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26/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948897

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 26 avril 2006, JURITEXT000006948897


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/06896 No MINUTE : Assignation du : 19 Avril 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 26 Avril 2006 DEMANDERESSE S.N.C. LABORATOIRE GARNIER ET COMPAGNIE ... représentée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G 493 DÉFENDERESSE S.N.C. SARA LEE HOUSEHOLD AND Z... A... FRANCE ... II Le Rimbaud 93420 VILLEPINTE représentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1219 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth X..., Vice-PrÃ

©sident, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Prés...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/06896 No MINUTE : Assignation du : 19 Avril 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 26 Avril 2006 DEMANDERESSE S.N.C. LABORATOIRE GARNIER ET COMPAGNIE ... représentée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G 493 DÉFENDERESSE S.N.C. SARA LEE HOUSEHOLD AND Z... A... FRANCE ... II Le Rimbaud 93420 VILLEPINTE représentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1219 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth X..., Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistés de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DÉBATS A l'audience du 07 Mars 2006 tenue publiquement devant Elisabeth X... et Agnès THAUNAT , juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES:

La société LABORATOIRES GARNIERetCie est titulaire d'une marque INVISIBLE déposée le 26 décembre 1951 et régulièrement renouvelée sous le no 1 368 549 pour désigner notamment dans les classes 2,3 et 5 de la classification internationale: "les produits pharmaceutiques, vétérinaires, chimiques et cosmétiques pour l'hygiène, désinfectants, les désodorisants, déodorants, tous produits destinés à l'entretien, aux soins et à l'embellissement de la chevelure et du cuir chevelu, de barbe et de la moustache, des cils et des sourcils, de la peau et des ongles".

S'étant aperçue que la société SARA LEE HOUSEHOLD AND Z... A...

France (ci-après SARA LEE) commercialisait des déodorants portant la dénomination INVISIBLE, la société LABORATOIRES GARNIERetCie a assigné celle-ci le 19 avril 2005 en contrefaçon de marque et indemnisation. La société SARA LEE conclut au débouté des demandes formées à son encontre et à titre reconventionnel sollicite :

-la nullité des droits de la société LABORATOIRES GARNIERetCie sur la marque INVISIBLE pour les produits et services visés dans l'assignation:

* pour défaut de caractère distinctif et ce en application de l'article L 711-1 du Code de Propriété Intellectuelle ou à titre subsidiaire en application de l'article 8 alinea 2 de la loi du 23 juin 1857 et de l'article 3 alinea 2 de la loi du 31 décembre 1964

* pour son caractère déceptif et trompeur en application de l'article L 711-3 c) du même code;

-la déchéance des droits de cette même société sur sa marque pour non usage en application de l'article L 714-5 du Code de Propriété Intellectuelle , les effets de la déchéance remontant au 31 décembre 2004 ou à titre subsidiaire pour dégénérescence en application de l'article L 714-6 du même code.

La société SARA LEE , en tout état de cause conteste la matérialité de la contrefaçon et réclame l'allocation d'une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Aux termes de ses dernières conclusions du 2 mars 2006, la société LABORATOIRES GARNIERetCie s'oppose aux prétentions en nullité ou en déchéance de sa marque et demande au tribunal de:

-dire que la fabrication et la commercialisation par la société SARA LEE de produits comportant la reproduction de la marque INVISIBLE constituent la contrefaçon par reproduction ou à tout le moins par imitation de la marque "INVISIBLE" no 1 368 549 lui appartenant,

-interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte, le tribunal s'en réservant la liquidation,

-condamner la société SARA LEE à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'atteinte à la marque et celle de 60.000 euros en réparation de son préjudice commercial ainsi que celle de 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , le tout , sous le bénéfice de l'exécution provisoire et de l'autorisation de publication de la décision à intervenir. SUR CE,

*sur la validité de la marque "Invisible":

* au regard de la distinctivité:

Il ressort des éléments produits aux débats par la demanderesse que son ayant-cause aux termes de diverses cessions ,a déposé le 26 décembre 1951 la marque verbale "invisible" pour désigner tous produits de beauté et de parfumerie. Cette marque a été régulièrement renouvelée depuis lors et dernièrement le 27 mars 1996 notamment pour désigner les " produits pharmaceutiques, vétérinaires, chimiques et cosmétiques pour l'hygiène, désinfectants , désodorisants , déodorants, tous produits destinés à l'entretien, aux soins et à l'embellissement de la chevelure et du cuir chevelu, de barbe et de la moustache, des cils et des sourcils, de la peau et des ongles".

Il est constant que l'appréciation de la distinctivité d'un signe déposé comme marque s'apprécie au regard des dispositions de la Loi applicable à la date du dépôt et non de son renouvellement.

En l'espèce, dès lors que la marque "invisible" a été déposée en 1951 pour désigner tous les produits de beauté et de parfumerie, c'est au

regard des dispositions de la loi du 23 juin 1857 que doit s'apprécier la distinctivité de cette marque pour désigner les produits visés à son enregistrement. étant relevé que les produits cosmétiques déodorants entrent dans la catégorie des produits de beauté et de parfumerie même si à l'époque du dépôt, ils ne se présentaient pas sous la forme d'aujourd'hui.

Il est également constant que sous l'empire de la Loi de 1857 , un signe est distinctif tant qu'il n'est ni nécessaire, ni usuel ni seulement descriptif de la nature, de la qualité essentielle ou de la destination du produit.

En l'espèce le caractère invisible des produits de beauté et de parfumerie en 1951 n'était nullement la qualité essentielle de ceux-ci, celle-ci étant pour les déodorants ,la capacité à absorber les mauvaises odeurs corporelles.

Dans ces conditions, le moyen de nullité de la marque "Invisible" pour défaut de caractère distinctif est rejeté.

