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14/01/2021 | FRANCE | N°20/56484

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0760, 14 janvier 2021, 20/56484


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 20/56484 - No Portalis 352J-W-B7E-CSSED

FMNo : 1

Assignation du :
25 Août 2020

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 14 janvier 2021

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

S.A. FRANCE AUTOPARTAGE
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Me Corinne LEPAGE, avocat au barreau de PARIS - #P0001 ( avocat postulant),

Me Pascal CREHANGE, avocat au barreau de STRASBOURG - 95 ( avocat plaidant),

DEFENDERESSE

S.A.S. CAR SHARING AND MOBILITY SERV...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 20/56484 - No Portalis 352J-W-B7E-CSSED

FMNo : 1

Assignation du :
25 Août 2020

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 14 janvier 2021

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

S.A. FRANCE AUTOPARTAGE
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Me Corinne LEPAGE, avocat au barreau de PARIS - #P0001 ( avocat postulant), Me Pascal CREHANGE, avocat au barreau de STRASBOURG - 95 ( avocat plaidant),

DEFENDERESSE

S.A.S. CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Pierre DEPREZ de la SCP DEPREZ, GUIGNOT et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #P0221

DÉBATS

A l'audience du 14 Décembre 2020, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Arnaud FAURE, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société AUTO'TREMENT, créée en 1999 à l'origine sous la forme d'une association par des habitants de [Localité 9], met des véhicules à la disposition de ses abonnés.

La société AUTO'TREMENT a déposé la marque verbale française "citiZ" le 27 novembre 2008, cédée à la société FRANCE AUTOPARTAGE le 6 septembre 2013.

La marque "citiZ" n'est plus en vigueur faute de renouvellement.

La société anonyme coopérative FRANCE AUTOPARTAGE, ayant son siège à [Localité 9], offre un service de location de véhicules en libre service 24 h / 24 au moyen d'un service de réservation en ligne, qu'elle exploite et développe sous le nom de CITIZ.

La société FRANCE AUTOPARTAGE revendique un réseau de 1500 véhicules, disponibles dans 300 stations, réparties dans 130 villes françaises. Elle est en particulier implantée à [Localité 7] (93) depuis le mois de mars 2020.

La sociéte FRANCE AUTOPARTAGE est la titulaire inscrite des marques françaises suivantes:

- la marque verbale "Je n'ai plus de voiture, j'ai citiz!", enregistrée le 27 mai 2016 sous le no4246022 pour désigner en classes 12 et 39, notamment les véhicules et la location de véhicules,

- la marque verbale "J'ai changé pour une Citiz", enregistrée le 27 mai 2016 sous le no4246030 pour désigner en classes 12 et 39, notamment les véhicules et la location de véhicules,

- la marque verbale "Citiz, la liberté au bout de la rue", enregistrée le 27 mai 2016 sous le no4246038 pour désigner en classes 12 et 39, notamment les véhicules et la location de véhicules,

- la marque verbale "CITIZ" enregistrée le 11 septembre 2020 sous le no4609920 pour désigner en classes 9, 12, 35 et 39, notamment les logiciels de gestion de flottes de véhicules, les véhicules, la réservation pour le transport à bord de véhicules en autopartage.

*

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE le 5 mars 2020, a pour associé unique la société de droit espagnol CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl, qui est elle-même une entreprise jointe (joint-venture) entre le constructeur automobile français RENAULT et le groupe espagnol FERROVIAL, spécialisé notamment dans la gestion des infrastrucures de transport.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl a lancé à Madrid en 2017 le service d'autopartage dénommé ZITY, présenté comme la contraction de ZOÉ, du nom du véhicule électrique commercialisé par la société RENAULT et principalement utilisé pour ce service, et de CITY.

