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04/09/2020 | FRANCE | N°18/09530

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 04 septembre 2020, 18/09530


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 3ème section

No RG 18/09530
No Portalis 352J-W-B7C-CNPRN

No MINUTE :

Assignation du :
30 juillet 2018

JUGEMENT
rendu le 04 septembre 2020
DEMANDERESSES

Société ADIDAS AG représentée par Madame [W] [H]
domiciliée : chez Adidas International Marketing BV
[Adresse 7]
[Adresse 8]
[Adresse 2])

Société ADIDAS FRANCE S.A.R.L. représentée par son gérant Monsieur [D] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentées par Me Emmanuel LARERE de l'AARPI GIDE LOY

RETTE NOUEL AARPI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T03

DÉFENDERESSES

Société IM PRODUCTION S.A.S.
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 6]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 3ème section

No RG 18/09530
No Portalis 352J-W-B7C-CNPRN

No MINUTE :

Assignation du :
30 juillet 2018

JUGEMENT
rendu le 04 septembre 2020
DEMANDERESSES

Société ADIDAS AG représentée par Madame [W] [H]
domiciliée : chez Adidas International Marketing BV
[Adresse 7]
[Adresse 8]
[Adresse 2])

Société ADIDAS FRANCE S.A.R.L. représentée par son gérant Monsieur [D] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentées par Me Emmanuel LARERE de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T03

DÉFENDERESSES

Société IM PRODUCTION S.A.S.
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 6]

Société ISABEL MARANT DIFFUSION S.A.S.
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentées par Me Corinne VALLERY MASSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0460 et Me Dorothée BARTHÉLEMY DELAHAYE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Président
Laurence BASTERREIX, Vice-Président
Elise MELLIER,Juge

assistée de Alice ARGENTINI, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 24 Juin 2020
par moyen de télécommunication audiovisuelle

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Le groupe ADIDAS crée et commercialise dans le monde entier des articles de sport et notamment des vêtements.
La société ADIDAS FRANCE en assure la commercialisation et la distribution en France.

La société de droit allemand ADIDAS AG est titulaire :

- de la marque figurative de l'Union européenne no003517588 déposée le 3 novembre 2003 régulièrement renouvelée pour désigner des vêtements en classe 25 et constituée de trois bandes parallèles de même longueur et de même largeur appliquées sur un haut de vêtement :

- de la marque figurative de l'Union européenne no003517661 déposée le 3 novembre 2003 régulièrement renouvelée pour désigner des vêtements en classe 25 et constituée de trois bandes parallèles de même longueur et de même largeur appliquées sur un bas de vêtement :

- de la marque française figurative no1 280 280, déposée le 25 juillet 1984 et renouvelée pour désigner des survêtements en classe 25 :

Ces trois marques, appelées les « marques aux trois bandes », sont exploitées en France et dans le monde entier et sont apposées sur des vêtements commercialisés par le groupe ADIDAS.

La société IM PRODUCTION crée les modèles de la marque ISABEL MARANT et la société ISABEL MARANT DIFFUSION en assure la commercialisation.

Les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE ont constaté la commercialisation, sur le site etlt;www.isabelmarant.cometgt;  ainsi que dans les magasins ISABEL MARANT, des produits de la collection printemps-été 2018 qu'elles considèrent être une contrefaçon des « marques aux trois bandes », à savoir :
- une veste de type haut de survêtement de sport comportant, le long de chaque manche, deux bandes parallèles portant la référence « Veste zippée Darcy » :

- un pantalon de type bas de survêtement de sport comportant, le long de chaque jambe, deux bandes parallèles portant la référence « Pantalon Doriann » :

- un pantalon comportant, le long de chaque jambe, deux bandes parallèles portant la référence « Jean imprimé Fliff » :

Par courrier du 16 février 2018, les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE ont mis la société IM PRODUCTION en demeure de cesser toute commercialisation de ces produits, ce qu'elle a refusé par courrier du 09 mars 2018.

Les demanderesses ont fait constater le 16 mars 2018 par procès-verbal d'huissier l'offre à la vente des produits litigieux sur le site Internet  etlt;www.isabelmarant.cometgt;  et ont, le 28 mars 2018, procédé à l'achat des produits litigieux sur ledit site.

