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18/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951212

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 18 mai 2006, JURITEXT000006951212


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/18095 No MINUTE : Assignation du : 19 Novembre 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 18 Mai 2006

DEMANDEUR Monsieur Ben X... 39 avenue de Gramont 76100 ROUEN représenté par Me Gabrielle ODINOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L.271 DÉFENDERESSE S.A. UNIVERSAL MUSIC 20/22, rue des Fossés Saint-Jacques 75005 PARIS représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 329 COMPOSITION DU TRIBUNAL Claude VALLET, Vice-Président, sign

ataire de la décision Véronique RENARD, Vice-Président Michèle PIC...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/18095 No MINUTE : Assignation du : 19 Novembre 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 18 Mai 2006

DEMANDEUR Monsieur Ben X... 39 avenue de Gramont 76100 ROUEN représenté par Me Gabrielle ODINOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L.271 DÉFENDERESSE S.A. UNIVERSAL MUSIC 20/22, rue des Fossés Saint-Jacques 75005 PARIS représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 329 COMPOSITION DU TRIBUNAL Claude VALLET, Vice-Président, signataire de la décision Véronique RENARD, Vice-Président Michèle PICARD, Vice-Président assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 23 Février 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort Faits et procédure Monsieur X... dont le nom d'artiste est Dj KODH, a été engagé le 19 septembre 2003 par la société UNIVERSAL MUSIC en qualité d'artiste musicien pour accompagner le chanteur de rap ROCCA lors d'un concert organisé au Zénith de Toulouse le 20 septembre 2003. Au cours de ce concert et en marge de sa prestation d'accompagnement, Monsieur X... a interprété de manière improvisée une adaptation d'un morceau de sa composition intitulé " Feed Bakin", réalisé à partir d'oeuvres de sa composition qui figure sur un phonogramme intitulé " Qross Point" dont il est le producteur. La société UNIVERSAL MUSIC a fixé ce concert sur un DVD intitulé "Génération Rap et RnB". Monsieur X... a découvert qu'un extrait de son improvisation, d'une durée d'environ trente secondes avait été utilisé sans son autorisation pour illustrer le générique d'accueil de ce Dvd et le début du concert et d'autre part, monté en boucle pour sonoriser son menu interactif. Les tentatives de règlement amiable étant demeurées vaines Monsieur X... a, par

acte en date du 19 novembre 2004, fait citer la société UNIVERSAL MUSIC devant ce tribunal en contrefaçon de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur, d'artiste interprète et de producteur. Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 16 juin 2005, il demande de: - condamner la société défenderesse au paiement de la somme de 15 000 euros en réparation de la violation de son droit patrimonial d'auteur sur les oeuvres figurant sur l'album Qross Point , de la même somme en réparation de la violation de ses droits d'auteur sur l'oeuvre dérivée " Feed Bakin"et de la même somme en réparation de la violation de ses droits d'auteur sur la variation de la précédente, - prononcer la nullité du contrat d'artiste-interprète signé le 20 septembre 2003 pour vice du consentement, et en conséquence de, - condamner la société UNIVERSAL MUSIC à lui payer la somme de 15000 euros en réparation de la violation de ses droits d'artiste interprète résultant de la reproduction sans son autorisation de cette interprétation, - dire et juger que la société UNIVERSAL MUSIC a commis des actes de contrefaçon en reproduisant l'adaptation de sa musique "Feed Bakin" réalisée par mixage du disque vynil " Qross Point" dont il est le producteur, et en conséquence , - condamner la société UNIVERSAL MUSIC à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, - dire et juger que la société UNIVERSAL MUSIC a violé ses droits moraux en reproduisant son oeuvre et sa prestation sous une forme tronquée et sans mentionner son nom d'auteur et d'artiste interprète et en conséquence, - condamner la société UNIVERSAL MUSIC à lui payer la somme de 20000 euros en réparation de chacune de ces quatre atteintes, - ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, le retrait des séquences du DVD "Génération RnB" reproduisant l'oeuvre, cette interdiction valant pour les nouveaux tirages de ce vidéogramme effectués à compter de la notification de l'assignation, - ordonner la publication du jugement

