne,
Vu les articles 1240 et 1355 du code civil,
Vu les articles 4, 63, 64, 70 et 122 du code de procédure civile,

A titre liminaire,
?Rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles de la société DERMAVITA COMPANY SARL comme étant irrecevables, ou à tout le moins mal fondées.

À titre principal, sur la contrefaçon, des marques d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE,
?Dire et juger que la fabrication, la présentation, la promotion et/ou la commercialisation de produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que toute communication ou usage du signe JUVEDERM en lien avec les produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux, par DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE constituent une contrefaçon des marques no 5807169 et 3061345 d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, .
En conséquence :
?Interdire à DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ainsi qu'à leurs dirigeants, actionnaires, employés et toutes sociétés contrôlées par ces derniers ou toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, importer, exporter, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que toute communication ou usage du signe JUVEDERM de nature à porter atteinte aux droits d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE sur ses marques no 5807169 et 3061345, et ce sous astreinte de 30 000 (trente mille) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
?Dire qu'à l'égard de DERMAVITA COMPANY SARL et VITAL ESTHÉTIQUE, cette interdiction aura une portée sur tout le territoire de l'Union européenne, s'agissant de la marque de l'Union européenne no 5807169,
?Ordonner à AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT le transfert définitif des noms de domaines www.juvedermbio.net et www.juvedermbio.com à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, et ce sous astreinte de 10 000 (dix mille) euros par jour de retard dans un délai de 8 (huit) jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

?Condamner in solidum DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE, chacune, l'indemnité de 1 000 000 (un million) d'euros, quitte à parfaire, au titre du préjudice subi par elles du fait des actes de contrefaçon des marques no 5807169 et 3061345,

A titre subsidiaire, sur l'atteinte à la renommée des marques d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE,
? Dire et juger que la fabrication, la présentation, la promotion et/ou la commercialisation de produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que toute communication ou usage du signe JUVEDERM en lien avec les produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux, par DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE constituent une atteinte à la renommée des marques no 5807169 et 3061345 d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE,

En conséquence :
?Interdire à DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ainsi qu'à leurs dirigeants, actionnaires, employés et toutes sociétés contrôlées par ces derniers ou toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, exporter, importer, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que toute communication ou usage du signe JUVEDERM de nature à porter atteinte à la renommée des marques no 5807169 et 3061345 d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ce sous astreinte de 30 000 (trente mille) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
?Dire qu'à l'égard de DERMAVITA COMPANY SARL et VITAL ESTHÉTIQUE, cette interdiction aura une portée sur tout le territoire de l'Union européenne, s'agissant de la marque de l'Union européenne no5807169,
?Ordonner à AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT le transfert définitif des noms de domaines www.juvedermbio.net et www.juvedermbio.com à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, et ce sous astreinte de 10 000 (dix mille) euros par jour de retard dans un délai de 8 (huit) jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
?Condamner in solidum DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE, chacune, l'indemnité de 1 000 000 (un million) d'euros, quitte à parfaire, au titre du préjudice subi par elle du fait des actes d'atteinte à la renommée des marques no 5807169 et 3061345,

A titre plus subsidiaire, sur les actes de concurrence déloyale au détriment d'ALLERGAN FRANCE,
?Dire et juger que les actes susvisés de contrefaçon et d'atteinte à la renommée des marques no 5807169 et 3061345 d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, commis par DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE constituent, à tout le moins, des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard d'ALLERGAN FRANCE,

En conséquence,
?Interdire à DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ainsi qu'à leurs dirigeants, actionnaires, employés et toutes sociétés contrôlées par ces derniers ou toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, présenter, exporter, importer, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques, « cosméceutiques » et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que toute communication ou usage du signe JUVEDERM de nature à porter préjudice à ALLERGAN FRANCE, et ce sous astreinte de 30 000 (trente mille) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
?Condamner in solidum DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer à ALLERGAN FRANCE l'indemnité de 1 000 000 (un million) d'euros, quitte à parfaire, au titre du préjudice subi par elle du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

En tout état de cause,
?Ordonner à DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE le rappel des circuits commerciaux de tous les produits revêtus du signe JUVEDERM, et ce sous astreinte de 30 000 (trente mille) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.
?Ordonner à DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE d'avoir à produire sous astreinte de 10 000 (dix mille) euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la signification du jugement à intervenir :
-Tout contrat ou autre documentation de nature contractuelle en lien avec le signe JUVEDERM litigieux entre DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT, VITAL ESTHÉTIQUE ainsi qu'avec toute autre société,
- les revenus versés et/ou perçus en lien avec le signe et les produits JUVEDERM litigieux par DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ainsi que par toute autre société qui leur serait liée,
-l'identité et l'adresse du fabricant des produits JUVEDERM litigieux et du lieu de production ainsi que l'identité et l'adresse de toute autre personne ou entité impliquée directement ou indirectement dans la fabrication, l'importation, l'exportation, la promotion, la vente ou la distribution des produits JUVEDERM litigieux, en ce compris les sociétés [Établissement 1], ENERGY CONTROL et JUVEDERM COSMEDICS,
-le rôle des sociétés Vimer, Vabel (ou Laboratoire Vabel), Linia et GUANGZHOU EKAI ELECTRONIC TECHNOLOGY CO., LTD dans les actes de contrefaçon et leur adresse,
-un historique détaillé des quantités et références de produits litigieux de la gamme JUVEDERM litigieuse qui ont été fabriqués et commercialisés, ainsi que leur prix de vente hors taxe et toute taxe comprise,
-l'état complet des stocks de produits litigieux de la gamme JUVEDERM et le lieu de stockage,
-les dossiers de lots du fabricant relatifs aux produits JUVEDERM litigieux,
-l'intégralité des bons de commandes, bons de livraison et factures de vente relatifs aux produits JUVEDERM litigieux, et
-les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes, indiquant le chiffre d'affaires et la marge de DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE sur la vente des produits litigieux de la gamme JUVEDERM,

?Ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais de DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE dans trois journaux ou revues françaises au choix d'ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE et sans que le coût de chaque insertion n'excède 10.000 (dix mille) euros,
?Se réserver la liquidation de l'astreinte,
?Dire que la signification du jugement à intervenir pourra être faite à domicile élu aux cabinets d'avocats français de DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE,
?Condamner la société DERMAVITA COMPANY SARL à verser la somme de 100.000 euros respectivement à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE pour ses demandes reconventionnelles abusives,
?Condamner in solidum DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE la somme de 200.000 (deux cent mille) euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
?Condamner in solidum DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE aux entiers dépens de l'instance, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société DERMAVITA a fait signifier par voie électronique ses dernières écritures no 2 le 10 mars 2019, aux termes desquelles elle demande au tribunal de :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 18 et suivants et l'article 58 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juillet 2017,
Vu l'article 17 de la Directive européenne 2015/2436 du 16 décembre 2015,
Vu l'article 1240 du code civil (ancien 1382 du code civil) et le principe fraus omnia corrumpit,
Vu les articles L. 713-3, L. 713-5, L. 716-5, L. 716-14 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle
Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
A TITRE PRINCIPAL ET RECONVENTIONNEL,
? Dire et juger que la société DERMAVITA est fondée et recevable en ses demandes fins et conclusions,
? Dire et juger que la marque française JUVEDERM no 3061345 de la société ALLERGAN HOLDINGS France n'a pas été exploitée, pour l'ensemble des produits désignés dans son certificat d'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans,

? Dire et juger que la marque européenne JUVEDERM no 2196822 de la société ALLERGAN HOLDINGS France n'a pas été exploitée, pour l'ensemble des produits désignés dans son certificat d'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans,
? Dire et juger que la marque française JUVEDERM no5807169 de la société ALLERGAN HOLDINGS France n'a pas été exploitée, pour l'ensemble des produits désignés dans son certificat d'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans,
En conséquence :
? Prononcer la déchéance totale des droits de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE sur la marque française JUVEDERM no 3061345,
? Prononcer la déchéance totale des droits de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE sur la marque européenne JUVEDERM no 2196822,
? Prononcer la déchéance totale des droits de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE sur la marque européenne JUVEDERM no 5807169,
? Dire que le jugement à intervenir sera inscrit au registre national des marques et au registre des marques de l'Union européenne,
? Dire et juger que la société ALLERGAN HOLDINGS France s'est rendue coupable d'actes frauduleux à l'égard de la société DERMAVITA au titre de la signature du contrat de cession du 16 mai 2017 signé entre la société ALLERGAN Inc. et la société ALLERGAN HOLDINGS France,
?Dire et juger que la société ALLERGAN France s'est rendue coupable d'actes frauduleux à l'égard de la société DERMAVITA au titre de la signature du contrat de licence entre la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN France,
?Dire et juger que la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN France se sont rendues coupables d'actes de procédure abusive et abus de droit à l'égard de la société DERMAVITA,

En conséquence,
?Dire et juger que le contrat de licence en date du 17 mai 2017 entre la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et la société ALLERGAN FRANCE portant sur la marque française JUVEDERM no 3061345 est entaché de nullité en raison de son caractère frauduleux, ? Dire et juger que le contrat de licence en date du 17 mai 2017 entre la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE portant sur la marque française JUVEDERM No 3061345 est inopposable à la société DERMAVITA en raison de son caractère frauduleux,
? Dire et juger que les contrats de cession du 16 mai 2017 entre la société ALLERGAN Inc. et la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE portant sur les marques européennes JUVEDERM VOLUMA no 006547301, JUVEDERM ULTRA no 006295638, JUVEDERM ULTRA SMILE no 008792863, JUVEDERM VOLITE no 013413406, JUVEDERM FORMA no 006547053, JUVEDERM REFINE no 006547277, JUVEDERM VYBRANCE no 013541594 sont entachés de nullité en raison de leur caractère frauduleux,
? Dire et juger que les contrats de cession du 16 mai 2017 entre la société ALLERGAN Inc. et la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE portant sur les marques européennes portant sur les marques européennes JUVEDERM VOLUMA no 006547301, JUVEDERM ULTRA 006295638, JUVEDERM ULTRA SMILE no 008792863, JUVEDERM VOLITE no 013413406, JUVEDERM FORMA no 006547053, JUVEDERM REFINE no 006547277, JUVEDERM VYBRANCE no 013541594 sont inopposables à la société DERMAVITA en raison de leur caractère frauduleux,
?Dire et juger que les contrats de licences entre la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et la société ALLERGAN FRANCE portant sur les marques européennes JUVEDERM VOLUMA no 006547301, JUVEDERM ULTRA no 006295638, JUVEDERM ULTRA SMILE no 008792863, JUVEDERM VOLITE no 013413406, JUVEDERM FORMA no 006547053, JUVEDERM REFINE no 006547277, JUVEDERM VYBRANCE no 013541594 sont entachés de nullité en raison de leur caractère frauduleux,
?Dire et juger que les contrats de licences entre la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et la société ALLERGAN FRANCE portant sur les marques européennes JUVEDERM VOLUMA no 006547301, JUVEDERM ULTRA no006295638, JUVEDERM ULTRA SMILE no 008792863, JUVEDERM VOLITE no 013413406, JUVEDERM FORMA no 006547053, JUVEDERM REFINE no 006547277, JUVEDERM VYBRANCE no 013541594 sont inopposables à la société DERMAVITA en raison de leur caractère frauduleux,
?Condamner in solidum les sociétés ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN FRANCE à verser à la société DERMAVITA la somme de 1.200.000 euros au titre du préjudice subi suite au comportement frauduleux et abusif de ces sociétés,