Les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE ont ensuite découvert que d'autres modèles litigieux ont été commercialisés par les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION dans les collections automne 2018 et printemps 2019 :

Pantalon Dobbs

Pantalon Dario

Pantalon Docia

Short Dorset

Veste zippée Darcey
Cardigan Darcey

Pantalon Derring

Veste zipppée Danily

Considérant que ces modèles portaient atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle, les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE ont fait assigner devant ce tribunal, par acte du 30 juillet 2018, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, et à titre subsidiaire, atteinte aux marques renommées.

Dans le dernier état de leurs prétentions, suivant conclusions signifiées par voie électronique le 20 décembre 2019, les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE demandent au tribunal de :
Vu l'article 9 du Règlement sur la marque de l'Union européenne no 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
Vu les articles L. 713-3, L. 716-1, L.716-7-1, L.716-7-1 A, L. 716-14, et L.716-15 et L.717-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu l'article 1240 (nouveau) du code civil ;
Vu les pièces versées au débat,

A titre principal :
- Ordonner aux sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion de communiquer aux sociétés Adidas les documents suivants :

- l'identité et les coordonnées complètes des fournisseurs, fabricants et distributeurs des produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann","Jean imprimé Fliff",veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario",pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring" et veste "Danily";

- une attestation du commissaire aux comptes des sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion ou d'un expert-comptable indépendant, reprenant les informations suivantes :

? quantités produites des produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann", "Jean imprimé Fliff", veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario", pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring" et veste "Danily", référence par référence, en tous coloris ;
? volume des ventes réalisées en Union Européenne pour les produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann", "Jean imprimé Fliff", veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario", pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring"et veste "Danily", référence par référence, en tous coloris ;
? volume des produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann", "Jean imprimé Fliff", veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario", pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring" et veste "Danily" encore au stock, en tous coloris ;
? commandes de réassort de produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann", "Jean imprimé Fliff", veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario", pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring" et veste "Danily" éventuellement en cours ;
? chiffre d'affaires réalisé en Union Européenne pour les produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann", "Jean imprimé Fliff", veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario", pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring" et veste "Danily", référence par référence, en tous coloris ;
? marge réalisée en Union Européenne pour les produits référencés "Veste zippée Darcy", "Pantalon Doriann", "Jean imprimé Fliff", veste "Darcey", pantalon "Docia", pantalon "Dario", pantalon "Dobbs", short "Dorset", pantalon "Derring" et veste "Danily", référence par référence, en tous coloris.

-Dire et juger que la fabrication, détention, l'offre à la vente et la vente de vêtements reproduisant illicitement les marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 de la société Adidas AG, constituent des actes de contrefaçon au sens des dispositions légales précitées ;

-Dire et juger qu'en fabriquant, détenant, offrant à la vente et en vendant des vêtements contrefaisant les marques de la société Adidas AG, les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Adidas France ;

En conséquence,
- Condamner solidairement les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion à payer à la société Adidas AG la somme forfaitaire, sauf à parfaire, de cent vingt mille euros (120.000 €) en réparation du préjudice patrimonial subi du fait de la contrefaçon des marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 ;
- Condamner solidairement les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion à payer à la société Adidas AG la somme de cinquante mille euros (50.000 €) en réparation de son préjudice moral du fait de la contrefaçon des marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 ;
- Condamner solidairement les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion à payer à la société Adidas France la somme, sauf à parfaire, de cent cinquante mille euros (150.000 €) en réparation du préjudice économique qu'elle a subi, du fait du manque à gagner commercial et du détournement de sa clientèle en raison de la commercialisation des produits litigieux ;

Subsidiairement :
- Dire et juger qu'en utilisant des signes portant atteinte aux marques renommées de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280, les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion ont exploité, de façon injustifiée, les marques précitées et leur ont porté préjudice, de sorte qu'elles ont engagé leur responsabilité au regard des articles L. 713-5 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 9 du Règlement sur la marque de l'Union européenne no 2017/1001 du 14 juin 2017 tel qu'ils doivent être appliqués conformément à la jurisprudence de la CJUE ;

