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07/11/2019 | FRANCE | N°19/03440

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 07 novembre 2019, 19/03440


T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG 19/03440
No Portalis 352J-W-B7D-CPMWQ

No MINUTE :

Assignation du :
24 octobre 2018

JUGEMENT
rendu le 07 novembre 2019
DEMANDEURS

S.A.R.L. KRAKED
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentée par Me Jim MICHEL-GABRIEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0278

S.A.R.L. GET DOWN
[Adresse 2]
[Localité 2]

Madame [W] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 3]

Monsieur [B] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Lo

calité 4]

représentés par Me Edouard MILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0735

DÉFENDEURS

S.A.S. DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING
[Adresse 6]
[Localité 1...

T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG 19/03440
No Portalis 352J-W-B7D-CPMWQ

No MINUTE :

Assignation du :
24 octobre 2018

JUGEMENT
rendu le 07 novembre 2019
DEMANDEURS

S.A.R.L. KRAKED
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentée par Me Jim MICHEL-GABRIEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0278

S.A.R.L. GET DOWN
[Adresse 2]
[Localité 2]

Madame [W] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 3]

Monsieur [B] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentés par Me Edouard MILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0735

DÉFENDEURS

S.A.S. DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING
[Adresse 6]
[Localité 1]

Monsieur [N] [O]
[Adresse 7]
[Localité 5]

S.A.S. ARTIWORKS
[Adresse 8]
[Localité 1]

représentés par Maître Michael MAJSTER de l'AARPI CBR et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0139

Madame [H] Lyse [X]
[Adresse 9]
[Localité 1]

représentée par Maître Stéphane CHERQUI de l'AARPI TWELVE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1212

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Gilles BUFFET, Vice président
Karine THOUATI, Juge

assistée de Alice ARGENTINI, Greffier

DEBATS

A l'audience du 15 octobre 2019
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

Présentation des parties et de leurs droits :

Mme [W] [Y] et M. [B] [G] poursuivent depuis près de quinze ans une carrière musicale, notamment au sein du groupe « The Dø », qu'ils forment, en tant qu'auteurs et compositeurs, d'une part, et interprètes d'autre part.

Le groupe a écrit et composé une ?uvre intitulée « The bridge Is Broken » publiée sur l'album intitulé « A Mouthful », sorti le 16 janvier 2008.

L'oeuvre avait fait l'objet d'un dépôt à la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) le 2 janvier 2006.

L'enregistrement en studio de l'oeuvre a été produit par la SARL GET DOWN.

Par contrat de cession et d'édition d'?uvre musicale du 1er novembre 2005, Mme [Y] et M. [G] avaient cédé leurs droits patrimoniaux sur l'oeuvre à la SARL KRAKED.

L'enregistrement de l'oeuvre "The bridge is broken" est commercialisé en France par la société CINQ7 / WAGRAM, en qualité de licenciée, suivant contrat de licence conclu avec la société GET DOWN le 2 juillet 2007.

En février 2015, M. [N] [O] dit [L], disc-jockey, a publié l'enregistrement phonographique d'une ?uvre intitulée « Goodbye », créée en collaboration avec Mme [H] Lyse [X], dite LYSE.

L'enregistrement phonographique de l'oeuvre a été produit par la société ARTIWORKS, dirigée par M. [O] dit [L].

Cette oeuvre est éditée par la SARL DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING.

L'enregistrement de l'oeuvre "Goodbye" est commercialisé par la société WARNER MUSIC FRANCE, en exécution d'un contrat de licence exclusive.

Au moment de la sortie de l'oeuvre "Goodbye", Mme [W] [Y] et M. [B] [G] ont constaté qu'elle contenait une reprise à l'identique, selon eux, d'un extrait de l'oeuvre "The bridge is broken", cette reprise étant répétée pendant la majeure partie du titre "Goodbye".

Un rapport d'analyse des deux oeuvres effectué le 6 janvier 2016 par la SACEM conclut à la reprise, par le titre "Goodbye"d'un enchaînement mélodique d'une durée inférieure à deux secondes, issu de l'oeuvre "The bridge is broken", dont la différence avec la séquence d'origine ne résulte que d'une équalisation sonore.

Toutefois, par une lettre du 5 février 2016, la SACEM a notifié à la société KRAKED que la Commission des Compositeurs de son Conseil d'Administration avait, le 26 janvier 2016, décidé qu'il n'existait pas de ressemblance caractérisée entre les deux oeuvres et qu'en particulier l'élément repris n'était pas "suffisant pour conclure à une ressemblance".

Procédure

Aussi, après de vaines tentatives de règlement amiable du litige, la SARL KRAKED, la SARL GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] ont, par actes d'huissiers des 24 octobre 2018, 12 novembre 2018 et 22 février 2019, fait assigner la SARL DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING, Mme [X], M. [O] et la SAS ARTIWORKS en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de droit d'auteur et de droits voisins (artistes interprètes et producteurs de phonogrammes).

Appelée à l'audience de référés du 4 mars 2019, l'affaire a été renvoyée au fond devant le tribunal, par application de l'article 811 du code de procédure civile, à l'audience du 14 mai 2019.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 mai 2019, la SARL KRAKED demande au tribunal, au visa des articles 4 et 5 de la Directive 04/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, 10, 1240 du code civil, 11, 56, 114, 138, 143, 144, 146, 232, 489, 515 et 700 du code de procédure civile, L. 111-1, L.112-1, L. 112-3, L. 113-2, L. 113-4, L. 121-1, L. 122-4, L.113-1, L. 212-2, L. 213-1, L. 214-5, L. 311-6, L. 332-3, L. 331-1, L. 331-1-2, L. 331-1-3, L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution , de :

- DIRE que Mme [Y] et M. [G] sont les auteurs et compositeurs de l'oeuvre « The bridge Is Broken »,

- DIRE que Mme [Y] et M. [G] sont les interprètes de l'enregistrement de cette oeuvre, sous le nom de groupe « The Dø », dont ils sont les seuls membres,

- DIRE que la société KRAKED est l'éditeur de l'oeuvre "The bridge is broken",

- DECLARER la SARL KRAKED recevable à agir en défense des droits patrimoniaux afférents à l'oeuvre "The bridge is broken",

- REJETER les demandes d'irrecevabilité soulevées par les défendeurs,

- DIRE que l'enregistrement de l'oeuvre "Goodbye" comprend une reproduction à l'identique d'un extrait de l'oeuvre "The bridge is broken" et de son enregistrement,

- DIRE que l'oeuvre « The Bridge is Broken » est originale et, à titre surabondant, que l'extrait de l'oeuvre est original,

- DIRE que de l'oeuvre "Goodbye" présente un caractère contrefaisant de l' oeuvre "The bridge is broken",

A titre subsidiaire :

- DIRE que l'enregistrement de l'oeuvre "Goodbye" comprend une reproduction à l'identique d'un extrait de l'oeuvre "The bridge is broken", l'incorporation d'un extrait de cette oeuvre au sein de l'?uvre "Goodbye" en tant qu'élément structurant de celui-ci constituant un agissement fautif au regard de l'article 1240 du code civil,

