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26/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949809

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 26 avril 2006, JURITEXT000006949809


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/04905 No MINUTE : Assignation du : 19 Mars 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 26 Avril 2006

DEMANDERESSES FONDATION LE CORBUSIER 10 Square du Docteur X... 75016 PARIS représentée par Me Emmanuel PIERRAT- SELARL CABINET PIERRAT- avocats au barreau de PARIS, vestiaire L 166 Madame Claude Y... 18 rue Las Cases 75007 PARIS représentée par Me Dominique de LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 1588 Madame Jacqueline Z... 1207 GENEVE SUISSE représentée

par Me Dominique de LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiair...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/04905 No MINUTE : Assignation du : 19 Mars 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 26 Avril 2006

DEMANDERESSES FONDATION LE CORBUSIER 10 Square du Docteur X... 75016 PARIS représentée par Me Emmanuel PIERRAT- SELARL CABINET PIERRAT- avocats au barreau de PARIS, vestiaire L 166 Madame Claude Y... 18 rue Las Cases 75007 PARIS représentée par Me Dominique de LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 1588 Madame Jacqueline Z... 1207 GENEVE SUISSE représentée par Me Dominique de LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 1588 DÉFENDERESSE ABTO exerçant sous l'enseigne EMOIS ET BOIS 56 rue Cambronne 75015 PARIS représentée par Me Martine KALAYAN DRILLAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 604 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY, Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS :

Caroline LARCHE GREFFIER LORS DU PRONONCE : Léoncia BELLON DEBATS A l'audience du 20 Février 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au Greffe Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES. Estimant que la société ABTO a commis des actes de contrefaçon en reproduisant dans son catalogue publicitaire et sans autorisation la photographie du fauteuil et du canapé créés par Charles Edouard JEANNERET dit LE CORBUSIER, par Charlotte PERDRIAND et par Pierre JEANNERET, la FONDATION LE CORBUSIER, Mme Claude Y... et Mme Jacqueline Z..., ayant droits des auteurs, l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 19 mars 2004. Dans ses dernières conclusions du 7 avril 2005, la FONDATION LE CORBUSIER a rappelé qu'elle avait qualité à agir pour avoir été instituée légataire universelle de LE CORBUSIER par testament du 26

juin 1965 et avoir été reconnue d'utilité publique depuis un décret du 31 juillet 1968. Elle a fait valoir que le fauteuil et le canapé sont des oeuvres de collaboration de Charles Edouard JEANNERET dit LE CORBUSIER, de Charlotte PERDRIAND et de Pierre JEANNERET, que ces oeuvres ont un caractère original du fait des choix opérés par les auteurs qui ont décidé de montrer la structure en acier chromé brillant, d'opposer le cuir noir à l'acier et de dessiner des meubles très parallèpipédiques. Elle a précisé que la reproduction de ces oeuvres dans le catalogue de la société ABTO a été faite sans l'autorisation des ayant-droits des auteurs et sans indiquer le nom des auteurs. Elle a indiqué que la bonne foi alléguée par la société défenderesse est sans effet sur la réalisation de la contrefaçon et contesté la théorie de l'accessoire invoquée. Elle a demandé au tribunal de : Vu les articles L111-1, L 112-2 10o, L 121-1, L 12-4 et L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, Déclarer recevable et bien fondée l'action de la FONDATION LE CORBUSIER à l'encontre de la société ABTO. Dire et juger que la société ABTO a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la Fondation LE CORBUSIER, en reproduisant sans autorisation une photographie sur laquelle sont représentés un canapé et un fauteuil LE CORBUSIER dans un catalogue publicitaire. En conséquence, Faire interdiction à la société ABTO d'exploiter sur tous supports la photographie litigieuse, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, Condamner la société ABTO à lui payer la somme de 6.700 euros en réparation du préjudice patrimonial subi avec intérêts de retard au taux légal, Condamner la société ABTO à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice moral subi avec intérêts de retard au taux légal, Ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues à choisir par la Fondation