Sous le signe ZITY, la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl propose un service de véhicules en flotte libre (free floating) qui dispense l'utilisateur de ramener le véhicule loué à une borne.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE a lancé le même service à [Localité 8], [Localité 5], et [Localité 3] le 22 mai 2020, déployant une flotte de 500 véhicules.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICE sl est la titulaire inscrite des marques de l'Union européenne suivantes:

- la marque semi-figurative "ZITY", enregistrée le 23 avril 2019 sous le no 17972539 pour désigner en classes 9, 39 et 42, notamment les logiciels pour location de véhicules et la location de véhicules :

- la marque seni-figurative "ZITY flexible living, flexible driving", enregistrée le 23 avril 2019 sous le no17972539 pour désigner en classes 9, 39 et 42, notamment les logiciels pour location de véhicules et la location de véhicules :

- la marque semi-figuratuve "ZITY" enregistrée le 21 juillet 2020 sous le no18206151 pour désigner en classes 9, 39 et 42, notamment les logiciels pour location de véhicules et la location de véhicules :

*

Estimant que le signe ZITY, sous lequel est exploité le service de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICE FRANCE, portait atteinte à ses marques et créait un risque de confusion dans l'esprit du public, la société FRANCE AUTOPARTAGE a, par une lettre du 16 mars 2020, mis en demeure cette société de cesser tout usage de ce signe.

Cette mise en demeure, renouvelée le 12 mai 2020, étant restée vaine, la société FRANCE AUTOPARTAGE a, par acte d'huissier du 25 août 2020, fait assigner en référé la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICE FRANCE devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser le signe ZITY.

Après un renvoi, l'affaire a été appelée à l'audience du 14 décembre 2020.

A l'audience, la société FRANCE AUTOPARTAGE a développé oralement ses écritures aux termes desquelles elle demande au juge des référés, au visa des articles L713-1, L713-3 et suivants, L-716-4-6 et L716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, 700, 834 et 835 du code de procédure civile, 1240 du code civil, de :

- CONSTATER que la société FRANCE AUTOPARTAGE est recevable dans son action et bien fondée dans ses demandes,

- REJETER l'intégralité des demandes, fins et prétentions de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES France,

- DECLARER vraisemblable la contrefaçon de la marque verbale française no4609920 dont est titulaire la société FRANCE AUTOPARTAGE.

- DECLARER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE seule responsable des agissements retenus au titre de la contrefaçon.

En conséquence,

- ORDONNER la cessation immédiate de l'usage, sous quelque support que ce soit, physique ou immatériel par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE des signes ZITY ou tout autre signe imitant la marque de la société FRANCE AUTOPARTAGE sous astreinte de 5.000,00 [cinq mille euros) par infraction constatée après l'expiration d'un délai de 24 heures suivant la signification de la décision à intervenir.

A titre principal,

- CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 150.000,00 € (cent cinquante mille euros) à titre de provision du fait des actes de contrefaçon de marque.

- CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 20.000 € (vingt mille euros) à titre de provision pour son préjudice moral, du fait des actes de contrefaçon de marque.

- CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 150.000,00 € (cent cinquante mille euros) de dommages-intérêts à titre de provision du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

A titre subsidiaire,

- ORDONNER que soit diligentée une expertise comptable afin de fixer le montant des dommages et intérêts dus par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES France.

En tout état de cause :

- CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES France à supporter le coût de la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux ou magazines au choix de la société France AUTOPARTAGE.

- CONDAMNER la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE à verser à la société FRANCE AUTOPARTAGE la somme de 20.000,00 € (vingt mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE a de la même manière développé oralement ses conclusions par lesquelles elle demande au juge des référés de:

A titre principal,

- CONSTATER l'antériorité des marques ZITY no017972538 et , no017972539, sur la marque « CITIZ » no 4609920 invoquée par la demanderesse ;

- DIRE que la renommée de la marque « CITIZ » no 4609920 n'est pas démontrée ;

- DIRE qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé en l'absence de contrefaçon de
la Marque « CITIZ » no 4609920;

- DIRE que la société France AUTOPARTAGE ne démontre pas avec l'évidence requise en référé qu'il existe un trouble manifestement illicite qui résulterait d'actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

En conséquence,

- DIRE n'y avoir lieu à référé ;

- DEBOUTER la société France AUTOPARTAGE de l'ensemble de son action et de toutes ses demandes de toute nature en ce compris celles formées à l'égard des marques ZITY ainsi que celles relatives à l'usage du signe ZITY par la défenderesse ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la société France AUTOPARTAGE à payer à la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société France AUTOPARTAGE aux entiers dépens de la présente instance sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La demanderesse invoque, d'une part, une atteinte vraisemblable à ses droits de marque et, d'autre part, le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent générés par le comportement déloyal et parasitaire de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE.