En conséquence,
- Condamner solidairement les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion à payer à la société Adidas AG la somme de cent vingt mille euros (120.000 €) à la société Adidas AG en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte aux marques renommées de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 ;

En toute hypothèse,
- Faire interdiction aux sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, d'une part, de continuer à fabriquer, détenir et distribuer les pantalons, vestes et shorts litigieux revêtus de deux bandes le long des jambes et des manches, en tous coloris, d'autre part d'apposer ou de faire apposer sur des vêtements des signes imitant ou reproduisant les marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 de la société Adidas AG, sous quelque forme que ce soit, de fabriquer, d'importer, de détenir, de promouvoir, d'offrir à la vente et de vendre des produits reproduisant ou imitant ces marques, chacune de ces interdictions étant assortie d'une astreinte définitive de trois cents euros (300 €) par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Ordonner le rappel des circuits commerciaux, pour l'ensemble du territoire de l'Union européenne, aux frais des défenderesses et sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard, à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement à intervenir, de tous les produits litigieux, dans tous coloris, publicités et autres matériels de vente imitant ou reproduisant les marques précitées de la société Adidas AG, en la possession des sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion ou de tout tiers ;

- Ordonner la destruction, aux frais des sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion, sous contrôle d'un huissier de justice, et sous astreinte de cent cinquante euros (150 €) par jour de retard à compter du vingtième jour suivant la signification du jugement à intervenir, de l'ensemble des produits contrefaisants, dans tous coloris, et, le cas échéant, des publicités et autres matériels de vente reproduisant ou imitant les marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 de la société Adidas AG ;

- Dire et juger que le tribunal de grande instance de Paris sera compétent pour connaître de la liquidation des astreintes qu'il aura ordonnées ;

- Ordonner la publication, aux frais des sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion, du jugement à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix d'Adidas AG et d'Adidas France, dans la limite de cinq mille euros hors taxe (5.000 € H.T.) par insertion ;

- Condamner solidairement les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion à rembourser aux sociétés Adidas AG et Adidas France la somme de quatre mille neuf cents euros (4.900 €) correspondant au sondage réalisé par l'institut GfK, et à leur verser la somme de vingt-cinq mille euros (25.000 €) chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les sociétés IM Production et Isabel Marant Diffusion aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Emmanuel Larere, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 janvier 2020, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION sollicitent du tribunal de :
Vu l'article 9 du Règlement (CE) sur la marque de l'Union Européenne no2017/1001 du 14 juin 2017 ;
Vu les articles L. 713.3, L. 716.1, L. 716.8 et L ; 716.9, L. 716.14 et L. 716.15 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu l'article 1240 du code civil, l'article 700 du code de procédure civile
Vu les présentes conclusions et les pièces jointes ;

- Dire et juger que les sociétés IM PRODUCTION et IM DIFFUSION n'ont pas commis d'actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280

En conséquence :
- Dire et juger que les sociétés IM PRODUCTION et IM DIFFUSION n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Adidas France ;

- Dire et juger que les sociétés IM PRODUCTION et IM DIFFUSION n'ont pas porté atteinte aux marques renommées de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 et n'ont pas, en commercialisant les vêtements incriminés, exploité de façon injustifiée les marques précitées ;

- Débouter les demanderesses de l'ensemble de leurs prétentions et de toutes fins qu'elles comportent ;

- Condamner solidairement les sociétés Adidas AG et Adidas France à verser à chacune des sociétés IM PRODUCTION et IM DIFFUSION la somme de 45.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les sociétés Adidas AG et Adidas France aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Corinne Vallery Masson conformément à l'article 699 du code de procédure civile;

La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 février 2020 et l'affaire plaidée le 24 juin 2020 par visioconférence en application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020, l'audience initialement prévue le 4 juin 2020 n'ayant pu se tenir compte tenu de la situation sanitaire en France.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-Sur la contrefaçon de marque

