La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2019 | FRANCE | N°19/50247

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 08 février 2019, 19/50247


T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

No RG 19/50247 - No Portalis 352J-W-B7C-COPMY

No : 1/FF

Assignation du :
10 Décembre 2018

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 février 2019

par Nathalie SABOTIER, première Vice-Présidente adjointe au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Julie DESHAYE, Greffier.
DEMANDERESSES

Société MERCK SHARP et DOHME CORP.
[Adresse 1]
[Adresse 1] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE)

S.A.S. MSD FRANCE
[Adress

e 2]
[Localité 1]

représentées par Maître Laetitia BENARD du LLP ALLEN et OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS - #J0022

DÉFENDERESS...

T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S

No RG 19/50247 - No Portalis 352J-W-B7C-COPMY

No : 1/FF

Assignation du :
10 Décembre 2018

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 février 2019

par Nathalie SABOTIER, première Vice-Présidente adjointe au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Julie DESHAYE, Greffier.
DEMANDERESSES

Société MERCK SHARP et DOHME CORP.
[Adresse 1]
[Adresse 1] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE)

S.A.S. MSD FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentées par Maître Laetitia BENARD du LLP ALLEN et OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS - #J0022

DÉFENDERESSE

S.A.S. SANDOZ
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me Denis SCHERTENLEIB, avocat au barreau de PARIS - #A0948

DÉBATS

A l'audience du 08 Janvier 2019, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, première Vice-Présidente adjointe, assistée de Julie DESHAYE, Greffier,

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société MERCK SHARP et DOHME CORP. (ci-après désignée « MSD CORP.») fait partie du groupe pharmaceutique américain MERCK et CO., INC. Elle a développé une activité dans le domaine de la recherche notamment de médicaments contre l'hypercholestérolémie.

La société MSD FRANCE distribue en France les produits de la société MSD CORP.

La société MSD CORP. est le titulaire inscrit du brevet européen désignant la France no0 720 599 (« EP 599 ») intitulé «composés d'azétidinones hydroxy-substitués efficaces en tant qu'agents hypocholestérolémiques ». La demande de brevet a été déposée le 14 septembre 1994 et la publication de sa délivrance est intervenue le 19 mai 1999.

Le brevet EP 599 protège une nouvelle classe de composés hypocholestérolémiques, appelés azétidinones hydroxy-substitués, à laquelle appartient l'ézétimibe, ainsi que de nouvelles combinaisons comprenant de l'ézétimibe avec des statines (ou inhibiteurs de l'HMG CoA réductase), dont la simvastatine, afin de réduire les taux plasmatiques de cholestérol et de traiter ou prévenir l'athérosclérose.

Ce brevet a expiré le 14 septembre 2014.

La protection conférée par ce brevet a été étendue par deux demandes de certificats complémentaires de protection :

- Le CCP no 03C0028 délivré par l'INPI le 4 février 2005 sur la base du brevet EP 599 en tant que brevet de base et de l'autorisation de mise sur le marché pour le produit ézétimibe commercialisé sous la marque EZETROL® ; la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté européenne pour le principe actif ézétimibe a été octroyée en Allemagne sous les no 54486.00.00 à 54489.00.00 le 17 octobre 2002 et en France sous le no NL28237 le 11 juin 2003 ; ce CCP no 03C0028 a expiré le17 avril 2018 ;

- Le CCP no 05C0040 délivré par l'INPI le 21 décembre 2006 sur la base du brevet EP 599 en tant que brevet de base et de l'autorisation de mise sur le marché pour le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine commercialisé sous la marque INEGY® ; la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté européenne pour la combinaison (ou composition) de principes actifs d'ézétimibe et de simvastatine a été octroyée en Allemagne sous le no 588780000 le 2 avril 2004 et en France sous le no NL31849 le 28 juillet 2005 ; le CCP no 05C0040 a été maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités et expirera le 2 avril 2019.

Titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité EZETIMIBE/SIMVASTATINE TEVA, la société TEVA SANTÉ a, par acte du 3 novembre 2016 fait assigner les sociétés MSD CORP et MSD FRANCE devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir, notamment, que soit déclaré nul le CCP no 05C0040 couvrant le produit de combinaison d'ezetimibe et de simvastatine.

Titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité EZETIMIBE/SIMVASTATINE BIOGARAN, la société BIOGARAN a, de la même manière, par acte du 6 décembre 2017 fait assigner les sociétés MSD CORP et MSD FRANCE devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir que soit déclaré nul le CCP no 05C0040 couvrant le produit de combinaison d'ezetimibe et de simvastatine.

