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06/08/2020 | FRANCE | N°18/04056

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 06 août 2020, 18/04056


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 1ère section

No RG 18/04056 -
No Portalis 352J-W-B7C-CMVHD

No MINUTE :

Assignation du :
19 mars 2018

JUGEMENT
rendu le 06 août 2020
DEMANDERESSE

Société IVECO FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 2]

représentée par Me Isabelle LAGRANGE du Cabinet POIRIER SCHRIMPF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0228

DÉFENDERESSES

Société CAR-MONT
Generala Svatone 729
[Adresse 3] (RÉPUBLIQUE TCHÈQUE)

S.A.S. ATS
[Adresse 4]
[Adresse 5]

rep

résentées par Me Natalia MOYA FERNANDEZ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NAN702, Me Frédéric BOURGUET, avocat au barreau de LI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 1ère section

No RG 18/04056 -
No Portalis 352J-W-B7C-CMVHD

No MINUTE :

Assignation du :
19 mars 2018

JUGEMENT
rendu le 06 août 2020
DEMANDERESSE

Société IVECO FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 2]

représentée par Me Isabelle LAGRANGE du Cabinet POIRIER SCHRIMPF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0228

DÉFENDERESSES

Société CAR-MONT
Generala Svatone 729
[Adresse 3] (RÉPUBLIQUE TCHÈQUE)

S.A.S. ATS
[Adresse 4]
[Adresse 5]

représentées par Me Natalia MOYA FERNANDEZ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NAN702, Me Frédéric BOURGUET, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Gilles BUFFET, Vice président
Laurence BASTERREIX, Vice-présidente

assistés de Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l'audience du 07 juillet 2020 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Gilles BUFFET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

La SA IVECO FRANCE, immatriculée le 28 juillet 1998 au RCS de Lyon, fait valoir qu'elle importe en France des véhicules utilitaires et industriels neufs de marques IVECO qu'elle distribue par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires agréés, ainsi que des autocars et autobus vendus sous les marques IVECO et IRISBUS.

Elle indique qu'elle a mis en place un réseau de distribution sélective fondée sur des critères uniquement qualitatifs pour les pièces et services afférents aux véhicules, autocars et autobus de marques IVECO.

La SA IVECO FRANCE est titulaire :

- d'un modèle communautaire no002327189-0002 enregistré le 16 octobre 2013 intitulé "pare-chocs de véhicules":

- d'un modèle communautaire no002327189-0003 enregistré le 16 octobre 2013 également intitulé "pare-chocs de véhicules":

La SA IVECO FRANCE indique que ces modèles, qui portent sur des pare-chocs latéraux ou "boucliers" arrière d'autocars et autobus, concernent les boucliers droits pour le no002327189-0002 et les boucliers gauches pour le no002327189-0003.

Elle expose que ces modèles de pare-chocs sont notamment montés sur les autobus et autocars suivants : ARWAY C9 E6 (IRISBUS), CROSSWAY C9 E6 INTERCITY(IVECO BUS), CROSSWAY HV C9 E6 (IVECO BUS), CROSSWAY T6 E6 INTERCITY (IVECO BUS) et EVADYS H E6 (IVECO BUS).

La SAS ATS, immatriculée le 8 avril 1993 au RCS de Boulogne-sur-Mer, commercialise des gammes de pièces détachées pour autobus ou autocars.

La société CAR-MONT SRO, filiale de droit tchèque de la SAS ATS, est également distributrice de certaines pièces détachées.

La SA IVECO FRANCE indique qu'elle a eu connaissance que la SAS ATS offrait à la vente sur son site internet à l'adresse etlt;www.ats-bus.cometgt; , une pièce dénommée "bouclier arrière droit Euro 6" portant la référence "ATS97249", que la société BACQUEYRISSES, concessionnaire IVECO BUS, a commandé cette pièce qui lui a été livrée au mois d'octobre 2017 et qu'après examen, elle lui paraissait reproduire le modèle communautaire no002327189-0002.

Autorisée par ordonnance présidentielle du 6 février 2018, la SA IVECO FRANCE a fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 19 février 2018 dans les locaux de la SAS ATS.

Par exploits d'huissier de justice du 19 mars 2018, la SA IVECO FRANCE a fait assigner la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020, de Paris, en contrefaçon de modèles communautaires et de droit d'auteur, concurrence déloyale et parasitaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 décembre 2019, la SA IVECO FRANCE demande au tribunal de :

Vu les articles L111-1, L.112-1 et suivants, L331-1-3, L.521-1 et suivants et L.522-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu le règlement no6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles et notamment les articles 4,5 10 et 19,
Vu l'article 1240 du code civil,

- Dire recevable et bien fondée la société IVECO FRANCE en toutes ses demandes, et en conséquence :

- Constater la validité des modèles communautaires enregistrés sous le no002327189-0003 et sous le no002327189-0002 ;

- Constater, à défaut dire et juger, que la société IVECO France est titulaire d'un droit d'auteur sur les pare-chocs enregistrés sous le no 002327189-0003 et le no 002327189-0002 ;

- Constater, à défaut dire et juger, que les modèles 93300 et 95651 ayant fait l'objet de la saisie-contrefaçon en date du 19 février 2018, constituent des contrefaçons du modèle enregistré sous le no 002327189-0003 ;

- Constater, à défaut dire et juger, que les modèles 97249, 93301, et 95650 ayant fait l'objet de la saisie-contrefaçon en date du 19 février 2018, constituent des contrefaçons du modèle enregistré sous le no 002327189-0002 ;

- Valider la saisie-contrefaçon à laquelle il a été procédé à la requête de la société IVECO FRANCE dans les locaux de la société ATS en date du 19 février 2018 ;

- Dire et juger que les sociétés ATS et CAR-MONT ont commis des actes de contrefaçon des modèles déposés sous les numéros 002327189-0003 et 002327189-0002 au titre de la protection conférée par les dessins et modèles et celle conférée par le droit d'auteur ;

- Faire interdiction à la société CAR-MONT et ATS de fabriquer, importer, exporter, commercialiser et détenir les pare-chocs portant les références 93300 et 95651 qui constituent une contrefaçon du modèle enregistré sous le no 002327189-0003 et ceux portant les références 97249, 93301, et 95650 qui constituent une contrefaçon du modèle enregistré sous le no002327189-0002, et ce sous astreinte de 1.000 euros par modèle commercialisé et 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- Ordonner la confiscation en vue de leur destruction en présence d'un huissier de justice, aux frais des sociétés ATS et CAR-MONT de tout modèle reproduisant les caractéristiques des modèles déposés sous les numéros 002327189-0003 et 002327189-0002 ;

- Condamner les sociétés ATS et CAR-MONT à payer solidairement ou à défaut in solidum à la société IVECO FRANCE i) à titre principal la somme de 107.100 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ou ii) subsidiairement et à défaut : la somme de 50.000 euros à titre forfaitaire au titre du préjudice économique et 50.000 euros au titre du préjudice moral ;

- Constater, à défaut dire et juger, que les sociétés ATS et CAR-MONT ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'égard de la société IVECO FRANCE ;

- Condamner les sociétés ATS et CAR-MONT à payer solidairement ou à défaut in solidum à la société IVECO FRANCE la somme de 50.000 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et du parasitisme ;

- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois publications spécialisées dans le domaine du transport routier et/ou des véhicules utilitaires et poids lourds de diffusion nationale, aux frais des sociétés ATS et CAR-MONT ;

- Débouter les sociétés ATS et CAR-MONT de toutes leurs demandes, fins et conclusions;

- Ordonner l'exécution provisoire dans la mesure où il est fait droit aux demandes de la société IVECO FRANCE ;

- Condamner les sociétés ATS et CAR-MONT à payer solidairement ou à défaut in solidum à la société IVECO FRANCE la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris ceux engagés au titre de la saisie-contrefaçon dont le coût d'acquisition des pièces contrefaisantes.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 novembre 2019, la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO demandent au tribunal de :

Vu les articles 6, 8 et 110 du Règlement 6/2002,

Vu l'article 14 de la directive 98/71/CE,

Vu les articles L.111-1 et suivants, et L.511-8 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article 1240 du code civil,

- CONSTATER l'absence de droits d'auteur de la société IVECO FRANCE sur les pare-chocs (droit et gauche) revendiqués;

- PRONONCER la nullité des modèles communautaires no002327189-0003 et 002327189-0002 ;

A titre subsidiaire, CONSTATER l'absence de contrefaçon :

- en raison des différences entre les modèles comparés, et
- de l'inopposabilité des droits d'auteur et modèles invoqués en vertu de la « clause de réparation » ;

- CONSTATER l'absence d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

- CONSTATER l'absence de préjudice ;

Et, en conséquence :

- DEBOUTER la société IVECO FRANCE de l'ensemble de ses demandes ;

- CONDAMNER la société IVECO France à payer aux sociétés ATS et CAR-MONT une somme totale de 39.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 décembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur la validité des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003:

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO rappellent qu'aux termes de l'article 8 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique, tandis qu'un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui doivent nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour que le produit dans lequel est incorporé ou auquel est appliqué le dessin ou modèle puisse mécaniquement être raccordé à un autre produit, être placé à l'intérieur ou autour d'un autre produit, ou être mis en contact avec un autre produit, de manière que chaque produit puisse remplir sa fonction ; que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 8, paragraphe 1, du règlement no6/2002 exclut la protection au titre du droit des dessins ou modèles communautaires des caractéristiques de l'apparence d'un produit lorsque des considérations d'une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l'aspect visuel, n'ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce, même s'il existe d'autres dessins ou modèles permettant d'assurer cette même fonction ; que, dans un véhicule, c'est bien la ligne générale du véhicule qui impose la plupart des pièces détachées ; que la forme d'un pare-choc de car remplit une triple fonction technique : constituer une protection physique contre les chocs susceptibles d'être subis par le véhicule, aux extrémités et angles du véhicule, selon sa forme particulière, être de forme appropriée et exactement conforme aux lignes extérieures du car et, en conséquence, pouvoir se connecter parfaitement à la structure existante et contraignante du car, et en particulier la carrosserie avant et arrière, étant précisé que la forme des cars et de leurs pièces détachées est contrainte par des conditions strictes, afin d'obtenir les homologations nécessaires ; que les formes de pare-chocs, en particulier arrière, sont bien moins libres que celles, par exemple, des phares ou des jantes, qui présentent très souvent un design caractéristique, reflétant une liberté de création du fabricant ; que la SA IVECO FRANCE reconnaît elle-même que les choix des courbes sur les pare-chocs ont été dictés par les pièces connexes du produit complexe, tels les phares, le coffre et le pot d'échappement, et par la forme générale de ce produit complexe, afin d'obtenir nécessairement un contour classique harmonisé du produit complexe ; que les modèles de pare-chocs invoqués sont banals, n'étant constitués que de caractéristiques fonctionnelles; qu'ils se fondent si bien le long des lignes de contour de l'arrière du car et des lignes de phares et du pot d'échappement, qu'on ne peut les en distinguer; que la forme de ces modèles de pare-chocs est donc intégralement dictée par leur fonction technique et la nécessité de les raccorder au véhicule et à ses éléments existants, tandis qu'aucune caractéristique esthétique propre ne vient créer un aspect non technique, étant précisé que les pare-chocs sont insérés dans la carrosserie et non fixés comme peuvent l'être les pièces détachées protégeables comme les phares et rétroviseurs ; que les modèles en cause sont donc nuls par application de l'article 8 (1) et (2) du règlement (CE) 6/2002.

La SA IVECO FRANCE rappelle qu'en vertu des articles 4 à 8 du règlement (CE) no6/2002, un dessin ou modèle communautaire, pour bénéficier de la protection offerte par ce règlement, doit être nouveau, présenter un caractère individuel et ne pas répondre uniquement à une fonction technique ; que la nouveauté des modèles en cause n'est pas contestée; que, concernant le caractère individuel des modèles, ceux-ci ne ressemblent en rien aux pare-chocs des marques RENAULT/ MERCEDES BENZ/ SETRA/ VOLVO par exemple ou même à d'autres pare-chocs arrière de marque IVECO ; que les pare-chocs objet des modèles présentent un design propre qui diffère d'autres pare-chocs, dont les formes sont totalement différentes ; que, pour bénéficier de la protection offerte au titre des dessins ou modèles communautaires, un dessin ou modèle peut répondre à une fonction technique et s'insérer dans un autre produit dès lors qu'il présente également des caractéristiques individuelles propres nées de la liberté du créateur non guidées uniquement par sa fonction technique ou par le besoin d'incorporation ; qu'il est incontestable que les caractéristiques des modèles de pare-chocs invoqués par la SA IVECO FRANCE sont guidées par des facteurs visuels autres que l'aspect purement fonctionnel des pare-chocs ou la nécessité de les incorporer dans certains bus de marque IVECO, correspondant à un design, des lignes et des contours propres caractérisés par un aspect arrondi moderne, en courbe, qui est indépendant de tous facteurs d'ordre fonctionnel et qui répond à une recherche esthétique de son auteur ; que la procédure d'homologation des cars et bus n'exclut pas que les modèles de pare-choc aient une forme qui leur est spécifique, seul l'aspect technique du véhicule étant l'objet de l'homologation ; que les modèles en litige sont donc valables.

Sur ce :

En application de l'article 1§3 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, le dessin ou modèle communautaire a un caractère unitaire et produit les mêmes effets dans l'ensemble de la Communauté. Sauf disposition contraire du règlement, il ne peut être enregistré, transféré, faire l'objet d'une renonciation ou d'une décision de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l'ensemble de la Communauté.

Conformément à l'article 4 « Conditions de protection » du règlement, la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

A cet égard, en vertu de l'article 6 « Caractère individuel » du règlement :

1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois; b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.
2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle.

Aux termes de l'article 8 du règlement "Dessins ou modèles imposés par leur fonction technique et dessins ou modèles d'interconnexions" :
1. Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.
2. Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui doivent nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour que le produit dans lequel est incorporé ou auquel est appliqué le dessin ou modèle puisse mécaniquement être raccordé à un autre produit, être placé à l'intérieur ou autour d'un autre produit, ou être mis en contact avec un autre produit, de manière que chaque produit puisse remplir sa fonction.
3. Par dérogation au paragraphe 2, un dessin ou modèle communautaire confère des droits sur un dessin ou modèle répondant aux conditions fixées aux articles 5 et 6, qui a pour objet de permettre l'assemblage ou la connexion multiples de produits interchangeables à l'intérieur d'un système modulaire.

Enfin, l'article 4, alinéa 2, du règlement dispose qu'un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d'un produit complexe n'est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où:
a) la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d'une utilisation normale de ce produit, et
b) les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel.

Conformément à l'article 85§1 du règlement « Présomption de validité ? Défense au fond », dans les procédures résultant d'actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide. La validité ne peut être contestée que par une demande reconventionnelle en nullité sauf si le défendeur fait valoir que le dessin ou modèle communautaire pourrait être déclaré nul en raison de l'existence d'un droit national antérieur du défendeur au sens de l'article 25§1d.

Les modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003, dont la SA IVECO FRANCE est titulaire, portent sur des pare-chocs latéraux arrière de véhicules, plus particulièrement, des autobus et autocars.

L'utilisateur averti étant celui à qui le produit dans lequel le modèle est incorporé est destiné, est ici une personne, physique ou morale, intéressée par l'acquisition de pièces détachées, dont des pare-chocs, pour des véhicules de type autobus ou autocar.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO ne font état d'aucune antériorité destructrice de nouveauté des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003, laquelle n'est pas contestée.

Elles considèrent que ces modèles seraient dépourvus de caractère individuel aux motifs qu'ils seraient banals et qu'ils seraient contraints, leur forme étant intégralement dictée par leur fonction technique et la nécessité de raccorder les produits auxquels ils sont incorporés au véhicule et à ses éléments existants, aucune caractéristique propre ne venant créer un aspect non technique.

Sur l'interprétation de l'article 8 du règlement no 6/2002 du 12 décembre 2001, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM GmbH C/ CERAMTEC GmbH (noC395/16), que :

17 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour apprécier si des caractéristiques de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, l'existence de dessins ou modèles alternatifs est déterminante ou s'il y a lieu d'établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques.

18 L'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit qu'un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci.

19 S'agissant de l'expression « caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique », ni l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ni d'autres dispositions de ce règlement, ni même la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO 1998, L 289, p. 28), qui, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 36 de ses conclusions, se trouve à l'origine du contenu de cet article 8, paragraphe 1, ne précisent ce qu'il convient d'entendre par cette expression. En outre, ce règlement et cette directive n'opèrent aucun renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification à retenir de ces termes.

20 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il découle de l'exigence d'une application uniforme du droit de l'Union que, dans la mesure où une disposition de celui-ci ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit trouver, dans toute l'Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de la disposition concernée, mais également de son contexte et de l'objectif poursuivi par la réglementation dont cette disposition fait partie (arrêts du 19 juillet 2012, A, C-33/11, EU:C:2012:482, point 27, et du 7 septembre 2017, Schottelius, C-247/16, EU:C:2017:638, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

21 Partant, l'expression « caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique » désigne une notion autonome du droit de l'Union, qui doit être interprétée de manière uniforme dans l'ensemble des États membres.

22 S'agissant, tout d'abord, du libellé de l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, force est de constater que, en l'absence de définition de ladite expression, celui-ci n'établit aucun critère pour apprécier si les caractéristiques concernées de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci. Il ne ressort donc ni de cet article ni d'aucune autre disposition de ce règlement que l'existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de remplir la même fonction technique que celle du produit concerné constituerait l'unique critère permettant de déterminer l'application dudit article.

23 Concernant, ensuite, le contexte de l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il y a lieu de relever que cette disposition fait partie de la section 1 du titre II de ce règlement, intitulée « Conditions de protection », et vise le cas où la protection n'est pas conférée par un dessin ou modèle communautaire aux caractéristiques de l'apparence d'un produit lorsqu'elles sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci. Selon le considérant 10 dudit règlement, il ne résulte pas de l'exclusion de la protection dans ce cas qu'un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. Il n'est donc pas nécessaire, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 27 de ses conclusions, que l'apparence du produit concerné revête un aspect esthétique pour pouvoir être protégée en vertu du même règlement.

24 Cependant, l'article 3, sous a), du règlement no 6/2002 définit la notion de « dessin ou modèle » comme l'apparence d'un produit ou d'une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux dudit produit ou de son ornementation. En outre, l'article 6, paragraphe 1, de ce règlement, portant sur le caractère individuel d'un dessin ou modèle, qui constitue l'une des conditions de la protection, et l'article 10, paragraphe 1, dudit règlement, concernant l'étendue de la protection, se réfèrent, respectivement, à l'« impression globale » et à l'«impression visuelle globale » que ce dessin ou modèle produit sur un utilisateur averti.

25 Il s'ensuit que, dans le cadre du système prévu par le règlement nº 6/2002, l'apparence constitue l'élément déterminant d'un dessin ou modèle (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C-361/15 P et C-405/15 P, EU:C:2017:720, point 62).

26 Or, une telle constatation tend à soutenir une interprétation de l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 selon laquelle cette disposition exclut de la protection conférée par ce règlement le cas où la nécessité de remplir une fonction technique du produit concerné est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur d'une caractéristique de l'apparence de ce produit, tandis que les considérations d'une autre nature, en particulier celles liées à l'aspect visuel dudit produit, n'ont joué aucun rôle lors du choix de cette caractéristique.

27 Enfin, une telle interprétation de cette disposition est également corroborée par l'objectif poursuivi par le règlement no 6/2002.