A TITRE SUBSIDIAIRE,
? Débouter la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN France de l'ensemble de leur demandes,
? Constater que la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN France n'apportent pas la preuve des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par la société DERMAVITA,
? Constater que la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN France n'apportent pas la preuve de la renommée de la marque française JUVEDERM no 3061345 et des marques européennes JUVEDERM no 2196822 et no 5807169 de la société ALLERGAN HOLDINGS France,
? Constater que la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN France n'apportent pas la preuve du risque de confusion entre les marques de la société ALLERGAN HOLDINGS France et de la société DERMAVITA,
? Dire que la société DERMAVITA n'a commis aucun acte de contrefaçon ou une atteinte à la renommée de la marque française JUVEDERM no 3061345 et des marques européennes JUVEDERM no 2196822 et no 5807169 de la société ALLERGAN HOLDINGS France,
? Dire que la société DERMAVITA n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'égard de la société ALLERGAN France,
? Débouter la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et la société ALLERGAN FRANCE de leur demande de dommages et intérêts,
? Rejeter purement et simplement les demandes formées au titre du « droit à l'information » des sociétés ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN France,
? Débouter la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et la société ALLERGAN FRANCE de toutes demandes de production de documents sous astreinte,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,
? Condamner la société ALLERGAN HOLDINGS France et la société ALLERGAN INDUSTRIE à verser à la société DERMAVITA de la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
? Condamner la société ALLERGAN HOLDINGS France aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Gala PARICHEVA conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
? Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Les sociétés ASD et VITAL AESTHETIC ont conclu en dernière date le 02 avril 2019, par conclusions signifiées par voie électronique et forment les prétentions suivantes :
?Débouter les sociétés ALLERGAN France et ALLERGAN HOLDING de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, ramener les dommages et intérêts sollicités par les sociétés ALLERGAN France et ALLERGAN HOLDING aux sociétés AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à 1 euro,
? Les condamner à payer à la société AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT la somme de 100.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 03 décembre 2020 et l'affaire plaidée le 27 janvier 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Contrefaçon des marques JUVEDERM no 5807169 en classe 5 et no 3061345 en classe 10.

La société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, titulaire des marques, et la société ALLERGAN FRANCE, ès qualités de licencié exclusif des marques, poursuivent la contrefaçon des deux marques précitées, ce à quoi la société DERMAVITA s'oppose en invoquant différents moyens tirés de la déchéance de ces marques, ainsi que de la marque no 2196822, et de la nullité des contrats de cession et de licence. La société DERMAVITA sollicite également le retrait des débats de certaines pièces.

1-Sur les demandes reconventionnelles de DERMAVITA en déchéance des marques et en nullité des contrats de licence consentis à la société ALLERGAN FRANCE

La société DERMAVITA indique avoir initié une action en déchéance devant l'EUIPO, au titre des marques de l'Union européenne no2196822 et no 5807169, respectivement en octobre 2016 et en avril 2016, ainsi qu'une action judiciaire en déchéance de la marque française no3061345 devant le tribunal de grande instance de NANTERRE en février 2017 et que ces procédures sont pendantes. Elle soutient que ces trois marques n'ont pas fait l'objet d'un usage réel et sérieux, au cours de la période de référence du 11 septembre 2013 au 11 septembre 2018, dans la mesure où leur titulaire n'établit pas les avoir exploitées, lui-même ou par une personne autorisée, ne justifie d'aucun acte de licence ou d'autorisation d'usage, ni du paiement d'une quelconque redevance ou de l'existence de flux financiers. Elle expose que les preuves d'usage produites par les demanderesses se réfèrent à d'autres marques détenues par la société américaine ALLERGAN Inc.

La société DERMAVITA poursuit également l'inopposabilité ou la nullité des contrats de cession régularisé selon elle frauduleusement en cours de procédure entre la société ALLERGAN Inc. et la société ALLERGAN HOLDINGS, le 16 mai 2017, portant sur les marques de l'Union européenne, JUVEDERM ULTRA, JUVEDERM ULTRA SMILE, JUVEDERM VOLITE, JUVEDERM FORMA, JUVEDERM REFINE, JUVEDERM VYBRANCE, et dont la société ALLERGAN HOLDINGS a consenti l'usage exclusif à la société ALLERGAN FRANCE par contrat de licence du 18 mai 2017, dont la validité est également contestée.

Les sociétés ALLERGAN soulèvent l'irrecevabilité manifeste de ces prétentions, pour violation des principes de l'estoppel et de l'autorité de la chose jugée, car elles ont déjà été formées et rejetées, pour la plupart, par plusieurs degrés de juridiction, jusqu'au Tribunal de l'Union Européenne s'agissant notamment de la marque no5807169 et à la Cour d'appel de Versailles s'agissant notamment de la marque no 3061345.
Elles soutiennent que ces prétentions sont mal fondées et ont été rejetées de manière définitive, sauf en ce qui concerne la marque de l'Union européenne no 2196822, ayant fait l'objet d'une déchéance partielle par l'EUIPO suivant décision du 04 avril 2019, confirmée partiellement par la Chambre des Recours et dont le Tribunal de l'Union européenne est actuellement saisi, mais que cette marque n'est plus invoquée en tout état de cause dans le cadre de ce litige.
Les sociétés ALLERGAN ajoutent, en ce qui concerne les marques qui ne sont pas invoquées dans la présente instance, que la société DERMAVITA est dépourvue d'intérêt à agir, au titre de la nullité des contrats de cession et de licence, car elle est étrangère à ces contrats, et que ces demandes sont sans lien avec la présente instance.