1o) Sur l'atteinte vraisemblable aux droits de marque de la société France AUTOPARTAGE

La société FRANCE AUTOPARTAGE soutient que c'est en pleine connaissance du risque de confusion encouru que la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE a fait le choix de déployer une flotte de véhicules reprenant l'identité visuelle des véhicules du réseau Citiz, à savoir des véhicules de couleur blanche, dont seul le toit est peint, en vert pour les véhicules de la défenderesse et en bleu turquoise pour ceux de la demanderesse, avec reproduction de la marque sous sa forme verbale sur la porte avant du véhicule.

La société FRANCE AUTOPARTAGE soutient encore que la défenderesse est mal fondée à invoquer le fait que sa flotte ne serait composée que de véhicules Renault Zoé, dès lors que la presse spécialisée rapporte le prochain déploiement de véhicules Dacia.

Elle ajoute que le public ne fait pas la différence entre un service portant sur une flotte libre et celui portant sur une flotte de véhicules devant être ramenés à une borne.

La société FRANCE AUTOPARTAGE fonde ses demandes du chef de la contrefaçon vraisemblable sur sa marque "citiZ", expirée, mais dont elle invoque la renommée et sur sa marque "CITIZ" . Elle fait à cet égard valoir avoir consacré de lourds investissements (2 millions d'euros depuis 2013) aux fins d'assurer la promotion de sa marque, laquelle est très visible sur ses véhicules, ses stations, ses agences, les réseaux sociaux et dans la presse. Ainsi, la société FRANCE AUTOPARTAGE produit un sondage au terme duquel 49% des habitants de [Localité 6] cite spontanément CITIZ comme étant une marque d'autopartage. Elle en déduit que sa marque jouit de renommée au sens des dispositions de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle.

La société FRANCE AUTOPARTAGE fait encore valoir que le risque de confusion résultant de l'imitation de sa marque CITIZ par le signe ZITY est avéré ainsi qu'en attestent les pièces qu'elle verse aux débats qui relatent que ses propres préposés chargés de l'entretien de sa flotte confondent les véhicules des deux réseaux.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE conclut à l'irrecevabilité et subsidiairement au caractère mal fondé des demandes au titre de la contrefaçon vraisemblable.

Elle rappelle en premier lieu que la marque dont la renommée est invoquée est expirée de sorte qu'elle ne peut selon elle être considérée comme une "marque enregistrée" au sens de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle à l'occasion du présent litige, tandis que la marque verbale "CITIZ" no4609920 est postérieure à ses marques "ZITY". La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE expose à cet égard avoir abandonné l'usage de sa marque semi-figurative sur les portes avant des véhicules ainsi que l'usage du liseret vert courant le long du véhicule, non pour copier sa concurrente, mais pour des raisons de coût d'entretien, ce dernier étant facilité par l'emploi de la couleur sur le seul toit du véhicule et l'aposition de la marque sous sa seule forme verbale sur les portes situées à l'avant. Elle joute que la demanderesse ne peut en outre s'approprier des couleurs.

Subsidiairement, la défenderesse soutient que les pièces produites sont insuffisantes à établir la renommée de la marque "citiZ" sur une partie significative du territoire français, les habitants de la ville de [Localité 6] ne constituant pas à eux seuls cette part significative, tandis que les autres pièces ne sont pas pertinentes.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE soutient qu'en tout état de cause, aucune confusion n'est possible entre les signes "ZITY" et "CITIZ", qui visuellement, phonétiquement et conceptuellement sont distincts, tandis que le public pertinent fera selon elle parfaitement la différence entre les services proposés par l'une et l'autre société (flotte libre pour CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE et véhicules accessibles et devant être restitués à une borne pour FRANCE AUTOPARTAGE).

