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20/09/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951249

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 20 septembre 2006, JURITEXT000006951249


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/09633 No MINUTE : Assignation du : 21 Juin 2005

Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 20 Septembre 2006

DEMANDERESSE Mademoiselle Véronique X... 2 rue de Soleure 67000 STRASBOURG représentée par Me Xavier DE RYCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 018 DÉFENDERESSE Association UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR- 11 rue Guénot 75555 PARIS CEDEX 11 représentée par Me Frédéric GRAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 1051 COMPOSITION

DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président , signataire de la décision...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/09633 No MINUTE : Assignation du : 21 Juin 2005

Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 20 Septembre 2006

DEMANDERESSE Mademoiselle Véronique X... 2 rue de Soleure 67000 STRASBOURG représentée par Me Xavier DE RYCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 018 DÉFENDERESSE Association UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR- 11 rue Guénot 75555 PARIS CEDEX 11 représentée par Me Frédéric GRAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 1051 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président , signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier DEBATS A l'audience du 27 Juin 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES Mlle X... est illustratrice indépendante et indique qu'elle bénéficie d'une certaine notoriété dans le dessin d'humour. Elle est entrée en contact avec l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC - QUE CHOISIR) courant 2001. Cette association lui a confié l'illustration de la revue QUE CHOISIR spécial. Par la suite elle a illustré les numéros de la revue QUE CHOISIR HORS SERIE ARGENT et QUE CHOISIR SPECIAL pour les années 2002, 2003 et 2004, ainsi que la revue QUE CHOISIR en ligne sur internet. L'UFC - QUE CHOISIR est devenu son principal client lui faisant réaliser 66 % de son chiffre d'affaire sur les droits de reproduction 2002, 50 % en 2003 et 54 % entre le 1er janvier et le 31 juillet 2004. L'UFC - QUE CHOISIR a cessé toute collaboration avec elle au mois d'août 2004. Par acte d'huissier de Justice en date du 21 Juin 2005, Mlle Véronique X... a assigné l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC - QUE CHOISIR), devant le Tribunal

de Grande Instance de Paris pour atteinte à son droit moral et rupture abusive de contrat.

Mlle Véronique X..., dans ses dernières écritures communiquées le 2 février 2006, a principalement demandé de : au visa des articles L442-6 5 du code de commerce, subsidiairement 1134 du code civil et L121-1 du code de la propriété intellectuelle, condamner la défenderesse à lui payer la somme de 45.000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes confondues, ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la défenderesse dans deux revues au choix de la demanderesse dans la limite de 4.000 euros H.T. par insertion, ordonner l'exécution provisoire du jugment à intervenir nonobstant appel et sans caution, condamner la défenderesse à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamner la défenderesse aux frais et dépens avec distraction au profit de Maître Xavier DE RYCK, avocat, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières écritures communiquées le 27 décembre 2005, l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC - QUE CHOISIR) a principalement demandé de : au visa de l'article L442-6 5 du code de commerce et L121-1 du code de la propriété intellectuelle, relever qu'aucune atteinte au droit moral d'auteur n'est imputable à l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir en sa qualité de titulaire des droits sur l'oeuvre collective qu'est la publication de presse QUE CHOISIR, relever que l'article L442-6 5 du code de commerce n'est pas applicable à l'espèce, partant : débouter MLle X... de l'ensemble de ses demandes, allouer à la défenderesse la somme de 3.588 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, à titre subsidiaire réduire le montant des indemnités revendiquées sur le fondement de l'article L442-6 5 du

code de commerce à la somme de 2.706 euros, dire n'y avoir lieu à exécution provisoire. MOTIFS DE LA DECISION Sur l'atteinte au droit moral de Mlle X... Mlle X... se plaint du fait que certains de ses dessins ont été publiés avec des modifications (suppression ou ajout de dessins et de textes) ou avec des déformations dues à un changement de format. L'article L121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. En l'espèce il s'agit d'oeuvres de commande, destinées à illustrer une revue consumériste réalisée par un rédacteur en chef dirigeant une équipe de journalistes. Les changements de format apportés aux dessins, même s'ils en altèrent le caractère sont justifiés par la nécessité d'intégrer les dessins à un texte. Dès lors ces modifications ne portent pas atteinte au droit moral de l'auteur qui en cédant ses droits à un tel magazine accepte de telles modifications. En revanche, s'il est constant qu'un journal ou le numéro hors série d'une revue sont des oeuvres collectives, l'auteur d'une contribution à une oeuvre collective demeure investi du droit moral de l'auteur au respect de son oeuvre, ce droit est limité par la nature collective de l'oeuvre qui impose la fusion de la contribution de l'auteur dans un ensemble, de sorte que le responsable de la publication est en droit d'apporter aux contributions des différents auteurs les modifications que justifie la nécessaire harmonisation de l'oeuvre dans sa totalité. Pour autant, il interdit de remanier la contribution de l'auteur sans son accord, ou à tout le moins sans qu'il en soit avisé

. En l'espèce, il est constant que Mlle X... a été avisée de certaines modifications à apporter à ses dessins aux quelles elle a d'ailleurs procédé elle-même. En revanche, dans d'autre cas ses dessins ont été publiés sous une forme modifiée sans qu'elle en ait été avisée préalablement. Les dessins suivants ont été modifiés : n