Dans le même temps, les sociétés MSD CORP et MSD FRANCE avaient, par acte du 16 mars 2018, saisi en référé le président de ce tribunal afin d'obtenir qu'il soit fait interdiction à la société BIOGARAN de commercialiser sa combinaison ezetimibe/ simvastatine.

***

La société SANDOZ est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques.

Elle a obtenu le 22 juin 2017 l' autorisation de mise sur le marché en France pour la spécialité «EZETIMIBE/SIMVASTATINE SANDOZ ».

Le 13 septembre 2017, cette spécialité a été inscrite au Répertoire des groupes génériques.

Par décisions du 6 février 2018, publiées le 9 février 2018, la spécialité EZETIMIBE/SIMVASTATINE SANDOZ s'est vue octroyer un prix (de 15,51 ? pour les boîtes de 30 comprimés et de 44,20 ? pour les boîtes de 90) ainsi qu'un taux de remboursement, et a été inscrite sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et des services publics.

Informée de ces décisions, la société MSD FRANCE a mis la société SANDOZ en demeure, par une lettre du 26 mars 2018, de ne pas contrefaire le brevet EP 599, le CCP prorogé no 03C0028 et le CCP no 05C0040, en commercialisant la spécialité EZETIMIBE/SIMVASTATINE SANDOZ.

Le 3 avril 2018, la société SANDOZ répondait qu'en raison des vacances de Pâques, elle ne serait pas à même de répondre avant la semaine suivante, ce qu'elle n'a finalement jamais fait.

La commercialisation de la spécialité EZETIMIBE/SIMVASTATINE SANDOZ a été déclarée le 18 avril 2018.

***

Le 5 avril 2018, dans la procédure parallèle opposant les sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE à la société BIOGARAN, le président du tribunal de grande instance de PARIS, saisi en référé, a rejeté la demande d'interdiction provisoire des demanderesses aux motifs que "Faute de remplir la deuxième condition définie dans l'arrêt Georgetown à savoir le fait que la combinaison revendiquée soit également le c?ur de l'invention, le CCP No 05C0040 n'est pas valide".

Le 25 juillet 2018, la Cour de justice de l'Union européenne, siégeant en grande chambre, a rendu un arrêt dans une affaire TEVA c. GILEAD précisant les conditions d'application de l'article 3 a) du Règlement CCP, en ce sens que, sous certaines conditions, un CCP protégeant une combinaison de principes actifs implicitement visée dans les revendications du brevet de base pouvait néanmoins être valable.

C'est dans ce contexte que le tribunal de grande instance de PARIS, saisi dans le cadre de l'action au fond engagée par les sociétés TEVA PHARMACEUTICAL BV et TEVA SANTE contestant la validité du CCP no 05C0040, a, par un jugement du 25 octobre 2018, dit que ce dernier satisfaisait aux conditions posées par l'article 3 du Règlement CCP, la composition EZETIMIBE/SIMVASTATINE étant expressément et de manière spécifique visée par les revendications du brevet de base.

Le 31 octobre 2018, la société MSD FRANCE a adressé à la société SANDOZ une lettre l'informant des termes du jugement et lui rappelant que la commercialisation de sa spécialité générique EZETIMIBE/SIMVASTATINE SANDOZ était constitutive de contrefaçon du CCP no 05C0040.

Par la suite, ayant constaté, au vu des données GERS disponibles pour le mois de novembre 2018, que les parts de marché de la société SANDOZ sur l'ensemble des spécialités de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine s'élevaient à 6,5%, les sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE ont fait assigner en référé, par acte du 17 décembre 2018, la société SANDOZ afin d'obtenir que soit constatée l'existence d'une atteinte à ses droits sur le CCP 05C0040 et ordonner des mesures provisoires d'interdiction et de retrait des produits contrefaisants.

***

Dans leur assignation reprise oralement à l'audience du 8 janvier 2019, les sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE demandent au juge des référés, vu les articles 1, 3, 4 et 5 du Règlement CE no 469/2009 codifiant le Règlement CE no 1768/92 tel qu'amendé par le Règlement CE no 1901/2006, l'article 138 de la Convention sur le brevet européen, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, les articles 485 et 493 du Code de procédure civile, les articles L. 613-3, L. 615-3, L. 614-2, L. 615-1, L. 615-7 et L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, de :

