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11/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950493

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 11 mai 2006, JURITEXT000006950493


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/10339 No MINUTE : Assignation du : 18 Juin 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 11 Mai 2006

DEMANDEURS Monsieur Jean-Françis X... 257 rue de la CHAPLEUSERIE 41250 MONT PRES CHAMBORD représenté par Me Grégoire DESROUSSEAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W 03 S.A.R.L. BAT'INOV ZAC de Champ CHARDON 41250 MONT PRES CHAMBORD représentée par Me Grégoire DESROUSSEAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W 03 DÉFENDERESSE S.A. SOCIETE D'ETUDE ET CONSTRU

CTION D'APPLICATION DE LA TOLERIE SECATOL ANCIEN ETABLISSEMENTS Y.....

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/10339 No MINUTE : Assignation du : 18 Juin 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 11 Mai 2006

DEMANDEURS Monsieur Jean-Françis X... 257 rue de la CHAPLEUSERIE 41250 MONT PRES CHAMBORD représenté par Me Grégoire DESROUSSEAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W 03 S.A.R.L. BAT'INOV ZAC de Champ CHARDON 41250 MONT PRES CHAMBORD représentée par Me Grégoire DESROUSSEAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W 03 DÉFENDERESSE S.A. SOCIETE D'ETUDE ET CONSTRUCTION D'APPLICATION DE LA TOLERIE SECATOL ANCIEN ETABLISSEMENTS Y... ET COMPAGNIE 94 route de LIGUGE 86280 ST BENOIT représentée par Me Fabienne FAJGENBAUM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P305 COMPOSITION DU TRIBUNAL Claude VALLET, Vice-Président, signataire de la décision Véronique RENARD, Vice-Président Michèle PICARD, Vice-Président assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 10 Mars 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Monsieur Jean-Francis X... est titulaire d'un brevet français déposé le 13 décembre 1994 sous le no 94 15016 et délivré le 21 février 1997 sous le no FR B 2 728 004. Ce brevet porte sur une plate-forme de lavage pour bennes distributrices à béton. Il est exploité par la société BAT'INOV dont Monsieur X... est le dirigeant. Indiquant avoir appris que la SOCIÉTÉ D'ETUDE ET CONSTRUCTION D'APPLICATION DE LA TÈLERIE (SECATOL) fabriquait, offrait à la vente et commercialisait des plates- formes de lavage de bennes à béton qui reproduiraient selon lui les caractéristiques de l'invention décrite dans le brevet, Monsieur X... a fait dresser un procès verbal de constat du site Internet de la société SECATOL le 13 avril 2004. Par acte d'huissier en date du 18 juin 2004 Monsieur

X... et la société BAT'INOV ont fait assigner la société SECATOL en contrefaçon des revendications 1 à 6 du brevet précité et en concurrence déloyale pour obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte dont il est demandé au Tribunal de se réserver la liquidation, de destruction et de publication du jugement à intervenir, paiement au profit de Monsieur X... de la somme de 15.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et de celle de 25.000 euros à titre de provision au titre de la contrefaçon, et au profit de la société BAT'INOV paiement de la somme provisionnelle de 15.000 euros au titre de la concurrence déloyale, ainsi qu' une expertise pour le surplus et le paiement d'une indemnité de 7.500 euros chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout au bénéfice de l'exécution provisoire.

Par dernières écritures en date du 12 septembre 2005 la société SECATOL a conclu à la nullité du brevet invoqué pour défaut de nouveauté eu égard notamment à la divulgation antérieure à son dépôt des éléments caractéristiques de l'invention ainsi que pour défaut d'activité inventive, et conteste en conséquence les griefs de contrefaçon en faisant valoir que les podiums de lavage qu'elle commercialise ne reprennent nullement les caractéristiques protégeables de l'invention revendiquée et en tout état de cause qu'aucune preuve de la contrefaçon n'est rapportée pas plus que les griefs de concurrence déloyale ; à titre subsidiaire la défenderesse fait valoir qu'elle justifie d'une possession personnelle antérieure au dépôt du brevet X... no 94 15016 et à titre reconventionnel sollicite paiement de la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par dernières écritures en date du 16 juin 2005 Monsieur X... et

