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04/10/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951647

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 04 octobre 2006, JURITEXT000006951647


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/05308 No MINUTE : Assignation du : 29 Mars 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 04 Octobre 2006

DEMANDEUR Monsieur Gilles X... 31 rue Julien LACROIX 75020 PARIS représenté par SCP LEVY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P 119 DÉFENDERESSE Madame Limore Y... 16 rue CRUSSOL 75011 PARIS représentée par Me Gérard SCHULMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L 227 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la d

écision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/05308 No MINUTE : Assignation du : 29 Mars 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 04 Octobre 2006

DEMANDEUR Monsieur Gilles X... 31 rue Julien LACROIX 75020 PARIS représenté par SCP LEVY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P 119 DÉFENDERESSE Madame Limore Y... 16 rue CRUSSOL 75011 PARIS représentée par Me Gérard SCHULMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L 227 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 19 Juin 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoire en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES:

M. X... est l'auteur d'un article intitulé "le négationnisme sur Internet. Genèse, stratégie, antidotes" rédigé en collaboration avec Michel FINGERHUT et Gérard PANCZER, paru dans la revue d'Histoire de la Shoah no 170, septembre-décembre 2000.

S'étant aperçu que Mme Y... avait publié un ouvrage "Terroristes et Internet, la Cyberguerre" aux Editions canadiennes "le Trait d'Union" et qu'une partie du quatrième partie de cet ouvrage ( de la page 122 à la page 152) reproduisant des passages de son article, M. X... a assigné le 29 mars 2005 Mme Y... en contrefaçon pour l'atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux sur l'article précité.

Aux termes de ses dernières écritures du 18 mais 2006, M. X... demande au tribunal de:

-rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la défenderesse,

-lui donner acte que l'ouvrage "Terroristes et Internet, La cyberguerre" a été diffusé sur le territoire français,

-vu la Convention de Berne, dire et juger la loi française

applicable,

-vu le Livre 1er du Code de Propriété Intellectuelle dire que Mme Y... par la publication du 4ème chapître de son ouvrage a violé ses droits moraux et patrimoniaux d'auteur,

-condamner Mme Y... à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts venant en réparation de son préjudice moral et celle de 7000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,

-condamner Mme Y... à lui verser 15% des rémunérations qu'elle aurait perçues pour l'ouvrage contrefaisant,

-ordonner la suppression du chapître contrefaisant, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire et de l'autorisation de publication du dispositif du jugement à intervenir dans 4 journaux (deux canadiens, un français, un israélien) aux frais de la défenderesse.

Mme Y... soutient dans ses dernières conclusions du 20 avril 2006 que:

-le livre argué de contrefaçon n'ayant été diffusé ni en France, ni en Belgique, seule la loi canadienne est applicable eu égard aux dispositions de l'article 5-2 de la Convention de Berne; dès lors que M. X... a fondé sa demande sur la loi française, son action est irrecevable.

-si certains passage du 4ème passage de son livre reproduisent certains passages écrits par M. X... , cette reproduction qui constitue 6% de l'ouvrage global s'inscrit dans l'usage fréquent dans le milieu restreint des historiens spécialisés dans l'antisémitisme contemporain et de la 2ème guerre mondiale qui consiste à reprendre des éléments écrits par d'autres, M. X... n'hésitant pas à le faire lui-même;

-en tout état de cause, ces emprunts n'ont causé aucun préjudice à M.

X... compte-tenu de son absence d'intention de nuire et du faible succès de cet ouvrage qui n'a été vendu qu'à 373 exemplaires qui ne lui ont rapporté que 391 euros compte-tenu des difficultés financières rencontrées par son éditeur.

Aussi, Mme Y... conclut à l'irrecevabilité ou au mal-fondé des demandes et à titre subsidiaire, compte-tenu de sa situation financière extrêment précaire à la limitation des dommages et intérêts à la somme de un euro symbolique , étant relevé qu'il y lieu de lui donner acte de son engagement en cas de nouvelle publication de l'ouvrage en cause de la suppression des passages similaires à ceux de l'article de M. X...

En cours de délibéré et à la demande du tribunal, M. X... a communiqué copie de factures émises par la Librairie du Québec à Paris démontrant qu'elle a commercialisé l'ouvrage de Mme Y... sur le territoire français.