Sur le préjudice de la société KRAKED

A titre principal :

Avant dire droit ;

Sur la communication de pièces

- ORDONNER à la SACEM de lui communiquer copie de l'ensemble des feuillets de répartition établis par la SACEM depuis la date du dépôt de l'oeuvre "Goodbye" auprès de cette dernière et adressés respectivement à (i) DISTRICT 6, (ii) [L], et (iii) LYSE, mentionnant les redevances mise en répartition au titre de l'oeuvre
"Goodbye", sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de trente jours suivant la signification du jugement à intervenir, - à défaut, ORDONNER à (i) DISTRICT 6, (ii) [L], et (iii) LYSE de communiquer à KRAKED l'ensemble des feuillets de répartition qu'ils ont respectivement reçus de la SACEM et mentionnant les redevances mise en répartition au titre de l'oeuvre "Goodbye" depuis la date du dépôt de cette dernière auprès de la SACEM, sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

Dans tous les cas,

- ORDONNER à DISTRICT 6 de communiquer à KRAKED le détail de toute autre recette qu'elle aurait perçue au titre de l'exploitation de l'oeuvre "Goodbye" ou, à défaut, une attestation d'un expert-comptable certifiant l'inexistence de recettes de cette nature, sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

- RENVOYER les parties à l'audience du juge de la mise en état dont il plaira au tribunal de céans de déterminer la date, afin que KRAKED puisse présenter ses demandes indemnitaires à l'aune des informations lui auront ainsi été communiquées ;

- SE RÉSERVER compétence pour la liquidation de l'astreinte ordonnée.

Au fond :

Sur le préjudice déjà subi,

- DIRE que DISTRICT 6, [L], et LYSE seront solidairement tenus de verser à Kraked 80% des droits d'auteur générés par l'exploitation de l'oeuvre "Goodbye" à compter de sa divulgation jusqu'à la date du prononcé du jugement à intervenir (à répartir auprès de Mme [Y] et M. [G], selon les termes du contrat de cession et d'édition conclu avec eux) ;

- ORDONNER à DISTRICT 6, [L], et LYSE, solidairement, de payer à la société KRAKED, une indemnité provisionnelle à parfaire de 14 763 euros, à répartir auprès de Mme [Y] et M. [G], selon les termes du contrat de cession et d'édition conclu avec eux;

Subsidiairement,

- ORDONNER à DISTRICT 6, [L] et à LYSE, solidairement, de payer à la société KRAKED, une indemnité provisionnelle à parfaire de 50.000 euros au titre des agissements parasitaires commis par les défendeurs ;

Au fond :

Sur le préjudice futur,

- INTERDIRE à la société DISTRICT 6 PUBLISHING, [L], et LYSE, seuls ou conjointement, d'exploiter ou d'autoriser un tiers à exploiter l'oeuvre "Goodbye", à l'exception de la SACEM-SDRM, sans l'accord préalable de KRAKED, sous astreinte de 10.000 euros par manquement constaté au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

- ORDONNER à DISTRICT 6 PUBLISHING, [L], et LYSE, de redéposer auprès des services de la SACEM un nouveau bulletin de déclaration de l'oeuvre "Goodbye" mentionnant KRAKED comme bénéficiaire de 80% de la part éditoriale (selon les conditions fixées par les règles sociales des organismes de gestion collective), sous astreinte de cinq cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- SE RÉSERVER compétence pour la liquidation de l'astreinte ordonnée ;

Subsidiairement,

- INTERDIRE à DISTRICT 6, [L] et à LYSE, solidairement, de poursuivre les agissements parasitaires commis par les défendeurs au titre de la captation indue de la valeur économique intrinsèque portée par l'extrait de l'oeuvre "The bridge is broken", ainsi que sur le préjudice moral nécessairement induit par ces actes parasitaires commis au détriment de KRAKED ;

SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE DE KRAKED :

A titre subsidiaire :

- COMMETTRE tout expert qu'il plaira au tribunal de céans de désigner, avec pour mission de:

a) se faire remettre les enregistrements des oeuvres "The bridge is broken" et "Goodbye" tels qu'ils ont été déposés à la SACEM;
b) procéder à la comparaison des éléments composant les deux oeuvres et relever les similitudes existant entre celles-ci dans la mélodie, l'harmonie, la construction rythmique, l'orchestration;
c) examiner les antériorités présentées, le cas échéant;
d) donner son avis sur la qualification du travail du compositeur de l'oeuvre "Goodbye" par rapport à l'oeuvre "The bridge is broken" et donner son avis sur l'importance quantitative et qualitative de l'emprunt de l'oeuvre "Goodbye" à l'oeuvre "The bridge is broken" le cas échéant en consultant des sachants tels que musiciens, compositeurs et professeurs de musique.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER individuellement et solidairement les défendeurs :
* aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jim MICHEL-GABRIEL ;

* et, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de la somme de 23 850 ? à la société KRAKED, dont 3 850 ? au titre des honoraires de Mme l'expert [A] [N] ;

- ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le13 mai 2019, la société GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] demandent au tribunal, vu les articles 2 à 5 de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, les articles 4 et 5 de la directive 04/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriétéŽ intellectuelle, les articles 10, 1240, 1340, 1342-2, et 1382 du code civil, les articles 11, 56, 138, 143, 144, 146, 232, et 700 du code de procédure civile, les articles L. 111-1, L. 112-1, L. 112-3, L. 113-2, L. 113-4, L. 121-1, L. 122-4, L.113-1, L. 212-2, L. 213-1, L. 214-5, L. 311-6, L. 332-3 L. 331-1, L. 331-1-3, L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, de :
- DIRE que Mme [Y] et M. [G] sont les auteurs et compositeurs de l'oeuvre "The bridge is broken", qu'ils sont recevables à agir tant en défense de leur droit moral d'auteurs qu'à l'égard des droits patrimoniaux qu'ils ont cédés à la SACEM, du fait de la carence de cette dernière ;

- DIRE que Mme [Y] et M. [G] sont les interprètes de l'Enregistrement de l'oeuvre "The bridge is broken", sous le nom de groupe « The Dø », dont ils sont les seuls membres, et qu'ils sont à ce titre recevables à agir en défense des droits que la loi leur attribue à raison de cette qualité ;

- DIRE que la société GET DOWN est le producteur du phonogramme que constitue l'enregistrement de l'oeuvre "The bridge is broken", et qu'elle est recevable à agir en défense des droits voisins patrimoniaux y afférents ;

I. SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

De la société GET DOWN

Sur le fond

- DIRE que la société GET DOWN rapporte la preuve de la reproduction d'un extrait de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken », produit par la société GET DOWN, au sein de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye » produit par la société ARTIWORKS ;

- DIRE que la société ARTIWORKS ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait réenregistré l'extrait litigieux ;

- DIRE que la reproduction d'un extrait de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken » précité, sans l'autorisation de la société GET DOWN, au sein de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye » précité, constitue une contrefaçon des droits voisins reconnus à la société GET DOWN par la loi ;

- DIRE que le préjudice patrimonial correspondant, subi par la société GET DOWN en qualité de productrice de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken », peut être évalué à 80% :

o des recettes de toute nature auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre en contrepartie de l'exploitation de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye » qu'elle a produit;

o des sommes auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre auprès de toute société de gestion collective, en sa qualité de productrice de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye », au titre de la rémunération équitable et de la copie privée.