*au regard du caractère déceptif ou trompeur:

La société défenderesse soutient encore que la marque "invisible" serait nulle car elle serait de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.

Le tribunal relève que l'article L 711-3 c) du Code de Propriété Intellectuelle n'est pas applicable , cette disposition issue de la Loi de 1991 étant postérieure à la date du dépôt de la marque .

Si l'article 8 alinea 2 de la Loi du 23 juin 1857 réprimait le fait d'utiliser une marque portant des indications propres à tromper l'acheteur sur la nature de ce produit , ce caractère trompeur n'entraînait pas la nullité de la marque déposée mais une sanction pénale pour son utilisateur.

Dans ces conditions, la marque "Invisible" est valable.

*sur la déchéance des droits sur la marque "invisible" :

- pour inexploitation:

L'article L 714-5 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que:

-encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans;

-est assimilé à un tel usage:

a)l'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement;

b) l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif;

c)l'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de leur exportation;

- la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée;

- l'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande;

- la preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée; elle peut être apportée par tout moyen;

- la déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinea du présent article; qu'elle a un effet absolu.

Dès lors que la société demanderesse poursuit la société SARA LEE en contrefaçon de sa marque "Invisible" pour désigner"les produits

pharmaceutiques, vétérinaires, chimiques et cosmétiques pour l'hygiène, désinfectants, les désodorisants, tous produits destinés à l'entretien, aux soins et à l'embellissement de la chevelure et du cuir chevelu, de barbe et de la moustache, des cils et des sourcils, de la peau et des ongles", la société défenderesse a un intérêt à poursuivre la déchéance des droits de la société LABORATOIRES GARNIER sur sa marque pour désigner les produits précités.

-l'exploitation pour désigner des déodorants:

Il n'est pas contesté que depuis 2000, la société LABORATOIRES GARNIER commercialise un déodorant sous la dénomination "Anti-transpirant NARTA Invisible".

Le tribunal considère que l'exploitation de la marque "Invisible" sous la forme modifiée précitée a altéré le caractère distinctif de celle-ci, dès lors :

-qu'il est démontré aujourd'hui un large usage du terme "invisible" pour qualifier l'absence de visiblité des déodorants lors de leur application ( REXONA ULTRA stick invisible, Gilette B... C... etc...)

-et que

-et que la demanderesse exploite le signe "invisible" dans un ensemble comportant la marque NARTA et l'adjectif "Anti-transpirant" ce qui porte le consommateur à croire que "invisible" est un qualificatif du produit et non un indicateur d' origine.

Dans ces conditions, la déchéance est acquise pour désigner un déodorant.

-l'exploitation pour désigner les autres produits visés à l'assignation:

La société LABORATOIRES GARNIER versent aux débats des factures établissant que depuis 2000, elle utilise pour la dénomination d' un

stick pour lèvres et de laque le terme "invisible" .

Le tribunal relève que cette exploitation n'est pas suffisante pour constituer un usage sérieux de la marque "invisible" pour désigner les produits précités dès lors que :

-cette dénomination est toujours associée sur les factures à une marque (GRAFIC pour les gels, GARNIER pour les sticks à lèvres)

- ne figure pas sur les produits eux-même, le terme "invisible" étant utilisée dans les présentations commerciales pour désigner une des caractéristiques des produits (cf "le Stick Invisible Protecteur Anti-Froid IP 25 de Garnier... de texture invisible, il est très doux à l'application et prévient le dessèchement cutané").

Cet usage altéré qui fait perdre à l'emploi du signe "invisible" son caractère distinctif ne permet pas de faire échapper la société LABORATOIRES GARNIER à la déchéance de ses droits sur sa marque pour désigner ces produits.

La déchéance des droits de la société LABORATOIRES GARNIER est prononcée à compter du 31 décembre 2004, date à laquelle cette mesure est sollicitée.

*sur la contrefaçon:

La société LABORATOIRES GARNIER étant déchue de ses droits sur sa marque pour tous les produits qu'elle oppose et les actes de contrefaçon qu'elle reproche étant postérieurs à la date d'effet de la déchéance, ses demandes en contrefaçon deviennent sans objet.

* sur les autres demandes:

Il est constant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une demande en dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Un tel cas n'étant pas démontré en l'espèce, la demande de dommages et intérêts formée de ce chef par la société SARA

LEE est rejetée.

En revanche, l'équité commande d'allouer à la société SARA LEE une indemnité de 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL , statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort , Déclare la marque "Invisible" no 1 368 549 valable pour désigner les produits visés par la société LABORATOIRES GARNIER dans son acte introductif d'instance, Prononce la déchéance à compter du 31 décembre 2004 des droits de la société LABORATOIRES GARNIER sur la marque "Invisible" no 1 368 549 pour non-usage pour désigner "les produits pharmaceutiques, vétérinaires, chimiques et cosmétiques pour l'hygiène, désinfectants, les désodorisants, déodorants, tous produits destinés à l'entretien, aux soins et à l'embellissement de la chevelure et du cuir chevelu, de barbe et de la moustache, des cils et des sourcils, de la peau et des ongles", Dit que la présente décision devenue définitive sera transmise à l'INPI pour inscription sur le registre national des marques, par le présent greffier préalablement requis par la partie la plus diligente, Déboute la société LABORATOIRES GARNIER de l'ensemble de ses demandes, Condamne la société LABORATOIRES GARNIER à payer à la société SARA LEE HOUSEHOLD AND Y... A... FRANCE la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, Fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat, pour la part des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision, Fait et Jugé à Paris, le 26 avril 2006, LE GREFFIER LE PRESIDENT mot nul ligne nulle renvoi


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948897
Date de la décision : 26/04/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-04-26;juritext000006948897 ?
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