Sur ce,

Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...)
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)"

Selon l'article L.713-2 du même code, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque."

Il résulte en outre de l'article L.713-3 de ce même code qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice."

Selon l'article L.712-1 du code de la propriété intellectuelle, "La propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement. La marque peut être acquise en copropriété.
L'enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable."

Il appartient au juge des référés, dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés, de considérer l'atteinte alléguée aux droits du titulaire et le sérieux de l'argumentation développée qui est élevée pour s'opposer aux mesures demandées et de faire droit, le cas échéant, aux mesures d'interdiction sollicitées, au regard du principe de proportionnalité, dans l'hypothèse d'une contrefaçon vraisemblable.

En l'occurrence, la marque "citiZ" n'est plus en vigueur depuis le 28 novembre 2018. Aucun usage en France d'un signe identique ou similaire en 2020 ne peut donc porter atteinte à l'éventuelle "renommée" de cette marque, en l'absence d'enregistrement.

Le dépôt de la marque "CITIZ" no4609920, le 23 décembre 2019 (enregistrement du11 septembre 2020) étant antérieur à celui de la marque "ZITY" (ci-dessous) no18206151, le 6 mars 2020 (enregistrement le 21 juillet 2020), il convient de procéder à une comparaison des titres.

Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la Directive, dont l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a, par un arrêt du 22 juin 1999 ( [Y] [O] [Z] et Co. GmbH contre [R] [X] BV, Aff. C-342/97), dit pour doit que :

"17 Selon la jurisprudence de la Cour, constitue un risque de confusion au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir, en ce sens, arrêts SABEL, précité, points 16 à 18, et du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 29). Il découle du libellé même de l'article 5, paragraphe 1, sous b), que la notion de risque d'association n'est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à en préciser l'étendue (voir, en ce sens, arrêt SABEL, précité, points 18 et 19).

18 Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, en ce sens, arrêt SABEL, précité, point 22). (...)

25 En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. En effet, il ressort du libellé de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, aux termes duquel «... il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion...», que la perception des marques qu'a le consommateur moyen de la catégorie de produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, en ce sens, arrêt SABEL, précité, point 23).

26 Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, [T] [F] et [A], C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31). Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l'image non parfaite qu'il en a gardée en mémoire. (...)"

Sur la comparaison des produits et services :

Il est en l'occurrence constant que la marque dont la contrefaçon est alléguée désigne notamment les logiciels de gestion de flottes de véhicules, les véhicules, la réservation pour le transport à bord de véhicules en autopartage. Les produits et services concernés sont donc similaires.

Sur la comparaison des signes :

D'un point de vue visuel, les marques ont trois lettres en commun, mais leur première lettre, ou lettre d'attaque, est différente, la marque débutant par un "C" et le titre comparé débutant par la lettre "Z". D'un point de vue auditif, les mêmes observations peuvent être faites.

D'un point de vue conceptuel, la marque "CITIZ" renvoie exclusivement à une offre de services urbains, tandis que cet aspect est atténué dans la marque "ZITY" par l'usage en première position de la lettre "Z".

Il convient d'en conclure que les signes en litige présentent une similarité moyenne.

Sur le public pertinent :

Le public pertinent est en l'occurrence constitué des personnes intéressées par le recours au service de véhicules en autopartage. Il s'agit d'un public dont l'attention est relativement élevée et raisonnablement attentif aux services qu'il recherche.

Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble, qu'en raison des différences entre les signes, même pour partie compensées par la similitude des produits concernés, que le risque que le public pertinent, dont l'attention est relativement élevée, identifie les produits marqués et ceux de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE, comme provenant de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées, n'apparaît pas établi avec l'évidence requise en référé.

L'atteinte vraisemblable aux droits de propriété intellectuelle de la société FRANCE AUTOPARTAGE n'est donc pas établie de sorte que les demandes formées sur les dispositions de l'article L716-4-6 du code de la propriété intellectuelle ne peuvent qu'être rejetées.

