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18/04/2019 | FRANCE | N°17/14651

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 18 avril 2019, 17/14651


T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG 17/14651 - No Portalis 352J-W-B7B-CLSHU

No MINUTE :

Assignation du :
17 octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 18 avril 2019
DEMANDERESSES

E.U.R.L. JEU DE BOULES
[Adresse 2]
[Localité 7]

Madame [H] [S]
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentées par Me Elise WEISSELBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2164

DÉFENDERESSES

Madame [V] [C]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Me Laurent

SALEM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1392

Madame [J] [X] [P]
[Adresse 6]
[Localité 3]

représentée par Me Bénédicte LAVILLE, avocat au barreau de PA...

T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

3ème chambre 1ère section

No RG 17/14651 - No Portalis 352J-W-B7B-CLSHU

No MINUTE :

Assignation du :
17 octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 18 avril 2019
DEMANDERESSES

E.U.R.L. JEU DE BOULES
[Adresse 2]
[Localité 7]

Madame [H] [S]
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentées par Me Elise WEISSELBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2164

DÉFENDERESSES

Madame [V] [C]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Me Laurent SALEM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1392

Madame [J] [X] [P]
[Adresse 6]
[Localité 3]

représentée par Me Bénédicte LAVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1141

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Gilles BUFFET, Vice président
Karine THOUATI, Juge

assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 19 Février 2019
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'EURL DU JEU DE BOULES commercialise les bijoux fantaisie haut de gamme créés par Mme [H] [S] et ce, sous le nom commercial de cette dernière et sous sa propre marque éponyme.

Mme [J] [P] est une styliste, créatrice de pièces murales et bijoux tissés, auto-entrepreneur, qui commercialise ses créations sous sa marque éponyme déposée en octobre 2017.

En juillet 2016, Mme [S] indique avoir découvert que Mme [P] commercialisait des bijoux qui constituaient selon elle des contrefaçons de certains de ses bijoux.

Aussi, par une lettre du 1er décembre 2016, Mme [S] a mis en demeure Mme [P] de cesser la commercialisation des bracelets et manchettes référencés « Guamote bracelet S M ou L » et du modèle «Secondskin peach choker », contrefaisant selon elle les droits d'auteurs protégeant ses propres créations.

Par courriel en date du 6 février 2017, Mme [P] répondait qu'elle ne cesserait pas la vente des Guamote L, M ou S, tout en indiquant qu'elle avait retiré de la vente le bijou secondskin peach choker.

Suspectant des contacts entre Mme [C] d'une part, avec laquelle Mme [S] avait souscrit un contrat d'agent commercial ainsi qu'un contrat de "prestation de services", et Mme [P] d'autre part, Mme [S] a, par une lettre du 4 janvier 2017, notifié à Mme [C] la rupture de leurs relations contractuelles sans préavis.

Par une assignation du 7 septembre 2017, Mme [C] a fait assigner Mme [S] devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa condamnation à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale des contrats d'agent commercial et de prestation de services.

*

C'est dans ce contexte que par exploits d'huissier du 9 octobre 2017, Mme [S] et la société du Jeu de Boules ont fait assigner Mmes [C] et [P] en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Dans leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 12 octobre 2018, elles demandent au tribunal, au visa des articles L.111-1, L.112-2,14o et L.335-2 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de :

- Déclarer l' EURL du Jeu de Boules et [H] [S] recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions,