Sur ce,
En application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile « L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.
Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ».

Et selon les dispositions de l'article 122 du même code, « Constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée ».

La société DERMAVITA est irrecevable à invoquer la nullité des contrats de cession relatifs aux marques de l'Union européenne JUVEDERM VOLUMA no 006547301, JUVEDERM ULTRA no006295638, JUVEDERM ULTRA SMILE no 008792863, JUVEDERM VOLITE no 013413406, JUVEDERM FORMA no 006547053, JUVEDERM REFINE no 006547277, JUVEDERM VYBRANCE no 013541594, dès lors que ces marques ne lui sont pas opposées dans le cadre de la présente instance et qu'elles ne se rattachent pas au litige avec un lien suffisant, au sens des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile.
Elle l'est également, en ce qui concerne la marque de l'Union européenne no 2196822, que les sociétés ALLERGAN ont renoncé à invoquer dans le cadre de ce litige.

Les prétentions de la société DERMAVITA au titre de la marque de l'Union européenne no 5807169 se heurtent à l'autorité de la chose jugée, dans la mesure où l'EUIPO, par décision du 26 octobre 2017 (pièce ALLERGAN no 161) a rejeté la demande de déchéance de cette marque. Cette décision a été confirmée par la Chambre des Recours, le 19 décembre 2018 (pièce ALLERGAN no162) et par le Tribunal de l'Union européenne, le 25 juin 2020 (pièce ALLERGAN no 182).

En ce qui concerne la déchéance de la marque verbale française JUVEDERM no 3061345 et l'action en nullité des contrats de cession et de licence afférents, le tribunal de grande instance de Nanterre a, par jugement du 21 février 2019 (pièce ALLERGAN no159), rejeté ces demandes. La cour d'appel de VERSAILLES a confirmé cette décision par arrêt du 29 septembre 2020 (pièce ALLERGAN no 180) pour la partie qui lui était déférée, à savoir le rejet de la déchéance de marque, tandis que la question de la nullité des contrats de cession et de licence, non déférée, est quant à elle devenue définitive. Ces prétentions ont donc été définitivement jugées et sont revêtues de l'autorité de la chose jugée.

2 ? Sur le retrait des pièces no 12 et 25 et des attestations no 32, 36 et 39

La société DERMAVITA poursuit la nullité des constats d'huissier réalisés les 15 et 25 novembre 2016, sur le site internet www.dermavita.net au motif que l'huissier instrumentaire se trouvait assisté d'un stagiaire du cabinet d'avocats en charge des intérêts des demanderesses. Elle estime également que les attestations no 32, 36 et 39 doivent être écartées des débats, pour défaut de conformité aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

Les sociétés ALLERGAN exposent retirer des débats les constats d'huissier, disposant par ailleurs d'autres éléments de preuve des actes argués de contrefaçon, et soutiennent que les attestations, quand bien même elles ne sont pas manuscrites, mais néanmoins signées de la main de leur auteur, sont conformes aux prescriptions fixées par le code de procédure civile, qui ne sont au demeurant pas édictées à peine de nullité et que ces attestations ne sauraient être écartées des débats, du seul fait de la qualité de leur auteur.

Sur ce,
Les constats d'huissier des 15 et 25 novembre 2016 étant retirés des débats, la contestation de leur validité est sans objet. Le témoignage de [Y] [V], président directeur général de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE du 16 novembre 2016 (pièces no32 et 39) et celui du Docteur [S] [Y], médecin formateur d'ALLERGAN et expert des produits ALLERGAN, du 16 novembre 2016 (pièce no 36), ne sont certes pas manuscrits, alors que l'article 202 du code de procédure civile, exige que l'attestation soit « écrite, datée et signée de la main de son auteur ».

Pour autant, ces témoignages n'ont pas à être écartés des débats, du seul fait qu'ils sont dactylographiés ou qu'ils émanent de témoins proches des demanderesses, à charge pour le tribunal d'en apprécier la force probante.

3- Sur la matérialité de la contrefaçon des marques

La société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE poursuit la contrefaçon de chacune des deux marques qu'elle oppose.
Elle estime, en ce qui concerne la marque verbale de l'Union européenne no 5807169, qu'il existe des similitudes visuelles, sonores et conceptuelles entre elle et le signe semi-figuratif utilisé par la société DERMAVITA, pour désigner des produits cosmétiques et « cosméceutiques » ainsi qu'un dispositif médical, qui sont fortement similaires à ceux désignés à l'enregistrement de la marque en classe 5, les produits litigieux étant en outre de même nature (produits de soin de la peau issus de la recherche scientifique et contenant le même principe actif), ayant le même objet et la même destination (l'hydratation et la réduction des signes de vieillissement de la peau), à usage des mêmes professionnels (médecine esthétique, dermatologie, chirurgie plastique), de sorte que le risque de confusion avéré est amplifié.

