T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/03579 No MINUTE : Assignation du : 22 Février 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 11 Octobre 2006 DEMANDERESSE S.A. EVAFLOR, représentée par son Président du Conseil d' administration, M. Simon X.... 11 rue Henri Barbusse 92230 GENNEVILLIERS représentée par Me Claude BARANES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G 10 DÉFENDERESSE S.A.S LABORATOIRES VENDOME Rue François Appert 21700 NUITS ST GEORGES représentée par Me Jean-Luc DONNADOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D0908 COMPOSITION DU Y... Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline Z..., Greffier, signataire de la décision DÉBATS A l'audience du 18 Septembre 2006 tenue en audience publique devant Elisabeth BELFORT et Agnès THAUNAT, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Y..., conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoire en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: La société EVAFLOR est titulaire :
-de la marque française "CARESSE" no 93 497 799 déposée le 22 décembre 1993 pour désigner les produits et services suivants :
"Savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices; préparations cosmétiques pour le bain; savons pour le bain sous forme liquide ou de gel; désodorisants à usage personnel; huiles à usage cosmétiques pour le bain; huiles de toilette; laits de toilettes; produits cosmétiques pour le soin de la peau; pierre à adoucir, shampooings; talc pour la toilette; produits de toilette; parfums; eaux de toilette; eaux de senteur. Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué); peignes et éponges;
brosses (à l'exception des pinceaux); matériaux pour la brosserie; matériel de nettoyage; verre brut ou mi-ouvré (à l'exception du verre de construction); verrerie, porcelaine et fa'ence non comprises dans d'autres classes; appareils pour le démaquillage non électriques; brosses à dents; éponges de toilettes; nécessaires de toilette; brosses à ongle; pulvérisateur de parfums; brûle-parfum; peignes; étuis pour peignes; peignes électriques; houppes à poudrer; brosses à sourcils et à cils; brosses de maquillage; boites à savon; distributeurs de savons; aérosols non à usage médical; blaireaux et porte blaireaux. Vêtements, chaussures, chapellerie" en classes 3, 21 et 25 de la classification internationale, et renouvelée le 2 décembre 2003 pour les produits et services suivants : "Savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques; dentifrices; préparations cosmétiques pour le bain; savons pour le bain sous forme liquide ou de gel; désodorisants à usage personnel; huiles à usage cosmétiques pour le bain; huiles de toilette; laits de toilette; produits cosmétiques pour le soin de la peau; pierre à adoucir; talc pour la toilette; produits de toilette; parfums; eaux de toilette; eaux de senteur. Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué); éponges; matériaux pour la brosserie; matériel de nettoyage; verre brut ou mi-ouvré (à l'exception du verre de construction); verrerie, porcelaine et fa'ence non comprises dans d'autres classes; appareils pour le démaquillage non électriques; brosses à dents; éponges de toilettes; nécessaires de toilette; brosses à ongle; pulvérisateur de parfums; vaporisateur de parfums; brûle-parfum; houppes à poudrer; brosses à sourcils et à cils; brosses de maquillage; boites à savon; distributeurs de savons; aérosols non à usage médical; blaireaux et porte blaireaux." en classes 3 et 21 de la classification précitée, -de la marque communautaire "CARESSE" no 1 081 488 déposée le 19
février 1999 et enregistrée le 10 mai 2001 pour désigner les produits et services suivants : "Parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques; dentifrices; déodorants; huiles de toilettes; laits parfumés; pierres à adoucir; talc pour la toilette; parfums; eaux de toilette; eaux de senteurs" en classe 3 de la classification internationale. Courant 2004, la société LABORATOIRES VENDÈME a commercialisé un gel douche sous la dénomination "Caresse de douche velours". Suivant assignation en date du 22 février 2005, la société EVAFLOR fait grief à la société LABORATOIRES VENDÈME d'avoir commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques précitées et subsidiairement par imitation. En réparation elle sollicite les mesures usuelles d'interdiction, de confiscation et de publication ainsi que la somme de 100 000 ç à titre de dommages et intérêts et celle de 8 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par