- DIRE que la société SANDOZ a commis des actes de contrefaçon du CCP no 05C0040 en important, exportant, offrant, mettant dans le commerce, utilisant et détenant aux fins précitées des spécialités génériques de la spécialité de référence INEGY®;
- INTERDIRE à la société SANDOZ jusqu'au 2 avril 2019 inclus de fabriquer, importer, exporter, transborder, offrir en vente, mettre sur le marché, utiliser et détenir aux fins précitées, des compositions pharmaceutiques reproduisant le CCP no 05C0040, sous astreinte de 1.000 ? (MILLE EUROS) par conditionnement fabriqué, importé, exporté, transbordé, offert en vente, commercialisé, utilisé ou détenu, quelle que soit sa forme de conditionnement, à compter de la date de la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- ORDONNER à la société SANDOZ de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, commercialisée, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant le CCP no 05C0040, sous astreinte de 100 ? (CENT EUROS) par conditionnement non rappelé ou non retiré des réseaux de distribution, à compter d'un délai de 48 heures suivant la date de la signification de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER la société SANDOZ à payer aux sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP. et MSD FRANCE à titre de dommages et intérêts provisionnels la somme de 12.894.322 ?, en réparation des actes de contrefaçon commis jusqu'à la fin du mois d'octobre 2018, sauf à parfaire ;
- CONDAMNER la société SANDOZ à payer aux sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP. et MSD FRANCE la somme de 1.120.157,89 ? à titre de dommages et intérêts provisionnels pour le préjudice financier subi au mois de novembre 2018, sauf à parfaire ;
- CONDAMNER la société SANDOZ à payer aux sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP. et MSD FRANCE la somme de 1.120.157,89 ? par mois, pour le préjudice financier subi chaque mois jusqu'à ce que l'ordonnance à intervenir soit rendue, sauf à parfaire ;
- AUTORISER la société MERCK SHARP et DOHME CORP. à demander que toute composition pharmaceutique reproduisant le CCP no05C0040 soit remise à tout huissier de leur choix, aux seuls frais de SANDOZ, afin d'empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuite d'actes de contrefaçon et par conséquent de :
* autoriser MERCK SHARP et DOHME CORP. à faire procéder par tout huissier instrumentaire de son choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant le CCP no05C0040 dans les locaux de SANDOZ et en tous endroits dans lesquels les opérations révèleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ;
* autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister d'un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix de MERCK SHARP et DOHME CORP., autres que les subordonnés de la demanderesse ;

* autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude ;
* autoriser l'huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l'huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant le CCP no05C0040 à saisir dans les lieux de la saisie ;
* autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie ;
- ORDONNER à la société SANDOZ, sous astreinte de 10.000 ? (DIX MILLE EUROS) par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification de la décision à intervenir, à communiquer tous documents ou informations détenus par SANDOZ afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des compositions pharmaceutiques reproduisant le CPP no05C0040, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, (ii) les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants ;
- ORDONNER à la société SANDOZ de communiquer à MERCK SHARP et DOHME CORP., par écrit et sous une forme appropriée (divisés en trimestres de l'année calendaire), les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes, indiquant l'étendue des actes de contrefaçon précités commis depuis le 18 avril 2018 par SANDOZ sous astreinte de 10.000 ? (DIX MILLE EUROS) par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification de la décision à intervenir ;
- ORDONNER la publication de l'intégralité de la décision, aux frais exclusifs de la société SANDOZ, sous la forme d'un document PDF reproduisant l'entière décision et accessible par un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil du site Internet de SANDOZ, quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ce site Internet, le titre du lien étant, dans la langue appropriée : « Le Président du Tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement interdisant à la société SANDOZ de commercialiser en France des médicaments comprenant la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine en contrefaçon des droits de la société MSD MERCK SHARP et DOHME CORP., et condamnant cette dernière au paiement de la somme provisionnelle de [à compléter] ? en réparation des préjudices correspondants ». dans une police de taille 20 (vingt) au moins, pendant 6 (six) mois, dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 5.000 ? (CINQ MILLE EUROS) par jour de retard ;
- DIRE que le président sera compétent pour statuer, s'il y a lieu, sur la liquidation des astreintes qu'il a fixées ;

- CONDAMNER la société SANDOZ à payer à la société MERCK SHARP et DOHME CORP. la somme de 200.000 ? (DEUX CENTS MILLE EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire ;
- CONDAMNER la société SANDOZ aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me Laëtitia BENARD, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

La société SANDOZ dans ses conclusions également soutenues oralement à l'audience, sollicite du juge des référés, au visa des articles L. 613-3, L.613-4, L.613-5, L.614-12, L.615-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, des dispositions du Règlement (CE) no469/2009, des articles 52 et suivants de la Convention sur le Brevet européen, de :
- DIRE que l'urgence n'est pas démontrée par les sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP et MSD FRANCE ;
- DIRE qu'il existe une contestation sérieuse portant sur la validité du CCP no FR05C0040 ;
- Débouter les sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP et MSD FRANCE de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société SANDOZ ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP et MSD FRANCE à payer 100 000 ? (cent mille euros) à la société SANDOZ. au titre de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP et MSD FRANCE aux entiers dépens ;
- A titre subsidiaire ROUVRIR les débats pour permettre à la société SANDOZ de conclure sur le préjudice allégué des sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP et MSD FRANCE.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Les pouvoirs du juge des référés

L'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que " Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun.

Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes. Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées. Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés".

En outre, selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées constituent la transposition, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle."

Il en résulte que, saisi de demandes présentées au visa de ce texte, le juge des référés doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d'évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l'atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision ou non d'interdire la commercialisation du médicament générique.

En l'occurrence, la défenderesse soutient que les sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE se livrent à une interprétation erronée de l'arrêt TEVA c/ GILEAD et que la Cour de justice de l'Union européenne pose toujours comme condition pour la combinaison de relever de l'invention couverte par le brevet de base, c'est à dire que la combinaison doit être l'objet de l'invention. La société SANDOZ ajoute que si la condition n'était plus posée au titre de l'article 3 a) du règlement, elle l'est toujours au titre de l'article 3 c) et que c'est en ce sens que se sont prononcées notamment les juridictions allemande et espagnole, après l'arrêt du 25 juillet 2018.

La société SANDOZ expose ensuite que MSD CORP n'ayant pas inventé la Simavastatine, tandis que la combinaison EZETIMIBE/SIMVASTATINE ne produit que de simples effets additionnels, cette combinaison ne pourrait être regardée comme ayant été "l'objet de l'invention" du brevet de base.

La société SANDOZ conclut encore au caractère disproportionné des mesures sollicitées eu égard à la durée de protection restant à courir jusqu'à l'expiration du CCP, tandis que les conséquences des mesures sollicitées seraient manifestement excessives tant pour la société SANDOZ que pour la collectivité des assurés sociaux.

2o) Le droit applicable au certificat complémentaire de protection

Le certificat complémentaire de protection est régi par le règlement (CE) no 469 / 2009 du 6 mai 2009 du Parlement européen et du Conseil "concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments", qui a abrogé et remplacé le règlement (CE) no 1768 / 92 du 18 juin 1992.

Les règles édictées par ce règlement sont précédées des considérants suivants :

"(3) Les médicaments, et notamment ceux résultant d'une recherche longue et coûteuse, ne continueront à être développés dans la Communauté et en Europe que s'ils bénéficient d'une réglementation favorable prévoyant une protection suffisante pour encourager une telle recherche.
(4) À l'heure actuelle, la période qui s'écoule entre le dépôt d'une demande de brevet pour un nouveau médicament et l'autorisation de mise sur le marché dudit médicament
réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche.
(5) Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique. (...)
(9) La durée de la protection conférée par le certificat devrait être déterminée de telle sorte qu'elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d'un brevet et d'un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d'exclusivité au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans la Communauté, du médicament en question.
(10) Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le certificat ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu'il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l'autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament."

Les dispositions suivantes du règlement apparaissent en outre pertinentes pour statuer sur le présent litige :

"Article premier Définitions
Aux fins du présent règlement, on entend par :
a) «médicament»: toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal ;
b) «produit»: le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament ;

c) «brevet de base»: un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d'obtention d'un certificat ;
d) «certificat»: le certificat complémentaire de protection;

Article 3 Conditions d'obtention du certificat
Le certificat est délivré, si, dans l'État membre où est présentée la demande visée à l'article 7 et à la date de cette demande :
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur;
b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas ;
c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ;
d) l'autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.

Article 13 Durée du certificat
1. Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d'une période de cinq ans.
2. Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet.

Article 15 Nullité du certificat
1. Le certificat est nul :
a) s'il a été délivré contrairement aux dispositions de l'article 3 ;"

L'interprétation du règlement par la Cour de justice de l'Union européenne :

S'agissant de l'article 3 a)

Par un arrêt du 25 juillet 2018 (aff. C-121/17, Teva UK c/ Gilead Sciences Inc.), rendu en grande chambre, la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à une question préjudicielle (décision du 23 février 2017) ainsi formulée :

