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15/11/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006952007

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, 15 novembre 2006, JURITEXT000006952007


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/12126 No MINUTE : Assignation du : 25 Juillet 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 15 Novembre 2006

DEMANDEUR Monsieur M. X... dit INGI ... de GAULLE 92400 COURBEVOIE représenté par Me Jean-Louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D.127 DÉFENDERESSES S.A. MEZZO prise en la personne du Président du Conseil d'Administration et Directeur Général de M. Christophe Y...
... 75008 PARIS représentée par Me Natacha RENAUDIN, avocat au barreau de PAR

IS, vestiaire P.224 Société TOURNESOL PRODUCTIONS 4 rue de la PRAIRIE ...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/12126 No MINUTE : Assignation du : 25 Juillet 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 15 Novembre 2006

DEMANDEUR Monsieur M. X... dit INGI ... de GAULLE 92400 COURBEVOIE représenté par Me Jean-Louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D.127 DÉFENDERESSES S.A. MEZZO prise en la personne du Président du Conseil d'Administration et Directeur Général de M. Christophe Y...
... 75008 PARIS représentée par Me Natacha RENAUDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.224 Société TOURNESOL PRODUCTIONS 4 rue de la PRAIRIE 95000 CERGY représentée par Me Yves BOISMILON, avocat au barreau de PARIS, avestiaire E.1170 ET Me Dominique MARCOT de la SCP %ARCOT-PIBAULT-LYON, du Barreau du Val d'Oise, plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 19 Septembre 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoire en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: M. X... , dit INGI est un auteur photographe renommé notamment pour la réalisation de portraits d'éminentes personnalités du monde de la musique. INGI a notamment réalisé un portrait du pianiste Georges CZIFFRA en janvier 1961 au domicile de l'artiste. S'étant aperçu qu'une émission télédiffusée par la chaîne MEZZO sur la vie de Georges CZIFFRA comportait une reproduction en plan fixe du portrait du pianiste précité, M. X... a assigné le 25 juillet 2005 la société MEZZO en contrefaçon de ses droits moraux et patrimoniaux d'auteur. Le 16 septembre 2005, la société MEZZO assignait en garantie le producteur de l'émission télévisuelle en cause à savoir la société TOURNESOL PRODUCTIONS. Aux termes de ses

dernières conclusions du 5 juillet 2006, M. X... demande en substance au tribunal de :

-dire qu'il est recevable et bien-fondé en ses demandes,

-dire que la société MEZZO en reproduisant et en diffusant la photographie de Georges CZIFFRA référencée 1440-3 dont il est l'auteur dans le téléfilm intitulé "une petite note de musique -Georges CZIFFRA" s'est rendue coupable de contrefaçon et a porté atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux d'auteur;

-condamner la société MEZZO à lui payer la somme de 12.000 euros au titre de l'atteinte à ses droits moraux et celle de 8000 euros au titre de l'atteinte à ses droits patrimoniaux,

-interdire à la société MEZZO d'utiliser la photographie litigieuse sous quelle que forme que ce soit sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à dater de la signification du jugement à intervenir,

-condamner la société MEZZO à lui payer une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et de la publication de la décision à intervenir. La société MEZZO dans ses dernières écritures expose que le cliché en cause a été remis au réalisateur du téléfilm par la veuve de l'artiste et que c'est de bonne foi que celui-ci l'a utilisé , la reproduction donnée ne comportant aucun crédit photographique. La société MEZZO soutient que M. X... doit être débouté car il ne saurait se prévaloir de sa propre négligence , l'absence de crédit photographique ayant empêché tant le réalisateur que le producteur de l'émission de solliciter son autorisation. En tout état de cause, sa responsabilité ne saurait être recherchée compte-tenu de sa parfaite bonne foi et de l'impossibilité matérielle pour elle de solliciter l'accord de M. X... et ce, d'autant que les sociétés productrices lui

garantissaient avoir obtenu l'ensemble des autorisations nécessaires pour l'exploitation du téléfilm. A titre subsidiaire , la société MEZZO conteste l'atteinte aux droits moraux, M. X... adressant ses clichés sans mention de son nom et le cliché en cause ayant déjà été divulgué. L'atteinte aux droits patrimoniaux est limitée compte-tenu de la durée de l'apparition du cliché en cause (3 secondes sur 54 minutes) et du nombre très limité des téléspectateur ayant suivi la diffusion arguée de contrefaçon (environ 9168 personnes). Aussi, la société MEZZO estime que l'allocation d'un euro symbolique est suffisant pour l'indemnisation du préjudice allégué. En tout état de cause, la société MEZZO maintient sa demande de garantie formée à l'encontre de la société TOURNESOL PRODUCTIONS et sollicite l'allocation d'une somme de 8000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . La société TOURNESOL PRODUCTIONS soutient que:

-le cliché en cause n'est pas protégeable car soumis à la Loi de 1957, il n'aurait pu l'être que s'il présentait un caractère historique ou documentaire, ce qui n'est pas le cas;

-si elle ne conteste pas sa garantie à la société MEZZO, le préjudice résultant de la reproduction en cause devrait être réparé par des indemnités de faible montant compte-tenu des circonstances de l'espèce;

-en tout état de cause, le cliché litigieux a été supprimé du téléfilm et la mesure d'interdiction est dès lors sans objet. SUR CE, A titre liminaire, le tribunal relève que la qualité d'auteur de M. X... du cliché en cause et le caractère original de ce dernier ne sont pas contestés.