En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL,
- Juger que les bijoux de la collection Luxume [H] [S] MLS 183, MLS 276, MLS 340, sont originaux et protégés au titre du droit d'auteur,
- Juger que MMmes [J] [P] et [V] [C] ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur des bijoux MLS 183, MLS 276 et MLS 340 et des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire,
En conséquence sur la contrefaçon,
- Juger que :
- le bracelet Guamote S (GUABS), le bracelet Guamote Fringe S ou Guamote Franges S (GUABFS) et les bracelets de la gamme Second Skin S (SSBGS/ SSBPS / SSBSS / SSBBS) et les bracelets de la gamme Raya S (Raya 1S / Raya 2S / Raya 3S / Raya 4S) constituent la contrefaçon du MLS 183,
- les bracelets de la gamme Second Skin M (Second skin Silver M,Second skin gold M, Second skin black M) constituent la contrefaçon du MLS 276 ;
- les bracelets de la gamme Raya M (Raya 1M / Raya 2M / Raya 3M / Raya 4M), les bracelets de la gamme Raya L (Raya 1L / Raya 2L / Raya 3L / Raya 4L) et les bracelets de la gamme second skin XL (SSBSXL / SSBSSXL / SSBGXL / SSBBXL / SSBPXL), le Guamote L (GUABL) et la manchette Guamote argenté constituent la contrefaçon du MLS 276 ;
- le Guamote M bicolore gris foncé et gold est la contrefaçon du MLS 340 ;
A défaut juger que :
- le bracelet Guamote S (GUABS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Silver/grey, du MLS 183 Silver/beige, du MLS 183 Gold/grey et du MLS 183 Gold/beige
- le bracelet Guamote Franges S (ou Guamote Fringes S) (GUABFS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Silver/grey, du MLS 183 Silver/beige, du MLS 183 Gold/grey et du MLS 183 Gold/beige
- le bracelet Second skin Gold S (SSBGS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Gold/beige, du MLS 183 Gold/nude, du MLS 183 Gold/grey
- le bracelet Second skin Silver S (SSBSS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Silver/grey
- le bracelet Second skin Black S (SSBBS) constitue la contrefaçon du MLS 183 uthenium/silver et du MLS 183 Black silver/black
- le bracelet Second skin Pink S (SSBPS) constitue la contrefaçon du MLS 183 Pink gold/nude - le bracelet Second skin Silver M constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver Grey - Juger que le bracelet Second skin gold M constitue la contrefaçon MLS 276 Gold/beige, du MLS 183 Gold/nude, du MLS 183 Gold/grey
- le bracelet Second skin black M constituent la contrefaçon du MLS 276 Ruthenium/silver et du MLS 276 Black silver/black,
- la Manchette Guamote argentée constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver/grey,
- le bracelet second skin silver XL (SSBSXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver/grey, - le bracelet second skin shiny silver XL (SSBSSXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Silver/grey,
- le bracelet second skin gold XL (SSBGXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Gold/beige, du MLS 276 Gold/nude et MLS 276 Gold/grey
- le bracelet second skin shiny black XL (SSBBXL) constitue la contrefaçon du MLS 276 Ruthenium/silver) et du MLS 276 Black silver/black
- le bracelet Second skin Pink XL constitue la contrefaçon du MLS 276 Pink gold/nude
- les bracelets Raya 1 S, Raya 2S, Raya 3S, Raya 4S constituent les contrefaçons du MLS 183 Gold/nude, du MLS 183 Gold/beige, du MLS 183 Silver/Grey, du MLS 183 Pink/Gold, du MLS 183 Pink/nude, du MLS 183 gold/caramel du MLS 183 Ruthenium/silver, - les bracelets Raya 1M, Raya 2M, Raya 3M, Raya 4 M constituent les contrefaçons du MLS 276 Gold/nude, du MLS 276 Gold/beige, du MLS 276 Silver/Grey du MLS 276 Pink gold/nude, du MLS 276 Pink gold/caramel du MLS 276 Ruthenium/silver,
- les bracelets Raya 1L, Raya 2L, Raya 3L, Raya 4 L constituent les contrefaçons du MLS 276 Gold/nude, du MLS 276 Gold/beige, du MLS 276 Silver/Grey, du MLS 276 Pink gold/nude du MLS 276 Pink gold/caramel, du MLS 276 Ruthenium/silver,
- le bracelet Guamote L (GUABL) constitue la contrefaçon du MLS 276(Gold/beige, Gold/grey et Silver/grey, Silver/beige),
En conséquence,
- Enjoindre à Mme [J] [P] et Mme [V] [C] de cesser, sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, la fabrication, la commercialisation et la promotion sous quelle que forme que ce soit des bijoux Guamote, Second skin et Raya référencés comme suit : Guamote S (GUABS), Guamote M (GUABM), Guamote L (GUABL), Guamote Franges S ou Guamote Fringes S (GUABFS), Guamote Fringes M (GUABFM) Manchette Guamote argentée, Second skin Gold S (SSBGS) / second skin pink S (SSBPS) / second skin silver S (SSBSS) / second skin black S (SSBBS), Second skin silver M (SSBSM), second skin gold M (SSBGM), second skin black M (SSBBM), second skin pink M, second skin silver XL (SSBSXL), second skin shiny silver XL (SSBSSXL), second skin gold XL (SSBGXL) second skin shiny black (SSBBXL), second skin pink XL (SSBPXL), Raya 1 S, Raya 2S, Raya 3S, Raya 4S, Raya 1M, Raya 2M, Raya 3M, Raya 4 M, Raya 1L, Raya 2L, Raya 3L, Raya 4 L ;
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à Mme [H] [S] la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon de son droit moral d'auteur,
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 89.560 euros, à parfaire, au titre du manque à gagner lié à la commercialisation des modèles Guamote et second skin susvisés,
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 10.000 euros, à parfaire, au titre de son image de marque auprès de la clientèle publique et professionnelle ;
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros à parfaire, au titre des actes distincts de concurrence déloyale ;
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros, à parfaire, au titre des actes parasitaires;

