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26/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948622

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 26 avril 2006, JURITEXT000006948622


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 03/01337 No MINUTE : Assignation du : 10 Janvier 2003

Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 26 Avril 2006

DEMANDEUR Monsieur X... Y... 13-15 rue Pastourelle 75003 PARIS représenté par Me Angélique BERES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire A0457 DÉFENDERESSES S.A. EDITIONS GRUND 60 rue Mazarine 75006 PARIS représentée par Me Dominique DE LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire M1588 CONRAN OCTOPUS

LIMITED appelé en garantie 37 Shelton Street LONDON W C2H 9HN ANGLETER...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 03/01337 No MINUTE : Assignation du : 10 Janvier 2003

Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 26 Avril 2006

DEMANDEUR Monsieur X... Y... 13-15 rue Pastourelle 75003 PARIS représenté par Me Angélique BERES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire A0457 DÉFENDERESSES S.A. EDITIONS GRUND 60 rue Mazarine 75006 PARIS représentée par Me Dominique DE LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire M1588 CONRAN OCTOPUS LIMITED appelé en garantie 37 Shelton Street LONDON W C2H 9HN ANGLETERRE représentée par Me Josée-Anne BENAZERAF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire P0327 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président , signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier , signataire de la décision DEBATS A l'audience du 28 Mars 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES Monsieur X... Y... exerce la profession de décorateur. Aux mois de janvier et de février 1996, il a respectivement autorisé les magazines WORLD OF INTERIORS et ELLE DÉCORATION à publier un reportage illustré sur la maison qu'il possède dans l'île de RE qu'il a décorée et aménagée avec des meubles de sa création. La société EDITIONS GRUND a publié en 1998 un ouvrage intitulé CUISINES FONCTIONNELLES et reproduisant à trois reprises, dont une fois en couverture et une fois sur la jaquette, une des photographies publiées dans la revue WORLD OF INTERIORS représentant la cuisine de la maison de Monsieur X... Y... Z... assignation en date du10 janvier 2003, Monsieur X... Y...

reproche à la société EDITIONS GRUND d'avoir commis des actes de contrefaçon de ses oeuvres et sollicite en réparation la somme de 57 000 ç à titre de dommages et intérêts. Subsidiairement il formule la même demande sur le fondement des agissements parasitaires et plus subsidiairement il sollicite la somme de 8 000 ç en réparation de l'atteinte au droit qu'il détient sur l'image de sa cuisine. Il sollicite aussi les mesures usuelles d'interdiction et de publication ainsi que la somme de 7 600 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Suivant assignation du 11 juillet 2003 la société EDITIONS GRUND sollicite la garantie de la société CONRAN OCTOPUS LTD, éditeur de l'ouvrage initial dont CUISINES FONCTIONNELLES constitue l'adaptation française, ainsi que sa condamnation à lui verser la somme de 4 500 ç au titre des frais irrépétibles. Z... dernières écritures Monsieur X... Y... fait grief aux sociétés EDITIONS GRUND et CONRAN OCTOPUS LTD d'avoir reproduit ses oeuvres sans son autorisation, en les dénaturant et d'avoir porté atteinte à son droit au nom. En réparation de l'atteinte à son droit patrimonial il sollicite la somme de 10 000 ç et en réparation de l'atteinte portée à ses droits moraux, la somme de 55 000 ç. A titre subsidiaire, il demande la même somme sur le fondement de l'exploitation parasitaire. Il sollicite en outre une mesure d'interdiction et de publication ainsi que la somme de 7 600 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Z... dernières conclusions le société EDITIONS GRUND sollicite le débouté du demandeur et la condamnation de celui-ci à la somme de 3 000 ç au titre de la prise en charge de ses frais irrépétibles. Subsidiairement elle recherche la garantie de la société CONRAN OCTOPUS LTD et sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 ç

en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Suivant dernières écritures la société CONRAN OCTOPUS LIMITED conteste in limine litis la compétence du tribunal de céans au profit du tribunal de LONDRES en ce qui concerne les demandes formées par Monsieur X... Y... au titre de l'édition anglaise de l'ouvrage. Sur le fond elle dénie à la cuisine concernée toute originalité. Reconventionnellement elle sollicite la condamnation solidaire de Monsieur X... Y... et de la société EDITIONS GRUND à lui verser la somme de 3 000 ç au titre des frais irrépétibles. MOTIFS SUR L'EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE A... que la société CONRAN OCTOPUS LTD, société de droit anglais, conteste la compétence du tribunal de céans pour statuer sur les griefs formés par Monsieur X... Y... à l'encontre de l'édition anglaise de l'ouvrage en cause, laquelle a été distribuée en Angleterre. Mais attendu que dans ses dernières conclusions, Monsieur X... Y... se borne à reprocher à la société CONRAN OCTOPUS LTD d'avoir fourni à la société EDITIONS GRUND la photographie en cause dans des conditions devant conduire à la violation de ses droits tant patrimoniaux que moraux sur le territoire national. A... que le tribunal de céans retient donc sa compétence de ce chef de demande. SUR L'ORIGINALITÉ DE L'OEUVRE

A... que l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination." A... que l'originalité de l'oeuvre de Monsieur X... Y... est contestée. Mais attendu qu'en concevant et réalisant une cuisine, dans le style minimaliste dont il est familier, se présentant comme un plan de bois unique adossé à un mur

lambrissé de blanc garni d'étagères de bois, le tout dans une harmonie de couleur particulière et de très apparentes lignes architectoniques droites, se coupant le plus souvent selon des angles également droits, Monsieur X... Y... a marqué sa création, qui réside dans la combinaison particulières des éléments qui viennent d'être décrits, de l'empreinte de sa personnalité. A... dès lors que l'oeuvre de Monsieur X... Y... est éligible à la protection offerte par le livre premier du code de la propriété intellectuelle. SUR L'ATTEINTE AUX DROITS PATRIMONIAUX A... que l'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction."