*sur la Loi applicable au régime de protection: Dès lors que la photographie dont s'agit a été réalisée en 1961, c'est la loi du 11 mars 1957 qui s'applique à son régime de protection, le principe

général du droit codifié par l'article 2 du code civil qui interdit aux lois d'avoir un effet rétroactif s'opposant à l'application de la loi du 3 juillet 1985 au cliché litigieux. La Loi du 11 mars 1957 imposant pour qu'une photographie soit protégée qu'elle ait un caractère artistique ou documentaire, il convient de rechercher si tel est le cas en l'espèce. L'examen de la photographie litigieuse démontre son caractère artistique: M. X... par la sélection de la lumière, le cadrage, l'angle de prise de vue et le temps de pose a saisi l'instant où Georges CZIFFRA se livre à une intense réflexion livrant ainsi un portrait de l'artiste particulièrement harmonieux: la lumière venant d'en haut vers la droite éclaire le visage de Georges CZIFFRA qui porte le regard dans cette direction alors que le bas du visage est légèrement ombré sans être pour autant obscurci. Dans ces conditions, le tribunal considère que le cliché en cause bénéficie de la protection du droit d'auteur.

*sur la contrefaçon: Il est constant que le cliché de Georges CZIFFRA a été reproduit et télédiffusé par la société MEZZO en plan fixe dans le téléfilm " une petite note de musique-Georges CZIFFRA" produit par la société TOURNESOL PRODUCTIONS sans l'autorisation de l'auteur. Dans ces conditions, la contrefaçon est constituée en application de l'article l'article L 122-4 du Code de Propriété Intellectuelle qui dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite . Il importe peu que le cliché à partir duquel la reproduction illicite a été réalisée ne comporte pas de crédit photographique , ce qui reste d'ailleurs à démontrer , dès lors que la bonne foi est inopérante s'agissant ici d'exploitation réalisée par des sociétés professionnelles à qui ne pouvaient pas échapper le "caractère artistique" de l'oeuvre et en conséquence la nécessité d'en rechercher l'auteur pour obtenir l'autorisation de son

exploitation.

[*sur les mesures réparatrices:

- de l'atteinte aux droits moraux: Dès lors que le cliché a été reproduit et télédiffusé sans le nom de M. X... , ces exploitations illicites ont porté atteinte au droit de paternité de ce dernier sur son oeuvre . Par ailleurs, à l'écran l'image comportant la surimpression "Théâtre du Châtelet", cette modification constitue une altération de l'oeuvre et constitue une atteinte à l'intégrité de celle-ci. Compte-tenu des circonstances de l'espèce, le tribunal considère que ces atteintes aux droits moraux de M. X... seront justement réparées par l'allocation d'une indemnité de 1000 euros.

-de l'atteinte aux droits patrimoniaux: Dès lors que l'autorisation de M. X... n'a pas été sollicitée, les reproductions et télédiffusions en cause ont porté atteinte aux droits patrimoniaux de ce dernier. Le préjudice qui en est résulté sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 1000 euros eu égard notamment au nombre très limité des téléspectateurs ayant regardé les 7 télédiffusions du téléfilm contrefaisant.

-sur les autres mesures: Les condamnations précitées indemnisant l'intégralité des préjudices subis par M. X..., il n'y a pas lieu d'autoriser la publication de la présente décision. En revanche, une mesure d'interdiction est ordonnée dans les conditions définies au présent dispositif. Il y a lieu de donner acte à la société TOURNESOL PRODUCTIONS de la suppression du cliché dans le téléfilm en cause. Enfin, l'équité commande d'allouer au demandeur une indemnité de 4000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .

*]sur les autres demandes; La société TOURNESOL PRODUCTIONS ne contestant pas devoir sa garantie à la société MEZZO, il y a lieu de

lui en donner acte.La société TOURNESOL PRODUCTIONS ne contestant pas devoir sa garantie à la société MEZZO, il y a lieu de lui en donner acte. Compte-tenu de l'ancienneté des faits et de la nature du litige, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision. Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de la société MEZZO. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL , statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort , sous le bénéfice de l'exécution provisoire, Dit que le cliché référencé "1440-3" relatif à un portrait de Georges CZIFFRA dont M. X... est l'auteur bénéficie de la protection de la Loi du 11 mars 1957, Dit que la société MEZZO en reproduisant et diffusant la photographe de Georges CZIFFRA précitée dans le téléfilm "Une petite note de musique- Georges CZIFFRA" sans l'autorisation de M. X... a porté atteinte aux droits moraux et aux droits patrimoniaux de ce dernier et ainsi commis des actes de contrefaçon, Condamne la société MEZZO à payer à M. X... une indemnité de 2000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , Dit que la société MEZZO sera garantie par la société TOURNESOL PRODUCTIONS des condamnations ainsi mises à sa charge, Donne acte à la société TOURNESOL PRODUCTIONS de la suppression du cliché en cause dans le téléfilm "une petite note de musique-Georges Cziffra", Interdit à la société MEZZO de télédiffuser le téléfilm précité avec la reproduction du cliché litigieux et ce, sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée passé le délai de deux mois après la signification de la présente décision, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société MEZZO aux dépens, Dit qu'elle sera garantie de cette condamnation par la société TOURNESOL PRODUCTIONS, Fait et jugé à Paris le 15 Novembre 2006 Le Greffier Le

Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952007
Date de la décision : 15/11/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-11-15;juritext000006952007 ?
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