28 En effet, il ressort des considérants 5 et 7 dudit règlement que celui-ci a pour objectif de créer un dessin ou modèle communautaire directement applicable dans chaque État membre qui soit protégé pour un territoire unique comprenant tous les États membres et de favoriser l'innovation et le développement de nouveaux produits ainsi que l'investissement dans leur production en accordant une protection accrue à l'esthétique industrielle.

29 S'agissant, en particulier, de l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lu à la lumière du considérant 10 de ce règlement, cette disposition vise à empêcher que l'innovation technologique soit entravée au moyen de la protection des caractéristiques de l'apparence imposées exclusivement par la fonction technique d'un produit.

30 Or, ainsi que M. l'avocat général l'a indiqué aux points 40 et 41 de ses conclusions, si la seule existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction que celle du produit concerné était suffisante pour écarter l'application de l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il ne pourrait être exclu qu'un opérateur économique fasse enregistrer, en tant que dessin ou modèle communautaire, plusieurs formes concevables d'un produit incorporant des caractéristiques de l'apparence de celui-ci qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Cela permettrait à un tel opérateur de bénéficier, à l'égard d'un tel produit, d'une protection en pratique exclusive et équivalente à celle offerte par un brevet, sans être soumis aux conditions qui sont applicables à l'obtention de ce dernier, et serait de nature à empêcher les concurrents d'offrir un produit incorporant certaines caractéristiques fonctionnelles ou limiterait les solutions techniques possibles et priverait ainsi ledit article 8, paragraphe 1, de son effet utile.

31 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'article 8, paragraphe 1, du règlement no6/2002 exclut la protection au titre du droit des dessins ou modèles communautaires des caractéristiques de l'apparence d'un produit lorsque des considérations d'une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l'aspect visuel, n'ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce, même s'il existe d'autres dessins ou modèles permettant d'assurer cette même fonction.

32 Partant, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour apprécier si des caractéristiques de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d'établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l'existence de dessins ou modèles alternatifs n'étant pas déterminante à cet égard.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO opposent que, pour un véhicule, c'est la ligne générale dudit véhicule qui impose la forme de la plupart des pièces détachées, tels les pare-chocs latéraux arrière, qu'il s'agit donc d'une fonction technique de ces pièces, un pare-choc de car devant être de forme appropriée et exactement conforme aux lignes extérieures du car pour pouvoir se connecter exactement à la structure existante et contraignante du car, en particulier la carrosserie avant et arrière. Elles considèrent qu'un pare-choc ne revêt jamais de caractéristiques individuelles non contraintes.

Il est rappelé qu'un pare-choc est un élément de la carrosserie d'un véhicule, pouvant être attaché à la carrosserie ou y être intégré, servant à amortir les chocs avant et arrière.

Aussi, le modèle de pare-choc arrière doit répondre à cet impératif technique, et portant sur un produit destiné à s'incorporer à l'arrière de certains autobus ou autocars de marque IVECO, il doit définir des caractéristiques permettant audit produit d'être mécaniquement intégré dans la carrosserie de ces véhicules.

Cependant, contrairement à ce qu'affirment la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO, la fonction technique d'un pare-choc arrière n'impose pas qu'il soit conforme aux lignes extérieures de l'autobus ou de l'autocar dans lequel il est incorporé.

La SA IVECO FRANCE fait valoir, à cet égard, que les modèles litigieux de pare-chocs arrière, bien qu'ils aient une forme générale permettant que les pare-chocs soient incorporés à l'arrière des véhicules concernés, présentent des caractéristiques propres.

Elle justifie, à cet égard, que les modèles présentent, en partie haute des pare-chocs, une ligne verticale en relief, permettant d'obtenir une continuité entre le design extérieur du véhicule et celui des pare-chocs, que les angles des pare-chocs sont arrondis et que la ligne en relief autour des phares arrière est courbée.

La société IVECO FRANCE aurait pu faire un choix différent pour définir l'apparence des pare-chocs, en optant notamment pour d'autres formes moins courbes et plus angulaires, le choix des modèles ayant été fait afin d'assurer une continuité avec l'esthétique générale du véhicule dans lequel les pare-chocs arrière s'intègrent.

Aussi, la fonction technique des pare-chocs, à savoir un rôle d'amortisseur intégré dans la carrosserie du véhicule, n'est pas le seul facteur ayant déterminé les caractéristiques de l'apparence des produits représentés par les modèles communautaires litigieux, lesquels présentent également des caractéristiques d'ordre purement esthétique.

Si les dispositifs de pare-chocs sont soumis à homologation en vertu de l'article R.321-24 du code de la route, il n'est pas établi que cette exigence enlève au fabricant toute latitude dans le choix des lignes et des formes du produit.

Par ailleurs, si les défenderesses soutiennent que les modèles en litige seraient "banals", elles n'opposent cependant aucun modèle de pare-choc divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement des modèles dont la société IVECO FRANCE est titulaire, de nature à produire une impression globale sur l'utilisateur averti qui ne différerait pas de celle générée par les modèles litigieux.

Aussi, les caractéristiques visibles des pare-chocs litigieux remplissant en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel, la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO ne peuvent se prévaloir utilement des dispositions de l'article 8 du règlement 6/2002 pour soutenir que l'ensemble des caractéristiques divulguées par les modèles no002327189-0002 et 002327189-0003 ne seraient pas protégeables.
Il convient donc de débouter la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO de leur demande de nullité des modèles no002327189-0002 et 002327189-0003 qui doivent être déclarés valables.

Sur le droit d'auteur :

La SA IVECO FRANCE rappelle que la carrosserie d'un véhicule et les pièces détachées visibles de la carrosserie constituent des oeuvres des arts appliqués visés par l'article L.112-2 10o du code de la propriété intellectuelle. Elle fait valoir que les pare-chocs litigieux constituent un objet original, en ce sens que celui-ci est une création intellectuelle propre à son auteur et ne générant pas un simple effet esthétique ; que les pare-chocs litigieux présentent un design propre aux courbes arrondies notamment avec une recherche certaine d'un caractère individuel, esthétique et d'une singularité qui en font des éléments distinctifs des cars de marque IVECO ; qu'ils différent ainsi d'autres pare-chocs de marques concurrentes afin d'être en harmonie avec la ligne générale du véhicule qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO soutiennent que l'originalité, qui conditionne la protection par le droit d'auteur, est une notion distincte du caractère individuel d'un modèle enregistré ; que l'originalité se caractérise par le reflet de la personnalité de l'auteur dans son oeuvre, qui manifeste ses choix libres et créatifs ; que la Cour de justice de l'Union européenne rappelle que le cumul des protections, dessins ou modèles communautaires et droits d'auteur, ne doit être réservé qu'à certaines situations, la circonstance qu'un modèle génère un effet esthétique ne permettant pas, en soi, de déterminer si ce modèle constitue une création intellectuelle reflétant la liberté de choix et la personnalité de son auteur, et satisfaisant donc à l'exigence d'originalité; que la SA IVECO FRANCE se borne, à tort, à se prévaloir du caractère esthétique de ses pare-chocs pour en déduire l'existence d'un droit d'auteur ; que la liberté de création pour un pare-choc de bus est très limitée ; que la SA IVECO FRANCE ne démontrant pas l'existence d'une empreinte de la personnalité de son auteur sur ses pare-chocs, ceux-ci ne sont pas protégeables par le droit d'auteur.

Sur ce :

Aux termes de l'article 96 § 2 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, un dessin ou modèle protégé par un dessin ou modèle communautaire bénéficie (également) de la protection accordée par la législation sur le droit d'auteur des États membres à partir de la date à laquelle il a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d'obtention de cette protection, y compris le degré d'originalité requis, sont déterminées par chaque État membre.

En application de l'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une ?uvre de l'esprit jouit sur cette ?uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

Aux termes de l'article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute ?uvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Enfin, l'article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont considérées notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code, les oeuvres des arts appliqués.

Dans un arrêt du 12 septembre 2019, COFEMEL-SOCIEDADE DE VESTUARIO SA C/ G-STARRAW CV, no C-683/17, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que:

"26 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une législation nationale confère une protection, au titre du droit d'auteur, à des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique.

27 Aux termes de l'article 2, sous a), de la directive 2001/29, les États membres ont l'obligation de prévoir le droit exclusif, pour les auteurs, d'autoriser ou d'interdire la reproduction de leurs ?uvres.

28 Le terme « ?uvre » auquel se réfère cette disposition figure également à l'article 3, paragraphe 1, et à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, relatifs aux droits exclusifs reconnus à l'auteur d'une ?uvre en ce qui concerne sa communication au public et sa distribution, ainsi qu'aux articles 5, 6 et 7 de cette directive, qui portent, le premier, sur les exceptions ou les limitations pouvant être apportées à ces droits exclusifs, et, les deux derniers, sur les mesures techniques et les mesures d'information assurant la protection desdits droits exclusifs.

29 La notion d'« ?uvre » visée par l'ensemble de ces dispositions constitue, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, une notion autonome du droit de l'Union qui doit être interprétée et appliquée de façon uniforme, et qui suppose la réunion de deux éléments cumulatifs. D'une part, cette notion implique qu'il existe un objet original, en ce sens que celui-ci est une création intellectuelle propre à son auteur. D'autre part, la qualification d'?uvre est réservée aux éléments qui sont l'expression d'une telle création (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, points 37 et 39, ainsi que du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899, points 33 et 35 à 37 ainsi que jurisprudence citée).

30 S'agissant du premier de ces éléments, il découle de la jurisprudence constante de la Cour que, pour qu'un objet puisse être regardé comme original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 2011, Painer, C-145/10, EU:C:2011:798, points 88, 89 et 94, ainsi que du 7 août 2018, Renckhoff, C-161/17, EU:C:2018:634, point 14).