Elle soutient également s'agissant de la marque française verbale JUVÉDERM no 3061345, enregistrée en classe 10, que la contrefaçon par imitation est pareillement constituée, au regard de la quasi-identité des signes et de la forte similitude des produits. Le risque de confusion est établi, et il est encore aggravé par l'emploi des termes « Juvederm DermaRoller », « Juvederm PRP Kit » et « Juvederm PRP Tube », pour désigner des instruments médicaux, et par l'emballage de certains des produits litigieux, qui s'apparente fortement à celui adopté par les produits des sociétés ALLERGAN, comme le positionnement des marques ou les lignes ondulées.

La société ALLERGAN FRANCE forme également des demandes au titre de la contrefaçon de ces deux marques, dont elle est licenciée exclusif, pour le préjudice propre qu'elle supporte.

Ces faits sont, selon les demanderesses, imputables aux trois sociétés défenderesses, au vu des pièces produites.

La société DERMAVITA conclut à l'absence de contrefaçon, en l'absence de risque de confusion, les produits commercialisés respectivement par les parties étant différents, par leur nature mais également par le public concerné et les réseaux de distribution utilisés.
Elle expose que les produits ne sont pas identiques ni similaires, car les produits argués de contrefaçon sont des produits et préparations cosmétiques en vente libre, tandis que les préparations des sociétés ALLERGAN sont injectables, destinés aux professionnels, soumises comme telles à la réglementation des dispositifs médicaux, et distribués suivant un régime de commercialisation très différent.

Les sociétés ASD et VITAL ESTHÉTIQUE se réfèrent à l'argumentation développée par la société DERMAVITA dont elles sont licenciées.
La société ASD soutient n'avoir jamais réservé le nom de domaine etlt;juvederm.bioetgt; et n'avoir réalisé aucun chiffre d'affaires en France avec des produits revêtus de la marque Juvederm, ayant pour fonction l'hydratation de la peau et la réduction des rides.
Elle expose que la mention la concernant sur le site de DERMAVITA ne permet pas de déduire qu'elle a participé aux actes litigieux. La licence avec DERMAVITA a été résiliée à effet du 07 mars 2017. Les factures invoquées par les demanderesses sont des factures pro-forma et n'ont donné lieu à aucune livraison.

La société VITAL ESTHÉTIQUE indique avoir été seule présente au salon professionnel de l'IMCAS de 2016, sans que cela suffise à démontrer les actes de contrefaçon allégués. Elle a fourni avant la mesure d'interdiction des produits Juvederm, qui ne sont pas des produits de réduction des rides, et n'a pas fourni les produits Purilift et Hydralift, conformément à la mesure d'interdiction.

Sur ce,
En application de l'article L. 716-4-2 alinéas 1er et 4 du code de la propriété intellectuelle, « L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat. Toutefois, le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation peut agir en contrefaçon si, après mise en demeure, le titulaire n'exerce pas ce droit dans un délai
raisonnable » et « Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ».

La société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE est titulaire des marques verbales de l'UE no 5807169, désignant en classe 5 les « produits pharmaceutiques administrés par injection pour hydratation de la peau et réduction des rides » et française no 3061345, désignant en classe 10 notamment les « Appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ».

La société ALLERGAN FRANCE, licencié exclusif, qui agit conjointement avec la titulaire, est pour sa part, recevable à agir en contrefaçon aux côtés de celle-ci en réparation du préjudice qu'elle a personnellement subi du fait des actes contrefaisants, en tant que seul titulaire du droit d'exploitation de la marque.

Les pièces produites établissent que la société DERMAVITA, en dépit des mesures d'interdiction judiciaires prononcées, fabrique, fait la promotion et commercialise les produits argués de contrefaçon, notamment sur différents sites internet (www.dermavita.net,
www.juvedermcosmetics.com, www.dermavita-online.com (pièces ALLERGAN no 63,108,140 à 142, no 57 et no58), destinés au public français et accessibles depuis la France, où sont promus et offerts à la vente les produits argués de contrefaçon, ainsi qu'en atteste la commande de produits réalisée sur le dernier d'entre eux, le 03 avril 2017 (pièces ALLERGAN no 81 et 96) ; La société DERMAVITA a participé à la création et au lancement d'une clinique [Établissement 1] à [Localité 4] (pièce no108), exposé au salon IMCAS de [Localité 4] en janvier 2016 (pièce ALLERGAN no 36) et sur le stand de laquelle des produits contrefaisants, avec des mentions en français, ont été acquis (pièce ALLERGAN no85).

La société ASD bénéficie pour sa part d'une licence de commercialisation des produits Juvederm, qui lui a été consentie par la société DERMAVITA (pièce ALLERGAN no 15 et 16) et participe aux sites internet précités www.dermavita.net et www.juvedermcosmetics.com où elle est présentée et où figure l'adresse de son siège social;
Elle a également participé au salon IMCAS de 2016 et son nom et son adresse figurent sur les emballages des produits Juvederm Visage et Juvederm Eclat, argués de contrefaçon (pièce ALLERGAN no 85, 112-1). Elle est réservataire depuis le 23 février 2017 des sites www.juverdermbio.net et www.juvedermbio.net (pièce ALLERGAN no71). Elle a poursuivi ses activités en dépit de la mesure d'interdiction ordonnée le 02 juin 2017, ce qui lui a valu sa condamnation en liquidation d'astreinte (ordonnance du 13 juillet 2018). Elle a vendu à la société LAZEO, en juin et novembre 2016, des produits Juverderm, pour plus de 540.000 euros (pièce ALLERGAN no 112-5).