dernières conclusions la société LABORATOIRES VENDÈME demande au tribunal de constater que la marque communautaire n'a pas été déposée pour désigner des savons et de prononcer la déchéance des droits de marque communautaire et française de la demanderesse pour défaut d'usage sérieux pendant une période de cinq ans, subsidiairement, elle conteste avoir commis des actes de contrefaçon. Reconventionnellement, elle sollicite la somme de 3 500 ç au titre des frais irrépétibles. Par dernières écritures la société EVAFLOR conteste la déchéance et reprend ses demandes en portant le montant des frais irrépétibles à la somme de 10 000ç. MOTIFS SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE EN DÉCHÉANCE Attendu que la société demanderesse conteste la recevabilité de la demande en déchéance au motif que la commercialisation du produit argué de contrefaçon aurait cessé. Mais attendu qu'un défendeur à une action en contrefaçon a intérêt à solliciter la déchéance des marques qui lui sont opposées
concernant les produits argués de contrefaçon, ne serait-ce que pour pouvoir reprendre leur commercialisation si le demandeur est déchu de ses droits. Attendu en conséquence que l'action en déchéance est recevable en ce qui concerne les produits suivants : "préparations cosmétiques pour le bain et savons pour le bain sous forme liquide ou de gel." SUR LA DEMANDE EN DÉCHÉANCE DE LA MARQUE COMMUNAUTAIRE
Attendu que l'article 15 du règlement du 20 décembre 1993 dispose que : "1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque communautaire n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage. 2. Sont également considérés comme usage au sens du paragraphe 1: a) l'emploi de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée; b) l'apposition de la marque communautaire sur les produits ou sur leur conditionnement dans la Communauté dans le seul but de l'exportation. 3. L'usage de la marque communautaire avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire." Attendu la marque communautaire "CARESSE" no 1 081 488 a été enregistrée le 10 mai 2001 et l'ordonnance de clôture intervenue le 2 mai 2006 ; qu'ainsi cette marque ne saurait encourir la déchéance à cette dernière date, cinq années ne s'étant pas écoulées depuis son enregistrement. SUR LA DEMANDE EN DÉCHÉANCE DE LA MARQUE FRANOEAISE Attendu que l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans
l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif; c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu." Attendu que s'agissant de la marque française "CARESSE", il convient de rechercher l'usage qui a été fait de la marque dans les 5 ans précédant les premières conclusions sollicitant la déchéance en date du 9 septembre 2005. Attendu que la société EVAFLOR justifie par la production de multiples factures avoir commercialisé en France ou avoir conditionné en France pour l'exportation plusieurs milliers de savons pour la douche de 2003 à 2005 sous la marque "CARESSE". Attendu ainsi que la demande en déchéance de la marque française concernant les préparations cosmétiques pour le bain et les savons pour le bain sous forme liquide ou de gel sera rejetée. SUR LES ACTES DE CONTREFAOEON Attendu que le signe critiqué "Caresse de douche
velours" constitue une expression dans laquelle se trouve adjoint au substantif "caresse" un complément du nom "douche" introduit par la préposition "de" ; qu'ainsi il convient de l'examiner au regard de l'imitation et non de la reproduction à l'identique qui n'est pas caractérisée en l'espèce. Au regard de la marque française Attendu que l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." Attendu qu'en l'espèce le signe "Caresse de douche velours" est apposé sur un gel de douche, produit visé à l'enregistrement de la marque française ; qu'il reprend en terme d'attaque le signe de la marque opposée en la faisant suivre d'un complément "douche velours" sans grande distinctivité pour le consommateur d'attention moyenne recherchant un tel produit et n'ayant pas simultanément sous les yeux les deux signes ; qu'ainsi l'identité des produits désignés et la forte similarité des signes entraînent nécessairement pour ceyeux les deux signes ; qu'ainsi l'identité des produits désignés et la forte similarité des signes entraînent nécessairement pour ce consommateur un risque de confusion sur l'origine du produit; qu'en conséquence la contrefaçon alléguée est constituée. Au regard de la marque communautaire Attendu que l'article 9 du règlement du 20 décembre 1993 dispose que : "1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires: a) d'un signe identique à la marque communautaire
pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; c) d'un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans la Communauté et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice. 2. Il peut notamment être interdit, si les conditions énoncées au paragraphe 1 sont remplies: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; d) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité. 3. Le droit conféré par la marque communautaire n'est opposable aux tiers qu'à compter de la publication de l'enregistrement de la marque. Toutefois, une indemnité raisonnable peut être exigée pour des faits postérieurs à la publication d'une demande de marque communautaire qui, après la publication de l'enregistrement de la marque, seraient interdits en vertu de celle-ci. Le tribunal saisi ne peut statuer au fond tant que l'enregistrement n'a pas été publié." Attendu que la marque communautaire est déposée pour désigner les produits suivants :
"huiles essentielles, cosmétiques; dentifrices; déodorants; huiles de toilettes; laits parfumés; pierres à adoucir; talc pour la toilette;
parfums; eaux de toilette; eaux de senteurs". Attendu que le tribunal retient qu'un gel douche est un produit similaire aux "huiles essentielles, aux cosmétiques, aux huiles de toilettes et aux laits parfumés", les produits étant d'un usage complémentaire, s'agissant dans tous les cas de produits d'hygiène corporelle et leurs circuits de distribution pouvant être les mêmes. Attendu ainsi que les produits étant similaires, il y a lieu de retenir la contrefaçon de la marque communautaire pour les motifs précédemment exposés en ce qui concerne la marque française. SUR LES MESURES RÉPARATRICES Attendu qu'une mesure d'interdiction sera prononcée dans les termes du dispositif. Attendu que la commercialisation du produit revêtu du signe "Caresse de douche velours" ayant cessé à ce jour, il n'y a pas lieu de faire droit à la mesure de confiscation sollicitée. Attendu que le produit contrefaisant a été commercialisé de 2004 au début 2005, qu'en conséquence l'entier préjudice de la société EVAFLOR sera réparé par l'allocation de la somme de 20 000 ç à titre de dommages et intérêts sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure de publication du présent jugement à la charge de la société défenderesse, le préjudice étant entièrement réparé par la condamnation précitée. SUR LES FRAIS IRREPETIBLES Attendu que l'équité commande d'allouer à la société EVAFLOR qui triomphe la somme de 8 000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE Attendu qu'il convient d'assortir le présent jugement de l'exécution provisoire. SUR LES DÉPENS Attendu que la société LABORATOIRES VENDÈME qui succombe supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Le Y..., Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort Sous le bénéfice de l'exécution provisoire, Déclare recevable et mal fondée la demande en déchéance de la marque française "CARESSE" no 93 497 799 et de la marque communautaire "CARESSE" no 1 081 488. Dit qu'en
commercialisant du gel douche sous la dénomination "Caresse de douche velours" la société LABORATOIRES VENDÈME a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque française "CARESSE" no 93 497 799 et de la marque communautaire "CARESSE" no 1 081 488 au préjudice de la société EVAFLOR qui est titulaire des deux titre précités. En réparation Fait interdiction à la société LABORATOIRES VENDÈME d'utiliser le signe "Caresse de douche velours" pour désigner un gel douche sous astreinte de 500 ç par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement. Dit que le tribunal se réserve expressément le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée en application de l'article 35 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 modifié par l'article 3 de la loi no 92-644 du 13 juillet 1992. Condamne la société LABORATOIRES VENDÈME à payer à la société EVAFLOR la somme de 20 000 ç en réparation de son préjudice et celle de 8 000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Déboute les parties de leurs plus amples demandes. Condamne la société LABORATOIRES VENDÈME aux dépens dont distraction au profit de Maître Claude BARANES Avocat pour la part dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision par application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 11 Octobre 2006 Le Greffier Le Président