Selon la société ADIDAS AG, les produits créés et commercialisés par les défenderesses constituent la contrefaçon par imitation de ses marques. Elle soutient que, pour chacun des produits litigieux, les bandes ont été apposées et alignées de la même manière que les trois bandes de ses marques, à savoir : des bandes verticales, parallèles, contrastantes, de même longueur ou de longueur à peine différente, de même largeur et apposées sur le côté du vêtement le long de la manche ou de la jambe, l'ensemble de ces éléments ne correspondant à aucun impératif technique ou décoratif.
La société ADIDAS AG ajoute que le risque de confusion ne fait pas de doute, le signe apposé sur les produits litigieux reprenant toutes les singularités des bandes ADIDAS, le fait qu'une bande soit retranchée sur les produits litigieux n'étant pas de nature à modifier l'impression d'ensemble produite dans l'esprit du public ni à supprimer le risque de confusion qui en découle. La demanderesse fait valoir que le risque de confusion est d'autant plus élevé que les marques invoquées bénéficient d'une grande notoriété et donc d'un pouvoir attractif important.
Enfin, pour la société ADIDAS AG, les produits en cause sont identiques, les marques invoquées étant déposées pour désigner des produits de vêtements ou de survêtements en classe 25.

Les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION répliquent tout d'abord que l'une des caractéristiques des marques invoquées est l'utilisation de trois bandes noires sur fond blanc ou de trois bandes blanches sur fond noir de sorte que le fait de modifier le nombre de bandes, d'augmenter la largeur des bandes et d'en modifier la couleur confère une impression d'ensemble différente. Elles soutiennent ensuite, s'agissant des vestes litigieuses, que la présence, en plus des deux bandes présentes sur les manches, de lignes horizontales sur les poignets et le col ainsi que du logo de la marque ISABEL MARANT confère une impression visuelle distincte. Les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION font également valoir, s'agissant du short litigieux, qu'aucune des marques revendiquées ne porte sur un short et que les deux bandes présentes sur le produit litigieux sont de couleurs différentes. Elles soutiennent que les vêtements litigieux n'ont ni les mêmes points de vente, ni les mêmes prix, ni le même positionnement de sorte qu'un consommateur ne peut penser que les vêtements des défenderesses proviennent des sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE.

Enfin, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION contestent tout risque de confusion en ce que la représentation de deux bandes sur des vêtements, dans un marché où l'ensemble des acteurs de la mode proposent de nombreux produits également pourvus de bandes, caractérise un usage que le public percevra comme décoratif et non comme garantissant une origine commerciale.

Sur ce,
La société ADIDAS AG est titulaire de la marque figurative de l'Union européenne no 003517588 déposée en noir et blanc le 3 novembre 2003 en classe 25 pour désigner des vêtements. Elle se compose « de trois bandes parallèles de même taille et de même largeur, apposées sur un vêtement de dessus ; les bandes font un tiers (1/3) ou plus de la longueur latérale de la manche du vêtement » (pièces ADIDAS no1.1).

Elle est également titulaire de la marque figurative de l'Union européenne no 003517661 déposée en noir et blanc, le 3 novembre 2003 en classe 25 pour désigner des vêtements. Elle se compose « de trois bandes parallèles de même taille et de même largeur, apposées sur un pantalon ou un short ; les bandes font un tiers (1/3) ou plus de la longueur latérale du pantalon ou du short » (pièces ADIDAS no1.2).

Enfin, la société ADIDAS AG est titulaire de la marque figurative française no 1 280 280 déposée en noir et blanc le 25 juillet 1984 en classe 25 pour désigner des « survêtements en particulier survêtement de sport et de loisir ». Il est précisé que « les trois bandes sont de même couleur contrastant avec la couleur du vêtement, elles sont équidistantes, parallèles, séparées par deux intervalles ; elles sont apposées le long du bras, du col à l'extrémité de la manche et le long de la jambe, de la ceinture à l'extrémité inférieure du pantalon, verticalement et symétriquement de part et d'autre du vêtement » (pièces ADIDAS no1.3).

Ces trois marques ont été dûment renouvelées.

