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05/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948835

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 05 avril 2006, JURITEXT000006948835


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/03731 No MINUTE : 1 Assignation du : 25 Février 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 05 Avril 2006

DEMANDEUR Monsieur Jean X... 52 Quai Lucie 94500 CHAMPIGNY SUR MARNE représenté par Me Pierre-Olivier VILLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1917 DÉFENDERESSE S.A. FABRICOM AIRPORT SYSTEMS 7 Allée de la SEINE 94200 IVRY SUR SEINE représentée par Me Pierre André DUBUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K0020 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELF

ORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 05/03731 No MINUTE : 1 Assignation du : 25 Février 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 05 Avril 2006

DEMANDEUR Monsieur Jean X... 52 Quai Lucie 94500 CHAMPIGNY SUR MARNE représenté par Me Pierre-Olivier VILLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1917 DÉFENDERESSE S.A. FABRICOM AIRPORT SYSTEMS 7 Allée de la SEINE 94200 IVRY SUR SEINE représentée par Me Pierre André DUBUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K0020 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 21 Mars 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: Monsieur Jean X... a été embauché par la société TELEFLEX SYSTEMS en 1992 comme directeur recherche et développement. La société TELEFLEX SYSTEMS a été rachetée par la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS. Monsieur Jean X... a été licencié par la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS en 2004. Monsieur Jean X... expose être à l'origine : ô

de l'invention qui a fait l'objet d'un dépôt de demande de brevet en date du 24 juin 1993 sous le no 93 07683 et qui se rapporte à un dispositif de manutention à moteur linéaire comprenant des mobiles circulant le long d'un réseau, lequel brevet a fait l'objet en 1994 d'une extension européenne sous le no EP 0 630 840 B1 et d'une extension américaine sous le no 5 476 047, l'invention ayant été commercialisée sous la marque TELEBAG, ô

de l'invention qui a fait l'objet d'un dépôt de demande de brevet en date du 29 février 2000 sous le no 00 02562 et qui se rapporte à un procédé de transfert de colis et installation de transport agencée

pour mettre en oeuvre un tel procédé, laquelle invention aurait été commercialisée sous le nom de DOUBLE CHARGEMENT DÉCHARGEMENT. Par assignation en date du 25 février 2005, Monsieur Jean X... sollicite de la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS un complément de rémunération de 100 000 ç en application de l'article L. 611-7 1o du code de la propriété intellectuelle et de l'article 26 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ainsi qu'une somme de 1 000 ç HT en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Suivant dernières conclusions, Monsieur Jean X... reprend ses demande et les porte à la somme de 2 500 ç en ce qui concerne les frais irrépétibles. Par dernières écritures, la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS expose que le demandeur a déjà perçu des primes en raison de ses inventions pour un montant total de 16 495,92 ç et in limine litis fait valoir que la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil est acquise pour la première invention depuis le 24 juin 1998. Sur le fond elle affirme qu'il s'agit d'inventions de mission ne présentant pas un intérêt exceptionnel dont l'importance serait sans aucune mesure avec le salaire de l'inventeur selon les termes de l'article 26 de la convention collective. Reconventionnellement la défenderesse sollicite la somme de 2 000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIFS SUR LA PRESCRIPTION Attendu que concernant l'invention qui a fait l'objet de la demande de brevet déposée le 24 juin 1993, la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS soulève l'exception de prescription quinquennale au visa de l'article 2277 du code civil.

Attendu que ce texte dispose que :

"Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement :

Des salaires ;

Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ;

Des loyers, des fermages et des charges locatives ;

Des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts.