31 En revanche, lorsque la réalisation d'un objet a été déterminée par des considérations techniques, par des règles ou par d'autres contraintes, qui n'ont pas laissé de place à l'exercice d'une liberté créative, cet objet ne saurait être regardé comme présentant l'originalité nécessaire pour pouvoir constituer une ?uvre (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, Football Dataco e.a., C-604/10, EU:C:2012:115, point 39 et jurisprudence citée).

32 Pour ce qui est du second élément évoqué au point 29 du présent arrêt, la Cour a précisé que la notion d'« ?uvre », visée par la directive 2001/29, implique nécessairement l'existence d'un objet identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899, point 40).

33 En effet, d'une part, les autorités chargées de veiller à la protection des droits exclusifs inhérents au droit d'auteur doivent pouvoir connaître avec clarté et précision l'objet ainsi protégé. Il en va de même des tiers auxquels la protection revendiquée par l'auteur de cet objet est susceptible d'être opposée. D'autre part, la nécessité d'écarter tout élément de subjectivité, nuisible à la sécurité juridique, dans le processus d'identification dudit objet suppose que ce dernier ait été exprimé d'une manière objective (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899, point 41).

34 Ainsi que l'a souligné la Cour, ne répond pas à l'exigence de précision et d'objectivité requise une identification reposant essentiellement sur les sensations, intrinsèquement subjectives, de la personne qui perçoit l'objet en cause (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899, point 42).

35 Lorsqu'un objet présente les caractéristiques rappelées aux points 30 et 32 du présent arrêt, et constitue donc une ?uvre, il doit, en cette qualité, bénéficier d'une protection au titre du droit d'auteur, conformément à la directive 2001/29, étant observé que l'étendue de cette protection ne dépend pas du degré de liberté créative dont a disposé son auteur et qu'elle n'est dès lors pas inférieure à celle dont bénéficie toute ?uvre relevant de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2011, Painer, C-145/10, EU:C:2011:798, points 97 à 99).

36 Compte tenu de cette jurisprudence, la réponse à la première question implique, en premier lieu, de déterminer si des modèles sont, de manière générale, qualifiables d'« ?uvres», au sens de la directive 2001/29.

37 À cet égard, il convient de relever, d'emblée, que, en vertu de l'article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la propriété intellectuelle est protégée.

38 Il découle du libellé de cette disposition que les objets constituant une propriété intellectuelle bénéficient d'une protection au titre du droit de l'Union. En revanche, il n'en résulte pas que de tels objets ou catégories d'objets doivent tous bénéficier d'une protection identique.

39 Ainsi, le législateur de l'Union a adopté différents actes de droit dérivé ayant pour but d'assurer la protection de la propriété intellectuelle, et notamment, d'une part, des ?uvres protégées au titre du droit d'auteur, visées par la directive 2001/29, ainsi que, d'autre part, des dessins et modèles relevant soit de la directive 98/71, applicable aux dessins et modèles enregistrés dans ou pour un État membre, soit du règlement no6/2002, applicable aux dessins et modèles protégés au niveau de l'Union.

40 En procédant de la sorte, le législateur de l'Union a estimé que les objets protégés en vertu d'un dessin ou d'un modèle n'étaient en principe pas assimilables à ceux qui constituent des ?uvres protégées par la directive 2001/29.

41 Ce choix législatif apparaît conforme à la convention de Berne, aux articles 1er à 21 de laquelle l'Union, tout en n'étant certes pas partie à cette convention, doit toutefois se conformer en vertu de l'article 1er, paragraphe 4, du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, auquel elle est partie (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899, point 38 et jurisprudence citée).

42 En effet, l'article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne autorise les parties à celle-ci à accorder aux dessins et modèles industriels une protection spécifique, différente et éventuellement exclusive de celle prévue au bénéfice des ?uvres littéraires et artistiques relevant de cette convention, ainsi qu'à déterminer les conditions d'une telle protection. Dans le même temps, ladite disposition n'exclut pas non plus que ces deux protections puissent se cumuler.

43 Dans ce contexte, le législateur de l'Union a opté pour un système selon lequel la protection réservée aux dessins et modèles et celle assurée par le droit d'auteur ne sont pas exclusives l'une de l'autre.

44 En effet, s'agissant des dessins et modèles, l'article 17 de la directive 98/71 énonce, dans sa première phrase, que les dessins et modèles qui ont été enregistrés dans ou pour un État membre conformément à cette directive bénéficient également de la protection accordée par la législation sur le droit d'auteur de l'État membre dans lequel ou pour lequel ces dessins et modèles ont été enregistrés, à partir de la date à laquelle ils ont été créés ou fixés sous une forme quelconque. Le même article précise ensuite, dans sa seconde phrase, que la portée et les conditions d'obtention de cette protection par le droit d'auteur, en ce compris le niveau d'originalité requis, sont déterminées par chaque État membre. En ce qui concerne les dessins et modèles protégés au niveau de l'Union, un régime analogue à celui découlant de l'article 17 de la directive 98/71 est prévu à l'article 96, paragraphe 2, du règlement no6/2002.

45 Ces deux dispositions doivent elles-mêmes être respectivement appréhendées à la lumière du considérant 8 de la directive 98/71 et du considérant 32 du règlement no6/2002, qui évoquent expressément le principe d'un « cumul » entre la protection des dessins et modèles, d'une part, et la protection par le droit d'auteur, d'autre part.

46 Pour ce qui est du droit d'auteur, il résulte de l'article 9 de la directive 2001/29, qui est intitulé « Maintien d'autres dispositions » et qui doit être interprété en tenant compte, notamment, de toutes ses versions linguistiques (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C et J Clark International et Puma, C-659/13 et C-34/14, EU:C:2016:74, point 122 et jurisprudence citée), ainsi qu'à la lumière du considérant 60 de cette directive, que ladite directive n'affecte pas les dispositions nationales ou de l'Union existant dans d'autres domaines, et notamment celles concernant les dessins et modèles.

47 Ainsi, la directive 2001/29 maintient en l'état l'existence et la portée des dispositions en vigueur en matière de dessins et modèles, en ce compris le principe de « cumul » évoqué au point 45 du présent arrêt.

48 Compte tenu de l'ensemble de ces dispositions, il doit être considéré que des modèles sont qualifiables d'« ?uvres », au sens de la directive 2001/29, s'ils satisfont aux deux exigences mentionnées au point 29 du présent arrêt.

49 Dans ces conditions, il convient d'examiner, en second lieu, si sont qualifiables d'«?uvres », au regard de ces exigences, des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, qui, au-delà de leur objectif utilitaire, génèrent, selon la juridiction de renvoi, un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique, étant observé que les interrogations de cette juridiction portent sur le point de savoir si un tel élément d'originalité esthétique constitue le critère central d'attribution de la protection prévue par la directive 2001/29.

50 À ce sujet, il doit être précisé, d'emblée, que la protection des dessins et modèles, d'une part, et la protection assurée par le droit d'auteur, d'autre part, poursuivent des objectifs foncièrement différents et sont soumises à des régimes distincts. En effet, ainsi que M. l'avocat général l'a, en substance, relevé aux points 51 et 55 de ses conclusions, la protection des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement. En outre, cette protection est destinée à s'appliquer pendant une durée limitée mais suffisante pour permettre de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets, sans pour autant entraver excessivement la concurrence. Pour sa part, la protection associée au droit d'auteur, dont la durée est très significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d'être qualifiés d'?uvres.

51 Pour ces raisons, et comme M. l'avocat général l'a également relevé au point 52 de ses conclusions, l'octroi d'une protection, au titre du droit d'auteur, à un objet protégé en tant que dessin ou modèle ne saurait aboutir à ce qu'il soit porté atteinte aux finalités et à l'effectivité respectives de ces deux protections.

52 Il en découle que, bien que la protection des dessins et modèles et la protection associée au droit d'auteur puissent, en vertu du droit de l'Union, être accordées de façon cumulative à un même objet, ce cumul ne saurait être envisagé que dans certaines situations.

53 À cet égard, il y a lieu de relever, d'une part, que, ainsi qu'il découle du sens usuel du terme « esthétique », l'effet esthétique susceptible d'être produit par un modèle est le résultat de la sensation intrinsèquement subjective de beauté ressentie par chaque personne appelée à regarder celui-ci. Par conséquent, cet effet de nature subjective ne permet pas, en lui-même, de caractériser l'existence d'un objet identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 32 à 34 du présent arrêt.

54 D'autre part, il est certes vrai que des considérations d'ordre esthétique participent de l'activité créative. Toutefois, il n'en reste pas moins que la circonstance qu'un modèle génère un effet esthétique ne permet pas, en soi, de déterminer si ce modèle constitue une création intellectuelle reflétant la liberté de choix et la personnalité de son auteur, et satisfaisant donc à l'exigence d'originalité évoquée aux points 30 et 31 du présent arrêt.

55 Il s'ensuit que la circonstance que des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal génèrent, au-delà de leur objectif utilitaire, un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique n'est pas de nature à justifier que de tels modèles soient qualifiés d'«?uvres », au sens de la directive 2001/29.

56 Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l'article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une législation nationale confère une protection, au titre du droit d'auteur, à des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique.

Aussi, pour qu'un modèle communautaire puisse bénéficier de la protection offerte par le droit d'auteur, il doit être original comme constituant une création reflétant la personnalité de son auteur, la circonstance qu'il produise un effet esthétique étant insuffisante.

Si la protection d'une ?uvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité.

A cet égard, si une combinaison d'éléments connus ou naturels n'est pas a priori exclue de la protection du droit d'auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l'étendre à un genre insusceptible d'appropriation.

Il appartient donc à la SA IVECO FRANCE d'établir que les conditions d'obtention du droit d'auteur sont réunies en explicitant le caractère original des pare-chocs faisant l'objet des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003.