A TITRE SUBSIDIAIRE et TRES SUBSIDIAIRE, dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait que les bijoux de la collection Luxume [H] [S] MLS 183, MLS 276, MLS 340, sont originaux mais qu'aucune atteinte sur le fondement de la contrefaçon du droit d'auteur n'est avérée ou dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait que les demandeurs ne peuvent prétendre à la protection sur le fondement du droit d'auteur :
- Juger que MMmes [J] [P] et [V] [C] ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
En conséquence,
- Enjoindre à Mme [J] [P] et Mme [V] [C] de cesser, sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, la fabrication, la commercialisation et la promotion sous quelle que forme que ce soit des bijoux Guamote et second skin référencés comme suit : Guamote S (GUABS), Guamote M (GUABM), Guamote L (GUABL), Guamote Franges S ou Guamote Fringes S (GUABFS), Guamote Fringes M (GUABFM) Manchette Guamote argentée, Second skin Gold S (SSBGS) / second skin pink S (SSBPS) / second skin silver S (SSBSS) / second skin black S (SSBBS), Second skin silver M (SSBSM), second skin gold M (SSBGM), second skin black M (SSBBM), second skin pink M, second skin silver XL (SSBSXL), second skin shiny silver XL (SSBSSXL), second skin gold XL (SSBGXL) second skin shiny black (SSBBXL), second skin pink XL, Raya 1 S, Raya 2S, Raya 3S, Raya 4S, Raya 1M, Raya 2M, Raya 3M, Raya 4 M, Raya 1L, Raya 2L, Raya 3L, Raya 4 L ;
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros, à parfaire, en raison du risque de confusion entre les bijoux de [J] [P] et les bijoux [H] [S] générés par les actes fautifs de concurrence déloyale,
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 89.560 euros, à parfaire, au titre du manque à gagner lié à la commercialisation des modèles susvisés,
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 10.000 euros, à parfaire, au titre de la dévalorisation des bijoux MLC et de son image de marque auprès de la clientèle publique et professionnelle,
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à l'EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros, à parfaire, au titre des actes distincts de concurrence déloyale ;
- Condamner solidairement Mme [J] [P] et Mme [V] [C] à payer à la société EURL Du Jeu de Boules la somme de 20.000 euros à parfaire, au titre des actes parasitaires ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
- Condamner la ou les parties succombantes in solidum à payer à L'EURL DU JEU DE BOULES la somme de totale de 3.912,48€ TTC en remboursement des constats d'huissier (3.036,48€) et des achats de bijoux (876€) effectués pour la défense de ses droits,
- Condamner la ou les parties succombantes in solidum à payer à L'EURL DU JEU DE BOULES et à Madame [H] [S] la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les condamner également aux dépens,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Débouter les défenderesses de leurs demandes reconventionnelles fins et prétentions.

En réponse, dans ses dernières conclusion notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2018, Mme [P] demande au tribunal, au visa de l'article L 112-4 du code de la propriété intellectuelle, de :
- Dire l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] mal fondées à revendiquer la protection des modèles MLS 183, 276 et 340 par le droit d'auteur ;
- Débouter l' EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner in solidum l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] à verser à Mme [J] [P] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner in solidum l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] à payer à Mme [J] [P] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître LAVILLE ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Dans ses e-conclusions du 30 octobre 2018, Mme [C] demande quant à elle au tribunal de :
- Débouter l'EURL DU JEU DE BOULES et Mme [H] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- Les condamner à payer à Madame [C] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour action abusive,
- Les condamner à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner en tous les dépens.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 6 novembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Sur l'originalité des bijoux créés par Mme [S] :

Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité.

Mme [S] revendique la protection par le droit d'auteur sur deux bracelets référencés MLS 183 et MLS 340, ainsi qu'une manchette référencée MLS 276.