En conséquence,

- CONDAMNER la société ARTIWORKS à notifier à la société WARNER MUSIC FRANCE, avec laquelle elle a conclu un contrat de licence exclusive quant à l'exploitation de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye », une indication de paiement de 80% des sommes auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre en exécution dudit contrat comme de toute autre convention ayant pour objet l'exploitation de l'enregistrement précité, au profit de GET DOWN, et ce pour toute la durée desdites conventions et de leurs éventuels renouvellements, afin de faire cesser le préjudice résultant de l'exploitation de l'enregistrement litigieux et de tous ceux qui en seraient issus ;

- CONDAMNER la société ARTIWORKS à modifier la déclaration des enregistrements de l'?uvre « Goodbye » qu'elle a déclarés à la SCPP de telle manière que la société GET DOWN perçoive 80% des sommes auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre au titre des sommes mises en répartition par la SCPP en relation avec lesdits enregistrements, afin de faire cesser le préjudice résultant de l'exploitation de l'enregistrement litigieux et de tous ceux qui en seraient issus ;

- CONDAMNER la société ARTIWORKS à solliciter la société GET DOWN en vue de son éventuel accord préalable à toute exploitation de l'enregistrement litigieux et de tous ceux qui en seraient issus, distincte des formes d'exploitation auxquelles la société WARNER MUSIC FRANCE est autorisée à procéder en exécution du contrat de licence conclu avec la société ARTIWORKS, afin de faire cesser le préjudice résultant de l'exploitation de l'enregistrement litigieux et de tous ceux qui en seraient issus ;

- CONDAMNER solidairement M. [N] [O] et la société ARTIWORKS à payer, par provision sur la réparation de l'entier préjudice de la société GET DOWN, la somme de 55 860 ? au titre du manque à gagner dont elle a eu à pâtir du fait de l'exploitation illicite de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye » résultant des informations en sa possession ;

Avant dire droit :

- CONSTATER que la société GET DOWN est bien fondée à solliciter la communication de tout document permettant de déterminer l'étendue des préjudices d'ores et déjà subis du fait de l'exploitation contrefaisante de l'enregistrement de l'?uvre « Goodbye » produit par la société ARTIWORKS et des enregistrements qui en sont issus ;

En conséquence,

- ORDONNER à la société WARNER MUSIC FRANCE, en qualité de licencié exclusif des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » produits par la société ARTIWORKS, de communiquer à la société GET DOWN une copie certifiée conforme à l'original du contrat de licence conclu avec la société ARTIWORKS ainsi que l'ensemble des redditions de comptes que cette société a adressées à la société ARTIWORKS en exécution du contrat de licence précité, relatives aux exploitations des enregistrements précités, sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de trente jours suivant la signification du jugement à intervenir ;

SUBDISIDIAIREMENT,

- ORDONNER à la société ARTIWORKS de communiquer à la société GET DOWN une copie certifiée conforme à l'original du contrat de licence conclu avec la société WARNER MUSIC FRANCE, ainsi qu'une copie de l'ensemble des redditions de comptes reçues de cette société en exécution dudit contrat, relatives aux enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » produits par la société ARTIWORKS, sous quelque forme que ce soit, y compris incorporé dans un vidéogramme, sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

- ORDONNER à la SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES de communiquer à la société GET DOWN copie de l'ensemble des redditions de comptes que cette société a adressées à la société ARTIWORKS au titre de la part de la rémunération équitable et de la copie privée lui revenant au regard des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » déclarés auprès d'elle, depuis leur inscription auprès de la SCPP ;

SUBSIDIAIREMENT,

- ORDONNER à la société ARTIWORKS de communiquer à la société GET DOWN copie de l'ensemble des redditions de comptes établies par la SCPP certifiées conformes, et mentionnant la part de la rémunération équitable et de la copie privée allouée par la SCPP au titre des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » déclarés auprès d'elle depuis leur inscription auprès de la SCPP, sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

- ORDONNER à la société ARTIWORKS de communiquer à la société GET DOWN tout document certifié conforme permettant de déterminer le détail de toute autre recette qu'elle aurait perçue au titre de l'exploitation de l'enregistrement de l'?uvre « Goodbye » produit par la société ARTIWORKS et des enregistrements qui en sont issus, sous quelque forme que ce soit, y compris incorporé dans un vidéogramme ou, à défaut, une attestation d'un Expert-Comptable certifiant l'inexistence de recettes de cette nature, sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

- RENVOYER les parties à l'audience du juge de la mise en état dont il plaira au Tribunal de céans de déterminer la date, afin que la société GET DOWN puisse présenter ses demandes indemnitaires à l'aune des informations lui auront ainsi été communiquées.

De Madame [Y] et Monsieur [G]

Sur le fond

- DIRE que la reproduction d'un extrait de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken » au sein de l'enregistrement phonographique de l'?uvre «Goodbye » constitue une contrefaçon des droits d'auteur de Mme [Y] et M. [G], et porte atteinte à leur droit moral ;

- DIRE que le préjudice patrimonial correspondant subi par Mme [Y] et M. [G], en qualité d'auteurs et de compositeurs de l'?uvre « The bridge is broken », peut être évalué à 80% des sommes mises en répartition par la SACEM et la SDRM auprès de Mme [X] [X] et M. [N] [O], en leur qualité d'auteur et de compositeur de l'?uvre « Goodbye » ;

- DIRE que le préjudice patrimonial correspondant subi par Madame [Y] et Monsieur [G], en qualité d'artistes-interprètes de l'?uvre « The bridge is broken », peut être évalué à 80% des sommes mises en répartition par l'ADAMI auprès de Mme [X] [X] et M. [N] [O], en leur qualité d'artistes-interprètes de l'?uvre « Goodbye » ;

- DIRE que l'exploitation de l'enregistrement litigieux a porté atteinte au droit à la paternité de Mme [Y] et M. [G], tant en leur qualité d'auteur-compositeur que d'artiste-interprète.