2o) sur les actes de concurrence déloyale

La société FRANCE AUTOPARTAGE soutient que la défenderesse a repris l'ensemble des caractéristiques de sa flotte de véhicules, constituée de véhicules, dont des Renault Zoé, de couleur blanche, dont le toit est de couleur bleu turquoise, avec un logo quasiment identique de couleur noire sur les portières avant. Elle ajoute qu'une telle reprise ne peut être le fruit du hasard mais vise au contraire tout à la fois à s'approprier le fruit de ses investissements et à créer la confusion dans l'esprit du public.

La société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE conclut au rejet des demandes de ce chef, soutenant n'avoir fait que décliner à [Localité 8] les choix déjà mis en oeuvre avec succès à Madrid par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES sl. La défenderesse ajoute avoir effectué ses propres investissements aux fins de développer son offre ZITY, que l'offre ZITY n'est pas déployée sur le même secteur géographique que l'offre CITIZ, que les offres diffèrent sur des points essentiels et en particulier l'offre ZITY fonctionne sans abonnement, les véhicules pouvant être pris et déposés n'importe où, excluant ainsi selon elle tout risque de confusion.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, "Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

La condition d'urgence n'est pas requise, ni même l'absence de contestation sérieuse, pour la mise en oeuvre de ces dispositions, il suffit que soit caractérisée une atteinte manifestement illégitime aux droits du demandeur.

Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, il est néanmoins constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce.

A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale. L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du signe imité, l'originalité ou la notoriété du signe copié.

Est de la même manière fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier, ce qui constitue un acte de parasitisme.

En l'occurrence, indépendamment de tout droit de marque, il n'est pas contestable que "CITIZ" est le signe utilisé par la demanderesse pour désigner son réseau d'autopartage en France depuis à tout le moins 2013.

Ce signe jouit en France d'une certaine "notoriété" ainsi qu'en atteste l'étude de notoriété réalisée (pièce FRANCE AUTOPARTAGE no55) et qui démontre que :
- le réseau compte 790 stations en France, dans 140 villes françaises, dont [Localité 9], [Localité 6], [Localité 10], [Localité 4],
- l'entreprise organise à de nombreux événements locaux et participe à de nombreux salons,
- elle exploite un site internet accessible par le nom de domaine etlt;www.citiz.coop.etgt;, a développé une application, et est suivie, elle-même ou par les opérateurs locaux de son réseau, par 13500 abonnés sur les réseaux sociaux,
- elle développe depuis 2013 d'importants moyens pour sa communication, tant locale que nationale, ainsi qu'en atteste la revue de presse réalisée.
De tous ces éléments il résulte que la société FRANCE AUTOPARTAGE, via son réseau CITIZ, peut être regardée comme un acteur historique et notoire de l'autopartage, et en particulier de l'autopartage "en boucle" (par opposition au "free floating"), en France.

Toutefois, l'imitation alléguée de son concurrent par la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE n'est pas servile, sauf à conférer à la demanderesse un monopole sur les véhicules de couleur blanche avec un toit coloré, ainsi qu'en attestent les visuels ci-dessous :

Ainsi que le relève en outre à juste titre la défenderesse, les services d'autopartage proposés par l'une et l'autre parties ne sont pas identiques, puisqu'il n'est pas contesté que la demanderesse propose un service d'autopartage en boucle et la défenderesse un service de flotte libre.

Il en résulte quele caractère déloyal des agissements de la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE n'apparaît pas établi avec l'évidence requise en référé.

Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société FRANCE AUTOPARTAGE.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société FRANCE AUTOPARTAGE supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le juge des référés,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes ;

Condamne la société FRANCE AUTOPARTAGE aux dépens ;

Condamne la société FRANCE AUTOPARTAGE à payer à la société CAR SHARING AND MOBILITY SERVICES FRANCE la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait à Paris le 14 janvier 2021.

Le Greffier,Le Président,

Minas MAKRISNathalie SABOTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 20/56484
Date de la décision : 14/01/2021

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-01-14;20.56484 ?
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