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20/11/2020 | FRANCE | N°19/9999

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 20 novembre 2020, 19/9999


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 9]

3ème chambre 2ème section

No RG 19/09999
No Portalis 352J-W-B7D-CQSL5

No MINUTE :

Assignation du :
8 août 2019
JUGEMENT
rendu le 20 novembre 2020
DEMANDERESSES

Madame [U] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]

S.A.S. PETITE FRITURE
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentées par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDERESSE

S.A.S. ATHEZZA
[Adresse 7]
[Localité 1]

représentée par Maître Emmanuelle HOFFMAN de la SEL

ARL HOFFMAN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0610

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Emilie C...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 9]

3ème chambre 2ème section

No RG 19/09999
No Portalis 352J-W-B7D-CQSL5

No MINUTE :

Assignation du :
8 août 2019
JUGEMENT
rendu le 20 novembre 2020
DEMANDERESSES

Madame [U] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]

S.A.S. PETITE FRITURE
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentées par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDERESSE

S.A.S. ATHEZZA
[Adresse 7]
[Localité 1]

représentée par Maître Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0610

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Emilie CHAMPS, Vice-Présidente

assistées de Géraldine CARRION, greffier

DÉBATS

A l'audience du 1er octobre 2020
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société PETITE FRITURE immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris en 2009 édite et commercialise des objets et des meubles de design qu'elle distribue à travers 450 points de vente dans le monde.

[U] [C] se présente comme une artiste designer de grande renommée et indique être la créatrice de la suspension VERTIGO ci-dessous illustrée, dont elle a cédé les droits patrimoniaux à sa société le 3 septembre 2009 qui les a elle-même cédés à la société PETITE FRITURE.

La société ATHEZZA immatriculée en 1992 au registre du commerce et des sociétés de Nîmes, a pour principale activité la création, l'import, l'export, la distribution de tous produits manufacturés, principalement du mobilier.

[U] [C] et la société PETITE FRITURE exposent avoir constaté que la société ATHEZZA, offrait à la vente et commercialisait un modèle de suspension dénommé « MELANIE » reprenant selon elles à l'identique, l'ensemble des caractéristiques originales du modèle VERTIGO, ce dont elles ont fait dresser procès-verbal par huissier de justice le 22 janvier 2019, lors du salon [Adresse 8].

Elles ont ensuite fait procéder à un constat d'achat de cette suspension le 9 juillet 2019 dans un magasin situé à [Localité 9] exerçant sous l'enseigne « L'Atelier Pablo » puis ont fait dresser un procès-verbal de constat le 16 juillet 2019, sur le compte Instagram d'un magasin situé à [Localité 6], exerçant sous l'enseigne « Chez nous [Localité 6] » et commercialisant cette même suspension.

Enfin, y étant précédemment autorisées par ordonnance du 22 juillet 2019 elles ont fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société ATHEZZA dont les opérations se sont déroulées le 30 juillet 2019.

C'est dans ces conditions que par acte signifié le 8 août 2019, [U] [C] et la société PETITE FRITURE ont fait assigner la société ATHEZZA.

Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 juin 2020, elles demandent au tribunal de :

Vu les livres I et III du Code de la propriété intellectuelle et l'article 1240 du Code civil,

- DIRE ET JUGER qu'en important, en offrant à la vente et en commercialisant une suspension qui reproduit les caractéristiques originales de la suspension VERTIGO, la société ATHEZZA a commis à l'encontre de [U] [C] et de la société PETITE FRITURE des actes de contrefaçon en application des articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle.

-DIRE ET JUGER, à titre subsidiaire, qu'en offrant à la vente et en commercialisant une suspension qui constitue la copie de la suspension VERTIGO de la société PETITE FRITURE, sans que cela ne soit justifié par des impératifs techniques ou autres, la société ATHEZZA a commis à l'encontre de la société PETITE FRITURE des actes de concurrence déloyale et parasitaire en application de l'article 1240 du Code civil.

- DEBOUTER la société ATHEZZA de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

En conséquence,

- FAIRE INTERDICTION à la société ATHEZZA de fabriquer ou de faire fabriquer, d'importer, d'offrir à la vente, de promouvoir et/ou de commercialiser, de quelque façon que ce soit, une suspension qui reproduit la suspension VERTIGO et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir.

- ORDONNER en application de l'article L. 331-1-4 du Code de la propriété intellectuelle, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir, que les suspensions contrefaisantes soient rappelées des circuits commerciaux et détruites aux frais de la société ATHEZZA.

- CONDAMNER la société ATHEZZA à verser à la société PETITE FRITURE la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre.