En conséquence,

- CONDAMNER Mme [X] [X] et M. [N] [O] à modifier la déclaration de l'?uvre « Goodbye » auprès de la SACEM de telle manière que 80% des sommes auxquelles les précités peuvent prétendre en leur qualité d'auteur et de compositeur de ladite ?uvre soit allouées à parts égales entre Mme [Y] et M. [G], sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, afin de faire cesser le préjudice résultant de l'exploitation de l'?uvre litigieuse ;

- CONDAMNER Mme [X] [X] et M. [N] [O] à modifier la déclaration de leurs interprétations de l'?uvre « Goodbye » auprès de l'ADAMI afin que 80% des sommes auxquelles les précités peuvent prétendre en leur qualité d'artiste-interprète de ladite ?uvre soit allouées à parts égales entre Mme [Y] et M. [G], sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, afin de faire cesser le préjudice résultant de l'exploitation de l'enregistrement litigieux ;

- CONDAMNER la société DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING à payer à Mme [Y] et M. [G] la somme de 10 000 ? chacun, par provision sur l'entière réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à leur droit moral d'auteur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir;

- CONDAMNER solidairement la société ARTIWOKS et M. [N] [O] à payer à Mme [Y] et M. [G] la somme de 20.000 euros chacun, par provision sur l'entière réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à leur droit moral, en qualité d'artistes-interprètes membres du groupe The Dø ;

- CONDAMNER la société ARTIWORKS à faire respecter par chacun de ses cocontractants le droit moral des demandeurs, en prenant toute mesure utile à ce que les mentions de crédit relatives aux enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » soient présentées en identifiant ses interprètes comme étant « Feder feat. The Dø », et ce sous astreinte de cinq cents euros par infraction constatée à compter du trentième jour suivant la signification du jugement à intervenir.

Avant dire droit :

- CONSTATER que Mme [Y] et M. [G] sont bien fondés à solliciter la communication de tout document permettant de déterminer l'étendue des préjudices d'ores et déjà subis du fait de l'exploitation contrefaisante de l'?uvre « Goodbye » et de ses enregistrements phonographiques.

En conséquence,

- ORDONNER à la SACEM et à la SDRM de communiquer à Mme [Y] et M.r [G] copie de l'ensemble des redditions de comptes que ces sociétés ont adressées respectivement à Mme [X] [X] et à M. [N] [O] au titre de la part de redevances leur ayant été payée à raison de l'exploitation de l'?uvre « Goodbye » depuis le dépôt de celle-ci auprès des sociétés précitées ;
SUBSIDIAIREMENT,

- ORDONNER à Mme [X] [X] et à M. [N] [O] de communiquer à Mme [Y] et M. [G] copie certifiée conforme de l'ensemble des redditions de comptes établies par la SACEM et la SDRM et mentionnant la part de redevances ayant été payée à chacun à raison de l'exploitation de l'?uvre « Goodbye », sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

- ORDONNER à l'ADAMI de communiquer à Mme [Y] et M. [G] copie de l'ensemble des redditions de comptes que cette société a adressées respectivement à Mme [X] [X] et à M. [N] [O] au titre des redevances et/ou indemnités légales qu'elle a perçues à raison de l'utilisation et/ ou de l'exploitation des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » depuis la date de première commercialisation de celle-ci ;

SUBSIDIAIREMENT,

- ORDONNER à Mme [X] [X] et à M. [N] [O] de communiquer à Mme [Y] et M. [G] copie certifiée conforme de l'ensemble des redditions de comptes que cette société leur a adressées respectivement au titre des redevances et/ou indemnités légales qu'elle a perçues à raison de l'utilisation et/ ou de l'exploitation des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye », sous astreinte de cent euros par jour de retard au terme d'un délai de sept jours ouvrés suivant la signification du jugement à intervenir ;

SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE

- DIRE ET JUGER que M. [N] [O] et la société ARTIWORKS ont commis une faute délictuelle en captant indûment les efforts entrepris par les auteurs et compositeurs de l'?uvre « The bridge is broken », comme des investissements réalisés par la société GET DOWN pour la production et l'exploitation de l'enregistrement phonographique de celle-ci ;

En conséquence,

- CONDAMNER solidairement M. [N] [O] et la société ARTIWORKS à payer la somme de 50 000 euros à la société GET DOWN à titre de dommages-intérêts.

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

- COMMETTRE tout expert qu'il plaira au Tribunal de céans de désigner, avec pour mission de :

a) se faire remettre les enregistrements phonographiques des ?uvres « The bridge is broken » et « Goddbye », tels qu'ils sont commercialisés respectivement par les sociétés WAGRAM et WARNER MUSIC FRANCE, ainsi que les différents fichiers communiqués par les défendeurs en réponse aux demandes de la société GET DOWN ;
b) procéder à la comparaison des éléments ainsi transmis afin de déterminer si tout ou partie de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken » a été reproduit dans l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye » ;
c) dans la négative, procéder à la comparaison des éléments ainsi transmis afin de déterminer si l'un des fichiers communiqués par les défendeurs figure dans l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye ».

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- CONDAMNER individuellement et solidairement M. [N] [O] et la société ARTIWORKS :

* aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Edouard Mille
* et, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de 18 470 ? à la société GET DOWN (dont 8 470 ? au titre des honoraires de Madame [A] [N]), et 5 000 ? chacun à Madame [Y] et Monsieur [G].

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mai 2019, la SAS DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING, la SAS ARTIWORKS et M. [N] [O] demandent au tribunal, vu les articles 122 du code de procédure civile, 809 du code de procédure civile, L.113-1, L. 113-3, L. 121-1, L. 122-4 et L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, de :
A titre liminaire, sur l'irrecevabilité de l'action :

- DÉCLARER les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] irrecevables à agir pour défaut d'objet, ces derniers ne produisant pas l'?uvre « The Bridge Is Broken » dont la contrefaçon est alléguée ;

- DECLARER l'ensemble des demandes de M. [G] fondées sur les droits d'artiste-interprète irrecevables à défaut de qualité à agir
- DECLARER que Mme [Y] est irrecevable à agir sur le fondement des droits d'artiste-interprète à défaut de qualité à agir dès lors qu'aucune interprétation de l'extrait litigieux n'existe ;
En conséquence :

- DEBOUTER les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

A titre principal :

- DIRE que le prétendu emprunt effectué à l'?uvre « The Bridge Is Broken» de Mme [Y] et M. [G] est dénué d'originalité ;

- DIRE que l'?uvre « Goodbye » ne constitue pas la contrefaçon de l'?uvre musicale « The Bridge Is Broken » ;

- DIRE que le phonogramme « Goodbye » ne constitue pas la contrefaçon du phonogramme « The Bridge Is Broken » ;
En conséquence,

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur action fondée sur la contrefaçon de l'?uvre « The Bridge Is Broken » et de son enregistrement ;

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur action fondée sur le parasitisme allégué à titre subsidiaire à l'encontre des défendeurs ;

- DEBOUTER les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, sur les mesures sollicitées :

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de l'ensemble des mesures sollicitées et notamment de leur demande de communication d'éléments et de condamnations pécuniaires;

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur demande d'expertise formulée à titre subsidiaire ;

En tout état de cause :

- CONDAMNER les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] à payer aux sociétés DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING, ARTIWORKS et M. [O] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] aux entiers dépens de l'instance en ce compris l'ensemble des frais d'expertise exposés par les défendeurs.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 mai 2019, Mme [X] demande au tribunal, au visa des articles 9, 11, 31, 32, 122, 138, 143, 144, 145, et 788 et suivants du code de procédure civile, L. 113-1, L. 113-3 ; L. 121-1 ; L. 122-4 et L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, de :
A titre liminaire :