"24 La juridiction de renvoi considère que, en dépit des arrêts rendus par la Cour en ce qui concerne l'interprétation de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009, le sens à donner à cette disposition n'apparaît pas clairement.
25 Certes, il ressortirait, de manière non équivoque, de la jurisprudence de la Cour que la notion de « produit protégé par un brevet de base », au sens de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009, renvoie aux règles relatives non pas à la contrefaçon, mais à l'étendue de la protection. En outre, il résulterait du point 28 de l'arrêt du 24 novembre 2011, Medeva (C-322/10), que pour être considérés comme « protégés par un brevet de base », au sens de cette disposition, les principes actifs doivent être mentionnés dans le libellé des revendications du brevet en question.
26 Néanmoins, les arrêts du 12 décembre 2013, Actavis Group PTC et Actavis UK (C-443/12), du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C-493/12), ainsi que du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK (C-577/13), laisseraient à penser que les principes décrits au point précédent ne suffisent pas pour déterminer si un « produit est protégé par un brevet de base » et qu'il conviendrait également de prendre en compte « l'objet de l'invention couverte par le brevet » ou « le c?ur de l'activité inventive » visée par ledit brevet. Or, selon la juridiction de renvoi, il ne ressort pas avec évidence de cette jurisprudence si ces exigences sont pertinentes pour l'interprétation de l'article 3, sous a), du règlement no 469/2009.
27 Selon la juridiction de renvoi, il existerait, en outre, des divergences dans plusieurs États membres concernant la possibilité, en cause dans l'affaire au principal, d'obtenir un CCP pour la combinaison TD/emtricitabine et, plus généralement, en ce qui concerne l'interprétation de l'article 3, sous a), du règlement no469/2009.
28 Dans ces conditions, la High Court of Justice (England et Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Quels sont les critères permettant de déterminer si "le produit est protégé par un brevet de base en vigueur" au sens de l'article 3, sous a), du règlement no469/2009 ? »

Rappelant les principes posés par sa jurisprudence antérieure, à savoir d'une part, qu'un principe actif ne figurant pas dans les revendications du brevet de base au moyen d'une formule structurelle pouvait néanmoins être protégé par un CCP dès lors qu'il était implicitement, mais nécessairement et de manière spécifique, visé par ces revendications (arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company, C-493/12) et d'autre part, qu'un CCP n'a, en revanche, pas pour vocation d'étendre le champ de la protection conférée par un brevet au-delà de l'invention couverte par ledit brevet, de sorte que l'article 3 sous a) s'oppose à ce qu'une revendication ultérieure, ajoutée au brevet de base, quoique conformément à la législation nationale, puisse faire l'objet d'un CCP (arrêt du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK c/ Boehringer Ingelheim Pharma GmbH, C-577/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :

"L'article 3, sous a), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu'un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné est « protégé par un brevet de base en vigueur », au sens de cette disposition, dès lors que la combinaison des principes actifs qui le composent, même si elle n'est pas explicitement mentionnée dans les revendications du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visée dans ces revendications. À cette fin, du point de vue de l'homme du métier et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base:
- la combinaison de ces principes actifs doit relever nécessairement, à la lumière de la description et des dessins de ce brevet, de l'invention couverte par celui-ci et
- chacun desdits principes actifs doit être spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet."

Cette décision enseigne ainsi que, si la combinaison n'est pas explicitement mentionnée dans les revendications, elle peut néanmoins être protégée par le brevet de base dès lors qu'elle est"nécessairement et spécifiquement visée dans les revendications", autrement dit si, à la lumière de la description et des dessins, elle relevait nécessairement pour l'homme du métier en fonction de l'état de la technique à la date du dépôt du brevet de base, de l'invention couverte par ce brevet, et si chaque principe actif est identifiable de manière spécifique.

Il s'en déduit :
- qu'une combinaison de principes actifs spécifiquement identifiés, explicitement mentionnée dans les revendications du brevet de base, qui à ce titre relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet de base, peut faire l'objet d'un CCP ;
- la Cour ne pose nullement comme condition supplémentaire que les deux principes actifs ou leur combinaison soient une invention du brevet de base, ou encore que la combinaison ait été "l'objet de l'invention" du brevet de base, ce qui exclut la transposition au CCP des règles de validité applicables au brevet ;
- que cet arrêt peut être regardé comme un revirement de la Cour de Luxembourg par rapport à l'arrêt du 12 décembre 2013, Actavis Group PTC et Actavis UK c/Sanofi, (C-443/12), dans le sens où pour conclure à l'absence de mention d'une combinaison par un brevet de base, le juge national ne peut s'arrêter à l'absence de protection du second principe actif par les revendications du brevet de base.