la société BAT'INOV après avoir répondu aux arguments soulevés en défense, ont repris l'ensemble de leurs demandes. L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2006.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la portée du brevet no 94 15016 Attendu que l'invention concerne "une plate-forme de lavage pour bennes distributrices à béton" ; Que la partie descriptive rappelle qu'il existe dans le bâtiment, pour le transport du béton et des matériaux de construction analogues, des bennes distributrices à béton de formes et de capacités différentes et que pour leur nettoyage après utilisation, notamment à l'intérieur, on les appuie généralement sur dans dispositifs improvisés, tels que des tas de terre ou de gravier, des empilements de palettes ou de parpaings et on laisse la palonnier en position verticale pour accéder à l'intérieur de la benne ; Qu'il est précisé que la benne risque alors de se renverser au cours du lavage, son palonnier pouvant basculer depuis la position verticale, ce qui peut endommager la benne et blesser les opérateurs ; que par ailleurs il est important d'éviter que l'eau de lavage ne reste à l'intérieur de la benne, ce qui compromet la qualité du lavage et pourrait entraîner une corrosion de la benne ; Attendu que le but de l'invention consiste à permettre à tous les types de bennes d'être nettoyées sans risque de basculement du palonnier ou de renversement et d'éviter la stagnation d'eau après lavage ; Qu'il est indiqué que selon l'invention, la plate-forme de lavage pour benne distributrice à béton, comprend un plan incliné formant avec l'horizontale un angle, des moyens de support dudit plan incliné, et des moyens de retenue des bennes destinées à être lavées sur la plate-forme, ce qui permet à un opérateur de pénétrer dans la benne pour un nettoyage plus approfondi, sans risque de glissement ou de blessure ; Qu'il est ajouté que l'invention comprend en outre une passerelle disposée à la

partie supérieure dudit plan incliné, ce qui permet à l'opérateur qui lave la benne d'avoir une position de travail au dessus de celle-ci et assure un lavage de toutes les parties de la benne, même de celles qui ne sont pas visibles directement ; Qu'il est précisé que les moyens de retenue peuvent comprendre deux tubes situés le long de l'arête inférieure du plan incliné, au voisinage des bords latéraux dudit plan incliné et peuvent comprendre également deux butées centrales disposées décalées par rapport à l'arête inférieure dudit plan incliné ou deux butées escamotables ; Attendu que la partie descriptive du brevet développe en outre les modes de réalisation de l'invention ; Attendu que le brevet se compose à cette fin de 7 revendications dont seules sont invoquées les revendications 1 à 6 dont la teneur suit : 1. Plate-forme de lavage pour benne distributrice à béton, comprenant un plan incliné formant avec l'horizontale un angle compris entre 28o et 45 o, et de préférence entre 33o et 37o, des moyens de support dudit plan incliné, et des moyens de retenue des bennes destinées à être lavées sur la plate-forme. 2. Plate-forme de lavage selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'elle comprend en outre une passerelle disposée à la partie supérieure du dit plan incliné. 3. Plate-forme de lavage selon la revendication 2, caractérisée en ce que ladite passerelle est située à une hauteur par rapport au sol comprise entre 1 et 1,3 m, et de préférence de l'ordre de 1,2 m. 4. Plate-forme de lavage selon l'une des revendications précédentes caractérisée en ce que les moyens de retenue comprennent deux tubes situés le long de l'arête inférieure du plan incliné, au voisinage des bords latéraux du dit plan incliné. 5. Plate-forme de lavage selon l'une des revendications précédentes, caractérisée en ce que les moyens de retenue comprennent deux butées centrales disposées décalées par rapport à l'arête inférieure du dit plan incliné. 6. Plate-forme de lavage selon la

revendication 5, caractérisée en ce que lesdites butées centrales sont fixées au voisinage des extrémités adjacentes desdits tubes. Sur le défaut de nouveauté

Attendu que la société SECATOL, qui rappelle les relations de collaboration ayant existé entre elle et Monsieur X... quant à l'élaboration de la plate-forme litigieuse destinée précisément à recevoir ses propres bennes, invoque le défaut de nouveauté et soutient que l'invention a été rendue accessible au public avant la date de dépôt du brevet ; qu'elle fait valoir qu'une télécopie du 25 novembre 1994 adressé à la Direction du Métro de Lille et ses propres plans de podium de lavage qui ont fait l'objet de vente et d'une facturation divulguent l'invention au public ; Attendu que les demandeurs rétorquent que la télécopie en cause n'a pas de date certaine et ne fait donc pas partie de l'état de la technique, que la Direction du Métro de Lille ne constitue pas le public au sens de l'article L 611-1 du Code de la Propriété Intellectuelle et qu'en tout état de cause la photographie figurant sur cette lettre ne montre pas les caractéristiques de l'invention, notamment l'angle du plan incliné ; ils ajoutent que les plans adverses sont dépourvus de force probante dès lors qu'ils sont sans date ou datés de façon manuscrite et n'ont en tout état de cause pas été rendus accessibles au public ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 611-11 du Code de la Propriété Intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est notamment constitué par tout ce qui est rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ; Que le public au sens de ce texte, s'entend de toute personne non tenue au secret ; Attendu qu'en l'espèce la société SECATOL verse aux