- DECLARER GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] irrecevables en leurs demandes de cessation de l'exploitation de l'enregistrement « Goodbye » à défaut de mise en cause de WARNER MUSIC ;

- DECLARER Mme [Y], M. [G] et KRAKED irrecevables en l'ensemble de leurs demandes à défaut de mise en cause de la SACEM ;

- DECLARER Mme [Y] irrecevable à agir sur le fondement de ses droits d'artiste-interprète à défaut de qualité à agir dès lors qu'aucune interprétation de l'extrait litigieux n'existe ;

- DECLARER M. [G] irrecevable à agir sur le fondement de ses droits d'artiste-interprète à défaut de qualité à agir dès lors qu'il n'est nullement interprète de l'extrait litigieux prétendument repris de l'enregistrement « The Bridge is Broken » ;

- DECLARER GET DOWN irrecevables en ses demandes de communication de feuillets de répartition SACEM à défaut de mise en cause de la SACEM ;

- DECLARER GET DOWN irrecevables en ses demandes de communication de redditions de comptes afférents à la rémunération équitable et à la rémunération pour copie privée à défaut de mise en cause de l'ADAMI ;

En conséquence :

- DEBOUTER KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'égard de Mme [X] [X];

A titre principal :

- DIRE que le litige ne concerne ni la contribution de Mme [X] à l'?uvre « Goodbye » ni son interprétation vocale fixée au sein de l'enregistrement « Goodbye » ;

- DIRE que le périmètre des prétendus actes de contrefaçon (ou subsidiairement de parasitisme) n'a trait qu'à la composition de l'?uvre « Goodbye » et de la partie musicale de l'enregistrement « Goodbye »
- CONSTATER que les demandeurs ne rapportent la preuve d'aucune faute ni part de responsabilité de Mme [X] dans un quelconque acte de contrefaçon ou de parasitisme trouble manifestement illicite ou dans quelque préjudice que ce soit ;

- DIRE que le périmètre des actes de contrefaçon (ou subsidiairement de parasitisme) est étranger à Mme [X] en qualité de co-parolière et d'interprète vocale de la chanson « Goodbye » ;

En conséquence :

- DEBOUTER KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] ET M. [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'égard de Mme [X].

A titre subsidiaire :

- DIRE que le prétendu emprunt à l'?uvre « The Bridge Is Broken » de Mme [Y] et M. [G] est dénué d'originalité ;

- DIRE que l'?uvre « Goodbye » ne constitue pas la contrefaçon de l'?uvre musicale « The Bridge Is Broken » ;

- DIRE que le phonogramme « Goodbye » ne constitue pas la contrefaçon du phonogramme « The Bridge Is Broken » ;

En conséquence,

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur action fondée sur la contrefaçon de l'?uvre « The Bridge Is Broken » et de son enregistrement ;

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur action fondée sur le parasitisme allégué à titre subsidiaire à l'encontre des défendeurs ;

- DEBOUTER les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre plus subsidiaire :

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur demande de communication d'éléments ;

- DIRE que les demandes de Mme [Y] et M. [G] de modification de la déclaration de l'enregistrement « Goodbye » à l'ADAMI est sans objet et partant mal fondée;

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de l'ensemble de leurs demandes de condamnations pécuniaires;

- DEBOUTER purement et simplement les sociétés KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] de leur demande d'expertise formulée à titre subsidiaire ;

A titre très subsidiaire :

- CONDAMNER solidairement [L], DISTRICT 6 et ARTIWORKS à garantir et tenir indemne Mme [X] de toute condamnations quelles qu'elles soient, y compris financières, à son égard qui seraient prononcées à son égard au profit des demandeurs;
En tout état de cause :

- CONDAMNER solidairement KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] à payer à Mme [X] une somme de 12.500? au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- CONDAMNER KRAKED, GET DOWN, Mme [Y] et M. [B] [G] aux entiers dépens de l'instance.

Par un jugement du 11 juillet 2019, ce tribunal a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-476/17, [C] GmbH et autres contre [R] [R] et [C] [W] et a renvoyé la présente affaire à l'audience du 15 octobre 2019.

A l'audience du 15 octobre 2019, la société KRAKED a fait valoir que la solution retenue par la Cour pour les droits voisins du producteur de phonogramme devait être transposée aux droits d'auteur et qu'il se déduisait de la décision qu'il n'existait aucune limite minimale à la protection d'une oeuvre par le droit d'auteur.

La société GET DOWN, Mme [Y] et M. [G] soutiennent que la Cour de Luxembourg a jugé que l?échantillonnage était dispensé d'autorisation lorsque, par suite des modifications réalisées par son utilisateur, il n'était "plus reconnaissable à l'écoute" dans l'oeuvre de l'utilisateur. Ils précisent que c'est au tribunal qu'il reviendra d'apprécier ce point, tout en relevant que les trois experts ayant analysés les deux oeuvres ont reconnu l'emprunt de [L] à l'oeuvre du groupe The Dø, de même qu'un internaute, ce dont ils déduisent que l'oeuvre est reconnaissable à l'écoute.

Les sociétés DISTRICT 6 FRANCE PUBLISHING, ARTIWORKS et M. [N] [O] rappellent que les demandeurs ne rapportent aucunement la preuve de la réalisation d'un échantillonnage. Au contraire, ils versent aux débats 48 pistes audio qui démontrent que la boucle rythmique litigieuse a été réalisée par un artiste guitariste, selon un processus créatif propre à l'artiste [L].

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Sur les fins de non recevoir soulevées par la défense

a - Sur la production de l'oeuvre

Les défendeurs concluent à l'irrecevabilité des demandes faute de production aux débats de la partition de l'oeuvre sur laquelle des droits sont revendiqués, ce qui selon eux rend impossible la détermination de l'objet de la protection revendiquée et empêche tout débat contradictoire. Ils ajoutent qu'il existe de multiples versions de l'oeuvre "The Bridge is Broken" et que la plupart d'entre elles ne comportent pas le très bref extrait qui aurait été contrefait.

Les défendeurs répliquent que l'objet de la protection revendiquée peut être prouvée par tous moyens et en particulier les phonogrammes du commerce. Ils indiquent produire en pièce 3 le phonogramme intitulé "A mouthful" et ajoutent que les experts n'ont eu aucun mal à identifier les oeuvres en litige et en particulier l'oeuvre sur laquelle des droits sont revendiqués.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.111-1, premier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, "L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous."

Selon l'article L.112-1 du même code, "Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination."

Il en résulte que la création sur laquelle des droits sont revendiqués peut être prouvée par tous moyens, dès lors que les contours de l'oeuvre sont précisément établis.

En l'occurrence, l'assignation vise précisément le titre "The Bridge is Broken" paru sur l'album "A Mouthful", dont la divulgation au public le 16 janvier 2008 n'est pas contestée. Le phonogramme en cause est versé aux débats par les demandeurs en pièce no3.

Le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de production de la partition de l'oeuvre "The Bridge is Broken" doit donc être rejeté.

b - Sur l'absence de qualité à agir de M. [B] [G]

Les défendeurs concluent à l'absence de qualité à agir de M. [G] faute d'être l'interprète de l'extrait argué de contrefaçon.