La société ADIDAS AG établit, par la production du procès-verbal d'huissier du 16 mars 2018 (pièce 5.1), les achats réalisés le 28 mars 2018 (pièces 5.2 à 5.5) et les copies d'écran des sites internet etlt;www.isabelmarant.cometgt; et etlt;www.24sevres.cometgt; (pièce 5.6), la commercialisation par les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION :
- de vestes de type haut de survêtement de sport comportant, le long de chaque manche, deux bandes parallèles (vestes référencées « DARCY », « DARCEY » et « DANILY ») ;
- de pantalons de type bas de survêtement de sport comportant, le long de chaque jambe, deux bandes parallèles (pantalons référencés « DORIANN », « DOCIA », « DARIO », « DOBBS » et « DERRING ») ;
- d'un pantalon comportant, le long de chaque jambe, deux bandes parallèles (jean référencé « FLIFF ») ;
- d'un short de type sport comportant, le long de chaque jambe, deux bandes parallèles (short référencé « DORSET ») (pièces ADIDAS no5.1 et 5.6).

Les signes en présence étant différents, c'est donc, s'agissant des marques de l'Union européenne, au regard de l'article 9 §1 et 2 du règlement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, se substituant au règlement (CE) 207/2009, que doit être appréciée la contrefaçon. Selon cet article :
« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...)
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ».

S'agissant de la marque française, c'est au regard de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de l'ordonnance no 2019-1169 du 13 décembre 2019 applicable aux procédures en cours, que doit être appréciée la contrefaçon, lequel dispose : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ».

Il convient plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.

Les produits litigieux commercialisés par les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION, qui sont des vestes, des pantalons et un short et donc des vêtements, sont identiques aux produits visés à l'enregistrement des marques de l'Union européenne. De même, à l'exception du pantalon référencé « jean imprimé FLIFF », les produits litigieux sont de type survêtement ou plus généralement de type sport et sont donc identiques ou à tout le moins similaires aux produits visés à l'enregistrement de la marque française.

S'agissant de marques figuratives, seule une comparaison visuelle est possible. Les marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 sont composées de trois bandes équidistantes, parallèles et contrastantes, de même longueur et de même largeur appliquées, pour la première marque, sur un haut de vêtement le long d'une manche du col au poignet et pour la seconde, sur un bas de vêtement le long de la jambe. La marque française no 1 280 280 est pour sa part composée de trois bandes équidistantes, parallèles, séparées par deux intervalles, apposées le long du bras, du col à l'extrémité de la manche et le long de la jambe, de la ceinture à l'extrémité inférieure du pantalon, verticalement et symétriquement de part et d'autre du vêtement.
De leur côté, les vestes litigieuses référencées « DARCY », « DARCEY » et « DANILY » sont composées de deux bandes épaisses, parallèles de même taille et de largeur quasiment identique, séparées par un espace d'une largeur plus fine que celle des bandes, appliquées le long des manches du col aux poignets. Figurent également sur ces vestes le logo ISABEL MARANT apposé à hauteur de poitrine, ainsi que, pour la veste « DARCY », une bande horizontale disposée au milieu des poignets et de la taille (pièces ADIDAS no5.3 et 5.6). Il résulte de ces éléments une similitude visuelle moyenne entre les marques invoquées et les éléments figuratifs reproduits sur les vestes litigieuses.

Les pantalons litigieux référencés « DORIANN », « DOCIA », « DARIO », « DOBBS » et « DERRING » sont composés des mêmes bandes que celles figurant sur les vestes, disposées le long des jambes, du haut de la ceinture au bas du pantalon (pièces ADIDAS no5.2 et 5.6). Il en résulte également une similitude visuelle moyenne avec les marques invoquées.

Le short référencé « DORSET » se compose de deux bandes parallèles de même taille, de même largeur et de couleur différente, séparées par un espace de largeur légèrement plus petite, apposées le long de la jambe, de la ceinture au bas du short (pièce ADIDAS no5.6). Il en résulte une similitude visuelle moyenne à forte, étant précisé que les marques de la société ADIDAS AG sont déposées en noir et blanc de sorte que la différence de couleur entre les deux bandes du short litigieux ne conduit pas à écarter toute similitude visuelle. Les sociétés ADIDAS ont d'ailleurs elles-mêmes commercialisé des produits dont les bandes étaient toutes de couleur différentes (pièce ADIDAS no3.1.16).

