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17/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951116

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 17 mai 2006, JURITEXT000006951116


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/10104 No MINUTE : Assignation du : 22 Juin 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006 DEMANDEURS Monsieur Christian X... 24 Rue Victor Massé 75009 PARIS représenté par Me Vincent LAFARGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 780 S.A.R.L. CHRISTIAN X... 19 Rue Jean Jacques Rousseau 75001 PARIS représentée par Me Vincent LAFARGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 780 DÉFENDERESSE S.A. MORGAN 10 Rue Etienne Marcel 75002 PARIS représentée par Me Christ

ian HOLLIER LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/10104 No MINUTE : Assignation du : 22 Juin 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006 DEMANDEURS Monsieur Christian X... 24 Rue Victor Massé 75009 PARIS représenté par Me Vincent LAFARGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 780 S.A.R.L. CHRISTIAN X... 19 Rue Jean Jacques Rousseau 75001 PARIS représentée par Me Vincent LAFARGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 780 DÉFENDERESSE S.A. MORGAN 10 Rue Etienne Marcel 75002 PARIS représentée par Me Christian HOLLIER LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E.1219 COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY, Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU PRONONCÉ Marie-Claude APELLE, Vice Présidente Emmanuelle LEBEE, Vice Présidente Françoise ALBOU-DUPOTY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE Léoncia BELLON DÉBATS A l'audience du 15 Mars 2006 tenue en audience publique devant Marie COURBOULAY , juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort FAITS ET PROCÉDURE La société Christian X... a commercialisé fin 2001 et début 2002 un modèle de chaussures dénommé TROIRON. S'étant aperçue que la société MORGAN commercialisait le même type de chaussures, elle a fait dresser plusieurs procès-verbaux de saisie-contrefaçon le 8 avril 2004, au magasin situé 10 rue Etienne Marcel à PARIS 10o, au stand Morgan du magasin des galeries Lafayette Boulevard Haussmann et dans une boutique rue du Havre . Un procès-verbal était dressé le 27 avril 2004 dans les locaux administratifs de la société MORGAN établissant que ce modèle était

vendu sous le nom GEO, fabriqué par une filiale de la société MORGAN et distribué par la société NEA. Par acte du 22 juin 2004, M. Christian X... et la société Christian X... ont fait assigner la société MORGAN en contrefaçon du modèle de chaussure créé par M. X... et commercialisé par la société Christian X... . Dans leurs dernières conclusions en date du 17 juin 2005, M. Christian X... et la société Christian X... ont fait valoir que M. X... est un créateur de chaussures de luxe réputé qu'il cède depuis leur création et dès l'origine à la société portant son nom et dont il est associé fondateur, que la fabrication du modèle a été demandée à l'usine le 3 septembre 2001 et que dès le mois de décembre 2001, des quantités importantes de ces modèles ont été envoyées aux distributeurs du monde entier. Ils ont insisté sur l'originalité du modèle. Ils ont demandé au tribunal de :

Vu les articles L 111-1, L111-2-14o, L122-4 et L 335-3 du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil, Déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes M. Christian X... et la société Christian X... débouter la société MORGAN de l'ensemble de ses demandes. Constater que la société MORGAN a fabriqué ou fait fabriquer et proposé à la vente un modèle dénommé "GEO" constituant la copie servile du modèle "TROIRON" sur lesquels les requérants sont titulaires de droits d'auteur. Dire que la société MORGAN s'est ainsi livrée au préjudice de M. Christian X... et la société Christian X... à des actes de contrefaçon de droits d'auteurs. En conséquence, Condamner la société MORGAN à verser à M. Christian X... la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts. Condamner la société MORGAN à verser à la société Christian X... la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts. Ordonner la publication judiciaire du dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix des demandeurs et aux frais de la

société MORGAN, le coût de chaque publication étant fixé à 10.000 euros HT. Ordonner la destruction de toutes les chaussures contrefaisantes par la société MORGAN et ceci sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner la société MORGAN aux dépens et à verser à chacun des demandeurs la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dans ses conclusions récapitulatives du 19 septembre 2005, la société MORGAN a fait valoir que M. Christian X... ne démontre pas être l'auteur de la chaussure litigieuse ni en avoir cédé les droits patrimoniaux à la société Christian X... ; que les documents versés au débat sont insuffisants pour établir la date de la création et sa paternité et pour justifier d'une quelconque cession entre M. X... et sa société. Elle a donc soulevé l'irrecevabilité des prétentions des demandeurs. Subsidiairement, elle a contesté l'originalité du modèle TROIRON en indiquant que l'utilisation des ronds dans la mode était un phénomène récurrent et absent de nouveauté. Elle a contesté les chiffres donnés par les demandeurs pour justifier de leur préjudice et reconnu avoir vendu 1891 paires de chaussures litigieuses. Elle a sollicité du tribunal de : Vu les articles L111-1 du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil, Déclarer M. Christian X... et la société Christian X... irrecevables ou à tout le moins mal fondés en leurs demandes. Les en débouter. Condamner M. Christian X... et la société Christian X... à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamner M. Christian X... et la société Christian X... aux dépens. La clôture a été prononcée le 8 novembre 2005. MOTIFS 1-sur la recevabilité. La société MORGAN soutient que les demandes de M. Christian X... sont irrecevables