dans trois revues au choix du demandeur et aux frais de la société UNIVERSAL MUSIC dans la limite de 15 000 euros hors taxes, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire, et condamner la société UNIVERSAL MUSIC aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société UNIVERSAL MUSIC souligne que le demandeur a signé le 20 septembre 2003 un contrat d'artiste interprète qui s'est substitué au contrat signé la veille, ce nouveau contrat couvrant l'intégralité de la prestation du demandeur lors du concert et autorisant la fixation de son interprétation et de son image ainsi que sa reproduction et sa communication. Elle estime que la validité de ce contrat ne peut sérieusement être remise en cause et que Monsieur X... n'est pas fondé à lui faire grief d'une dénaturation de son interprétation dès lors qu'il a autorisé l'utilisation de celle-ci par extraits pour la synchronisation de toute oeuvre audiovisuelle, l'atteinte à la paternité n'étant que de pur principe dès lors que le pseudonyme de Monsieur X... est mentionné même si c'est au titre de l'interprétation d'autres oeuvres. Elle considère que la preuve de la qualité de producteur du phonogramme Qross Point n'est pas établie. Quant aux droits patrimoniaux d'auteur, elle oppose qu'il importe peu que l'oeuvre reproduite constitue une adaptation d'une oeuvre créée par Monsieur X... à partir d'autres oeuvres dont il est également l'auteur, les faits reprochés ne constituant qu'une seule et même atteinte. Elle conclut en conséquence au débouté des demandes concernant le droit moral au respect de l'oeuvre, les droits patrimoniaux d'artiste, le droit moral au respect de l'interprétation et les droits de producteur phonographique. Elle demande de dire qu'au titre de ses droits patrimoniaux d'auteur, le demandeur ne peut

prétendre qu'à une indemnisation à hauteur de 2 348, 43 euros et qu'au titre de son droit moral d'auteur et d'artiste au respect de son nom, il ne saurait se voir allouer qu'une indemnité de principe. Motifs de la décision Sur les droits d'auteur: Attendu que selon les dispositions de l'article L 122-4 du code de la Propriété Intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite; Attendu qu'il constant que Monsieur X... est le compositeur d'un certain nombre d'oeuvres enregistrées sur le disque intitulé " Qross Point", oeuvres dont est issu par mixage le morceau intitulée "Feed Bakin" duquel il a créé une nouvelle adaptation lors du concert du 20 septembre 2003; Attendu qu'il n'est pas davantage contesté que Monsieur X... n'a pas cédé ses droits d'auteur à la société UNIVERSAL MUSIC qui n'était donc pas autorisée à les exploiter; Attendu que le demandeur soutient qu'en reproduisant l'adaptation de "Feed Bakin" créée le20 septembre 2003,la société UNIVERSAL MUSIC n'a pas seulement porté atteinte à ses droits sur cette oeuvre mais aussi sur l'oeuvre première et sur les oeuvres d'origine dont elle est issue; Attendu que Monsieur X... étant auteur de l'adaptation de ses propres oeuvres, l'absence d'autorisation de reproduction de l'adaptation emporte absence d'autorisation de reproduction des oeuvres premières, constituant autant de contrefaçons cumulées; Attendu que la déclaration à la SACEM/SDRM par la société UNIVERSAL MUSIC est privée d'effet dès lors que la demandeur n'a adhéré à cette société que le 9 janvier 2004; Attendu que les atteintes aux droits patrimoniaux sont dès lors constituées de même que celles au droit à la paternité et à l'intégrité de l'oeuvre laquelle a été fragmentée et mise en boucle. Sur les droits d'artiste interprète: Attendu que la société UNIVERSAL MUSIC verse aux débats deux contrats l'un signé le 19 septembre 2003,

intitulé contrat d'engagement d'un artiste musicien, et l'autre en date du 20 septembre 2003, intitulé contrat d'engagement d'un artiste interprète; que le second s'est substitué au premier qui était libellé en francs; Attendu que ce dernier contrat précise en son article premier que " La liste des titres visés ci-dessus est susceptible de changer mais il est entendu que le présent contrat couvre l'intégralité de la prestation de l'Artiste Interprète lors du concert Génération Rap R'n'b au Zénith de Toulouse.", mention qui ne figurait pas dans le précédent; Que l'article 2, inchangé quant à lui, emporte cession de l'ensemble des droits de l'artiste:

reproduction, communication au public, droit d'utilisation y compris par extraits pour la synchronisation de toute oeuvre audiovisuelle ou spectacle vivant et droit de l'utiliser pour la publicité; Attendu que le demandeur soutient que ce contrat est nul pour dol et à tout le moins pour erreur; qu'il estime avoir été trompé par la société UNIVERSAL MUSIC qui lui aurait fait signer une modification des droits cédés sous couvert d'une simple rectification d'erreur de monnaie, au moment d'entrer en scène et sans qu'il ait eu le temps de procéder à une lecture complète du document qui lui était soumis; Attendu cependant que rien ne vient démontrer la réalité de ces allégations; qu'il convient de souligner qu'il s'agit d'un contrat qui ne comporte qu'une seule page, susceptible d'être lue et comprise très rapidement, ce que le demandeur nécessairement fait puisqu'aussi bien il a corrigé manuscritement l'orthographe de son nom; que la demande de nullité pour vice du consentement n'est donc pas fondée; Qu'il s'en suit que Monsieur X... sera débouté de ses demandes sur le fondement de ses droits patrimoniaux d'interprète et sur le droit à l'intégrité de l'oeuvre dès lors que l'utilisation par extraits était autorisée; Qu'en revanche, il est fondé à reprocher à la société UNIVERSAL MUSIC de ne pas avoir mentionné son nom en