- CONDAMNER la société ATHEZZA à verser à [U] [C] la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des atteintes portées à son droit moral d'auteur.

- CONDAMNER, à titre subsidiaire, la société ATHEZZA à verser à la société PETITE FRITURE 400 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre.

- ORDONNER, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues, au choix de la société PETITE FRITURE et de [U] [C] et aux frais de la société ATHEZZA sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5 000 euros H.T.

- CONDAMNER la société ATHEZZA à payer à la société PETITE FRITURE et [U] [C] la somme de 15 000 euros, et ce compris les frais de constats et de saisie-contrefaçon, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER la société ATHEZZA aux entiers dépens de la procédure conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

- ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 juin 2020, la société ATHEZZA demande au tribunal de :

Vu le Livre I du Code de la propriété intellectuelle,
Vu le Livre III du Code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1240 du Code civil,
Vu la jurisprudence,

- RECEVOIR la société ATHEZZA en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- JUGER que le modèle revendiqué par la société PETITE FRITURE et Madame [U] [C] est dépourvu de caractère original et qu'il ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur ;

- DIRE ET JUGER qu'aucun acte de contrefaçon ne peut être imputé à la société ATHEZZA

A titre subsidiaire,

- DIRE ET JUGER qu'aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire ne peut être imputé à la société ATHEZZA

En conséquence, et en tout état de cause,

- DÉBOUTER la société PETITE FRITURE de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à titre principal comme à titre subsidiaire ;

- DÉBOUTER Madame [U] [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- DÉBOUTER la société PETITE FRITURE de toutes ses demandes indemnitaires formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire ;

- DÉBOUTER Madame [U] [C] de toutes ses demandes indemnitaires ;

- DÉBOUTER la société PETITE FRITURE et Madame [C] de toutes leurs demandes complémentaires ;

- CONDAMNER solidairement la société PETITE FRITURE et Madame [C] au paiement, à la société ATHEZZA de la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

- CONDAMNER solidairement la société PETITE FRITURE et Madame [C] aux entiers dépens de la présente instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juillet 2020 et l'affaire plaidée le 1er octobre 2020.

Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la protection de la suspension VERTIGO par le droit d'auteur

1.1- Titularité des droits

Les demanderesses font valoir que la suspension VERTIGO ayant été divulguée sous le nom de [U] [C], celle-ci est présumée en être l'auteur par application de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle et donc être titulaire des droits moraux. Elles exposent que la société PETITE FRITURE a ensuite conclu au mois d'octobre 2009, un contrat de sous-édition avec la société [U] [C] aux termes duquel celle-ci lui a cédé, à titre exclusif, les droits patrimoniaux sur la suspension VERTIGO, droits qu'elle avait acquis auprès de [U] [C] comme cela ressort de l'annexe 3 dudit contrat. Elles rappellent à cet égard que la défenderesse, tiers au contrat, ne peut valablement en contester la validité et qu'une personne morale est présumée être titulaire des droits de création sur l'oeuvre qu'elle revendique si elle justifie qu'elle l'exploite de manière non équivoque, ce que fait la société PETITE FRITURE.

La société ATHEZZA réplique que [U] [C] -qui ne produit aucun croquis, ébauche ou travail de préparation démontrant un travail de création- ne rapporte pas la preuve de sa qualité de créatrice de la suspension VERTIGO dont elle a d'abord soutenu qu'elle datait de 2007 avant d'indiquer la date de 2004 ce qui témoigne selon elle, de son manque de fiabilité. A l'égard de la société PETITE FRITURE, elle soutient que celle-ci ne peut, en sa qualité de personne morale et en l'absence de démonstration du processus de création, se prévaloir de la présomption de titularité des droits en présence de la revendication de l'auteur et donc, au cas d'espèce, de [U] [C].

Sur ce,

En application de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, et en l'absence de revendication d'une personne physique qui s'en prétendrait l'auteur, l'exploitation non équivoque de l'oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que celle-ci est titulaire des droits patrimoniaux invoqués.
Pour bénéficier de cette présomption, il appartient à la personne morale d'identifier avec précision l'oeuvre qu'elle revendique, de justifier de sa première commercialisation et d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre revendiquée sont identiques à celle dont la preuve de la commercialisation sous son nom est rapportée. A défaut, elle doit justifier du processus de création et des conditions dans lesquelles elle est investie des droits d'auteur.

En l'espèce, pour juger que [U] [C] est l'auteur de la suspension VERTIGO, il suffira de relever que celle-ci est présentée tant par la presse qu'à l'occasion de salons comme sa créatrice, ce depuis 2008 (pièce DEM 1.1, 3.bis) et qu'il est donc justifié de sa divulgation sous son nom, peu importe dans ces conditions, que la pièce 3 non datée ne permette pas de confirmer que cette suspension a été créée en 2004 dans le cadre de ses études à l'école de design ENSCI.