Mme Y... a indiqué par courrier du 12 septembre 2006 que seules 4 factures d'ouvrages livrés les 25 octobre 2004, 4 octobre 2004, 19 février 2005 et 14 avril 2005 ont véritable force probante. SUR CE,

[*sur la Loi applicable:

Dès lors qu'il n'est plus contesté que l'ouvrage dont Mme Y... est l'auteur a été distribué sur le territoire français par la Librairie du Québec à Paris, la loi française est applicable en application de l'article 5-2 de la Convention de Berne dont il n'est pas contesté par les parties qu'elle est applicable en l'espèce.

Dès lors que M. X... a fondé sa demande sur le livre 1er du Code de Propriété Intellectuelle , l'exception d'irrecevabilité pour défaut de fondement légal développée par Mme Y... est rejetée.

*]sur la contrefaçon:

L'article L 122-4 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que

toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite .

Il n'est pas contesté par Mme Y... qu'elle a reproduit dans le 4ème chapitre de son ouvrage certains passages de l'article dont M. X... est l'auteur ou du site internet dont celui-ci est l'éditeur .

Mme Y... conteste la qualité d'auteur de M. X... au titre des textes issus du site internet dont celui-ci est l'éditeur. Dès lors que celui-ci est présumé auteur de ces textes publiés sous son nom , il appartient à Mme Y... de faire tomber cette présomption, ce qu'elle ne fait pas se contentant de dire qu'aucune pièce ne justifie de cette qualité. De même l'absence de contrefaçon relative au passage no2 du fait d'une rédaction différente ne peut être retenue dès lors que les différences entre les passages sont très minimes et que la reproduction s'apprécie par rapport aux ressemblances et non par rapport aux différences.

En revanche, le tribunal considère que sa contestation est fondée s'agissant de certains paragraphes des passages numérotés 31 , 15, 22 , 19, 4, 5 ,13 qui ont été empruntés soit à des écrits de 1994 de Mme Y... soit à d'autres auteurs dont les oeuvres sont antérieures à l'article de M. X... et sur lesquels ce dernier ne bénéficie pas de droits d'auteur.

Au vu de ces éléments, le tribunal considère que le grief de contrefaçon est fondé, l'usage prétendu d'emprunts réciproques dans le milieu des historiens de la Shoa ne saurait être exonératoire dès lors que contraire au droit d'auteur, cet usage repose sur la tolérance de chacun , tolérance qui peut être révoquée à tout moment. *sur les mesures réparatrices:

Eu égard à l'ampleur limitée de la contrefaçon tenant à la faible diffusion de l'ouvrage contrefaisant et à la nature de celui-ci, le tribunal considère que le préjudice tant moral que patrimonial de M. X... sera justement indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 1000 euros.

Par ailleurs, afin de faire cesser les actes illicites, il y a lieu de donner acte à Mme Y... de la suppression de tous passages contrefaisants en cas de nouvelle édition de son ouvrage et d'ordonner la suppression du 4ème chapitre de celui-ci sur l'édition actuelle.

Ces mesures réparant l'entier préjudice de Mme Y..., il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'autorisation de publication de la présente décision.

L'équité commande d'allouer à M. X... la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il supporte dans la présente instance.

Eu égard à la nature de l'affaire , il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL , statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort , sous le bénéfice de l'exécution provisoire, Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par Mme Y..., Dit que la Loi française est applicable au présent litige, Dit que Mme Y... en reproduisant au 4ème chapitre de son ouvrage "Terroristes et Internet, La cyberguerre" des passages d'articles dont M. X... est l'auteur a commis des actes de contrefaçon et porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux de celui-ci, Ordonne la suppression de ce quatrième chapitre dans tous les ouvrages de première édition encore en stock chez l'éditeur ou dans les librairies, Donne acte à Mme Y... de son engagement de procéder à la suppression de tous les passages contrefaisants dans l'hypothèse d'une réédition de son

ouvrage, Condamne Mme Y... à payer à M. X... la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts, tous chefs de préjudice confondus et celle de 3500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne Mme Y... aux dépens , Fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit la SELARL LEVYet Associés , société d' avocats,Fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit la SELARL LEVYet Associés , société d' avocats, pour la part des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision, Fait et Jugé à Paris, le 4 octobre 2006, Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951647
Date de la décision : 04/10/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-10-04;juritext000006951647 ?
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