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17/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950469

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 17 mai 2006, JURITEXT000006950469


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 04/07832 No MINUTE : Assignation du : 03 Mai 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006

DEMANDEUR Monsieur Jean-Pierre X... 14 rue Paul SIGNAC 94110 ARCUEIL représenté par Me Hélène DUPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D1370 DÉFENDERESSE S.A. TELERAMA 163 Boulevard MALESHERBES 75017 PARIS représentée par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A738 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la dÃ

©cision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée d...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 04/07832 No MINUTE : Assignation du : 03 Mai 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006

DEMANDEUR Monsieur Jean-Pierre X... 14 rue Paul SIGNAC 94110 ARCUEIL représenté par Me Hélène DUPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D1370 DÉFENDERESSE S.A. TELERAMA 163 Boulevard MALESHERBES 75017 PARIS représentée par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A738 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 04 Avril 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: M. Jean-Pierre X..., peintre, historien d'art et spécialiste de l'oeuvre de Nicolas de Staùl, a été contacté par la société TELERAMA qui lui a commandé un article sur les particularités de la couleur et de la matière dans l'oeuvre de Nicolas de Staùl, lequel devait être intégré à un numéro hors série au moment de la grande exposition consacrée à ce peintre à Beaubourg. M. X... se plaignant du fait que son texte a été modifié et coupé sans son autorisation a assigner la société TELERAMA par acte d'huissier de Justice en date du 3 mai 2004 devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. M. Jean-Pierre X... , dans ses dernières écritures communiquées le 12 octobre 2005, a principalement demandé de : au visa des articles L111-1, L122-1 du code de la propriété intellectuelle et 1382 et suivants du code civil, condamner la société TELERAMA au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral de l'auteur et de la résistance abusive de la société TELERAMA, ordonner la publication

intégrale ou par extrait du jugement à intervenir dans deux publications choisies par le demandeur et ce, aux frais de la société TELERAMA, Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie, condamner la société TELERAMA au paiement de la somme de 5000 euros, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamner la société TELERAMA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hélène DUPIN conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans ses dernières écritures communiquées le 30 mai 2005, la société TELERAMA a principalement demandé de : débouter M. X... de toutes ses demandes fins et conclusions, le condamner à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamner M. X... en tous les frais et dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe BIGOT, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION L'article L113-2 du code de la propriété intellectuelle dispose "est dit collective l'oeuvre crée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé." Un journal, de même que, comme en l'espèce, le numéro hors série d'un journal est une oeuvre collective. Il est constant que si l'auteur d'une contribution à une oeuvre collective demeure investi du droit moral de l'auteur au respect de son oeuvre, ce droit est limité par la nature collective de l'oeuvre, qui impose la fusion de la contribution de l'auteur dans un ensemble, de sorte que le responsable de la publication est en droit d'apporter aux contributions des différents auteurs les modifications que justifie

la nécessaire harmonisation de l'oeuvre dans sa totalité. Pour autant, il interdit de remanier la contribution de l'auteur sans son accord, ou à tout le moins sans qu'il en soit avisé. En l'espèce, il est constant que dans un premier temps M. X... a été consulté sur certaines modifications de son texte, mais qu'il n'a pas été avisé des coupures finalement effectuées. La société TELERAMA reconnaît qu'elle a procédé à des allégements du texte, compte tenu notamment de la longueur du texte proposé par M. X..., alors que la priorité était donné aux photographies. Le tribunal observe que la société TELERAMA n'avait pas fixé préalablement de limite quant à la longueur du dit texte et que la dernière page de l'article publié comporte un espace disponible, ce qui signifie que certaines coupures n'étaient pas nécessaires. La société TELERAMA reconnaît avoir supprimé une citation de Nicolas de Staùl, proposée par M. X..., ainsi libellée :"Sur le plan absolu, les livres avec des reproductions en couleurs sont absurdes : on a jamais le ton et encore moins la matière." Le caractère polémique de cette citation était susceptible d'être compris par le lectorat de ce numéro spécial, s'agissant du point du vue du peintre lui-même, très préoccupé par la couleur et la matière puisqu'il peignait au couteau. Ce point de vue avait été émis, en outre, à une époque où les reproductions photographiques étaient de moins bonne qualité. Ce faisant, la société TELERAMA a porté atteinte au droit moral de M. X..., ne l'ayant pas consulté préalablement sur cette coupure. La société TELERAMA indique avoir également supprimé des passages trop techniques, afin de rendre le texte compréhensible pour le lectorat non spécialiste de l'histoire de l'art et de la peinture, et du même niveau que les autres contributions. Il s'agit des passages suivants: "La matière, au sens le plus général du terme, est toute entière énergie. Dans les objets, comme dans tout fragment de matière, cette