A... que l'oeuvre dont Monsieur X... Y... est l'auteur a été reproduite sans autorisation par la société CONRAN OCTOPUS LTD pour notamment être cédée à la société EDITIONS GRUND en vue d'une diffusion sur le territoire national. A... qu'il a ainsi été porté atteinte au droit patrimonial de Monsieur X... Y... SUR L'ATTEINTE AU DROIT AU NOM A... que l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur. L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires." A... que le nom de Monsieur X... Y... n'est pas cité ni dans l'édition originelle dont la société EDITIONS GRUND a acquis les droits d'adaptation française ni dans l'édition française ; qu'ainsi il a été porté atteinte au droit de Monsieur X... Y... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur. SUR LA DÉNATURATION DE L'OEUVRE A... que Monsieur X... Y... reproche encore aux sociétés défenderesses d'avoir

porté atteinte au droit au respect de son oeuvre en la présentant dans un ouvrage dévalorisant. Mais attendu que l'oeuvre de Monsieur X... consiste en une cuisine intégrée et n'est nullement dénaturée par sa reproduction en photographie dans l'ouvrage en cause qui est d'une bonne qualité compte tenu du domaine artistique considéré, étant de plus relevé que Monsieur X... Y... a déjà consentie à la reproduction de cette photographie dans les magazines WORLD OF INTERIORS et ELLE DÉCORATION alors qu'il n'est pas expliqué en quoi ces publications seraient d'une tenue différente de celle de l'ouvrage en cause. A... que Monsieur X... Y... doit être débouté de ce chef de prétention. SUR LES MESURES RÉPARATRICES A... qu'une mesure d'interdiction sera prononcée dans les termes du dispositif. A... que la photographie a été reproduite en jaquette, sur la couverture et en page intérieure de l'ouvrage, lequel a été publié à 5 000 exemplaires. A... que le tribunal trouve dans ces éléments la matière à fixer le préjudice patrimonial du demandeur à la somme de 2 000 ç et son préjudice moral à la somme de 1 000 ç.

A... qu'il n'y a pas lieu de prononcer une mesure de publication aux frais des sociétés défenderesses à titre de complément de réparation, l'entier préjudice de Monsieur X... Y... ayant été réparé par les condamnations précédentes. SUR L'APPEL EN GARANTIE A... que la société CONRAN OCTOPUS LTD qui a fourni la photographie de l'oeuvre sans détenir les droits de reproduction de cette dernière sera tenue à garantie pour la moitié des condamnations prononcées, la société EDITIONS GRUND ayant l'obligation, en sa qualité de professionnelle, de veiller personnellement au respect des droits des auteurs ayant commis une faute personnelle. SUR LES FRAIS IRREPETIBLES A... que l'équité commande d'allouer à Monsieur

X... Y... la somme de 3 000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE A... que le présent jugement sera assorti de l'exécution provisoire compte tenu du caractère partiellement alimentaire de la créance et de la durée de la procédure. SUR LES DÉPENS A... que les société défenderesses supporteront in solidum les dépens. Z... CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort Statuant sous le bénéfice de l'exécution provisoire Rejette l'exception d'incompétence. Dit qu'en cédant les droits de reproduction et en reproduisant en France l'aménagement de la cuisine dont Monsieur X... Y... est l'auteur, et qui constitue une oeuvre originale, sans son autorisation et sans mentionner son nom, les sociétés CONRAN OCTOPUS LTD et EDITIONS GRUND ont porté atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux et ont ainsi commis des actes de contrefaçon. En conséquence, Fait interdiction à la société EDITIONS GRUND de commercialiser l'ouvrage intitulé CUISINES FONCTIONNELLES tant qu'il comportera la photographie de la cuisine oeuvre de Monsieur X... Y... passé un délai de 2 mois suivant la signification du présent jugement sous astreinte de 100 ç par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai. Dit que le tribunal se réserve expressément le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée en application de l'article 35 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 modifié par l'article 3 de la loi no 92-644 du 13 juillet 1992. Condamne in solidum les sociétés CONRAN OCTOPUS LTD et EDITIONS GRUND à payer à Monsieur X... Y... les sommes suivantes : -2 000 ç en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux -1 000 ç en réparation de l'atteinte portée à son droit au nom. -3 000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Déboute Monsieur X... Y... du surplus de ses prétentions. Condamne la société CONRAN OCTOPUS LTD à garantir la société EDITIONS

GRUND à hauteur de la moitié des condamnations prononcées. Condamne in solidum les sociétés CONRAN OCTOPUS LTD et EDITIONS GRUND aux dépens dont distraction au profit de Maître Angélique BERES, Avocate, pour la part dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision par application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Dit que la charge finale de ces condamnations sera répartie entre les sociétés succombantes suivant le partage précité. Ainsi fait et jugé à Paris le 26 avril 2006 Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948622
Date de la décision : 26/04/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-04-26;juritext000006948622 ?
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