Ensuite, les demanderesses produisent le contrat de cession signé par la société [U] [C] et la société PETITE FRITURE le 7 octobre 2009 (pièce DEM 4.1) aux termes duquel la première à cédé à la seconde à titre exclusif, « pour toute la durée de protection (ses) droits d'auteur sur le modèle  (VERTIGO) », ce contrat étant accompagné d'une attestation signée le même jour par [U] [C], qui déclare en être l'unique auteur.

Au regard de ces éléments, il est suffisamment établi que la société PETITE FRITURE détient les droits patrimoniaux sur la suspension VERTIGO, [U] [C] étant pour sa part, titulaire des droits moraux.

1.2 - Originalité

Les demanderesses décrivent la suspension VERTIGO comme une structure ronde et ondulée, l'ensemble présentant un aspect aéré. Elles précisent qu'elle est composée d'un abat-jour de forme conique évasé et fixé en son milieu, des rubans formant des tiges étant disposés en rayons de la partie inférieure de l'abat-jour central vers l'extérieur de la suspension. Elles ajoutent que la disposition en rayons des rubans crée un ajour qui, lorsque la suspension est allumée, engendre de subtils jeux d'ombre et de lumière et que la suspension prend la forme d'un huit lorsqu'elle est regardée de profil, du fait de l'ondulation de l'armature extérieure. Elles terminent en exposant que ces caractéristiques font de la suspension VERTIGO une véritable sculpture lumineuse, que son design rappelle celui d'une capeline et que sa forme sinusoïdale et son volume lui confèrent un style aérien.

Elles soutiennent ne pas revendiquer tout type de suspension composée d'une structure ronde et ondulée formant un 8 mais la combinaison d'éléments ornementaux telle que décrite se distinguant très nettement de l'art antérieur et exprimant un parti pris esthétique et le choix personnel de son auteur. Elles terminent en faisant valoir que la suspension VERTIGO a initié la tendance des modèles de suspensions graphiques présentant des rayons allant du centre aux extrémités de l'abat-jour mais dont aucune ne peut rivaliser avec sa combinaison originale sauf à être contrefaisantes.

La société ATHEZZA réplique qu'il est fait de la suspension litigieuse par les demanderesses, une description objective et technique qui ne permet ni de caractériser l'originalité revendiquée ni d'expliquer en quoi elle porterait l'empreinte de la personnalité de son auteur. Elle relève que ce type de suspension filaire s'inscrit dans une tendance que la société ATHEZZA et [U] [C] ne peuvent s'approprier et enfin, que l'absence d'antériorité, inopérante en cette matière, ne peut suffire à établir l'originalité de la suspension VERTIGO.

Sur ce,

L'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. L'originalité de l'oeuvre, qu'il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu'elle soit issue d'un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur.
La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose donc pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative.
L'originalité de l'oeuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d'éléments connus.

Lorsque la protection est contestée en défense, l'originalité doit être explicitée et démontrée par celui s'en prétendant auteur qui doit permettre l'identification des éléments au moyen desquels cette preuve est rapportée, ce pour chacune des oeuvres au titre desquelles le droit est revendiqué.

En l'espèce, la suspension VERTIGO est composée d'une structure ronde, rigide mais ondulée à partir de laquelle sont tirés une multitudes de rubans souples qui se rejoignent pour habiller en son centre la structure entourant la douille et son ampoule. Malgré les contraintes techniques propres à ce type de luminaire, [U] [C] est parvenue à créer un ensemble tout à la fois imposant par son envergure (140 à 200 cm) et aérien par sa conception toute en légèreté qui permet à la suspension de s'animer dès qu'un mouvement d'air se forme à proximité. Cette suspension évoque également par ses dimensions généreuses, une cabane -dont elle emprunte le nom dans plusieurs publications- sous laquelle on aimera se réfugier.

Si la société ALTHEZZA soutient tout à la fois que l'effort créatif n'est ainsi pas suffisamment démontré au vu de la multiplication sur le marché, de combinaisons proches de celle qui caractérise la suspension VERTIGO et que l'absence d'antériorité ne peut suffire à établir l'originalité d'une création, force est de constater qu'aucun des luminaires dont elle produit la photographie et qui prennent comme la suspension litigieuse, la forme d'une capeline plus ou moins large, ne présentent une combinaison de nature à traduire la légèreté et le design aérien recherché par [U] [C].