LE CORBUSIER aux frais de la société ABTO pris dans la limite de 5.000 euros par publication. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner la société ABTO à verser à la fondation LE CORBUSIER la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamner la société ABTO aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 21 février 2005, Mme Claude Y... et Mme Jacqueline Z... ont indiqué leur qualité d'ayants-droit de Charlotte PERDRIAND d'une part et de Pierre JEANNERET d'autre part et ont développé les mêmes arguments que la FONDATION LE CORBUSIER, tout en ajoutant que la reproduction des meubles LE CORBUSIER sur une plaquette publicitaire les dévalue . Elles ont demandé au tribunal de : Vu les articles L 121-1, L 122-4 et L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, Les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes. Dire et juger que la société ABTO a commis des actes de contrefaçon à leur préjudice en reproduisant sans autorisation une photographie sur laquelle sont représentés un canapé et un fauteuil LE CORBUSIER dans un catalogue publicitaire. En conséquence, Faire interdiction à la société ABTO d'exploiter sur tous supports la photographie litigieuse, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée, dans un délai de huit jours à compter du prononcé du jugement à intervenir, Condamner la société ABTO à leur payer la somme de 13.300 euros en réparation du préjudice patrimonial subi. Condamner la société ABTO à leur payer la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice moral subi par chacune d'elles. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner la société ABTO à verser à chacune des demanderesses la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamner la société ABTO aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo de LEUSSE, avocat,

par application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Dans ses écritures récapitulatives du 16 juin 2005, la société ABTO exerçant sous l'enseigne "EMOIS ET BOIS" a fait valoir qu'elle est distributrice de parquets, qu'elle a édité un catalogue afin de guider ses clients dans leur choix en présentant certains parquets installés dans des appartements, que les occupants de ces appartements ont donné leur autorisation pour publier un cliché de leur intérieur, que ce catalogue n'est disponible que dans son show-room et ne comporte aucun prix ; que le cliché discuté est celui de la couverture du catalogue qui représente le salon de M. A... une fois un parquet Wenge posé chez lui, salon meublé d'un canapé et de deux fauteuils LE CORBUSIER. Elle n'a pas contesté que les meubles LE CORBUSIER acquis par M. A... ont été reproduits sur le cliché mais a argué de ce que l'objet du cliché est la représentation du parquet wenge posé et que du fait du caractère accessoire des meubles litigieux, aucune contrefaçon des oeuvres n'a été commise puisqu'il ne s'agit pas d'une représentation des oeuvres de LE CORBUSIER. Elle a indiqué que les demanderesses ne subissaient aucun préjudice car le caractère prestigieux des meubles n'a pas été dénaturé puisque le parquet présenté est lui-même un bois précieux, que LE CORBUSIER et les autres auteurs avaient la volonté de diffuser de très beaux meubles pour un grand public, que par leur action, leurs ayant-droits dénaturent eux-mêmes la volonté de leurs auteurs qui souhaitaient au contraire la vulgarisation du beau et de la qualité. Elle a contesté le quantum du préjudice demandé d'autant que le nouveau catalogue ne comporte plus ce cliché. La société ABTO "EMOIS ET BOIS" a sollicité du tribunal de : A titre principal Dire que la théorie de l'accessoire s'applique à l'espèce; Dire qu'il n'y a pas de contrefaçon. Dire qu'il n'y a pas atteinte aux droits patrimoniaux et moraux des demanderesses. Constater que la société

ABTO a fait disparaître immédiatement la photographie litigieuse. En conséquence, Débouter les demanderesses de toutes leurs prétentions. A titre subsidiaire, si le tribunal devait entrer en voie de condamnation, Ramener le quantum des condamnations à de plus justes proportions en fonction de la dimension de la société ABTO et des circonstances entourant la prise du cliché. Débouter la Fondation LE CORBUSIER de sa demande de publication judiciaire. En tout état de cause, Condamner les demanderesses à verser à la société ABTO la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les condamner aux dépens dont distraction au profit de Mo KALAYAN-DRILLAUD, avocat par application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. La clôture était ordonnée le 13 septembre 2005. MOTIFS DE LA DÉCISION : Ne sont pas contestés la qualité à agir des demanderesses, ni le fait que le fauteuil et le canapé créés par Charles Edouard JEANNERET dit LE CORBUSIER, par Charlotte PERDRIAND et par Pierre JEANNERET sont des oeuvres de collaboration et sont des oeuvres de l'esprit protégées par les dispositions de l'article L 121 du Code de la propriété intellectuelle. Il ressort des pièces versées au débat :