La SA IVECO FRANCEfait valoir que les pare-chocs présentent un "design propre" avec un aspect visuel unique à travers une ligne verticale en relief, en partie haute des parechocs, qui permet d'obtenir une continuité entre le design du bus et le design despare-chocs, des courbes arrondies qui participent au design des pare-chocs, des angles des pare-chocs, qui ne sont pas angulaires mais arrondis, ainsi que des contours en relief courbés autour des phares.

Il est relevé que la SA IVECO FRANCE met en avant ces caractéristiques comme résultant d'un choix esthétique et d'un souci "d'harmonie et de design général".

Mais, ainsi que le rappelle la Cour de justice de l'Union européenne, aux termes de l'arrêt précité, l'article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une législation nationale confère une protection, au titre du droit d'auteur, à des modèles au seul motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique.

Or, la SA IVECO FRANCE ne fait état que de considérations d'ordre esthétique attachées à la conception de ses modèles de pare-chocs, lesquelles sont donc inopérantes, tandis qu'elle ne caractérise pas en quoi ils seraient originaux comme portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur.

Aussi, il y a lieu de rejeter les demandes formées par la SA IVECO FRANCE au titre du droit d'auteur.

Sur la contrefaçon des modèles communautaires :

La SA IVECO FRANCE expose qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Me [L] et de ses pièces annexes, que la SAS ATS vend en France des pièces reproduisant les modèles enregistrés et qu'elle s'approvisionne auprès de la société CAR-MONT SRO qui fabriquerait les pièces contrefaisantes ; que les pare-chocs vendus par la SAS ATS contiennent exactement la même ligne de design en relief verticale en partie haute du pare-choc, le même design aux lignes et contours en courbe autour des phares, du pot d'échappement et à l'endroit des angles extérieurs bas des pare-chocs ; que la référence IVECO est présente sur les pare-chocs vendus par les sociétés défenderesses, non pas à l'intérieur des pièces, mais sur leur film protecteur, de manière à faciliter la concordance des références de pare-chocs pour la revente au client final ; que, compte tenu de la similitude entre les pièces litigieuses et les modèles communautaires et de l'aveu même de la SAS ATS, les pare-chocs fabriqués et vendus par la société CAR-MONT SRO et la SAS ATS constituent une contrefaçon des modèles communautaires de la SA IVECO FRANCE ; que les sociétés défenderesses ne peuvent bénéficier de l'exclusion prévue par l'article 110 du règlement no6/2002 ; qu'à cet égard, les sociétés ATS et CAR-MONT SRO n'ont respecté aucune des obligations prévues par la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 20 décembre 2017 interprétant ce texte, pour pouvoir bénéficier de ce régime dérogatoire, cette décision ayant une portée générale et s'appliquant aux faits de l'espèce ; qu'enfin, la loi adoptée le 19 novembre 2019 ne peut recevoir application, celle-ci ne concernant pas les modèles communautaires.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO répondent que seules les parties visibles du pare-choc sont protégées en application de l'article 4 du règlement no6/2002 ; que les constats d'huissiers opposés par la SA IVECO FRANCE ne permettent pas d'établir que les pare-chocs photographiés seraient des pièces de la SAS ATS, aucune étiquette ne figurant sur ces documents; que certains éléments des modèles revendiqués sont banals et contraints par leur nécessité d'adaptation technique ; que la courbe du bouclier au niveau du pot d'échappement n'est pas une caractéristique protégée dans les modèles litigieux ; que les éléments comparés ne sont pas identiques sur les pare-chocs de la SAS ATS et ceux de la SA IVECO FRANCE ; que l'exception de réparation prévue par l'article 110 du règlement sur les dessins ou modèles communautaires doit en toute hypothèse s'appliquer ; que la SAS ATS a toujours indiqué à ses clients qu'elle vendait des pièces de rechange destinées exclusivement à la réparation ; que l'obligation d'informer ses clients sur l'existence d'un dessin ou modèle et sur la finalité de la pièce qui doit être la réparation d'un produit complexe pour lui rendre son apparence initiale n'était pas prévue par le droit des dessins ou modèles communautaires jusqu'à l'arrêt du 20 décembre 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne et que cette décision ne peut donc leur être opposée, les faits en cause étant antérieurs ; que la SAS ATS, en l'état de ses obligations d'un fournisseur de pièces détachées avant cette interprétation nouvelle par la Cour de justice de l'Union européenne, a satisfait à son obligation générale d'information en exprimant clairement à ses clients qu'elle vendait des pièces de rechange ; que le projet de loi d'orientation des mobilités adopté le 19 novembre 2019 par l'Assemblée Nationale a introduit la clause de réparation en droit français en insérant un alinéa 4o à l'article L.513-6 du code de la propriété intellectuelle.

Sur ce :

Aux termes de l'article L.521-1 du code de la propriété intellectuelle, auquel renvoie l'article L.522-1 dudit code concernant les dessins ou modèles communautaires, toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L.513-4 à L. 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

Selon l'article 10 "Etendue de la protection" du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires :
"1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente.
2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle".

Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Me [L] le 19 février 2018 dans les locaux de la SAS ATS, que le président de cette société lui a présenté les pièces suivantes se trouvant en stock sur le site :

- une pièce portant la référence 93300, qui présentait également la référence 5801604589; qu'à l'intérieur de cette pièce était présente une inscription mentionnant ATS 93300 ; que la pièce était en polyester recouvert d'un apprêt côté extérieur ; qu'elle mesurait environ 122 centimètres de haut sur environ 75 centimères de largeur ; que, côté extérieur, une forme en virgule était visible en partie centrale ; qu'il s'agissait d'un bouclier gauche.

- une pièce portant la référence 95651 ; qu'à l'intérieur de cette pièce, était présente une inscription mentionnant ATS 95651 ; que la pièce était en polyester recouvert d'unapprêt côté extérieur ; qu'elle mesurait approximativement 142 centimètres de hauteur avec une largeur d'environ 72 centimètres ; qu'une forme en virgule était visible en partie centrale; qu'il s'agissait d'un bouclier gauche.

- une seconde pièce portant la référence ATS 95651 recouverte d'un film protecteur sur lequel était mentionnée la référence 580164580.

- une pièce portant la référence ATS 97249 ; que la pièce était en polyester recouvert d'un apprêt côté extérieur ; qu'elle mesurait approximativement 142 centimètres de hauteur avec une largeur d'environ 80 centimètres ; qu'une forme en virgule était visible en partie centrale; que cette pièce était recouverte d'un film protecteur sur lequel était mentionnée la référence 5801604574.

- une pièce portant la référence ATS 93301 ; que cette pièce était recouverte d'un film plastique dégradé sur lequel était mentionnée la référence 5801604587 ; qu'elle mesurait environ 122 centimères dehaut sur environ 74 centimètres de largeur.

- une pièce portant la référence ATS 95650 ; que cette pièce était recouverte d'un film sur lequel était mentionnée la référence 5801604578 ; qu'elle mesurait approximativement 142 centimètres de hauteur avec une largeur d'environ 76 centimètres ; qu'une forme en virgule était présente en partie centrale ; qu'il s'agissait d'un bouclier droit.

A été remis à l'huissier, au titre des quantités vendues, le tableau suivant :

QUANTITE VENDUE
2015 2016 2017

ATS [Adresse 6]
ATS [Adresse 7]
ATS 97249118 KARO 5801604574
ATS 933011115 KARO5801604587
ATS 956501213 KARO5801604578

Il résulte du catalogue des pièces de carrosserie de la SAS ATS que les pare-chocs latéraux sont référencés 93300 et 95651 pour les pare-chocs arrière gauches et 93301 et 95650 pour les pare-chocs arrière droits.

Enfin, la facture de l'achat effectué le 19 octobre 2017 par la société BACQUEYRISSES mentionne que la référence ATS 97249 porte sur un pare-choc arrière droit.

Il résulte des photographies figurant dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon :

ainsi que du procès-verbal de constat du 22 janvier 2018 communiqué par la demanderesse, dont le caractère probant doit être retenu, la pièce présentée acquise par la société BACQUEYRISSES émanant nécessairement de la SAS ATS dès lors que la référence "ATS 97249" est inscrite à l'intérieur du pare-choc :

et de la pièce 14 de la SAS ATS et de la société CAR-MONT SRO :

que les pare-chocs arrière commercialisés par la SAS ATS sous ces références reproduisent, en leur partie visible, les mêmes caractéristiques que les modèles communautaires de la SA IVECO FRANCE, ayant notamment la même forme, la même ligne en relief verticale en partie haute du pare-choc, les mêmes lignes et contours autour des phares et à l'intersection du pare-choc arrière central ainsi qu'à l'endroit des angles extérieurs, le dirigeant de la SAS ATS ayant même indiqué à l'huissier ayant effectué les opérations de saisie-contrefaçon que les références commençant par 580 des pare-chocs qu'elle commercialisaient correspondaient aux références IVECO.

Aussi, les pare-chocs arrière commercialisés par la SAS ATS qui lui sont livrés par sa filiale, la société de droit tchèque CAR-MONT SRO, ne produisent pas sur l'utilisateur averti, désirant acquérir des pièces détachées pour autobus ou autocar, une impression visuelle globale différente des modèles en cause.

Aux termes de l'article 110 "Disposition transitoire" du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires :
"1. Jusqu'à la date d'entrée en vigueur des modifications apportées au présent règlement, sur proposition de la Commission à ce sujet, une protection au titre de dessin ou modèle communautaire n'existe pas à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée au sens de l'article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.
2. La proposition de la Commission, visée au paragraphe 1, sera présentée en même temps que les changements que la Commission soumettra sur le même sujet conformément à l'article 18 de la directive 98/71/CE et tiendra compte de ces changements".

