T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/03492 No MINUTE : Assignation du : 18 Février 2005
Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 13 Septembre 2006 DEMANDERESSE S.A.R.L. DJ CENTER RECORDS, représentée par M. Stéphane X..., gérant. 38 rue de la Félicité 75017 PARIS représentée par Me Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B.925 DÉFENDERESSES Association LE BUREAU DES ELEVES DE L'IST, représentée par sa présidente, Melle Céline Y... Z... 66-65 RDC Salle 13 4 Place Jussieu (Université Pierre et Marie Curie Paris VI) 75005 PARIS représentée par Me MARIE PIERRE ESCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C0117 Mademoiselle Melle Céline Y... en tant que Présidente de l'association le Bureau des Elèves de l'IST. Z... 66-65 RDC Salle 13 4 place Jussieu (Université Pierre et Marie Curie Paris VI) 75005 PARIS représentée par Me MARIE PIERRE ESCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C0117 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président , signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DÉBATS A l'audience du 13 Juin 2006 tenue publiquement devant Elisabeth BELFORT et Pascal MATHIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES La SARL DJ CENTER est titulaire de la marque française semi-figurative "P PARADISE" déposée le 26 mai 2000 à l'INPI sous le no003032320 notamment pour les produits et services suivants :
"service de discothèque, planification de réception (divertissement), (...) Organisation de
spectacles.". La société DJ CENTER RECORDS organise des soirées appelées PARADISE dans les grandes boîtes de nuits parisiennes tel le QUEEN ou le REDLIGHT mais également le studio 287. Elle avait annoncé sur le site internet "parisbouge.com" une soirée Paradise devant se dérouler le 3 décembre 2004. L'association des élèves ingénieurs en sciences et technologie de l'université Parie VI Pierre et Marie Curie, est dirigé par un Bureau des élèves. Dans le cadre de ses activités, ce bureau organise chaque année une soirée pour les étudiants de L'IST. Il a organisé le 3 décembre 2004 une soirée intitulée "PARADIZE", annoncée sur le site internet "parisbouge.com." Après mise en demeure restée infructueuse, la société DJ CENTER RECORDS, par acte d'huissier de Justice en date du 18 février 2005, a assigné l'association Bureau des Elèves de l'IST, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris en contrefaçon de marque sa "P PARADISE". Par acte d'huissier de Justice en date du 22 février 2005, la société DJ CENTER RECORDS a assigné Mme Céline Y... en qualité de Présidente de l'association Bureau des Elèves de l'IST, devant cette juridiction aux mêmes fins. Les deux procédures ont été jointes à l'audience de mise en état du 9 mai 2005. Par jugement avant dire droit du 8 mars 2006, le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin de permettre au demandeur de produire le certificat d'identité de la marque "P PARADISE", ainsi que les k bis des sociétés DJ CENTER et DJ CENTER RECORDS. Le certificat d'identité de la marque "P PARADISE" et le Kis de la société DJ CENTER RECORDS ont été produits. La société DJ CENTER RECORDS, dans ses dernières écritures communiquées le 9 mai 2006, a principalement demandé de : au visa des articles 713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, des articles 1382 et 1383 du code civil, constater que le BDE de l'IST en organisant une soirée intitulée "PARADIZE" le 3 décembre 2004 à Paris et en faisant la publicité sur le site "parisbouge.com",
s'est rendu coupable de contrefaçon de la marque "PARADISE" détenue par DJ CENTER, constater que lesdits agissements du BDE de l'IST sont constitutifs d'imitation et de parasitisme, avec une volonté de captation de sa clientèle et sont ainsi constitutifs de concurrence déloyale, constater qu'en faisant une forte publicité de sa soirée contrefaisante, le BDE de l'IST s'est rendu coupable d'atteinte à la notoriété de DJ CENTER et de dépréciation de la marque "PARADISE", constater que la mauvaise foi constante et l'incurie du BDE de l'IST qui n'a pas hésité à maintenir sa soirée malgré la mise en garde de DJ CENTER, s'est refusé à tout arrangement à l'amiable et a écrit une lettre infamante au conseil de DJ CENTER, doit être lourdement sanctionnée au titre de la résistance abusive, dès lors à titre principal, débouter le BDE de l'IST et Mlle Céline Y... de l'ensemble de leurs demandes, condamner solidairement le BDE de l'IST et Mlle Y... à lui verser la somme de 5000 euros au titre de dédommagement du fait du préjudice subi par cette dernière du fait de la contrefaçon de la marque "PARADISE", subsidiairement et si par extraordinaire le tribunal devait ne pas reconnaître que les agissements susnommés sont constitutifs de contrefaçon, condamner solidairement les défendeurs à lui verser la somme de 5000 euros au titre de dédommagement du fait du préjudice subi par cette dernière du fait des agissements parasitaires de concurrence déloyale commis par le BDE de l'IST, condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 5000 euros au titre de dédommagement du fait du préjudice subi par cette dernière du fait d'atteinte à la notoriété de la marque DJ CENTER et à la dépréciation de la marque "PARADISE" consécutifs aux agissements du BDE de l'IST, en tout état de cause, condamner solidairement les défendeurs à lui verser la somme de 2000 euros au titre de dédommagement du fait du préjudice subi par cette dernière du fait de la résistance abusive caractérisée du BDE de