1o)que la page de couverture intitulée "LES PLUS BEAUX PARQUETS DU MONDE" du catalogue édité par la société ABTO "EMOIS ET BOIS" représente l'intérieur d'un salon meublé d'une grande bibliothèque occupant tout un mur, d'une lampe posé par terre et allumée devant une fenêtre, d'un fauteuil LE CORBUSIER placé devant la bibliothèque, d'un canapé LE CORBUSIER placé devant le mur blanc près de la fenêtre et d'un accoudoir d'un deuxième fauteuil LE CORBUSIER, d'un parquet très foncé, que les meubles ont été plaqués contre le mur et la bibliothèque de façon à laisser voir une large partie du parquet situé en moitié de bas de page.

2o)que le propriétaire des lieux a donné l'autorisation de publier la

photographie de son salon.

3o) qu'il verse au débat la facture d'achat des meubles. Il n'est pas contesté par la société ABTO "EMOIS ET BOIS qu'elle n'a pas sollicité l'autorisation des ayants-droit des auteurs des meubles de publier ce cliché. Cette autorisation est exigée au regard des dispositions de l'article L 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, sauf à démontrer que la reproduction des oeuvres n'est qu'un accessoire dans la publication. En l'espèce, la page de couverture supporte le titre "les plus beaux parquets du monde", la photographie et un encart en bas de page avec le logo "émois et bois". Le Le catalogue est édité en format 21/29,7soit une surface de 62,37 cm , la photographie occupe une surface de 30,6 cm (17cm x 18 cm), soit la moitié de la page. La photographie est visuellement découpée en deux parties, la moitié haute plus claire représentant la bibliothèque et le mur blanc ouvert d'une fenêtre, la moitié basse sombre représentant le parquet Wenge très noir et les meubles LE CORBUSIER, eux aussi noirs. Il n'est pas contestable que le but de la photographie est de montrer un intérieur dans lequel a été réalisé un parquet en harmonie avec les meubles déjà acquis par les propriétaires, parquet qui met en valeur le mobilier qu'il s'agisse de la bibliothèque ou des meubles de salon. Les meubles ne constituent qu'une infime partie de la photographie qui n'est pas centrée sur eux, mais qui représente une vue générale du salon où chaque objet trouve sa place, le parquet par sa qualité devenant un élément de la décoration à part entière, au même titre que les autres éléments mobiliers, la bibliothèque, la lampe et les meubles. Ce qui est montré dans ce cliché, ce sont les choix décoratifs de l'occupant des lieux jusque dans les options prises pour le parquet et son élégance alliée à l'élégance des autres meubles. En conséquence, il convient de dire que la reproduction du fauteuil et du canapé LE CORBUSIER intégrés dans la photographie du

salon dont le but est de représenter le parquet est un accessoire au regard du reste du cliché et que l'autorisation n'avait pas par voie de conséquence à être demandée aux ayants-droit, aucune contrefaçon n'ayant été commise. Les demanderesses seront en conséquence déboutées de l'ensemble de leurs demandes. -sur les autres demandes. L'exécution provisoire est sans objet, elle ne sera pas ordonnée. Les conditions ne sont réunies pour allouer une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

- Dit que la société ABTO "EMOIS ET BOIS n'a pas commis d'actes de contrefaçon en reproduisant le canapé et le fauteuil créés par Charles Edouard JEANNERET dit LE CORBUSIER, par Charlotte PERDRIAND et par Pierre JEANNERET dans la page de couverture de son catalogue. En conséquence, -Déboute la FONDATION LE CORBUSIER, Mme Claude Y... et Mme Jacqueline Z... de leurs demandes. - Déboute les parties du surplus de leurs demandes. - Condamne in solidum la FONDATION LE CORBUSIER, Mme Claude Y... et Mme Jacqueline Z... en tous les dépens dont distraction au profit de Mo Martine KALAYAN DRILLAUD, avocat par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. FAIT à PARIS, le VINGT SIX AVRIL DEUX MIL SIX./. Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949809
Date de la décision : 26/04/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-04-26;juritext000006949809 ?
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