Les demandeurs rappellent que Mme [Y] et M. [G] sont les auteurs, compositeurs et interprètes de l'oeuvre "The Bridge is Broken" de sorte que M. [G] est parfaitement recevable à agir.

Sur ce,

La qualité d'auteur et de compositeur de l'oeuvre "The Bridge is Broken", avec Mme [Y], de M. [G] n'est pas contestée, tandis que sa qualité ou non d'interprète de l'oeuvre en cause, affirmée en demande, constitue un moyen de fond qui conduira éventuellement au rejet de ses demandes de ce chef.

Il en résulte qu'en l'état des demandes, M. [G] est recevable à agir.

c - Sur l'absence de qualité à agir de Mme [Y]

Les défendeurs font valoir que Mme [Y], guitariste du groupe, ne peut revendiquer la protection par le droit d'auteur d'un très court extrait du titre "The Bridge is broken" portant au surplus sur un accord raté, qui ne peut prétendre être original.

Sur ce,

Selon l'article 122 du code de procédure civile, "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."

L'originalité ou l'absence d'originalité détermine le caractère protégeable ou non d'une oeuvre. Il s'agit d'une question de fond, de sorte que la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité fondée sur l'impossibilité d'un court extrait d'être reconnu original ne peut qu'être écartée.

d - Sur les demandes dirigées contre la SACEM, l'ADAMI et WARNER

Mme [X] conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées contre la société WARNER, l'ADAMI et la SACEM, ces personnes morales n'étant pas parties à la procédure.

Sur ce,

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile, "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir."

Aucun des défendeurs n'ayant qualité à représenter la SACEM, l'ADAMI, non plus que la société WARNER, les demandes dirigées contre ces personnes morales qui n'ont pas été mises en cause seront déclarées irrecevables.

2o) Sur la contrefaçon de droit d'auteur

* Sur l'originalité de l'oeuvre

Les demandeurs concluent à l'originalité de l'oeuvre. Ils se fondent sur un arrêt de la Cour de cassation ayant jugé que la caractérisation de l'originalité impose d'apprécier l'oeuvre revendiquée dans son ensemble au regard des différents éléments, fussent-ils connus, qui la composent, pris en leur combinaison (Civ. 1ère, 30 septembre 2015, pourvoi no14-11.944, Bull. 2015, I, no226). Ils en déduisent que l'oeuvre doit être appréciée dans sa globalité pour la détermination de son originalité, de sorte que c'est toute l'oeuvre "The Bridge is broken" qui doit être considérée par le tribunal et non le seul extrait copié par le défendeur. Ils soutiennent que cette originalité n'est pas contestée ni contestable.

Subsidiairement, en ce qui concerne l'extrait copié, la société KRAKED souligne qu'il s'agit d'un enchaînement mélodique de 14 notes dont l'agencement porte indéniablement l'empreinte de la personnalité de ses auteurs. Elle ajoute que les défendeurs n'invoquent aucune antériorité.

Les défendeurs font quant à eux valoir que les sociétés KRAKED et GET DOWN, ainsi que Mme [Y] et M. [G] se méprennent sur la portée de l'arrêt qu'ils invoquent. Ils ajoutent d'ailleurs que la cour de renvoi désignée n'a pas conclu au caractère original de l'extrait prétendument copié. Ils en déduisent que l'originalité doit s'apprécier par rapport à l'extrait dont la contrefaçon est invoquée et que celle-ci, au regard de l'extrême brièveté de l'extrait et de la présence de "ghost notes" notamment, n'est pas caractérisée, ni caractérisable.

Sur ce,

Selon l'article L.112-2 , 5o, du code de la propriété intellectuelle, "Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : (...)
5o Les compositions musicales avec ou sans paroles ;"

En outre, la protection d'une ?uvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable.

Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.

La caractérisation de l'originalité impose d'apprécier l'oeuvre revendiquée dans son ensemble au regard des différents éléments, fussent-ils connus, qui la composent, pris en leur combinaison. (Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2015, pourvoi no14-11.944, Bull. 2015, I, no226).

L'examen de l'originalité ne peut donc porter que sur la partie d'oeuvre sur laquelle des droits et un monopole sont revendiqués, un monopole ne pouvant par principe être accordé sur une part infime d'une oeuvre plus importante dont l'originalité serait admise.

L'enchainement mélodique et rythmique en cause est le suivant (extrait de l'expertise de Mme [A] [N] produite par les demandeurs) :

Le tribunal constate que la mesure sur laquelle des droits de propriété sont revendiqués consiste en un enchaînement identique d'une note, d'un accord et d'une note, selon l'enchaînement rythmique suivant : deux croches, double croche, quart de soupir, croche.
Quoique les défendeurs n'aient pas identifié d'antériorité reproduisant cet enchaînement mélodique et rythmique, une telle composition qui reprend une formule, tant mélodique que rythmique, de base, relève à l'évidence du fonds commun de la musique et n'apparaît pas susceptible en elle-même d'appropriation par le droit d'auteur.

Il en résulte que les demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur, et en particulier toutes les demandes de la société KRAKED, ne peuvent qu'être rejetées.

3o) Sur les atteintes aux droits voisins :

* Du producteur de phonogramme

a - Sur le recours au procédé d'échantillonnage

Les demandeurs soutiennent que M. [O] a utilisé un "sample" non autorisé du titre "The Bridge is Broken" pour réaliser son propre titre "Goodbye" et font valoir que c'est la conclusion à laquelle sont parvenus tant l'expert de la SACEM que l'expert mandaté par eux en raison de la très forte similitude entre les extraits allant jusqu'à la reproduction d'une note fausse. Ils ajoutent que M. [O] a évoqué son travail dans la presse et révélé le fait qu'il n'est pas musicien et qu'en l'occurrence, il s'est révélé dans l'incapacité de combattre la présomption de sample, alors qu'il lui aurait été très simple de fournir la piste complète de l'enregistrement du guitariste auquel il prétend avoir fait appel, de même que fournir son nom et le contrat qui les lie.

Les défendeurs exposent quant à eux qu'aucun extrait de "The Bridge is Broken" n'est reproduit dans l'oeuvre "Goodbye" et qu'au contraire, la boucle rythmique de guitare présente sur le titre a été interprétée par un guitariste mandaté par M. [O], puis retravaillée par ce dernier. Ils versent à cet égard 48 fichiers audio et rappellent que l'expert SPIERS a conclu à l'utilisation par M. [O] du fichier no25, ce dont ils déduisent que la preuve de la réalité d'un sample n'est aucunement rapportée.

Sur ce,

La preuve par présomption consiste à établir, à partir d'un ou plusieurs faits connus, la preuve d'un fait lui-même inconnu.

Selon l'article 1382 (nouveau) du code civil, "Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l'appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen."

En l'occurrence, ainsi que le relève l'expert [N] mandaté par les demandeurs il est impossible d'affirmer que M. [O] a informatiquement prélevé un échantillon du titre "The Bridge is Broken" pour composé son oeuvre "Goodbye". Il existe toutefois une forte présomption que tel est bien le cas.