l'IST à trouver une solution amiable, accorder au jugement à venir le bénéfice de l'exécution provisoire, condamner solidairement l'association Bureau des Elèves de l'IST et Mlle Y... à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamner solidairement les défendeurs aux dépens. Par dernières conclusions en date du 23 mai 2006, l'association LE BUREAU DES ELEVES DE L'IST et Mlle Céline Y... ont demandé : au visa des articles L713-2, L713-3 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, dire et juger que les impressions de pages écran effectuées sur internet par la société DJ CENTER n'ont aucune force probante et doivent être rejetées des débats, en conséquence, débouter la société DJ CENTER de l'ensemble de ses demandes en l'absence de preuve d'une prétendue contrefaçon ou d'atteinte à la prétendue notoriété de sa marque non démontrée, subsidiairement, dire et juger que le fait d'avoir organisé une soirée étudiante nommée "PARADIZE" ne constitue pas une contrefaçon par reproduction de la marque figurative "P PARADISE" au sens de l'article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, ni une contrefaçon par imitation de la marque figurative "P PARADISE" au motif qu'il n'existe aucun risque de confusion au sens de l'article L713-3 du code de la propriété intellectuelle, dire et juger que l'AEIST, association d'étudiant dont l'activité est parfaitement étrangère à la vie des affaires, n'a pas utilisé la dénomination litigieuse à titre de marque, en conséquence, débouter la société DJ CENTER de l'ensemble de ses demandes au titre d'une prétendue contrefaçon ou d'atteinte à la prétendue notoriété de sa marque non démontrée, dire et juger que la société DJ CENTER ne rapporte la preuve d'aucun acte de concurrence déloyale, et notamment de parasitisme, ainsi que d'aucun préjudice, en conséquence, débouter la société DJ CENTER de l'ensemble de ses demandes au titre d'une
prétendue concurrence déloyale, dire et juger que la demande de dommages et intérêts de la société DJ CENTER au titre d'une prétendue résistance abusive est particulièrement mal fondée et la rejeter intégralement, dire et juger que Mlle Céline Y... qui a agi en sa qualité de Présidente de l'association doit être mise hors de cause, et que sa responsabilité civile personnelle ne peut être engagée, à titre reconventionnel, dire et juger que la procédure intentée par la société DJ CENTER tant à l'encontre de l'AEIST, que de Mlle Y..., est particulièrementdire et juger que la procédure intentée par la société DJ CENTER tant à l'encontre de l'AEIST, que de Mlle Y..., est particulièrement abusive, en conséquence condamner la demanderesse à verser la somme de 2500 euros à l'AEIST à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 2500 euros à Mlle Y... à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et en réparation de son préjudice moral, ordonner l'exécution provisoire, dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'AEIST et de Mlle Y... les frais irrépétibles qu'elles ont dû engager aux fins de la présente procédure, condamner en conséquence la société DJ CENTER à leur verser à chacune la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamner la société DJ CENTER aux entiers dépens. MOTIF DE LA DECISION Sur la contrefaçon de la marque Les défendeurs soutiennent que la preuve de la contrefaçon ne serait pas rapportée au motif que la demanderesse leur reproche d'avoir contrefait sa marque "P PARADISE" en organisant une soirée intitulée "PARADIZE" le 3 décembre 2004, pour laquelle elles auraient fait de la publicité sur le site "parisbouge.com" et ne produit à l'appui de ses dires que de simples copies de pages d'écran internet. Le tribunal observe que cette contestation est purement formelle, car les défenderesses ne contestent pas en fait qu'elles ont bien
organisé ce jour là une soirée étudiante, dénommée "PARADIZE" qui était payante et ouverte à tous. Dès lors les copies d'écran versées aux débats seront retenues à titre de renseignements et la preuve est suffisamment rapportée de l'existence de la soirée litigieuse. Les signes en présence "P PARADISE" et "PARADIZE" n'étant pas identiques c'est au regard de l'article L713-3b) du code de la propriété intellectuelle qui dispose :"sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement" que doit être examinée la contrefaçon. L'imitation est caractérisée dès lors qu'il résulte de la comparaison des marques en cause un risque de confusion dans l'esprit du public. Ce risque de confusion doit s'apprécier en tenant compte des facteurs pertinents de l'espèce : degré du caractère distinctif de la marque opposée en y incluant une éventuelle notoriété, plus ou moins grande similitude des produits et services visés par les signes en présence. En l'espèce, les produits sont similaires la marque visant notamment "les services de discothèque, (...) la planification de réception (divertissement) (...) l'organisation de spectacle"et le signe "PARADIZE" étant le nom donné à une soirée dansante. Les signes sont très ressemblants sur un plan phonétique, les deux signes se prononçant de la même façon, l'emploi de la lettre "z" à la place de la lettre "s", de même la présence de la lettre "P" précédant le signe "paradise" étant sans incidence, celui-ci étant souvent utilisé sous le seule forme "paradise". Ils sont semblables d'un point de vue intellectuel. Les différences sont peu perceptibles sur un plan visuel, étant précisée que la marque semi figurative "P PARADISE" est également utilisée pour annoncer des soirées sur les flyers avec la graphie banale "Paradise" ou dans