Il convient en outre de rappeler qu'aux termes de l'arrêt Georgetown (arrêt du 24 novembre 2011, Georgetown University, University of Rochester, Loyola University of Chicago, contre Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks, C-422/10), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que "L'article 3, sous b), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cet article soient également remplies, il ne s'oppose pas à ce que les services compétents de la propriété industrielle d'un État membre octroient un certificat complémentaire de protection pour un principe actif, figurant dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué, lorsque le médicament dont l'autorisation de mise sur le marché est présentée au soutien de la demande de certificat complémentaire de protection comprend non seulement ce principe actif, mais également d'autres principes actifs." Autrement dit, un CCP peut être octroyé pour un principe actif unique y compris lorsque le premier médicament autorisé en vertu du brevet de base concernait une combinaison de principes actifs, sans qu'il soit possible de tirer des faits de cette affaire une règle de droit comme le fait en l'occurrence la demanderesse qui en déduit que tous les principes actifs doivent être une "invention" du brevet de base pour permettre la délivrance d'un CCP.

S'agissant de l'article 3 c)

La défenderesse fait valoir que l'arrêt Gilead ne visant que l'article 3 sous a) du règlement, la condition, pour le produit de combinaison d'être "l'objet de l'invention" couverte par le brevet de base, devrait toujours trouver à s'appliquer conformément à l'article 3 sous c).

Elle invoque à cet égard l'arrêt "Sanofi" qui ne vise expressément que l'article 3 c).

Le tribunal ne saurait toutefois retenir une telle analyse qui conduirait à admettre l'existence de deux définitions du "produit" au sein d'un même article, ce qu'exclut à l'évidence le glossaire du règlement (CE) no469/2009 du 6 mai 2009. D'ailleurs, ce tribunal, dans l'ordonnance du 5 avril 2018, avait retenu que la décision Sanofi faisait une référence implicite sur ce point à la condition posée par l'article 3 a).

3o) En l'espèce :

Présentation du CCP et du brevet de base :

Le CCP no03C0040 a été déposé le 21 septembre 2005, il s'agit d'un second CCP se fondant sur le brevet EP 599. Il porte sur l' « EZETIMIBE éventuellement sous la forme de ses sels pharmaceutiquement acceptables en combinaison avec la SIMVASTATINE ».

Il a été délivré le 21 décembre 2006 et expirera le 2 avril 2019.

L'Ezétimibe en combinaison avec la Simvastatine a été commercialisé sous la spécialité INEGY® par le laboratoire MSD sous le bénéfice d'une AMM française NL 31849 du 28 juillet 2005, la première AMM dans la Communauté européenne étant une AMM allemande en date du 2 avril 2004.

En l'occurrence, les revendications 1 à 8 du brevet portent sur les composés de la famille des azétidinones hydroxy substituées utiles comme agents hypocholestérolémiques par réduction du niveau de cholestérol dans le sérum, dont l'ézétimibe visé dans la revendication 8.

Il s'agit d'une revendication de type Markush qui enseigne de nouveaux composés hypocholestérolémiques représentés par la formule :

La revendication 9, dépendante des revendications 1 à 8, envisage l'utilisation de l'azétidinone substituée seule ou en combinaison avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol.

La revendication 10, de type dit « suisse », porte sur l'utilisation d'un composé selon l'une des revendications 1 à 8 pour la fabrication d'un médicament pour le traitement ou la prévention de l'athérosclérose ou pour la réduction des niveaux de cholestérol dans le plasma.

Les revendications 11 et 12 portent sur la préparation d'une composition pharmaceutique mettant en ?uvre les composés des revendications 1 à 8, la revendication 12 visant le mélange avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol.

Les revendications 13 et 14, de type dit « suisse », revendiquent soit l'utilisation de l'azétidinone substituée des revendications 1 à 8 avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, soit l'utilisation d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol avec l'azétidinone substituée des revendications 1 à 8 dans le traitement ou la prévention de l'athérosclérose ou pour la réduction des niveaux de cholestérol dans le plasma.

La revendication 15 porte sur un nécessaire comprenant des conteneurs séparés dans un seul emballage, des compositions pharmaceutiques à utiliser en combinaison pour le traitement ou la prévention de l'athérosclérose ou pour la réduction des niveaux de cholestérol dans le plasma, l'un des conteneurs contenant une azétidinone substituée des revendications 1 à 8 et l'autre un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol.

La revendication 16 se référant aux revendications 9, 12 ou 15 vise les familles d'inhibiteurs de la biosynthèse du cholestérol particuliers à savoir les inhibiteurs de la CoA réductase de HMG,
les inhibiteurs de la synthèse du squalène et les inhibiteurs de la synthèse du squalène epoxydase.