En effet, l'expertise réalisée pour le compte de la SACEM, comme celle de Mme [N] réalisée pour le compte des demandeurs a mis en évidence que la première mesure de l'oeuvre "The Bridge is Broken" et la boucle de guitare jouée à partir de la 4ème seconde de l'oeuvre "Goodbye" sont, du point de vue mélodique et rythmique, en tous points identiques, avec la même utilisation de "ghost notes" jouées sur les mêmes notes, les mêmes techniques de jeu de guitare, ainsi que la reproduction d'un même "accident de justesse" sur l'accord, difficile à reproduire par un autre guitariste et une autre guitare.

En défense, M. [O] produit quarante huit pistes audio reproduisant la boucle de guitare litigieuse.

Or, ainsi que le relèvent à juste titre les demandeurs et l'expert [N], la totalité des pistes ne reproduisent que l'extrait litigieux, coupé net, alors que l'artiste engagé a nécessairement joué plus longuement pour reproduire le son très particulier figurant sur les deux phonogrammes et en particulier l' "accident de justesse".

Il était également très simple de donner son nom et de produire son contrat, voire un témoignage de sa part. De tels éléments ne sont pas produits.

Aussi, en l'état des éléments précis et en définitive concordants versés de part et d'autre aux débats, il y a lieu de retenir qu'est établie la preuve d'un échantillonnage non autorisé à partir de l'oeuvre "The Bridge is Broken" pour réaliser le titre "Goodbye".

b - Sur le caractère reconnaissable de l'échantillonnage

Selon l'article L.213-1 du code de la propriété intellectuelle, "Le producteur de phonogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son.
L'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l'article L. 214-1."

L'article 2 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, intitulé « Droit de reproduction », dont le texte précité réalise la transposition en droit interne, prévoit que « Les États membres prévoient le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie : [...]
c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ; »

Interprétant ces dispositions, la Cour de justice de l'Union européenne a, par un arrêt rendu en grande chambre le 29 juillet 2019 (affaire C-476/17, [C] GmbH, [I] [C], [Y] [F] contre [R] [R], [C] [W]), dit pour droit que " L'article 2, sous c), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, doit, à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, être interprété en ce sens que le droit exclusif conféré par cette disposition au producteur de phonogrammes d'autoriser ou d'interdire la reproduction de son phonogramme lui permet de s'opposer à l'utilisation par un tiers d'un échantillon sonore, même très bref, de son phonogramme aux fins de l'inclusion de cet échantillon dans un autre phonogramme, à moins que cet échantillon n'y soit inclus sous une forme modifiée et non reconnaissable à l'écoute."

La Cour a mis en balance les doits en présence et a également dit pour droit que "30 Cette interprétation littérale de l'article 2, sous c), de la directive 2001/29 est conforme, d'une part, à l'objectif général de cette directive qui est, ainsi qu'il découle de ses considérants 4, 9 et 10, d'instaurer un niveau élevé de protection du droit d'auteur et des droits voisins, et, d'autre part, à l'objectif spécifique du droit exclusif du producteur de phonogrammes, énoncé à ce considérant 10, qui est de protéger l'investissement réalisé par ce dernier. En effet, ainsi que le rappelle le même considérant, l'investissement nécessaire pour créer des produits, tels que des phonogrammes, est considérable, si bien qu'il est nécessaire de garantir aux producteurs de ceux-ci la possibilité d'obtenir un rendement satisfaisant.
31 Cela étant, lorsqu'un utilisateur, dans l'exercice de la liberté des arts, prélève un échantillon sonore sur un phonogramme, afin de l'utiliser, sous une forme modifiée et non reconnaissable à l'écoute, dans une nouvelle ?uvre, il y a lieu de considérer qu'une telle utilisation ne constitue pas une « reproduction », au sens de l'article 2, sous c), de la directive 2001/29.

Force est au cas particulier de constater que l'échantillon électroniquement prélevé par l'artiste [L] sur le titre "The Bridge is Broken", quoique très bref puisque d'une durée inférieure à 2 secondes, est reconnaissable à l'écoute dans l'oeuvre "Goodbye", seul le son de la guitare utilisée ayant été légèrement modifié (notes de l'accord légèrement détachées pour parvenir à un accord arpégé et égalisation du son de guitare). L'extrait est d'autant plus reconnaissable à l'écoute qu'il est répété en boucle dans le titre "Goodbye".

L'atteinte aux droits voisins du producteur du phonogramme "The Bridge is Broken" par reproduction dans l'oeuvre "Goodbye" d'un échantillonnage non autorisé, est donc établie.

c - Sur les mesures de réparation

Il résulte de l'expertise de Mme [N] que l'extrait en litige est repris en boucle sur le titre "Goodbye" et représente, quantitativement, 57% du titre (rapport du 20/11/2017, page 7, § 3).

Le phonogramme "The Bridge is Broken" jouit toutefois d'une notoriété relativement faible et l'artiste [L] a, par son travail artistique, donné à l'extrait une tonalité musicale différente.

Il y a donc lieu de retenir que le préjudice patrimonial subi par la société GET DOWN ne saurait excéder 35% des recettes des exploitations passée et à venir du titre "Goodbye".

Aussi, il y a lieu d'allouer à cette société une provision d'un montant de 21.800 euros (75.000 x 3,325 x 0,25 x 0,35) à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice. Cette évaluation est fondée sur un nombre de 75.000 exemplaires physiques du phonogramme "Goodbye" vendus, puisqu'il a reçu la certification "or" du Syndicat national de l'édition phonographique. L'évaluation prend également en compte un prix unitaire du "single" de 3,325 ? HT et le fait que le producteur du phonogramme perçoit en moyenne 25% du prix de vente.

Il sera en outre fait droit aux demandes d'injonction et de communication de pièces sous astreinte selon les modalités visées au dispositif de la présente décision.

* Sur l'atteinte aux droits de l'artiste interprète :

Aux termes de l'article L.212-1 du code de la propriété intellectuelle, "A l'exclusion de l'artiste de complément, considéré comme tel par les usages professionnels, l'artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes."

Selon l'article L.212-2 du même code, "L'artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation.
Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne.
Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l'interprétation et de la mémoire du défunt."

Enfin, l'article L.212-3 prévoit que "Sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image.
Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 212-6 du présent code."

L'échantillonnage non autorisé a consisté à reproduire l'interprétation à la guitare de l'introduction du titre "The Bridge is Broken". Ainsi que le font valoir à juste titre les défendeurs, Mme [Y] est mentionnée sur l'album "A Mouthful" comme la guitariste du groupe The Dø. Aussi, les demandes présentées à ce titre par M. [G] seront rejetées.

Il apparaît en outre justifié de faire droit à sa demande fondée sur l'atteinte au droit moral d'artiste interprète de Mme [Y] à hauteur de 5.000 euros.