Sur les conditions d'application de l'article 110 § 1 dudit règlement, la Cour de justice de l'Union européenne, dans les affaires jointes ACACIA SRL C/ PNEUSGARDA SRL en faillite et AUDI AG (C-397/16) et ACACIA SRL, ROLANDO D'AMATO C/ DR ING. H.C.F. PORSCHE AG (C-435/16), a, par arrêt du 20 décembre 2017, dit pour droit que :

"55 Par la première question dans l'affaire C-397/16 et par la deuxième question dans l'affaire C-435/16, qu'il convient d'examiner ensemble et en deuxième lieu, les juridictions de renvoi demandent, en substance, à quelles conditions la clause dite « de réparation » que comporte l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 subordonne l'exclusion de la protection au titre de dessin ou modèle communautaire à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

56 S'agissant de la première question dans l'affaire C-397/16, Audi et le gouvernement allemand font valoir, en substance, qu'une jante réplique, esthétiquement identique à une jante originale de première monte, ne relève pas de la notion de pièce d'un produit complexe destinée à en permettre la réparation et à lui rendre son apparence initiale, de sorte qu'une telle jante n'est pas couverte par la clause dite « de réparation ». Acacia, les gouvernements italien et néerlandais ainsi que la Commission considèrent, en revanche, que la jante réplique esthétiquement identique à la jante originale de première monte est comprise dans la notion de pièce d'un produit complexe destinée à en permettre la réparation et à lui rendre son apparence initiale.

57 Pour ce qui concerne la deuxième question dans l'affaire C-435/16, Porsche, de même que les gouvernements italien et néerlandais ainsi que la Commission font valoir, en substance, que, pour qu'une jante automobile réplique relève de la clause dite « de réparation», une telle jante doit avoir une apparence identique à la jante originale. Acacia considère en revanche que la clause dite « de réparation » s'applique à toutes les « variantes usuelles » des jantes d'origine.
58 Aux termes de l'article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, une protection au titre de dessin ou modèle communautaire n'existe pas « à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée au sens de l'article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale ».

59 Il ressort ainsi du libellé de cette disposition que l'application de la clause dite «de réparation » est subordonnée à plusieurs conditions relatives, tout d'abord, à l'existence d'un dessin ou modèle communautaire, ensuite, à la présence d'une « pièce d'un produit complexe» et, enfin, à la nécessité d'une « utilis[ation] au sens de l'article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale».

60 En premier lieu, il convient de relever que l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 exclut, si les conditions prévues par cette disposition sont réunies, toute protection à l'égard d'un « dessin ou modèle communautaire ». Il s'ensuit, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé, en substance, aux points 90 et 91 de ses conclusions, que ledit article 110, paragraphe 1, n'est susceptible de s'appliquer qu'aux pièces faisant l'objet d'une protection au titre de dessin ou modèle communautaire et qui, ainsi qu'il résulte de l'article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, remplissent les conditions de protection énoncées dans ledit règlement, en particulier à l'article 4 de celui-ci.

61 À cet égard, aux termes de l'article 4, paragraphe 2, du règlement no6/2002, la protection d'un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d'un produit complexe n'est assurée que dans la mesure où, d'une part, la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d'une utilisation normale de ce produit et, d'autre part, les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel, prévues au paragraphe 1 de cet article.

62 En l'occurrence, il est constant que tel est le cas des modèles communautaires de jantes automobiles dont Audi et Porsche sont titulaires.

63 En deuxième lieu, l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 s'applique uniquement aux « pièces d'un produit complexe ».

64 Il y a lieu de relever que le règlement no6/2002 ne définit pas la notion de « pièce d'un produit complexe ». Il ressort toutefois de l'article 3, sous b) et c), de ce règlement que l'on entend, d'une part, par « produit », tout article industriel ou artisanal y compris, entre autres, les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe et, d'autre part, par « produit complexe », un produit se composant de pièces multiples qui peuvent être remplacées de manière à permettre le démontage et le remontage du produit. En outre, en l'absence de définition du terme « pièce » dans ledit règlement, celui-ci doit être compris conformément à son sens habituel en langage courant (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology, C-431/04, EU:C:2006:291, point 17 et jurisprudence citée).

65 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par "pièces d'un produit complexe", l'article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 vise les multiples composants, conçus pour être assemblés en un article industriel ou artisanal complexe, qui peuvent être remplacés de manière à permettre le démontage et le remontage d'un tel article, en l'absence desquels le produit complexe ne pourrait faire l'objet d'une utilisation normale.

66 En l'occurrence, il convient de constater qu'une jante automobile doit être qualifiée de « pièce d'un produit complexe » au sens de ladite disposition, une telle jante étant un composant du produit complexe que constitue une automobile, en l'absence de laquelle ce produit ne pourrait faire l'objet d'une utilisation normale.

67 En troisième lieu, l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 exige, aux fins de l'application de la clause dite « de réparation », que la pièce du produit complexe soit «utilisée au sens de l'article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe ».

68 À cet égard, premièrement, il ressort de l'article 19, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 que l'« utilisation » de la pièce, au sens de cette disposition, couvre la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. Ainsi qu'il ressort du libellé de cet article, cette notion est entendue de manière large, et englobe toute utilisation d'une pièce à des fins de réparation.

69 Deuxièmement, l'utilisation de la pièce doit avoir pour but de « permettre la réparation » du produit complexe. À cet égard, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé, en substance, aux points 89 et 100 de ses conclusions, l'exigence selon laquelle l'utilisation de la pièce doit permettre la « réparation » du produit complexe implique que la pièce soit nécessaire en vue d'une utilisation normale du produit complexe ou, en d'autres termes, que l'état défectueux ou l'absence de la pièce soit susceptible d'empêcher une telle utilisation normale. Ainsi, la possibilité de se prévaloir de la clause dite « de réparation » requiert que l'utilisation de la pièce soit nécessaire en vue de réparer le produit complexe devenu défectueux, notamment à la suite de l'absence de la pièce d'origine ou d'un dommage causé à celle-ci.

70 Est dès lors exclue de la clause dite « de réparation » toute utilisation d'une pièce pour des motifs d'agrément ou de simple convenance, telle que, notamment, le remplacement d'une pièce pour des motifs esthétiques ou d'individualisation du produit complexe.

71 En quatrième lieu, l'article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 exige, aux fins de l'application de la clause dite « de réparation », que la réparation du produit complexe soit effectuée « en vue de lui rendre son apparence initiale ».

72 Eu égard à l'article 3, sous a), du règlement no6/2002, il y a lieu de considérer que l'apparence d'un produit ou d'une partie de produit lui est conférée, en particulier, par les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation.

73 À cet égard, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 103 et 104 de ses conclusions, les pièces visées à l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 participent à l'apparence du produit complexe. En effet, ainsi qu'il a été rappelé au point 60 du présent arrêt, sont seules visées par cette disposition les pièces qui bénéficient d'une protection au titre de dessin ou modèle communautaire et qui, partant, conformément à l'article 4, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, restent visibles lors d'une utilisation normale du produit complexe, une fois incorporée dans celui-ci. Or, une pièce visible participe nécessairement à l'apparence du produit complexe.

74 Encore faut-il que la réparation soit effectuée en vue de rendre au produit complexe son apparence « initiale ». Il s'ensuit que, pour qu'il puisse être fait application de la clause dite « de réparation », la pièce doit être utilisée en vue de rendre au produit complexe l'apparence qui était la sienne lors de la mise sur le marché de celui-ci.

75 Il y a lieu de conclure que la clause dite « de réparation » s'applique uniquement aux pièces d'un produit complexe qui sont visuellement identiques aux pièces d'origine.

76 Une telle interprétation est, du reste, conforme à l'article 26, paragraphe 2, de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui prévoit que toute exception à la protection des dessins et modèles industriels doit être limitée et ne pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale de tels dessins ou modèles ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. Tel est en effet le cas en l'occurrence, dès lors que l'application de la clause dite « de réparation » est limitée à l'utilisation d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe utilisée dans le seul but de permettre la réparation effective de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

77 Est partant exclue toute utilisation d'une pièce qui n'a pas pour but de rendre au produit complexe l'apparence qui était la sienne lors de sa mise sur le marché. Tel est notamment le cas si la pièce de rechange ne correspond pas, du point de vue de sa couleur ou de ses dimensions, à la pièce d'origine, ou si l'apparence du produit complexe a été modifiée depuis la mise sur le marché de celui-ci.

78 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question dans l'affaire C-397/16 et à la deuxième question dans l'affaire C-435/16 que l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 doit être interprété en ce sens que la clause dite « de réparation » qu'il comporte subordonne l'exclusion de la protection au titre de dessin ou modèle communautaire à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, à la condition que la pièce de remplacement ait une apparence visuellement identique à celle de la pièce initialement incorporée au produit complexe lors de sa mise sur le marché.

Sur la troisième question dans l'affaire C-397/16 et sur les troisième et quatrième questions dans l'affaire C-435/16 :

79 Par la troisième question dans l'affaire C-397/16 et par les troisième et quatrième questions dans l'affaire C-435/16, qu'il convient d'examiner ensemble et en troisième lieu, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l'article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour pouvoir se prévaloir de la clause dite « de réparation » que cette disposition comporte, le fabricant ou le vendeur d'une pièce d'un produit complexe doivent veiller et, en ce cas, de quelle manière, à ce que cette pièce ne puisse être acquise qu'à des fins de réparation.

[Adresse 8] considère, à cet égard, que l'application de la clause dite « de réparation » est inconciliable avec la vente directe de pièces répliques aux consommateurs finals, de sorte que les fabricants de pièces répliques doivent se limiter à distribuer leurs produits à des ateliers de réparation. Porsche fait valoir que le fabricant de pièces répliques doit veiller de manière objective à ce que son produit ne puisse être acquis qu'à des fins de réparation et non également à d'autres fins, telles que l'individualisation du produit complexe. Le gouvernement italien et la Commission estiment, en substance, que le fabricant de pièces répliques est tenu d'adopter des mesures de contrôle générales destinées à garantir l'utilisation légale de celles-ci. Acacia suggère pour sa part qu'une information préalable et par écrit à la clientèle relative à la circonstance que la pièce est destinée à permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale constitue une mesure compatible avec l'exigence de juste équilibre des intérêts en jeu.