La revendication 17, dépendante de la revendication 16, porte sur la composition pharmaceutique de la revendication 16 où l'inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol est sélectionné dans le groupe consistant en lovastatine, prévastatine, fluvastatine, simvastatine, C1-981, DMP-965, L-659, 699, squalestatine 1 et NB-598.

Ainsi la revendication 17 répond à la condition posée par la Cour de justice de l'Union européenne puisqu'elle vise explicitement et de manière spécifique la combinaison de l'ézétimibe avec la simvastatine, combinaison qui à ce titre relève de l'invention couverte par le brevet de base, au sens du règlement du 6 mai 2009 tel qu'interprété par l'arrêt du 25 juillet 2018 (C-121/17).

Ce produit (combinaison ézétimible / sivastatine) n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat complémentaire de protection.

Il n'est pas davantage démontré que l'autorisation de mise sur le marché obtenue par le laboratoire MSD le 2 avril 2004 ne serait pas la première pour la combinaison en cause, peu important à cet égard que la combinaison soit évoquée par l'autorisation de mise sur le marché de l'ézétimibe seule.

Il en résulte que les conditions posées par l'article 3 du règlement no469/2009 sont remplies et que la contrefaçon apparaît vraisemblable.

4o) Sur les mesures sollicitées

Les demanderesses sollicitent, outre le versement de provisions, que soient ordonnées sous astreinte des mesures d'interdiction, de confiscation, de rappel et retrait des circuits commerciaux, de saisie réelle des produits contrefaisant chez des tiers, de communications de pièces au titre du droit à l'information et de publication de la décision.

La défenderesse s'y oppose en faisant valoir le caractère disproportionné des mesures demandées et le fait que les mesures de rappel et de retrait des circuits commerciaux ne peuvent être prononcées que par le juge du fond.

Sur l'interdiction de commercialisation

Le caractère contrefaisant du médicament générique ézétémibe / Simvastatine Sandoz étant vraisemblable, et pour assurer les droits du titulaire sur le CCP 05C0040 encore en vigueur, sans qu'aucun caractère disproportionné ne soit établi par la société SANDOZ à son encontre puisqu'elle a seule décidé de prendre le risque financier de lancer son médicament générique avant la date d'échéance dudit CCP, il sera ordonné une mesure d'interdiction de commercialiser en France ces produits contrefaisants, sous astreinte et selon les modalités visées au dispositif de la présente décision.

Sur les demandes de confiscation, de retrait et de saisie réelle des produits déjà introduits dans les circuits commerciaux

Le juge des référés peut prendre conformément aux dispositions de l'article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle « toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon» . Ces mesures doivent être adaptées au litige et le juge des référés doit seulement en apprécier le bien fondé et l'opportunité au regard du principe de proportionnalité.

Alors qu'il est connu que les autres potentiels génériqueurs ont répondu aux sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE qu'ils attendraient la fin de la durée de protection du CCP no 05C0040 (pièces no 5 et 6) pour lancer leurs produits, la société SANDOZ a fait, elle, le choix de laisser son générique sur le marché, se procurant ainsi un avantage économique considérable, durable et injustifié sur ses concurrents.

Aussi, la mesure de rappel et de retrait des circuits commerciaux aux frais et à la diligence de la société SANDOZ, apparaît en l'espèce une mesure proportionnée, car seule efficace à moins de deux mois de l'expiration de la protection du CCP 05C0040, pour mettre effectivement fin à la poursuite des actes vraisemblablement contrefaisants. Il sera fait droit à la demande d'astreinte selon les modalités visées au dispositif.

Il sera également fait droit à la demande de confiscation des produits contrefaisants détenus en France par la société SANDOZ. En revanche, à défaut de connaître le réseau exact des tiers (pharmaciens ou officines hospitalières) détenteurs des produits contrefaisants, il ne sera pas fait droit à la demande de saisie réelle chez des tiers.

L'astreinte à laquelle seront soumises les mesures d'interdiction, de confiscation et l'obligation de rappel et retrait des produits contrefaisant aux frais et diligences de la société SANDOZ seront suffisamment élevées et le délai suffisamment court pour assurer l'efficacité des mesures aux fins d'arrêter la poursuite des actes vraisemblablement contrefaisant commis par cette société.

Sur la provision et le droit à l'information

Il sera fait droit à la mesure sollicitée sur le fondement des articles L.615-1-1 et L.615-5-2 du code de la propriété intellectuelle.