débats une télécopie qu'elle a adressée le 25 novembre 1994 à la direction du Métro de Lille comportant la photographie d'une plate forme de lavage brevetée dont il est pas contesté qu'elle soit identique à celle faisant l'objet du brevet opposé et figurant sur la brochure publicitaire de la société BAT'INOV ; que l'envoi de ce document dont la date est contestée par les demandeurs a été attesté le 25/10/2005 par son expéditeur Monsieur Y..., qui indique l'avoir envoyé à la date indiquée à 12 heures 17 à la société DESQUESNE etamp; GIRAL en charge d'un chantier pour la construction du métro de Lille ; qu'il y a lieu de relever en outre que ce document ne comporte aucune mention de confidentialité et que celle-ci ne peut se déduire comme le suggèrent les demandeurs des relations d'affaires existant entre les parties en cause ; Attendu par ailleurs que la société SECATOL produit, en pièces no 3, 4 et 5, des plans de podium de lavage no BE 3794 du 22 juillet 1991, BE 4344 du 21 juillet 1993 et BE 4315 du 15 juin 1993 ainsi qu'un descriptif technique correspondant à ce dernier plan ; que si ces documents comportent bien des dates manuscrites, celles-ci n'ont manifestement pas été rajoutées sur les photocopies et figuraient donc bien sur les originaux, ce qui leur confère une date certaine ;

Attendu que ces documents donnent à voir un plan incliné à 45o, des moyens de retenue et une passerelle accessible par une échelle ; que par ailleurs quatre factures à en-tête SECATOL des mois de juillet, août et septembre 1993 relatives à la vente à la société BATEG d'uneque par ailleurs quatre factures à en-tête SECATOL des mois de juillet, août et septembre 1993 relatives à la vente à la société BATEG d'une station de lavage comportent la référence 2977 B, qui correspond au plan BE 4344 du 21 juillet 1993 comme en témoigne la mention portée sur ledit plan, attestent de leur divulgation au public ; Qu'ainsi la société SECATOL disposait du procédé objet de

l'invention avant le dépôt du brevet no no 94 15016 effectué le 13 décembre 1994 et l'a divulgué avant cette date par la vente de plates-formes de lavage correspondantes ; Attendu au surplus que six photographies datées de novembre 1994 démontrent que le prototype de la plate-forme objet de l'invention était exposé dans la cour extérieure de la société SECATOL et était donc susceptible d'être vu et examiné par tous, y compris par des personnes extérieures à l'entreprise ; Que l'ensemble de ces éléments démontre en conséquence, qu'avant la date du dépôt du brevet, le 13 décembre 1994, les caractéristiques de l'invention avaient été rendues accessibles au public et que l'invention a été divulguée de manière suffisamment complète pour pouvoir être reproduite par l'homme du métier ; Qu'il suit que le brevet doit donc être déclaré nul pour défaut de nouveauté ; Sur la contrefaçon Attendu que le brevet étant annulé, l'action en contrefaçon devient sans objet; Sur la concurrence déloyale Attendu que Monsieur X... fait valoir à ce titre que la société SECATOL crée intentionnellement une confusion dans l'esprit du public en prétendant indûment, sur ses brochures publicitaires et sur son site Internet, être titulaire d'un brevet visant une plate-forme reproduisant les caractéristiques du brevet 94 15016 ; Que cependant il résulte des documents incriminés ( no 6 et 7-1 pour les demandeurs et pièce adverse no 28) que la plate-forme présentée n'est pas celle ayant fait l'objet du dépôt de brevet par Monsieur X... ; que dès lors l'action en concurrence déloyale de celui-ci sera rejetée ;

Que par ailleurs la société BAT'INOV qui n'allègue aucun fait distinct des actes de contrefaçon poursuivis, sera également déboutée sa demande formulée au titre de la concurrence déloyale ; Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les demandeurs, qui n'ignoraient pas

que la société SECATOL était à l'origine, notamment pour l'avoir financée, de la plate-forme de lavage en cause , ne pouvaient valablement se méprendre de bonne foi sur l'étendue de leurs droits à agir tant en contrefaçon qu'en concurrence déloyale ; que dès lors leur action revêt un caractère manifestement abusif qui sera sanctionné par l'octroi à la société SECATOL de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts ; Sur les frais irrépétibles Attendu qu'il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société SECATOL la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de lui allouer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Dit que les caractéristiques de l'invention objet du brevet no 94 15016 étaient en possession de la société SECATOL avant le 13 décembre 1994, date de dépôt du brevet, et ont été rendues accessibles au public avant cette date. - En conséquence, annule le brevet no 9415016 pour défaut de nouveauté. - Dit que le présent jugement devenu définitif sera transmis à l'INPI sur réquisition du greffier par la partie la plus diligente pour transcription sur le Registre National des Brevets. - Déclare sans objet l'action en contrefaçon. - Déboute Monsieur X... et la société BAT'INOV de leurs demandes en concurrence déloyale. - Condamne in solidum Monsieur X... et la société BAT'INOV à payer à la société SECATOL la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle 7.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. - Condamne in solidum Monsieur X... et la société BAT'INOV aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Fait et jugé à Paris, le 11 mai 2006. Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950493
Date de la décision : 11/05/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-05-11;juritext000006950493 ?
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