Enfin, le pantalon référencé « FLIFF » est un jean dont le tissu est composé de motifs fleuris sur un fond bleu foncé. Le long des jambes, sont apposées deux bandes parallèles, de même largeur et de taille quasiment identique séparées par un espace de largeur plus petite, partant du dessous de la ceinture pour l'une et du bas de la poche avant pour l'autre et allant jusqu'à l'extrémité inférieure du pantalon. Ces bandes sont brodées au fil rouge (pièce ADIDAS no5.4). Les bandes figurant sur le jean étant d'un aspect particulier et très différent, notamment parce qu'apposées sur un jean à motifs et présentant des longueurs différentes de celles des marques invoquées, elles conduisent à une similitude visuelle faible entre les bandes apposées sur le pantalon « FLIFF » et les marques de la société ADIDAS AG.

A ces similitudes visuelles moyennes, voire faibles, s'ajoute la notoriété des marques de la société ADIDAS AG, connues sous le nom de « marques aux trois bandes » ( pièces ADIDAS no3.1.1, 3.2.3, 3.2.9, 3.2.13). Dans le sondage réalisé par les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE, 65% des personnes ayant attribué la figure de la marque de l'Union européenne no 003517661 à ADIDAS disent avoir fait ce choix en raison des trois bandes. Seulement 19% disent avoir cité ADIDAS en raison de « bandes/rayures/barres/traits » et 17% en raison de « bandes latérales/sur le côté » (pièce ADIDAS no8). Loin d'accentuer le risque de confusion, la grande notoriété des marques revendiquées comme étant les « marques aux trois bandes » réduit au contraire un tel risque de confusion avec des vêtements comportant seulement deux bandes, a fortiori lorsque celles-ci sont d'aspect différent en raison de leur largeur, de leur espacement ou de leur matière.

Enfin, le public pertinent en l'espèce est constitué des acheteurs de vêtements des sociétés ADIDAS, soit un public large d'attention moyenne, mais attentif aux sigles, qui ne saurait être trompé au vu de la notoriété des « marques aux trois bandes ».

Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble, que la similitude relative entre les signes, même compensée par l'identité ou du moins la similitude entre les produits, à laquelle s'ajoute la grande notoriété des marques de la société ADIDAS AG comme étant les « marques aux trois bandes » exclut tout risque de confusion par le grand public.

La contrefaçon par imitation n'est donc pas caractérisée et les demandes formées à ce titre seront rejetées.

2-Subsidiairement, sur l'atteinte aux marques de renommée

La société ADIDAS AG soutient subsidiairement  que les défenderesses ont porté atteinte à ses marques renommées, le public établissant nécessairement un lien entre les deux bandes apposées sur les articles litigieux et les marques revendiquées.
Elle fait valoir que les agissements litigieux des sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION ont eu pour effet de porter atteinte à l'attractivité de ses marques en raison de leur banalisation et que les sociétés défenderesses ont indûment tiré profit du caractère distinctif, de la renommée et du pouvoir d'attraction des marques revendiquées. La société ADIDAS AG précise qu'elle est maintenant présente dans le monde de la mode généraliste et de la mode de luxe.

En réplique, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION soutiennent que la demanderesse ne démontre pas le lien que pourrait faire un consommateur entre les marques revendiquées et les produits litigieux, qu'elle ne démontre pas davantage que l'attrait du consommateur pour ses marques serait diminué ni que ce dernier ait modifié son comportement économique consécutivement à l'usage du signe incriminé sur les vêtements litigieux ou qu'il existe un risque sérieux d'une telle modification. Enfin, les défenderesses estiment que, quand bien même le public pourrait penser aux marques de la société ADIDAS AG lorsqu'il se trouve face aux produits litigieux, une telle circonstance ne suffit pas en elle-même à diminuer la force d'attraction des marques invoquées.

Sur ce,
En application de l'article 9 §2 du règlement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017, « le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice ».

L'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'ordonnance précitée du 13 décembre 2019, contient les dispositions similaires suivantes : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice ».

Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment – mais pas exclusivement – pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/ OHMI et The Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). Enfin, il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, étant précisé que l'intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408/01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53).

En l'espèce, le public pertinent est celui du consommateur de vêtements et d'accessoires de sport.