l'expression "soirée Paradise". La demanderesse et les défendeurs organisent des soirées dansantes. Les défendeurs soutiennent que leurs soirées ne s'adresseraient qu'à un public étudiant et qu'ils ne sont dès lors pas dans la sphère marchande. Le tribunal observe que la publicité pour la soirée parue sur le site "parisbouge.com" précise "la carte d'étudiant n'est pas nécessaire: vous êtes toutes et tous bienvenu(e)s (...) prix 17 euros filles, 20 euros garçons." Cette annonce est parue sur le site "parisbouge.com" qui porte comme sous titre "communauté de noctambules!". La soirée organisée par l'école d'ingénieur s'est déroulée le 3 décembre 2004 à "l'Espace ABC". Dès lors que cette soirée était ouverte à tous, sans restriction, l'entrée étant payante, l'activité de l'association s'inscrit donc dans la sphère marchande. Sur le même site "parisbouge.com" était également annoncée sous la rubrique "clubbing" "la soirée paradise (...) au studio 287 " le 3 décembre 2004, organisée par la société demanderesse. Le risque de confusion était donc certain pour un consommateur d'attention moyenne également intéressé par des soirées dansantes. Compte tenu de la forte similitude de produits, de la ressemblance des signes et du risque de confusion certain, la contrefaçon par imitation est constituée. Sur la concurrence déloyale Le bureau des élèves de l'IST en organisant une soirée dansante dans le même quartier que celle organisée par la société demanderesse, avec un nom similaire, avec une publicité sur le même site internet a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité au titre de la concurrence déloyale, d'autant que la soirée qu'elle organisait étant payante elle se situait bien dans le marché. Cependant, la société demanderesse n'établit pas qu'elle a subi du fait des agissements du défendeur un préjudice lié à la perte de sa clientèle. Dès lors, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale. Sur la faute de Mlle
Y... Il est constant que la soirée litigieuse a été organisée par le bureau des élèves de l'IST. Mlle Y... n'est que la présidente élue de cette association. Sa responsabilité ne pourrait être recherchée que si elle avait commis une faute personnelle. En l'espèce, une telle faute n'est pas démontrée. Il y a donc lieu de rejeter les demandes formées à son encontre. Sur la demande reconventionnelle de Mlle Y... Mlle Y... sollicite la condamnation de la société demanderesse pour procédure abusive et en réparation de son préjudice moral. L'exercice de l'action en justice ne dégénère en faute qu'autant qu'elle procède d'une légèreté blâmable et tel le n'est pas le cas en l'espèce. Mlle Y... n'établit pas par ailleurs quel préjudice elle subit du fait de la procédure. Il y donc lieu de rejeter ses demandes de dommages intérêts. Sur la résistance abusive Le comportement du défendeur qui a maintenu sa soirée malgré la demande de la société DJ CENTER RECORDS et s'est refusé à tout arrangement amiable n'est pas en soit fautif et n'ouvre pas droit à des dommages et intérêts. Sur les mesures réparatrices Le tribunal possède les éléments suffisants pour fixer à la somme de 500 euros la réparation du dommage né de l'atteinte à la marque et à la notoriété, relative, de la société DJ CENTER RECORDS. Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la partie demanderesse les frais irrépétibles qu'elle a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer de ce chef la somme de 1500 euros. Sur l'exécution provisoire L'exécution provisoire apparaît nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire. Sur les dépens L'association LE BUREAU DES ELEVES DE L'IST succombant dans ses prétentions il y a lieu de la condamner aux entiers dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, Dit
que l'association le BUREAU DES ELEVES DE l'IST (l'AEIST) en organisant une soirée intitulée "PARADIZE" le 3 décembre 2004 à Paris et en faisant de la publicité sur le site "parisbouge.com" s'est rendu coupable de contrefaçon par imitation de la marque "PARADISE" dont est titulaire la société DJ CENTER RECORDS, Condamne l'association le BUREAU DES ELEVES DE L'IST (l'AEIST) à payer à la société DJ CENTER RECORDS la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte portée à la marque. Rejette les autres demandes tant principales que reconventionnelles, Condamne l'association le BUREAU DES ELEVES DE L'IST (l'AEIST) à payer à la société DJ CENTER RECORDS la somme d e 1500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Ordonne l'exécution provisoire, Condamne l'association le BUREAU DES ELEVES DE L'IST (l'AEIST) aux entiers dépens, Ainsi jugé et prononcé le 13 septembre 2006 Le Greffier
Le Président