Quant à la société VITAL ESTHÉTIQUE, elle bénéficie également d'une licence non exclusive qui lui a été consentie par la société DERMAVITA sur la marque de l'Union européenne de cette dernière no14016737 (pièce ALLERGAN no 84). Elle était présente sur le stand de la société DERMAVITA au salon IMCAS de 2016 (pièce ALLERGAN no 26) et certains des produits litigieux saisis à cette occasion (Juvederm « Pure mask lift » et « Hydralift face mask ») comportent son adresse, tout comme d'autres (produits Juvederm « NRG Mask » et « Purelift Face Mask ») découverts au siège de la société LAZEO, la désignent comme distributeur. Ainsi qu'il résulte des mesures d'instruction, elle a vendu des produits litigieux à la société LAZEO en janvier 2017 (pièces ALLERGAN no 112-5, 112-14 et 112-15) et elle a été utilisée pour contourner l'interdiction du 02 juin 2017 (pièce ALLERGAN no 112-2) et poursuivre la commercialisation des produits litigieux.

Les signes en présence étant différents (signe verbal pour les marques d'ALLERGAN et semi-figuratif en ce qui concerne le signe argué de contrefaçon), l'appréciation de la contrefaçon doit être effectuée, en ce qui concerne la marque française, au regard des dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, selon lequel :
« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ».
et en ce qui concerne la marque de l'Union européenne, selon les dispositions de l'article 9 § 1 du règlement (CE) no 1001/ 2017 du 14 juin 2017, selon lequel :
« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
(?)
b/ ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ».

Il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation globale des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce qui incluent en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation, ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.

Les produits litigieux commercialisés par les défenderesses sous le signe semi-figuratif

sous les appellations « Juvederm NRG CREAM », « Juvederm NRG SERUM », « Juvederm EYEPERFECTOR », « Juvederm NRG Mask », « Juvederm Hydralift Mask », « Juvederm Purelift Mask », « Juvederm RENUCELL », « Juvederm SENSIPEEL », « Juvederm UNIPEEL », « Juvederm Five Acids », « Juvederm ECLAT », « Juvederm VISAGE », « Juvederm PHOTOPEEL », « Juvederm MULITIPEEL Complex », « Juvederm PRP Kit », « Juvederm PRP Tube », « Juvederm Rose flower Water » et « Juvederm LAVENDER FLOWER Water » désignent des produits de soin et d'embellissement de la peau et sont donc identiques à ceux visés à l'enregistrement de la marque de
l'Union européenne et sont identiques en ce qui concerne l'instrument « Juverderm DermaRoller » ou similaires aux produits visés à l'enregistrement de la marque française (appareil et instruments médicaux chirurgicaux), en ce qu'il s'agit de produits destinés à l'hydratation de la peau et à la réduction des signes de vieillissement de la peau.

D'un point de vue visuel, nonobstant leur forme verbale ou semi-figurative, ils sont quasi-identiques, dès lors qu'ils reproduisent chacun le terme « Juvederm », constituant un néologisme, qui évoque la régénération (terme JUVE) de la peau (terme DERM), lequel indiscutablement distinctif et dominant, peu important le fait que le E du signe second soit dépourvu d'un accent et la partie semi-figurative, représentant un cercle ovale, dont le contour supérieur n'est pas matérialisé, qui ne suffit pas à elle seule, à permettre la distinction entre les signes.

Phonétiquement, ils se prononcent de manière strictement identique.

Sur le plan intellectuel, ils sont dépourvus de signification si ce n'est l'évocation de leur qualité attendue, le terme « JUVE » évoquant la jeunesse et le terme « DERM », celui de la peau.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'identité ou la similarité des produits et/ou services concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené à attribuer aux services proposés une origine commune. Le risque de confusion est aggravé par la nature commune des produits, produits pharmaceutiques et produits cosmétiques, et par les ingrédients qui les composent, par leur objet et leur destination commune, à savoir l'hydratation de la peau et la réduction des rides et par l'identité des professionnels de la médecine esthétique, de la dermatologie et de la chirurgie plastique, auxquels ils sont destinés.

La contrefaçon par imitation de chacune des deux marques verbales JUVÉDERM est ainsi caractérisée et la responsabilité des défenderesses engagée, à l'égard de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, titulaire des marques, et à l'égard de la société ALLERGAN FRANCE, licencié exclusif, pour le préjudice qui lui est propre.

II ? Sur l'atteinte aux marques renommées

Cette demande étant formée subsidiairement, elle est sans objet.

III ? sur la demande au titre de la concurrence déloyale

Formée subsidiairement, au profit de la société ALLERGAN FRANCE, en sa qualité de licencié exclusif sur les marques en cause, dans l'hypothèse où la contrefaçon de marques ne serait pas retenue au profit de la société licenciée exclusive, cette demande est également sans objet.

IV ? Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les sociétés ALLERGAN exposent que la multiplication des procédures devant diverses instances judiciaires et administratives, le maintien par la société DERMAVITA de ses prétentions, après que celles-ci aient été rejetées de manière définitive et les demandes réitérées tendant à un sursis à statuer, caractérisent l'abus du droit d'agir dont a été animé la défenderesse, qui les a contraintes à exposer des frais de justice colossaux. Elles réclament à ce titre la condamnation de la défenderesse à verser à chacune d'entre elles la somme de 100.000 euros.

L'action d'un plaideur même dénuée de tout fondement, ne génère une créance de dommages et intérêts qu'en cas de faute du plaideur. En l'occurrence, la société DERMAVITA a fait choix de multiplier les procédures tant devant les instances administratives que judiciaires, n'a pas réactualisé ses écritures, en maintenant des prétentions définitivement rejetées et n'a pas spontanément exécuté les décisions judiciaires la concernant et a organisé un système de contournement des décisions judiciaires.
Les sociétés ALLERGAN ont certes exposé des frais pour assurer leur défense, mais ont néanmoins obtenu la liquidation d'astreintes et quasi-systématiquement des indemnités pour frais irrépétibles non négligeables, de sorte que leur demande de dommages et intérêts n'apparaît pas distinctement fondée et sera rejetée.