4o) Sur la demande subsidiaire en parasitisme

Pour le cas où le tribunal ne reconnaîtrait pas une atteinte aux droits d'auteur, la société KRAKED ainsi que Mme [Y] et M. [G] demandent au tribunal de constater le comportement parasitaire des défendeurs. Ils font valoir à cet égard que l'expertise de Mme [N] a mis en évidence la captation indue de leurs efforts.

Les défendeurs soutiennent quant à eux qu'aucun effort créatif ne saurait être reconnu s'agissant d'un simple accord relevant du fonds commun de la création, voire de l'idée de libre parcours.

Sur ce,

Il est constant que celui qui ne dispose pas de droit privatif sur l'élément qu'il exploite dans le commerce ne peut trouver dans l'action en concurrence déloyale ou en parasitisme une protection de repli lui permettant de faire sanctionner la simple exploitation non autorisée de cet élément.

Ainsi, le simple fait de copier un produit qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Est en revanche fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme.

En l'occurrence, les demandeurs ne peuvent revendiquer la protection d'un savoir faire particulier résultant d'une composition mélodique et rythmique de base appartenant au fonds commun de la musique. Les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence parasitaire seront donc rejetées.

5o) Sur les autres demandes

Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [O], et la société ARTIWORKS seront condamnés in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [Y] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et 18.000 euros sur le même fondement à la société GET DOWN, cette somme incluant les frais de l'expert [N].

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

LE TRIBUNAL,

Déclare irrecevables les demandes dirigées contre la SACEM, l'ADAMI et la société WARNER MUSIC FRANCE ;

Rejette toutes les autres fins de non recevoir ;

Rejette les demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur ;

Rejette les demandes fondées sur le parasitisme ;

Dit que la reproduction d'un extrait de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken » produit par la société GET DOWN et interprété par Mme [Y], sans l'autorisation de ces derniers, au sein de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye », constitue une contrefaçon des droits voisins de la société GET DOWN et de Mme [Y] ;

Dit que le préjudice patrimonial subi par la société GET DOWN en qualité de productrice de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « The bridge is broken », peut être évalué à 35% :
- des recettes de toute nature auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre en contrepartie de l'exploitation de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye » ;
- des sommes auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre auprès de toute société de gestion collective au titre de la rémunération équitable et de la copie privée ;

Condamne in solidum M. [N] [O] et la société ARTIWORKS à payer à la société GET DOWN, la somme provisionnelle de 21.800 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Enjoint à la société ARTIWORKS de notifier à la société WARNER MUSIC FRANCE, avec laquelle elle a conclu un contrat de licence exclusive pour l'exploitation de l'enregistrement phonographique de l'?uvre « Goodbye », une indication de paiement de 35% des sommes auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre en exécution dudit contrat comme de toute autre convention ayant pour objet l'exploitation de l'enregistrement précité, au profit de GET DOWN, et ce pour toute la durée desdites conventions et de leurs éventuels renouvellement ;

Enjoint à la société ARTIWORKS de modifier la déclaration des enregistrements de l'?uvre « Goodbye » qu'elle a déclarés à la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) de telle manière que la société GET DOWN perçoive 35% des sommes auxquelles la société ARTIWORKS peut prétendre au titre des sommes mises en répartition par la SCPP en relation avec lesdits enregistrements ;

Dit que la société ARTIWORKS devra solliciter la société GET DOWN en vue de son éventuel accord préalable à toute exploitation de l'enregistrement litigieux et de tous ceux qui en seraient issus, distincte des formes d'exploitation auxquelles la société WARNER MUSIC FRANCE est autorisée à procéder en exécution du contrat de licence conclu avec la société ARTIWORKS ;

Ordonne à la société ARTIWORKS de communiquer à la société GET DOWN une copie certifiée conforme à l'original du contrat de licence conclu avec la société WARNER MUSIC FRANCE, ainsi qu'une copie de l'ensemble des redditions de comptes reçues de cette société en exécution dudit contrat, relatives aux enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » produits par la société ARTIWORKS, sous quelque forme que ce soit, y compris incorporé dans un vidéogramme, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois ;

Ordonne à la société ARTIWORKS de communiquer à la société GET DOWN copie de l'ensemble des redditions de comptes établies par la SCPP certifiées conformes, et mentionnant la part de la rémunération équitable et de la copie privée allouée par la SCPP au titre des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » déclarés auprès d'elle depuis leur inscription auprès de la SCPP, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois ;

Ordonne à la société ARTIWORKS de communiquer à la société GET DOWN tout document certifié conforme permettant de déterminer le détail de toute autre recette qu'elle aurait perçue au titre de l'exploitation de l'enregistrement de l'?uvre « Goodbye » produit par la société ARTIWORKS et des enregistrements qui en sont issus, sous quelque forme que ce soit, y compris incorporé dans un vidéogramme ou, à défaut, une attestation d'un Expert-Comptable certifiant l'inexistence de recettes de cette nature, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois ;

Dit que l'exploitation de l'enregistrement litigieux a porté atteinte au droit à la paternité de Mme [Y] en qualité d'artiste-interprète;

Dit que le préjudice patrimonial subi par Madame [Y] en qualité d'artiste-interprète de l'?uvre « The bridge is broken », peut être évalué à 35% des sommes mises en répartition par l'ADAMI auprès de Mme [X] [X] et M. [N] [O], en leur qualité d'artistes-interprètes de l'?uvre « Goodbye » ;

Condamne in solidum la société ARTIWOKS et M. [N] [O] à payer à Mme [Y] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son droit moral ;

Enjoint à Mme [X] [X] et M. [N] [O] de modifier la déclaration de leurs interprétations de l'?uvre « Goodbye » auprès de l'ADAMI afin que 35% des sommes auxquelles les précités peuvent prétendre en leur qualité d'artiste-interprète de ladite ?uvre soit allouées à Mme [Y], et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois ;

Enjoint à la société ARTIWORKS de faire respecter par chacun de ses cocontractants le droit moral de Mme [Y], en prenant toute mesure utile à ce que les mentions de crédit relatives aux enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye » soient présentées en identifiant ses interprètes et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois ;

Enjoint à Mme [X] [X] et à M. [N] [O] de communiquer à Mme [Y] copie certifiée conforme de l'ensemble des redditions de comptes que l'ADAMI leur a adressées respectivement au titre des redevances et/ou indemnités légales qu'elle a perçues à raison de l'utilisation et/ ou de l'exploitation des enregistrements phonographiques de l'?uvre « Goodbye », et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant six mois ;

Se réserve la liquidation des astreintes ;

Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice et, à défaut d'accord, à sa détermination judiciaire après nouvelle assignation ;

Condamne in solidum M. [N] [O] et la société ARTIWORKS aux dépens et autorise Maître Edouard Mille, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne in solidum M. [N] [O] et la société ARTIWORKS à payer la somme de 5 000 ? à Madame [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une somme de 18.000 ? à la société GET DOWN sur le même fondement, cette somme incluant les frais de l'expertise réalisée par Mme [A] [N] ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 07 Novembre 2019.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/03440
Date de la décision : 07/11/2019

Analyses

Action en contrefaçon de droits d'auteurs


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2019-11-07;19.03440 ?
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