faute pour lui de démontrer être l'auteur de la sandale litigieuse et que celles de la société Christian X... sont tout aussi irrecevables faute de justifier de la cession des droits patrimoniaux de l'auteur déclaré. L'article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose : "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée". M. Christian X... justifie par les articles de presse versés au débat de sa qualité de créateur de chaussures, de sa notoriété, de la croissance spectaculaire de sa société notamment aux Etats-Unis et de la signature des chaussures vendues sous le nom "Christian X..."inscrit sur la semelle intérieure de la chaussure et de la couleur rouge des semelles. Toutefois si l'activité de créateur de M. Christian X... ne fait aucun doute, il doit soit démontrer que la sandale a été divulguée sous son nom propre soit démontrer la paternité de l'oeuvre revendiquée (article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle). Or pour ce qui est de la paternité de l'oeuvre n'est versée au débat qu'une feuille supportant plusieurs esquisses de chaussures dont le modèle revendiqué encore qu'il soit dessiné avec des perles ou strass sur les lanières ; cette feuille n'est ni datée ni signée et ne porte aucun tampon ou cachet. L'attestation que se délivre à lui-même M. Christian X... indiquant qu'il cède ses droits patrimoniaux à la société CHRISTIAN X... dont il est l'associé fondateur, ne peut constituer la preuve de ce qu'il est l'auteur de ce modèle ni de la cession de ses droits patrimoniaux à la société CHRISTIAN X... Des autres documents régulièrement mis au débat, il résulte que le modèle "TROIRON" a été divulgué par la société CHRISTIAN X... ; en effet, le bon de commande et les factures émises auprès des distributeurs sont toutes rédigées au nom de la société CHRISTIAN X... et les articles de presse montrent les modèles dont il est

affirmé par les demandeurs eux-mêmes qu'ils sont fabriqués et commercialisés par la société CHRISTIAN X... La participation de M. Christian X... aux campagnes de presse pour promouvoir ce modèle ne donne pas davantage d'éléments pour déterminer qu'il aurait agi en son nom propre lors de la divulgation alors qu'au contraire, il est manifeste qu'il agit alors comme animateur de la société CHRISTIAN X... Il ressort de l'ensemble des ces pièces que le modèle revendique a été divulgué sous le nom de la société CHRISTIAN X... et que M. X... ne justifie pas de la paternité de cette oeuvre. Il sera en conséquence déclaré irrecevable en son action en contrefaçon. En En revanche, le modèle TROIRON a été divulgué et commercialisé par la société qui porte le même nom et créé au sein de la société dirigée par M. Christian X... lui-même. La société CHRISTIAN X... est donc à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon présumée titulaire d'une cession à son profit des droits patrimoniaux d'auteur sur le modèle de sandales dont la protection est revendiquée et dont il a été relevé plus haut qu'elle en assure la commercialisation sous la direction de M. Christian X... lui-même. Elle est donc pour les tiers présumée auteur au regard des dispositions de l'article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle et recevable à agir en contrefaçon de ses droits patrimoniaux. 2-sur le caractère protégeable de l'oeuvre. La société CHRISTIAN X... revendique un modèle de sandale à talon aiguille de 10 cm composée sur le cou de pied de trois ronds, de trois fines lanières reliant le rond inférieur à la semelle de la sandale, et sur la partie arrière d'une lanière du même cuir rejoignant le rond supérieur et passant derrière le talon. Ce modèle a été fabriqué en daim noir, rose et bleu et en cuir brillant argenté. La société MORGAN prétend que l'utilisation des ronds dans la mode, dans la chaussure ou les vêtements, n'est pas une nouveauté