51 page 95, modification du dessin du panneau de signalisation, n 54 page 43, lampe déplacée, n 56, page 19, pois des rideaux supprimés, N 56, page 129, déplacement d'un personnage féminin, malgré interdiction de Mlle X..., n 57 page 7 suppression du décor, n 57 page 85 partie du dessin dupliquée, déformée et rajoutée, n 58 page 72, suppression de deux personnages, n 59 page 4, tube agrandi et déplacé ajout d'une cape et d'un bandeau, n 59, page 62 ajout d'un bouchon, n 59, page 52 élément agrandi, n 59 page 86, suppression du décor, élements déplacés et rapetissés, n 88 page 28 changement des couleurs, n 88 page 25, partie dupliquée et ajoutée, En revanche le tribunal considère que les autres modifications sont si minimes qu'elles n'ont pas dénaturés les dessins, ou encore que les modifications des textes, également très minimes étaient nécessaires compte tenu de la ligne éditoriale de la publication (ex : "mort aux vaches" remplacé par "sobriété" n 54 page 35 bis). En ce qui concerne les suppressions de signatures, Mlle X... indique qu'elle y a elle-même consenti ; elle ne saurait s'en plaindre à présent. Sur les mesures réparatrices Le tribunal possède les élements suffisants pour fixer à la somme de 1300 euros la réparaton du préjudice résultant de l'atteinte au droit moral de Mlle X..., du fait de la modification des dessins précités, sans qu'il soit besoin d'autoriser, à titre de complément de réparation, la publication de la décision. Sur la rupture des relations contractuelles L'article 442-6 5 du code de commerce dispose que "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers: 5 ) de rompre brutalement, même partiellemet, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords

interprofessionnels..." Ce texte ne saurait régir les relations existant entre Mlle X... illustratrice indépendante et l'association Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir, les parties n'étant pas commerçantes et soumises au code de commerce.ommateurs - Que Choisir, les parties n'étant pas commerçantes et soumises au code de commerce. En revanche, il convient de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 1134 du code civil aux termes desquelles: "les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi." En l'espèce, la collaboration de Mlle X... avec l'UFC - QUE CHOISIR s'est poursuivie pendent près de trois ans, Mlle X... y a consacré une grande partie de son temps de travail et la rupture butale, intervenue sans préavis, ainsi que cela n'est pas contesté, n'a pas été motivée. Si le principe de la liberté contactuelle autorise une partie à résilier unilatéralement un contrat à durée indéterminé, encore faut-il respecter un préavis raisonnable faute de quoi la rupture revêt un caractère abusif. A défaut d'usage du commerce dans les relations contractuelles entre entreprises de presse et illustrateurs, il convient de prendre comme référence le délai de préavis habituel en cas de rupture de relation contractuelle entre entreprise de presse et journaliste, les relations liant Mlle X... à l'UFC - Que Choisir étant comparables. La convention collective natonale de travail des journalistes professionnels fixe à deux mois le préavis applicable en cas de rupture contractuelle à l'initiative de l'employeur après deux ans de présence. Les relations de Mlle X... avec UFC -Que Choisir ont débuté le 30 octobre 2001. Elles ont cessé le 31 juillet 2004. Elles ont donc duré 34 mois. Mlle X... a perçu pendant cette période un chiffre d'affaire sur ses droits de reproduction de 46.020 euros

soit 1353 euros par mois. Un préavis de deux mois aurait du être respecté. Dès lors, le préjudice résultant pour Mlle X... de la rupture abusive des relations contractuelles avec la defenderesse sera réparé par l'allocation d'une somme de 2706 euros à titre de dommages intérêts.. Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mlle X... les frais irrépétibles qu'elle a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 5.000 euros. Sur l'exécution provisoire L'exécution provisoire apparaît nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire. Sur les dépens L'UFC - QUE CHOISIR succombant dans ses prétentions, il y a lieu de la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Xavier de RYCK, avocat, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, Dit que l'association UFC - QUE CHOISIR en publiant treize dessins modifiés dans différents numéros spéciaux et hors série de sa revue, sans en avoir avisé préalablement Mlle X... et sans obtenir son consentement, a porté atteinte au droit moral de celle-ci, Condamne l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC - QUE CHOISIR) à payer à Mlle Véronique X... la somme de 1.300 euros (MILLE TROIS CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts, Dit que l'association UFC - QUE CHOISIR en mettant fin brutalement à ses relations contractuelles avec Mlle X... sans respecter un préavis de deux mois a commis une faute ouvrant droit à indemnisation, La condamne à verser, à titre de dommages et intérêts, à Mlle X... une somme de 2706 euros (DEUX MILLE SEPT CENT SIX EUROS), Condamne l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC - QUE CHOISIR) à verser à Mlle X... une somme de 5.000 euros (CINQ MILLE EUROS) en

application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Rejette pour le surplus les demandes de Mlle X..., Ordonne l'exécution provisoire, Condamne l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC - QUE CHOISIR) aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Xavier DE RYCK, avocat, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ainsi jugé et prononcé le 20 septembre 2006 LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951249
Date de la décision : 20/09/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-09-20;juritext000006951249 ?
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