81 Ainsi qu'il ressort de son libellé, l'article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 exclut une protection au titre de dessin ou modèle communautaire à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale. L'« utilisation» en cause vise à cet égard, en particulier, ainsi qu'il a été rappelé au point 68 du présent arrêt, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

82 Ainsi, il importe de déterminer si, lorsqu'une telle utilisation tient, comme c'est le cas dans les affaires au principal, dans la fabrication et la vente d'un tel produit, l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 impose au fabricant et au vendeur de ce produit, qui entendent produire et vendre celui-ci aux fins de permettre son utilisation effective dans le respect des conditions que prévoit ladite disposition, certaines obligations quant au respect desdites conditions par les utilisateurs situés en aval.

83 À cet égard, il y a lieu de relever que l'exception qu'institue la clause dite « de réparation » au principe de la protection au titre des dessins et modèles requiert que l'utilisateur final de la pièce concernée l'utilise dans le respect des conditions énoncées à l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002, à savoir qu'il procède au moyen de cette pièce à la réparation du produit complexe concerné en vue de lui rendre son apparence initiale.

84 Il importe, de même, de souligner que ladite disposition institue, aux fins spécifiques rappelées au point 51 du présent arrêt, une dérogation au régime de protection des dessins et modèles, et que la nécessité de préserver l'effectivité de ce régime de protection exige de la part de ceux qui se prévalent de ladite dérogation qu'ils contribuent, dans toute la mesure du possible, à assurer le strict respect, notamment par l'utilisateur final, des conditions énoncées à l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002.

85 Dans ce contexte, s'il ne saurait certes être attendu du fabricant ou du vendeur d'une pièce d'un produit complexe qu'ils garantissent, objectivement et en toutes circonstances, que les pièces qu'ils fabriquent ou vendent aux fins d'une utilisation conforme aux conditions prescrites à l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002, sont in fine effectivement utilisées par les utilisateurs finals dans le respect desdites conditions, il n'en demeure pas moins que, pour pouvoir bénéficier du régime dérogatoire ainsi mis en place par cette disposition, un tel fabricant ou un tel vendeur sont, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 131, 132 et 135 de ses conclusions, soumis à une obligation de diligence quant au respect, par les utilisateurs situés en aval, de ces conditions.

86 En particulier, il leur incombe, tout d'abord, d'informer l'utilisateur en aval, par une indication claire et visible, sur le produit, son emballage, sur les catalogues ou encore sur les documents de vente, d'une part, du fait que la pièce concernée incorpore un dessin ou modèle dont ils ne sont pas titulaires et, d'autre part, du fait que cette pièce est exclusivement destinée à être utilisée dans le but de permettre la réparation du produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

87 Ensuite, il leur incombe de veiller, par l'intermédiaire de moyens appropriés, notamment contractuels, à ce que les utilisateurs en aval ne destinent pas les pièces en cause à une utilisation qui soit incompatible avec les conditions prescrites à l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002.

88 Enfin, ledit fabricant ou ledit vendeur doivent s'abstenir de vendre une telle pièce dès lors qu'ils savent ou, au regard de l'ensemble des circonstances pertinentes, ont des motifs raisonnables de savoir que cette pièce ne sera pas utilisée dans les conditions prescrites à l'article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

89 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question dans l'affaire C-397/16 et aux troisième et quatrième questions dans l'affaire C-435/16 que l'article 110, paragraphe 1, du règlement no6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour pouvoir se prévaloir de la clause dite « de réparation » que cette disposition comporte, le fabricant ou le vendeur d'une pièce d'un produit complexe sont soumis à une obligation de diligence quant au respect, par les utilisateurs situés en aval, des conditions imposées par ladite disposition."

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO prétendent que les conditions fixées par la Cour de justice de l'Union européenne, aux termes de cet arrêt, sont réunies les concernant pour que la clause de réparation puisse être opposée à la SA IVECO FRANCE, aux motifs que les pare-chocs litigieux présentent un caractère visible lors de l'utilisation normale du produit dans lequel ils s'insèrent, qu'ils font partie des pièces d'un produit complexe et en l'absence desquelles ce produit ne pourrait pas faire l'objet d'une utilisation normale, que l'utilisation des pare-chocs englobe toute utilisation directe ou indirecte aux fins de réparation du produit complexe tel que l'autobus ou l'autocar et que le remplacement du pare-choc a eu pour objet de rendre au véhicule son apparence initiale, la réparation n'étant pas intervenue pour des motifs d'agrément ou de simple convenance.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO opposent cependant que l'obligation d'information des clients pesant sur le vendeur de pièces détachées que ses pièces seraient couvertes par un droit de modèle appartenant à un tiers, est nouvelle, n'étant pas prévue par le règlement sur les dessins ou modèles communautaires et qu'elle ne peut donc s'appliquer à des faits antérieurs à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 décembre 2017, le vendeur ne pouvant anticiper son existence.

Mais il est rappelé que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, interprétant le droit de l'Union découlant découlant du règlement no6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires, a vocation à régir les litiges qui faisaient l'objet d'un renvoi préjudiciel devant elle, et qui concernaient nécessairement des faits antérieurs au prononcé de cette décision.

En aucun cas, la Cour de justice de l'Union européenne, en disant le droit, n'a indiqué que sa décision n'aurait effet que pour l'avenir.

A cet égard, l'obligation d'information renforcée pèse sur le fabricant ou le vendeur de pièces détachées dès l'origine, étant la contrepartie de la dérogation spéciale consentie à leur profit , dans un souci de libéralisation, par l'article 110 du règlement no6/2002 qui leur permet de fabriquer et commercialiser des pièces reproduisant des dessins ou modèles communautaires enregistrés, sans autorisation de leurs titulaires, à condition cependant d'informer le consommateur final de l'origine et de la destination de ces pièces.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO ne pouvaient ignorer qu'elles produisaient et commercialisaient des pare-chocs qui reproduisaient les caractéristiques des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003 appartenant à la SA IVECO FRANCE, la SAS ATS ayant même reconnu lors de la saisie-contrefaçon que les références commençant par 580 des pare-chocs qu'elle commercialisait correspondaient aux références IVECO.

Soutenant que les critères de l'article 110 du règlement, tels que rappelés par la Cour de justice de l'Union européenne, étaient réunis à son profit,la SAS ATS ne peut cependant bénéficier de la clause de réparation prévue par ce texte que si elle justifie également avoir respecté l'obligation de diligence spécifique mise à sa charge dont les termes ont été rappelées par la Cour de justice de l'Union européenne.

Or, si dans ses catalogues ou sur son site internet, la SAS ATS indique que les pièces litigieuses sont des "pièces de rechange" ou mentionne l'absence de garantie d'origine, elle ne justifie aucunement, pour les pare-chocs référencés ATS 93300, ATS 95651, ATS 97249, ATS 93301 et ATS 95650, avoir précisé, sur les produits, leurs emballages, les catalogues ou encore les documents de vente, que ces pare-chocs incorporaient les modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003 dont elle n'était pas titulaire, ni que ces pièces étaient exclusivement destinées à être utilisées dans le but de permettre la réparation des autobus ou autocars en vue de leur rendre leur apparence initiale.

Par conséquent, les conditions de l'article 110 § 1 dudit règlement no6/2002 n'étant pas réunies à son profit, la SAS ATS ne peut prétendre au bénéfice de la clause de réparation prévue par ce texte.

Enfin, concernant la loi d'orientation des mobilités adoptée le 19 novembre 2019, qui aurait modifié l'article L.513-6 du code de la propriété intellectuelle et introduit la clause de réparation en droit français, il est relevé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 2019-794 DC du 20 décembre 2019, a jugé contraire à la Constitution les dispositions de l'article 110 modifiant le droit de la propriété intellectuelle applicable aux pièces détachées visibles pour automobiles qui ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles de l'article 29 qui habilitaient le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour améliorer le contrôle du marché des véhicules et des engins mobiles non routiers à moteur ni avec celles de l'article 31 qui l'habilitaient à modifier par ordonnance les dispositions du code de la route relatives aux procédures applicables aux véhicules mis en fourrière ainsi qu'à la gestion de ces véhicules.

En toute hypothèse, le régime juridique des modèles en litige n'est prévu que par le règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires.

Aussi, il y a lieu de dire qu'en fabriquant, important, offrant à la vente et commercialisant les pare-chocs référencés ATS 97249, ATS 93301, ATS 95650, ATS 93300 et ATS 95651, la société CAR-MONT SRO et la SAS ATS ont commis des actes de contrefaçon des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003 au préjudice de la SA IVECO FRANCE.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

La SA IVECO FRANCE fait valoir que le risque de confusion résultant d'un acte de contrefaçon peut constituer un acte de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon ; que la SAS ATS entretient cette confusion en présentant les pièces vendues par l'intermédiaire de son site internet comme étant des pièces d'origine IVECO en indiquant "PIECES DE RECHANGE: (...) IVECO BUS" et en vendant en réalité des copies serviles de ces pièces, les références IVECO figurant sur l'emballage des produits et la documentation fournie, de sorte que la SAS ATS est assimilée à tort par le public comme un concessionnaire d'IVECO FRANCE ; qu'en utilisant, sur son site internet, la marque IVECO FRANCE et en indiquant les références IVECO sur les emballages des pare-chocs contrefaits, les sociétés CAR-MONT et ATS se placent volontairement dans le sillage de la SA IVECO FRANCE en profitant indûment de sa notoriété et des investissements réalisés pour attirer les clients, de sorte que les faits de parasitisme sont également établis.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO répliquent que la SA IVECO FRANCE ne fait que contester la libre concurrence des distributeurs de pièces détachées aux fins de réparation; que, sur son site internet, la SAS ATS indique qu'elle propose des pièces de rechange de nombreux modèles autres qu'IVECO, ainsi que des pièces ATS de rechange, adaptables sur les cars de nombreuses marques ; que la SAS ATS indique expressément à ses clients qu'elle vend des pièces de rechange adaptables et n'appose jamais la marque IVECO ; qu'elle n'a donc jamais cherché à induire en erreur ses clients qui ne peuvent être portés à confusion sur les modèles d'origine vendus par IVECO et les modèles de rechange ATS ; que, compte tenu de la finalité de réparation des pièces vendues par ATS et de l'absence d'apposition de la marque IVECO sur les pièces, aucun risque de confusion des clients sur l'origine des pièces n'est possible et donc aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu ; que les références IVECO sur les films protecteurs des pare-chocs commercialisés ne servent que de référence interne obligatoire par ATS afin de savoir à quels modèles de cars s'adapte telle ou telle pièce détachée et qu'aucun acte de parasitisme n'est donc constitué.