En ce qui concerne la provision, il convient de rappeler que, selon le 26ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont l'article L.615-7 du code de la propriété intellectuelle constitue la transposition, "En vue de réparer le préjudice subi du fait d'une atteinte commise par un contrevenant qui s'est livré à une activité portant une telle atteinte en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir, le montant des dommages-intérêts octroyés au titulaire du droit devrait prendre en considération tous les aspects appropriés, tels que le manque à gagner subi par le titulaire du droit ou les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, le cas

échéant, tout préjudice moral causé au titulaire du droit. Le montant des dommages-intérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi, à partir d'éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le but est non pas d'introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d'identification."

Conformément aux dispositions visées ci-dessus et en l'état des éléments versés de part et d'autre aux débats, la société SANDOZ sera condamnée à payer aux sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE une provision de 520.000 euros à valoir sur les bénéfices réalisés (chiffre d'affaires réalisé en 2018 selon les données GERS - pièce no C.2.6 - soit 1.304.360 euros x 40% de taux de marge brute), outre une provision de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice moral.

La demande de publication formée à titre de complément d'indemnisation sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700

La société SANDOZ qui succombe supportera les entiers dépens de la présente instance.

Les conditions sont réunies pour allouer à chacune des sociétés MSD CORP. et MSD FRANCE la somme de 40.000 euros (à chacune), soit une somme globale de 80.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé, publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

LE PRÉSIDENT,

Dit dépourvus de sérieux les moyens de défense aux fins de nullité manifeste du certificat complémentaire de protection no 05C0040 dont est titulaire la société MERCK SHARP et DOHME CORP.,

Constate que le médicament générique ézétimibe / simvastatine SANDOZ sous tous ses dosages constitue une contrefaçon vraisemblable du certificat complémentaire de protection no 05C0040 ;

En conséquence,

Ordonne à la société SANDOZ de cesser immédiatement toute offre en vente, vente, importation, transbordement, fabrication, utilisation, détention aux fins précitées, en France, des combinaisons ézétimibe / simvastatine reproduisant le CCP no05C0040 et ce, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée (c'est à dire par produit), l'astreinte prenant effet à l'expiration du 5eme jour suivant la signification de la présente ordonnance et courant jusqu'à l'expiration du certificat complémentaire de protection no 05C0040, soit jusqu'au 2 avril 2019 inclus ;

Ordonne, aux frais de la société SANDOZ, le rappel des produits contrefaisants détenus entre les mains de tiers, tels que des grossistes, pharmacies d'officine ou officines hospitalières et ce, sous astreinte provisoire de 100 ? par produit, l'astreinte prenant effet à l'expiration du 5eme jour suivant la signification de la présente décision et courant jusqu'à l'expiration du certificat complémentaire de protection no 05C0040 ;

Autorise la société MERCK SHARP et DOHME CORP. à faire procéder par tout huissier instrumentaire de son choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant le CCP no05C0040, dans les locaux de la société SANDOZ, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ;

Autorise à cette fin et en tant que de besoin l'huissier instrumentaire à se faire assister par un officier de police ou de tout représentant de la force publique, de tout expert du choix de MERCK SHARP et DOHME CORP., autres que les subordonnés de la demanderesse, par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude, ainsi qu'à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour et autorise dans ce cas l'huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant le CCP no05C0040, ainsi qu'à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie ;

Ordonne à la société SANDOZ, sous astreinte de 1.000 ? par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la signification de la décision et pendant six mois, à communiquer :
- les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits,
- les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées,
- le prix et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants ;

Ordonne à la société SANDOZ de communiquer à MERCK SHARP et DOHME CORP., par écrit et sous une forme appropriée (divisés en trimestres de l'année calendaire), les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes ou un expert comptable indépendant des parties, indiquant l'étendue des actes de contrefaçon précités commis depuis le 18 avril 2018 par la société SANDOZ sous astreinte de 1.000 ? par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de la décision et pendant une durée de six mois ;

Condamne la société SANDOZ à payer aux sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP. et MSD FRANCE la somme provisionnelle de 500.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice résultant des actes de contrefaçon du CCP no05C0040 ;

Déboute les sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP. et MSD FRANCE de leurs demandes de saisie réelle des produits contrefaisants chez des tiers et de publication de la présente décision ;

Condamne la société SANDOZ à payer aux sociétés MERCK SHARP et DOHME CORP. et MSD FRANCE la somme de 40.000 euros à chacune, soit la somme globale de 80.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SANDOZ aux dépens de cette instance et autorise Maître BESNARD à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de plein droit.

Fait à Paris le 08 février 2019

Le Greffier,Le Président,

Julie DESHAYENathalie SABOTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/50247
Date de la décision : 08/02/2019

Analyses

Action en contrefaçon


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2019-02-08;19.50247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award