Elle explique en l'occurrence que les bijoux MLS 183 et MLS 340 sont constitués par le tressage de fines chaînes d'argent à maillon de type "limé forcat"et de fils de soie. Le tressage est très serré afin de donner au bijou l'apparence d'un textile, apparence renforcée par des franges à l'extrémité du bijou, tandis que les maillons de type "limé forcat" qu'elle utilise ont la spécificité de comporter des facettes conférant au bijou de multiples petits effets miroirs donnant l'impression que des brillants sont insérés dans les bracelets. Enfin, les bracelets s'attachent par un simple noeud coulissant afin de donner aux bracelets un effet "décontracté" en contraste avec la matière semi précieuse utilisée :

Le braclet MLS 340 se distingue des créations précédentes MLS 183 et MLS 276 par le fait qu'il est constitué d'un simple tissage d'une chaîne d'argent.

Force est toutefois de constater que Mme [S] se livre à une description de son travail sans identifier l'élément ou la combinaison d'éléments qui serait le résultat d'un choix arbitraire et qui porterait à ce titre l'empreinte de sa personnalité. Les défenderesses font en outre justement valoir que les bijoux décrits s'inscrivent dans une tendance, celle du style "bohème chic", de même que le travail du métal ou des perles en textile et les bijoux tissés tels que les bracelets brésiliens "revisités" appartiennent au fond commun de la mode.

Le tribunal observe surtout qu'aucun catalogue ayant date certaine (seules des copies d'écran de son site internet qui dateraient de 2014 étant produites) n'est versé aux débats permettant de faire le lien entre les références sur lesquelles la protection est revendiquée, et les factures et documents supposés attester de la date de création desdites références par Mme [S] et en particulier la référence MLS 183 qu'elle allègue avoir créée en 2011.

Les bracelets MLS 183, MLS 340 et MLS 276 ne sont donc pas susceptibles de protection par le droit d'auteur.

L'ensemble des demandes à ce titre sera donc rejeté (contrefaçon et actes distincts de concurrence déloyale).

2o) Sur les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire

Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence."

Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce.

A cet égard, les procédés consistant, par imitation des produits d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale.

L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du produit imité, l'originalité ou la notoriété du produit copié.

Est de la même manière fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme.

Il doit également être rappelé que celui qui ne dispose pas d'un droit privatif sur l'élément qu'il exploite dans le commerce ne peut trouver dans l'action en concurrence déloyale ou en parasitisme une protection de repli lui permettant de faire sanctionner la simple exploitation non autorisée de cet élément.

En l'occurrence, outre que les faits invoqués au soutien de la contrefaçon et de la concurrence déloyale sont les mêmes, le tribunal observe que les créations de Mme [S] sont récentes (2014) et d'une notoriété relative. Ne sont concernés que trois modèles dans sa gamme de bijoux. Leur "originalité" est en outre contestable dans la mesure où ces modèles, à l'instar de ceux de Mme [P], s'inscrivent dans une tendance reprise par d'autres créatrices, dont les bijoux sont visuellement très proches de ceux de Mme [S], ainsi qu'en attestent les pièces produites aux débats :

Mmes [S] et [P] ont enfin six points de vente communs, ce qui ne permet pas d'attester d'un détournement organisé (avec Mme [C]) de clientèle.

Mme [P] établit également être entrée seule en relation avec Mme [Y] ainsi qu'en témoignent leurs échanges de courriels au cours de l'été 2016.

Il en résulte que la faute consistant à créer la confusion dans l'esprit du public en vue de détourner la clientèle de Mme [S] n'est pas établie, non plus que la volonté de tirer partie de son savoir faire particulier.

Les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire seront donc rejetées.

3o) Sur les mesures accessoires

Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [S] et l'EURL du Jeu de Boules seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [P], sous la même solidarité, la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et une somme de 3000 euros à Mme [C] sur le même fondement.

Le rejet des demandes de Mme [S] et de l'EURL du Jeu de Boules rend sans objet la demande d'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

LE TRIBUNAL,

Rejette les demandes principales fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur et les faits distincts de concurrence déloyale ;

Rejettes les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ;

Condamne in solidum Mme [H] [S] et l'EURL Du Jeu de Boules à payer à Mme [J] [P], la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [H] [S] et l'EURL Du Jeu de Boules à payer à Mme [V] [C], la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [H] [S] et l'EURL Du Jeu de Boules aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 18 avril 2019.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 17/14651
Date de la décision : 18/04/2019

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2019-04-18;17.14651 ?
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