Les pièces versées aux débats relatives à l'historique des produits ADIDAS et notamment des vêtements « à trois bandes » (pièce ADIDAS no3.1.1), les catalogues depuis 1977 (pièces ADIDAS 3.1.3 à 3.1.16), la commercialisation de vêtements composés des marques invoquées (pièces ADIDAS 3.1.2, 3.1.17 et 3.1.18), les références aux marques et leur promotion dans la presse (pièces ADIDAS 3.2), les partenariats avec des personnalités ou des marques de luxe (pièces ADIDAS no3.2.1 à 3.2.10) et le sondage réalisé dans lequel 64% des personnes interrogées associent spontanément à ADIDAS le dessin d'un pantalon revêtu de trois bandes (pièces ADIDAS no8), attestent de l'ancienneté de la marque et de son exploitation continue depuis les années 1960, de l'utilisation des marques comme motifs des produits commercialisés et de la reconnaissance par le public et caractérisent ainsi la renommée des marques de la société ADIDAS AG, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION.

Il est également amplement démontré, de part et d'autre, l'émergence depuis le milieu des années 2010, de la tendance sportswear qui a fait du jogging un vêtement de tous les jours, le sortant du seul milieu sportif (pièces ADIDAS no3.2.29 à 3.2.42 et pièces IM no9, 11, 13 et 19). La participation d'ADIDAS à cette nouvelle tendance ressort notamment des articles de presse mentionnant ou rendant hommage aux marques « aux trois bandes » (pièces ADIDAS no3.2.29 à 3.2.43).

Les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION ont commercialisé des vestes, des pantalons et un short de type survêtement sur lesquels sont apposées deux bandes parallèles, contrastantes, de même longueur et de largeur quasiment identique. Si la ressemblance visuelle entre les produits litigieux et les marques de la société ADIDAS AG est moyenne, comme vu précédemment, la particulière renommée des marques « aux trois bandes » de la société ADIDAS AG et leur forte distinctivité, de même de l'identité des produits – à savoir des vêtements – et l'émergence du sportswear dans les collections de marques de luxe conduit à ce qu'un lien soit nécessairement établi entre les produits des sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION et les marques de renommée de la société ADIDAS AG. Cela est notamment corroboré par les différents articles de presse mentionnés précédemment et associant presque systématiquement ADIDAS à la mode actuelle du sportswear.
Il en va toutefois autrement s'agissant du pantalon référencé « jean imprimé FLIFF » qui ne rentre pas dans cet univers sportswear et dont la ressemblance visuelle avec les marques de la société ADIDAS AG est faible.

En procédant ainsi, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION portent atteinte à la renommée des marques « aux trois bandes » ainsi qu'à leur pouvoir distinctif. Si les pantalons à bandes sont particulièrement mis en avant au sein de la tendance sportswear, il en va d'une part différemment des vestes et d'autre part, de nombreux opérateurs ont réussi à s'inscrire dans cette tendance en s'éloignant suffisamment des marques de la société ADIDAS AG contrairement aux défenderesses (pièce IM no15 et pièce ADIDAS no3.2.42). Il importe peu que les produits des sociétés défenderesses soient commercialisés à des prix différents de ceux des sociétés ADIDAS, ni même que ces dernières réalisent un chiffre d'affaires croissant depuis plusieurs années, la commercialisation de produits qui conduisent les consommateurs à faire un lien avec les marques « aux trois bandes » et la multiplication de tels produits entraînant une dilution desdites marques de renommée, alors même que les sociétés ADIDAS ont développé des partenariats pour maintenir la distinctivité de celles-ci, comme le soulignent d'ailleurs les défenderesses elles-mêmes.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'atteinte aux marques de renommée est caractérisée et engage la responsabilité des défenderesses, à l'exclusion toutefois de la commercialisation du pantalon référencé « jean imprimé FLIFF ».

3-Sur les demandes au titre de l'atteinte aux marques de renommée

La société ADIDAS AG sollicite que les défenderesses soient condamnées à lui verser la somme forfaitaire de 120.000 euros en raison de la dilution de ses marques et de la perte d'exploitation des marques notoires invoquées.

Les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE sollicitent en outre des mesures d'information afin de déterminer l'étendue de la contrefaçon alléguée et mieux évaluer le préjudice subi, ainsi que des mesures d'interdiction, de rappel et de destruction des produits litigieux et de publication du jugement à intervenir.

Les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION contestent les mesures d'information sollicitées et considèrent que les demanderesses ne démontrent pas leur préjudice.