V ? Sur les mesures de réparation

Les sociétés ALLERGAN sollicitent une large mesure d'interdiction en France et dans l'Union européenne, à l'instar de celle prononcée par la High Court of Justice (arrêt du 25 août 2020- pièce no 181), pour éviter tout nouveau contournement des condamnations prononcées. Elles sollicitent également un droit d'information, afin de déterminer notamment l'origine des produits contrefaisants et leur lieu de fabrication, ainsi que la réparation des préjudices respectifs subis par elles, à hauteur d'une indemnité provisionnelle d'un million d'euros à chacune d'entre elles, outre la publication du jugement et le transfert
des noms de domaines www.juvedermbio.net et www.juvedermbio.com de AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT à ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, et ce sous astreinte journalière de 10 000 euros.

1- Sur la mesure d'interdiction

Il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée selon les modalités exposées au dispositif de la présente décision, et dès lors qu'est invoquée une marque de l'Union européenne et que les produits sont commercialisés sur un site rédigé en anglais et accessible depuis tout Etat membre, qu'il est avéré que certains produits litigieux, sont fabriqués en Bulgarie (pièces ALLERGAN no 95 et 11261) tandis que d'autres le sont en Espagne (pièces ALLERGAN no 85 et 153), que ces produits sont commercialisés dans toute l'Europe (pièces ALLERGAN no 176, 183, 104 et 106), la mesure d'interdiction sera pan-européenne en application des dispositions de l'article 126 du RMUE. La mesure d'interdiction sera aussi large que possible sous réserve de sa généralité, pour éviter son contournement.

2- Sur la réparation des préjudices

La société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE supporte un préjudice généré par l'avilissement des marques dont elle est titulaire, qui justifie que lui soit allouée la somme de 130.000 euros à titre provisionnel.

Le préjudice propre de la société ALLERGAN FRANCE, licenciée exclusive, doit être évalué au regard de son manque à gagner et des bénéfices réalisés par les contrefacteurs, mais également en considération des investissements promotionnels qu'elle a réalisés, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros, en France, entre 2012 et 2016, (pièce no 96) pour partie détournés par les défenderesses. La somme provisionnelle de 450.000 euros sera allouée à ce titre à la société ALLERGAN FRANCE.

3- Sur le droit à l'information

Afin de déterminer l'ensemble des acteurs participant au réseau organisé de contrefaçon, les liens entre eux et les conditions financières relatives aux produits contrefaisants, il sera fait droit à la demande d'information selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

4- Sur le transfert des noms de domaine

Après avoir indiqué que la société ASD serait le réservataire des noms de domaine www.juvedermbio.com et www.juvedermbio.net (page 107 des écritures), ce que du reste la société ASD conteste, les sociétés ALLERGAN sollicitent dans le dispositif de leurs dernières conclusions, leur transfert au profit de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE.
Cette prétention n'est toutefois pas développée dans les motifs des conclusions des demanderesses, au titre des mesures sollicitées (§ 8- pages 119 et suivantes), de sorte que le tribunal n'en est pas saisi, conformément aux dispositions de l'article 768 alinéa 2 in fine du code de procédure civile selon lequel « Le tribunal ne statue que sur les
prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ».

5- Sur la publication du jugement

A titre de réparation complémentaire, il sera ordonné la publication de la présente décision.

VI ? Sur la demande reconventionnelle de la société DERMAVITA pour procédure abusive

La société DERMAVITA réclame la condamnation des sociétés ALLERGAN à lui payer la somme de 1.200.000 euros, correspondant à l'indemnisation de son préjudice commercial évalué à la somme de 900.000 euros, ainsi qu'au remboursement des dépenses et frais légaux de 300.000 euros, qu'elle a exposés pour assurer sa défense.

La solution du litige en faveur des sociétés ALLERGAN exclut toute faute des demanderesses pour avoir initié et poursuivi la présente procédure, de sorte que la réclamation de la société DERMAVITA ne peut qu'être rejetée.

VII ? Sur les autres demandes

Les sociétés demanderesses sollicitent que la signification du jugement puisse intervenir à domicile élu aux cabinets des avocats français de chacune des sociétés défenderesses. A défaut toutefois par les défenderesses d'avoir informé le greffe de leur élection de domicile, en application des dispositions de l'article 689-1 du code de procédure civile, ces modalités ne peuvent être mises en ?uvre.