qualité d'interprète de l'oeuvre en cause. Sur les droits de producteur: Attendu Attendu que selon les dispositions de l'article L 213-1 al 2 du code de la Propriété Intellectuelle " Le producteur de phonogrammes est la personne, physique ou morale, qui a pris l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son. L'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou la communication au public de son phonogramme"; Attendu que la société UNIVERSAL MUSIC n'est pas fondée à contester la qualité de producteur de Monsieur X..., qualité dont la mention est portée sur le disque lui-même dès lors qu'elle n'apporte aux débats aucun élément de nature à remettre en cause le fait qu'il ait pris l'initiative et la responsabilité de la première fixation des oeuvres dont ce phonogramme constitue le support, réalité qui est au contraire attestée par deux témoignages; Sur les mesures réparatrices: Attendu qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sous astreinte selon les modalités précisées au dispositif ci-dessous, Attendu que pour apprécier l'importance des préjudices patrimoniaux subis par le demandeur, il y a lieu de tenir compte de ce que la reproduction illicite est d'une durée de l'ordre de 30 secondes et de ce que le demandeur ne conteste pas que le montant des droits d'auteur auxquels il aurait pu prétendre seraient de l'ordre de 2300 euros; qu'il doit être par ailleurs retenu que s'il avait consenti à l'exploitation de l'oeuvre dérivée réalisée le 20 septembre 2003, il aurait consenti dans le même temps à l'utilisation des oeuvres premières;Attendu que les atteintes portées aux droits patrimoniaux d'auteur et de producteur du demandeur seront indemnisées intégralement par l'allocation de la somme globale de 5000 euros à titre de dommages et intérêts; Attendu que les atteintes aux droit moraux d' auteur et d'artiste interprète seront indemnisées

par l'allocation de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts; Attendu que la publication de la présente décision, mesure qui constitue un complément d'indemnisation ne se justifie pas en l'espèce; Sur les autres demandes: Attendu que la nature et l'ancienneté du litige commande d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision; Attendu qu'il serait inéquitable que le demandeur supporte la charge de ses frais non compris dans les dépens; qu'il lui sera alloué la somme de 2500 euros à ce titre; que la société UNIVERSAL MUSIC sera condamnée aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par ces motifs Le tribunal, statuant en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort, Dit qu'en reproduisant et en commercialisant sans l'autorisation de Monsieur X... l'adaptation de l'oeuvre "Feed Bakin" communiquée au public le 20 septembre 2003, la société UNIVERSAL MUSIC a porté atteinte aux droits patrimoniaux sur cette oeuvre ainsi qu'à ceux sur l'oeuvre Feed Bakin de même qu'à ceux sur les oeuvres dont cette dernière constitue l'adaptation au préjudice de Monsieur X... pris en sa qualité d'auteur desdites oeuvres et de producteur du phonogramme "Qross Point"; Dit qu'en omettant de mentionner le nom de Monsieur X... en sa qualité d'auteur et d'interprète et en reproduisant l'adaptation de l'oeuvre "Feed Bakin" d'une manière tronquée, la société UNIVERSAL MUSIC a porté atteinte aux droits moraux de celui-ci, En conséquence, Fait interdiction à la société UNIVERSAL MUSIC de reproduire l'oeuvre de Monsieur X... sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du mois suivant la signification de la présente décision, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée, Condamne la société UNIVERSAL MUSIC à payer à Monsieur X... la somme

globale de 5000 euros en réparation des atteintes portées à ses droits patrimoniaux d'auteur et de producteur et la somme globale de 5000 euros en réparation des atteintes portées à ses droits moraux d'auteur et d'artiste-interprète, Dit n'y avoir lieu à publication du présent jugement, Déboute Monsieur X... de sa demande de nullité du contrat d'artiste interprète signé avec la société UNIVERSAL MUSIC le 20 septembre 2003, En conséquence, Déboute Monsieur X... de ses demandes fondées sur les atteintes à ses droits patrimoniaux d'artiste-interprète et de sa demande fondée sur le droit à l'intégrité de son interprétation, Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, Condamne la société UNIVERSAL MUSIC à payer à Monsieur X... la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, La condamne aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. Fait et jugé à Paris Le 18 mai 2006 Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951212
Date de la décision : 18/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-05-18;juritext000006951212 ?
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