Il n'est de surcroît pas justifié de la date de création de ces antériorités alléguées de sorte que, comme le font valoir les demanderesses, la suspension VERTIGO apparaît comme avant-gardiste sur le marché des luminaires ce qui ne fait que confirmer que [U] [C] s'est suffisamment écartée de l'existant pour proposer une suspension inédite, reflétant l'empreinte de sa personnalité.

La suspension VERTIGO apparaît donc protégeable par le droit d'auteur.

2- Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur

Selon les demanderesses, il ressort de l'examen comparatif des suspensions en cause que celles qui sont commercialisées par la société ATHEZZA constituent la contrefaçon de la suspension VERTIGO et que les quelques différences relevées tenant au choix de la matière, à la taille de l'abat-jour ou encore au nombre de rayons et à leurs formes, sont mineures et inopérantes, la contrefaçon devant s'apprécier au regard des seules ressemblances.

La société ATHEZZA réplique que les caractéristiques revendiquées comme étant originales ne sont pas reprises dans les luminaires qu'elle commercialise ce qui leur donne un effet diamétralement opposé à celui de la suspension VERTIGO.

Sur ce,

En application des dispositions des articles L122-1 et L122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité.
La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première.

En l'espèce les suspensions en litige sont illustrées ci-dessous :

Si comme la suspension VERTIGO, la structure ronde et ondulée des luminaires allégués de contrefaçon prend la forme d'un huit lorsqu'elle est regardée de profil, la combinaison originale des caractéristiques n'est pas reprise.

Les suspensions litigieuses en effet, au contraire de renvoyer l'image d'une structure aérienne, mobile et légère évoquant la liberté, se présentent comme des luminaires massifs dont les tiges métalliques renvoient l'image de barreaux, cette impression de rigidité étant accentuée par la présence d'une chaîne à gros maillon fixée au niveau de la douille.

La suspension VERTIGO tire également son originalité de sa légèreté qui la rend très sensible aux mouvements d'air -évoquant pour sa créatrice une danse- or, celle-ci ne se retrouve pas davantage dans les suspensions alléguées de contrefaçon dont la structure métallique exclut pareille sensibilité.

Enfin, elles ne peuvent davantage évoquer une cabane au regard de leurs dimensions nettement plus modestes.

Les actes de contrefaçon n'apparaissant ainsi pas constitués, les demandes formées de ce chef seront rejetées.

3- Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire

A titre subsidiaire, la société PETITE FRITURE soutient que la société ATHEZZA a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale, en commercialisant une suspension qui constitue selon elle, la copie de la sienne sans que cela ne soit justifié par des impératifs d'ordre technique ce qui entraîne auprès du public concerné, un risque de confusion entretenu par la défenderesse via des publications sur internet. Elle ajoute qu'en se contentant d'imiter la suspension VERTIGO, cette dernière a bénéficié de façon indue de sa notoriété tout en s'épargnant les coûts nécessaires à la conception, la création et à la promotion d'un nouveau produit.

La société ATHEZZA réplique que compte tenu des différences mais également des conditions respectives de commercialisation des suspensions en litige et de leur dénomination, le consommateur comme la clientèle professionnelle, ne pourra se méprendre sur l'origine des produits.

Sur ce,

Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou ceux, parasitaires, qui tirent indûment profit d'une valeur économique d'autrui et procurent à leur auteur un avantage concurrentiel injustifié issu d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

En l'espèce, les demandes formées par la société PETITE FRITURE au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire étant principalement fondées sur les ressemblances entre les suspensions en litige et accessoirement sur leurs conditions de commercialisation, elles ne peuvent qu'être rejetées au regard des précédents développements relatifs aux actes de contrefaçon.

4-Demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d'exécution de la décision:

La société PETITE FRITURE et [U] [C], partie perdante, supporteront la charge des dépens.

La société PETITE FRITURE doit en outre être condamnée à verser à la société ATHEZZA, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 7000 euros.

L'exécution provisoire étant justifiée au cas d'espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT que la suspension VERTIGO créée par [U] [C] est originale et protégeable par le droit d'auteur ;

REJETTE les demandes formées par [U] [C] et la société PETITE FRITURE au titre du droit d'auteur ;

REJETTE les demandes formées par [U] [C] et la société PETITE FRITURE fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire ;

CONDAMNE la société PETITE FRITURE à verser à la société ATHEZZA la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [U] [C] et la société PETITE FRITURE aux dépens ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la décision.

Fait et jugé à [Localité 9] le 20 novembre 2020.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/9999
Date de la décision : 20/11/2020

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2020-11-20;19.9999 ?
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