et que le modèle litigieux ne présente aucune originalité. Or la nouveauté n'est pas un critère retenu pour attribuer à une oeuvre d'art un caractère original au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle. S'il est vrai qu'André Perugia a créé en 1934 un modèle de chaussures constitué de ronds entrelacés, ce modèle est totalement différent de celui de la société CHRISTIAN X... puisqu'il est constitué d'une large bride basse sur le pied elle-même constituée de ronds entrelacés et d'une autre bride très large partant de l'arrière de la chaussure et nouée par un noeud en tissu. Les autres pièces versées au débat montrent différentes chaussures intégrant des ronds dans leur composition, des sandales, des claquettes, des tongs, des nu-pieds. Or du fait de la forme, de la composition des chaussures et de la combinaison de certains éléments, les modèles produits révèlent leurs différences et explicitent clairement que l'utilisation de ronds dans la création de chaussures de longue date n'enlève en rien l'originalité de certains modèles. Ainsi, le modèle litigieux par le choix fait par l'auteur de combiner des lanières très fines attachées pour les trois plus basses sur le pied au seul rond inférieur de la bride centrale, pour la bride entourant la cheville au rond supérieur, par le choix de la progression de la taille des ronds sur le cou de pied, du plus petit en bas au plus grand en haut près de la cheville, par le choix de laisser sans aucun lien le rond central tout en attachant le plus de brides sur le rond le plus petit et en ne reliant le plus grand rond que d'une bride, et de donner encore plus de légèreté à la sandale en lui donnant un talon fin de 10 cm, porte l'empreinte de la personnalité de son créateur et répond aux conditions requises pour être qualifié d'oeuvre de l'esprit. 3-sur les actes de contrefaçon. Il ressort des procès-verbaux dressés le 8 avril et le 27 avril 2004 que la société MORGAN offre à la vente un modèle qu'elle a dénommé

GEO qui est la reproduction quasi servile de la combinaison de la sandale TROIRON dans son ensemble. La bride centrale est constituée de trois ronds allant du plus petit situé près des doigts de pied au plus grand situé près de la cheville, d'un talon haut de 10 cm, de lanières très fines attachées pour les trois plus basses sur le pied deux au seul rond inférieur de la bride centrale et une passant devant le rond, pour la bride entourant la cheville au rond supérieur, le rond central ne supporte aucun lien avec une lanière. L'impression d'ensemble est une ressemblance totale avec le modèle de la société CHRISTIAN X... malgré le fait qu'une des brides basses passe devant le plus petit rond au lieu d'y être attachée car cette différence très faible est quasiment invisible et semble se rattacher au plus petit rond. La même impression de légèreté et de finesse se dégage de cette sandale articulée autour des trois ronds. Elle est fabriquée en cuir en argent brillant comme une des versions du modèle revendiqué et en cuir noir qui rappelle le daim noir d'une autre version. La contrefaçon du modèle "TROIRON" de la société CHRISTIAN X... est donc constituée par le modèle "GEO" vendu par la société MORGAN. 4-sur les mesures réparatrices. Il sera fait droit à la mesure de destruction sollicitée et ce selon les modalités qui seront précisées au dispositif. Il ressort du procès-verbal dressé le 27 avril 2005 que la société MORGAN a acquis 1891 paires de chaussures. Enfin, il n'est pas contesté que la société CHRISTIAN X... vend chaque paire de chaussures 450 euros alors que la société MORGAN vend ses chaussures 55 euros, que les chaussures de la société demanderesse sont des chaussures de luxe de très belle qualité et que les chaussures vendues par la société défenderesse sont elles de qualité plus médiocre. Il est également démontré que la société CHRISTIAN X... a une notoriété importante, s'est positionnée dans le secteur du luxe et chausse les stars et les

mannequins lors des défilés de grands créateurs de mode. Ainsi, la vente d'une copie servile et de qualité moyenne d'un de ces modèles lui crée un préjudice commercial important plus par rapport à son image que par rapport à un éventuel manque à gagner, les clients de l'une n'ayant pas vocation à devenir les clients de l'autre. Il sera alloué à la société CHRISTIAN X... la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts. A titre de réparation complémentaire, il sera autorisé une mesure de publication judiciaire dans les formes qui seront précisées au dispositif. 5-sur les autres demandes. L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée pour la mesure de condamnation à paiement. Les conditions sont réunies pour allouer une somme de 5.000 euros à la société CHRISTIAN X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort. Déclare irrecevable M. CHRISTIAN X... en son action. Déclare recevables en ses demandes la société Christian X... Dit qu'en ayant fabriqué ou fait fabriquer, en ayant offert à la vente et en vendant un modèle de chaussures sous la dénomination GEO reproduisant les caractéristiques du modèle de sandales commercialisé sous l'appellation "TROIRON" par la société CHRISTIAN X..., la société MORGAN a porté atteinte aux droits patrimoniaux dont la société CHRISTIAN X... est titulaire sur ce modèle. Condamne la société MORGAN à verser à la société Christian X... la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts. Autorise la société Christian X... à faire publier le dispositif du présent jugement, une fois celui-ci devenu définitif, dans deux journaux ou revues au choix de la société demanderesse et aux frais de la société MORGAN, le coût de chaque publication étant fixé à 3.000 euros HT.

Ordonne la destruction de toutes les chaussures contrefaisantes par la société MORGAN et ceci sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard une fois le jugement devenu définitif. Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision pour ce qui est de la condamnation en paiement. Condamne la société MORGAN à verser à la société CHRISTIAN X... la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Condamne la société MORGAN aux dépens. FAIT ET RENDU A PARIS le 17 MAI 2006./. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951116
Date de la décision : 17/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-05-17;juritext000006951116 ?
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