énergie se manifeste de deux façons : par l'occupation de l'espace -c'est ce qu'on appelle le volume - et par le rayonnement émis, qu'il réfléchit ou qu'il réfracte. Sa couleur, par exemple. La compréhension scientifique et artistique est une des avancées majeures de la pensée du XXe siècle. Louis de Broglie, contemporain de Matisse, a reçu le prix Nobel de 1929 pour sa démonstration de la dualité de la lumière, à la fois corpusculaire et ondulatoire (passage supprimé). Matisse a raison : la couleur est une manifestation de l'énergie de la forme." "Les seules couleurs qui pourraient être considérées comme pures sont les trois capteurs, rouge, vert et bleu qui opèrent dans les cellules spécialisées de la rétine pour sélectionner les impacts de longueurs d'onde et les transmettre au cerveau via le nerf optique. Ces cellules s'appellent les cônes pour les différencier des bâtonnets, sensibles aux différentes quantités de lumière.(passage supprimé) Par ailleurs, il n'y a pas de couleurs pures. " Le tribunal observe que les passages supprimés, sans en avoir avisé préalablement M. X..., relevant de la vulgarisation scientifique, étaient susceptibles d'être compris par le lectorat d'un numéro hors série de TELERAMA consacré à un peintre, ce lectorat étant caractérisé par sa curiosité intellectuelle et son ouverture d'esprit. Dès lors, la société TELERAMA, en procédant à des coupures sans nécessité et sans en avoir avisé préalablement l'auteur de la contribution, a porté atteinte à son droit moral. Sur mesures réparatrices Le tribunal considère que le préjudice moral subi par M. X... sera suffisamment réparé par la somme symbolique de 1 euro et par la publication du dispositif de la présente décision dans le magazine TELERAMA. Le tribunal observe, que contrairement à ce que soutient la société TELERAMA, la publication judiciaire ne constitue pas une peine privée, mais seulement un complément de mesure réparatrice. En toute hypothèse, il

relève que l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqué par la société TELERAMA, est sans rapport avec ce point. Sur l'exécution provisoire L'exécution provisoire apparaît nécessaire en l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de l'affaire et compatible avec sa nature. Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Il parait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer 5.000 euros à ce titre. Sur les dépens La société TELERAMA succombant dans ses prétentions il y a lieu de la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Hélène DUPIN, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, Dit que la société TELERAMA en modifiant l'article proposé par M. Y... pour le numéro hors série consacré au peintre Nicolas de Staùl, intitulé "Les reliefs de la couleur" sans l'en avoir avisé préalablement, a porté atteinte à son droit moral, Condamne la société TELERAMA à lui verser 1 euro (UN EURO)à titre de dommages-intérêts, Autorise M. X... à faire publier le dispositif du présent jugement dans le magazine hebdomadaire TELEMARA, aux frais de la défenderesse, sans que le coût de cette insertion excède, à la charge de celle-ci la somme de 4000 euros H.T., Ordonne l'exécution provisoire, Condamne la société TELERAMA à payer à M. Jean-Pierre X... la somme de 5.000 euros (CINQ MILLE EUROS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Condamne la société TELERAMA aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Hélène DUPIN, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ainsi jugé et prononcé le 17 mai 2006.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950469
Date de la décision : 17/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-05-17;juritext000006950469 ?
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