Les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE, qui succombent, supporteront les dépens et leurs propres frais.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE seront condamnées à payer in solidum aux sociétés ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE, la somme globale de 70.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les circonstances de la cause justifient le prononcé de l'exécution provisoire qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DÉCLARE la société DERMAVITA COMPANY SARL irrecevable à invoquer la nullité des contrats de cession relatifs aux marques de l'Union européenne JUVEDERM VOLUMA no 006547301, JUVEDERM ULTRA 006295638, JUVEDERM ULTRA SMILE no 008792863, JUVEDERM VOLITE no 013413406, JUVEDERM FORMA no 006547053, JUVEDERM REFINE no 006547277, JUVEDERM VYBRANCE no 013541594,

DÉCLARE la société DERMAVITA COMPANY SARL irrecevable à poursuivre la déchéance des droits de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE sur la marque de l'Union européenne no 2196822,

DÉCLARE la société DERMAVITA COMPANY SARL irrecevable à poursuivre la déchéance des droits de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE sur la marque de l'Union européenne no 3061345 et sur la marque de l'Union européenne no 5807169,

CONSTATE le retrait des débats, par les sociétés ALLERGAN, des constats d'huissier des 15 et 25 novembre 2016,

DIT n'y avoir lieu à retrait des débats des attestations no 32, 36 et 39,

DIT que la fabrication, la présentation, la promotion et/ou la commercialisation de produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que toute communication ou usage du signe JUVEDERM en lien avec les produits cosmétiques et dispositifs médicaux, par les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE constituent des actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne no 5807169 et française no 3061345 dont la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE est titulaire,

DIT que ces mêmes actes commis par les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE constituent des actes de contrefaçon des marques no 5807169 et 3061345, au préjudice de la société ALLERGAN FRANCE, licenciée exclusive,

FAIT interdiction aux sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ainsi qu'à toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, importer, exporter, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM ainsi que de procéder à toute communication ou usage du signe JUVEDERM de nature à porter atteinte aux droits de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, sur ses marques no 5807169 et no 3061345, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai d'un an,

DIT que cette interdiction s'agissant de la marque de l'Union européenne no 5807169 aura une portée sur tout le territoire de l'Union européenne,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le transfert définitif des noms de domaines www.juvedermbio.net et www.juvedermbio.com, par la société AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT au profit de la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE,

CONDAMNE in solidum les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer à la société ALLERGAN HOLDINGS, la somme provisionnelle de 130.000 euros en réparation des actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne no 5807169 et française no 3061345 dont la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE est titulaire,

CONDAMNE in solidum les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer à la société ALLERGAN FRANCE, la somme provisionnelle de 450.000 euros, en réparation des actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne no 5807169 et française no 3061345 dont la société ALLERGAN FRANCE est licenciée exclusive,
ORDONNE aux sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE de procéder au rappel des circuits commerciaux de tous les produits revêtus du signe JUVEDERM, et ce sous astreinte de
10 000 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours après la signification du présent jugement, et pendant un délai de douze mois,

ORDONNE aux sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE d'avoir à produire sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours après la signification du présent jugement :
-Tout contrat ou autre documentation de nature contractuelle en lien avec le signe JUVEDERM litigieux entre les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT, VITAL ESTHÉTIQUE ou l'une d'entre elles, avec toute autre société,
-les revenus versés et/ou perçus en lien avec le signe et les produits JUVEDERM litigieux par DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ainsi que par toute autre société qui leur serait liée,
-l'identité et l'adresse du fabricant des produits JUVEDERM litigieux et du lieu de production ainsi que l'identité et l'adresse de toute autre personne ou entité impliquée directement ou indirectement dans la fabrication, l'importation, l'exportation, la promotion, la vente ou la distribution des produits JUVEDERM litigieux, en ce compris les sociétés [Établissement 1], ENERGY CONTROL et JUVEDERM COSMEDICS,
-le rôle des sociétés Vimer, Vabel (ou Laboratoire Vabel), Linia et GUANGZHOU EKAI ELECTRONIC TECHNOLOG CO.,LTD dans les actes de contrefaçon et leur adresse,
-un historique détaillé des quantités et références de produits litigieux de la gamme JUVEDERM litigieuse qui ont été fabriqués et commercialisés, ainsi que leur prix de vente hors taxe et toute taxe comprise,
-l'état complet des stocks de produits litigieux de la gamme JUVEDERM et le lieu de stockage,
-l'intégralité des bons de commandes, bons de livraison et factures de vente relatifs aux produits JUVEDERM litigieux, et
-les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes, indiquant le chiffre d'affaires et la marge de DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE sur la vente des produits litigieux de la gamme JUVEDERM,

RENVOIE les parties à la détermination amiable du préjudice subi par la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et par la société ALLERGAN FRANCE sur la base des éléments comptables communiqués par les sociétés défenderesses, et à défaut par voie judiciaire après assignation,

DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

ORDONNE la publication dans trois publications, journaux ou revues françaises aux choix des demanderesses aux frais des sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 5.000 euros, de l'extrait suivant : « Le tribunal judiciaire de Paris, a par jugement du 26 février 2021, condamné les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE, du chef de contrefaçon de marques, pour avoir fabriqué et commercialisé des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe JUVEDERM. Il a été fait interdiction aux mêmes de poursuivre de tels agissements, en France et dans l'Union Européenne et les mêmes ont été condamnées à payer à titre provisionnel, à la société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE, la somme de 130.000 euros et à la société ALLERGAN FRANCE, la somme de 450.000 euros »

DIT sans objet les demandes subsidiaires formées au titre de l'atteinte à la marque renommée et à la concurrence déloyale,

DÉBOUTE les sociétés ALLERGAN de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

DÉBOUTE la société DERMAVITA COMPANY SARL de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE aux dépens,

AUTORISE la société d'avocats ARAMIS à recouvrer directement contre les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE ceux des dépens, dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés DERMAVITA COMPANY SARL, AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT et VITAL ESTHÉTIQUE à payer in solidum aux sociétés ALLERGAN HOLDINGS FRANCE et ALLERGAN FRANCE la somme globale de 70.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande des sociétés ALLERGAN tendant à la signification, à domicile élu en France, de la présente décision,

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris, le 26 février 2021.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : 17/10284
Date de la décision : 26/02/2021

Analyses

Action en contrefaçon de marque


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-02-26;17.10284 ?
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