Sur ce :

En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisé et générant un avantage concurrentiel.

Si, sur son site internet, la SAS ATS indique qu'elle propose une gamme de pièces détachées pour autobus et autocars, notamment des "pièces de rechange : VOLVO, TEMSA, EVOBUS, IVECO BUS, SCANIA, VDL, BOVA MAN, NEOPLAN, IRIZAR, BMC, SOLARIS, HEULIEZ" (pièce 12 IVECO FRANCE), tandis que la SAS ATS a reconnu, lors des opérations de saisie-contrefaçon, que les références IVECO figuraient sur les emballages des pare-chocs contrefaisants qu'elle commercialisait, il est cependant relevé que, sur son catalogue (pièce 8 ATS), dans la rubrique "avertissement", la SAS ATS indique que "les références des constructeurs sont données pour l'utilisation interne et comme comparaison avec nos produits. Elles ne donnent pas d'indication sur l'origine de nos pièces et ne peuvent pas être utilisées vis à vis des propriétaires de véhicules", et que les recherches effectuées par le consommateur sur le moteur de recherche de la SAS ATS indiquent qu'il s'agit de pièces ATS (pièce ATS 12). Il n'est donc pas établi que la SAS ATS aurait cherché à induire en erreur le public en laissant entendre qu'elle vendrait des pièces d'origine de marque IVECO alors qu'elle commercialisait en réalité des pièces ATS.

Enfin, le fait pour la SAS ATS de reproduire sur son site internet la marque IVECO pour désigner les pièces détachées qu'elle commercialise à destination des autobus et autocars de cette marque et d'indiquer les références IVECO sur les emballages des pare-chocs vendus pour établir une correspondance entre les pièces détachées sont insuffisants à caractériser un comportement parasitaire.

Aussi, les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées.

Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon :

La SA IVECO FRANCE fait valoir que la contrefaçon a généré au profit de la SAS ATS un bénéfice de 6.321 euros ; qu'elle a subi un manque à gagner du fait de la vente des produits ATS, ayant perdu en moyenne 25% des ventes qu'elle aurait pu réaliser et sur certaines pièces plus de 50% ; que le manque à gagner est évalué à 31.000 euros auquel il convient d'ajouter les frais de recherche et d'enregistrement du modèle, les frais de catalogue et de publicité, outre les économies d'investissement réalisés du fait de la copie des modèles ; que le préjudice est d'autant plus important qu'il s'agit d'un marché concurrentiel pour lequel la SA IVECO FRANCE fait des investissements de recherche importants tant en termes techniques que de designs; qu'elle a également subi un préjudice moral du fait de la dépréciation et de la vulgarisation de ses modèles communautaires ; que l'usage des pièces contefaisantes, de qualité moindre, peut avoir de graves conséquences portant ainsi atteinte à l'image et à la réputation de la SA IVECO FRANCE ; qu'à titre subsidiaire, s'il n'est pas fait droit à la demande d'indemnisation poste par poste, la SA IVECO FRANCE sollicite une somme forfaitaire de 50.000 euros au titre du préjudice économique, outre une somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO répliquent que la SA IVECO FRANCE ne justifie d'aucun préjudice réel imputable à la contrefaçon alléguée de ses modèles ; que les bases de calcul retenues sont erronées, le calcul du préjudice étant basé sur le chiffre d'affaires net de la SAS ATS et non le bénéfice réalisé ; que la SA IVECO FRANCE n'établit aucun manque à gagner ; que la demande faite au titre du préjudice moral est sans fondement, aucune différence de qualité entre les pièces n'étant établie tandis que la SA IVECO FRANCE ne justifie pas de la notoriété de ses pièces détachées, étant précisé que le site ATS n'est pas accesible à tous mais uniquement aux clients inscrits ; que, concernant la demande subsidiaire en réparation forfaitaire, les montants sollicités sont artificiels ; que les pièces litigieuses étant affichées comme des pièces ATS, il est difficile d'imaginer en quoi la SA IVECO FRANCE, qui commercialise uniquement des pièces originales, subirait un quelconque préjudice, alors qu'aucune confusion n'existe sur l'origine des pièces ; qu'enfin, les pièces en litige ne sont plus commercialisées.

Sur ce :

Aux termes de l'article L.521-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Et l'article L.521-8 dudit code dispose qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.
La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.

Eu égard au prix de vente du fournisseur et au prix de revente pratiqué par la SAS ATS pour les pare-chocs référencés ATS 97249, [Adresse 9], il y a lieu d'évaluer le bénéfice réalisé par la SAS ATS, eu égard au nombre de pare-chocs contrefaisants vendus de 2015 à 2017 s'élevant à 98, à 6.143 euros.

Les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels retirées de la contrefaçon par la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO seront fixées à 5.000 euros.

La SA IVECO FRANCE ne donne pas d'éléments suffisants de nature à quantifier les conséquences économiques négatives de la contrefaçon.

En revanche, il est incontestable que la contrefaçon banalise et dévalorise ses modèles.

Elle a donc subi un préjudice moral qui sera évalué à 15.000 euros.

En conclusion, la SAS ATS sera condamnée à payer à la SA IVECO FRANCE 6.143 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au bénéfice indû qu'elle a réalisé du fait de la contrefaçon.

La SAS ATS et la société CAR-MONT SRO seront également condamnées in solidum à payer à la SA IVECO FRANCE 20.000 euros à titre de dommages-intérêts représentant les économies d'investissements retirées du fait de la contrefaçon et le préjudice moral imputable à celle-ci.

Il sera fait interdiction, en tant que de besoin, à la société CAR-MONT SRO et à la SAS ATS de fabriquer, d'importer, d'offrir à la vente, de vendre, de promouvoir et/ou de commercialiser des pare-chocs reprenant les caractéristiques des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à partir de la signification du présent jugement et pour une durée de six mois.

Il sera également ordonné, tant que de besoin, la confiscation des pare-chocs référencés ATS 97249, ATS 93301, ATS 95650, ATS 93300 et ATS 95651 restés en possession de la SAS ATS, et leur destruction sous le contrôle d'un huissier de justice, aux frais de la SAS ATS, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du jour où le présent jugement aura acquis force de chose jugée.

Le tribunal se réserve la liquidation des astreintes.

Le préjudice étant intégralement réparé, la mesure de publication judiciaire, qui s'analyse en une demande de réparation complémentaire, sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Parties perdantes, la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO supporteront in solidum la charge des dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, et devront rembourser les frais de la saisie-contrefaçon pratiquée le 19 février 2018.

L'équité commande également de les condamner, sous la même solidarité imparfaite, à payer à la SA IVECO FRANCE 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans les rapports entre la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO, les condamnations seront réparties à hauteur de la moitié pour chacune.

L'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la destruction des stocks qui présente un caractère irréversible.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition par le greffe le jour du délibéré,

Déclare valables les modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003 dont la SA IVECO FRANCE est titulaire,

Déboute la SA IVECO FRANCE de ses demandes formées au titre du droit d'auteur,

Dit qu'en fabriquant, important, offrant à la vente et commercialisant les pare-chocs référencés ATS 97249, [Adresse 9], la société CAR-MONT SRO et la SAS ATS ont commis des actes de contrefaçon des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003 au préjudice de la SA IVECO FRANCE,

Fait interdiction, en tant que de besoin, à la société CAR-MONT SRO et à la SAS ATS de fabriquer, d'importer, d'offrir à la vente, de vendre, de promouvoir et/ou de commercialiser des pare-chocs reprenant les caractéristiques des modèles communautaires no002327189-0002 et 002327189-0003, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, laquelle commencera à courir à l'expiration d'un délai d'un mois à partir de la signification du présent jugement et pour une durée de six mois,

Ordonne, en tant que de besoin, la confiscation des pare-chocs référencés ATS 97249, ATS 93301, ATS 95650, ATS 93300 et ATS 95651 restés en possession de la SAS ATS, et leur destruction sous le contrôle d'un huissier de justice, aux frais de la SAS ATS, sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du jour où le jugement aura acquis force de chose jugée,

Dit que le présent tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

Condamne la SAS ATS à payer à la SA IVECO FRANCE 6.143 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au bénéfice indû qu'elle a réalisé du fait de la contrefaçon,

Condamne in solidum la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO à payer à la SA IVECO FRANCE 20.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux économies d'investissements retirées de la contrefaçon et au préjudice moral imputable à celle-ci,

Rejette la demande de publication,

Déboute la SA IVECO FRANCE de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne in solidum la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO à payer à la SA IVECO FRANCE 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que, dans les rapports entre la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO, les condamnations seront réparties à hauteur de la moitié pour chacune,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, sauf en ce qui concerne la mesure de destruction des stocks de pare-chocs contrefaisants restés en possession de la SAS ATS,

Condamne in solidum la SAS ATS et la société CAR-MONT SRO aux dépens, ainsi qu'au remboursement des frais de la saisie-contrefaçon.

Fait et jugé à Paris le 06 août 2020

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 18/04056
Date de la décision : 06/08/2020

Analyses

modèles/pièces détachées véhicules


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2020-08-06;18.04056 ?
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