Sur ce,
En application de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'issu de l'ordonnance no2019-1169 du 13 décembre 2019, également applicable à l'atteinte portée à une marque de renommée, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

Compte tenu des atteintes portées aux marques de la société ADIDAS AG, ainsi que de la valeur de ces marques, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION seront condamnées au paiement de la somme forfaitaire de 100.000 euros en réparation du préjudice en résultant.

Il sera par ailleurs fait droit aux demandes d'interdiction selon les modalités exposées au dispositif de la présente décision et de rappel des produits aux fins de destruction.

Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande d'information, la société ADIDAS AG disposant de suffisamment d'éléments, notamment s'agissant du prix de vente des produits litigieux et de la durée de commercialisation (environ un an et demi), ni à la demande de publication, le préjudice de la société ADIDAS AG se trouvant déjà suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts.

4-Sur la concurrence déloyale

Selon la société ADIDAS FRANCE, distributeur des produits imités, en commercialisant de nombreux vêtements à deux bandes, les défenderesses ont commis des actes déloyaux à son encontre. Elle dit subir en conséquence un manque à gagner commercial du fait de l'offre à la vente et de la vente de vêtements imitant les marques de la société ADIDAS AG, ce dont il résulte un détournement de clientèle et donc des ventes manquées. La société ADIDAS FRANCE sollicite en conséquence la somme de 150.000 euros en réparation de son préjudice.

En réplique, les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION estiment que les faits étant identiques à ceux allégués au titre de la contrefaçon et cette dernière n'étant pas constituée, les moyens tirés de la concurrence déloyale ne peuvent qu'être rejetés.

Sur ce,
Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou du service.

Or tout comme la contrefaçon de marque, objet des demandes de la société ADIDAS AG, a été rejetée faute de caractérisation d'un quelconque risque de confusion, celui-ci n'est pas plus établi dans le cadre des demandes formées par la société ADIDAS FRANCE, distributrice des produits, au titre de la concurrence déloyale, Dès lors, la demande au titre de la concurrence déloyale de la société ADIDAS FRANCE, distributrice des produits, sera également rejetée.

5-Sur les autres demandes

Les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION, qui succombent, supporteront les dépens et leurs propres frais.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION seront condamnées à payer aux sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE la somme globale de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les circonstances de la cause justifient le prononcé de l'exécution provisoire qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sauf en ce qui concerne la destruction des produits.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute la société ADIDAS AG de ses demandes au titre de la contrefaçon par imitation des marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et française no 1 280 280 dont elle est titulaire,

Dit que la production, l'offre à la vente et la vente par les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION des vestes référencées « DARCY », « DARCEY » et « DANILY », des pantalons référencés « DORIANN », « DOCIA », « DARIO », « DOBBS » et « DERRING » et du short référencé « DORSET », à l'exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé FLIFF », portent atteinte aux marques renommées (marques de l'Union européenne no 003517588 et no 003517661 et marque française no 1 280 280) dont est titulaire la société ADIDAS AG,

Fait interdiction aux sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION, en France et dans quelque Etat de l'Union européenne, de poursuivre la fabrication ou l'importation, la détention, l'offre à la vente et la commercialisation des produits litigieux à l'exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé FLIFF », et ce sous astreinte de 200 euros par infraction constatée, passé le délai d'un mois après la signification du présent jugement,

Ordonne le rappel des circuits commerciaux de l'ensemble des produits litigieux vendus sur le territoire de l'Union européenne, à l'exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé FLIFF », sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

Ordonne la destruction, sous contrôle d'huissier de justice et aux frais des sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION, de l'ensemble des produits litigieux, à l'exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé FLIFF », une fois la présente décision passée en force de chose jugée,

Dit n'y avoir lieu à droit d'information,

Condamne in solidum les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION à payer à la société ADIDAS AG la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée aux marques de renommée précitées,

Déboute la société ADIDAS FRANCE de sa demande au titre de la concurrence déloyale,

Condamne in solidum les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION à payer aux sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE la somme globale de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés IM PRODUCTION et ISABEL MARANT DIFFUSION aux dépens,

Ordonne l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.

Fait et jugé à Paris le 04 septembre 2020

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 18/09530
Date de la décision : 04/09/2020

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2020-09-04;18.09530 ?
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