Se prescrivent également par cinq ans les actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives." Attendu qu'il est constant que la rémunération supplémentaire des inventions de mission constitue une créance salariale au sens de l'article précité. Attendu que la manifestation d'un litige sur l'existence de la créance ou son montant n'est pas de nature à écarter l'application de la prescription quinquennale, sauf à priver l'article 2277 du code civil de toute portée. Mais attendu que ni la loi ni la convention collective ne fixent un délai dans lequel l'employeur doit verser au salarié la rémunération supplémentaire, que de plus il est constant que cette rémunération est en partie fonction de l'exploitation commerciale de l'invention ; que quand, comme en l'espèce, l'invention est protégée par un brevet, l'employeur, détenteur du titre, a un monopole d'exploitation pendant 20 ans à compter du dépôt du brevet. Attendu pour cette raison que la prescription quinquennale ne peut commencer à courir en ce qui concerne la rémunération supplémentaire due au salarié en raison d'une invention de mission qu'à compter du moment ou la créance devient déterminable c'est-à-dire notamment à compter de la notification par une partie au contrat de travail à l'autre de l'évaluation qu'elle croit pouvoir en faire, ou à défaut de la perte de tout monopole d'exploitation par l'employeur ou encore de la cessation d'exploitation de l'invention si cette dernière est postérieure à l'expiration du brevet. Attendu qu'en l'espèce la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS poursuit l'exploitation du brevet précité du 24 juin 1993. Attendu que

contrairement à ce qu'elle soutient elle n'a pas versé de rémunération supplémentaire en raison de l'invention en 1998 à hauteur de 12000 ç. Attendu par contre que la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS a bien payé en 1997 une prime de 18 293,88 ç à Monsieur Jean X... mais selon les termes même de la lettre de gratification pour "reconnaître les efforts particuliers que vous avez démontrés dans le cadre des affaires télébag à Jersey et Tromsoe". Attendu ainsi que la société défenderesse n'a fait aucune proposition d'attribution de rémunération supplémentaire pour la première invention de son salarié. Attendu que ce dernier a sollicité le paiement de la somme réclamée dans la présente instance pour la première fois par courrier du 3 février 2005. Attendu ainsi qu'il convient de retenir que la prescription quinquennale de l'action en paiement de la rémunération supplémentaire due pour l'invention qui a fait l'objet d'une demande de brevet déposée le 24 juin 1993 commence à courir en l'espèce à compter du 3 février 2005 et n'était donc pas acquise au jour de l'introduction de l'instance. SUR L'ARTICLE 26 DE LA CONVENTION COLLECTIVE Attendu que l'article L. 611-7 1o du code de la propriété intellectuelle dispose que :

"Si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après :

1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou au tribunal de grande instance."

Attendu que l'article 26 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue par arrêté du 27 avril 1973 applicable en l'espèce dispose que :

"Les inventions des ingénieurs et cadres sont régies par les dispositions de la loi no 68-1 du 2 janvier 1968 sur les brevets d'invention, modifiée par la loi no 78-742 du 13 juillet 1978, ainsi que par les dispositions des décrets d'application de cette législation.

Lorsqu'un employeur confie à un ingénieur ou cadre une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, des études ou recherches, à titre permanent ou occasionnel, exclusif ou non exclusif, les inventions dont le salarié serait l'auteur dans l'exécution de cette mission, de ces études ou recherches sont la propriété de l'employeur, conformément au paragraphe I de l'article 1er ter de la loi no 68-1 du 2 janvier 1968 modifiée.

L'auteur de l'invention est mentionné comme tel dans le brevet, sauf s'il s'y oppose.

La rétribution de l'ingénieur ou cadre tient compte de cette mission, de ces études ou recherches et rémunère forfaitairement les résultats de son travail. Toutefois, si une invention dont le salarié serait l'auteur dans le cadre de cette tâche présentait pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de l'inventeur, celui-ci se verrait attribuer, après la délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire pouvant prendre la forme d'une prime globale versée en une ou plusieurs fois.

L'ingénieur ou cadre, auteur d'une invention entrant ou non dans les prévisions des deux alinéas précédents, doit en informer immédiatement son employeur conformément au paragraphe 3 de l'article 1er ter de la loi du 13 juillet 1978 précitée. Il s'interdit toute divulgation de cette invention." Attendu que l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 1990, modifiant l'article 1 ter de la loi du 13 juillet 1978 qui disposait que le salarié, auteur d'une invention de mission, pouvait bénéficier d'une rémunération supplémentaire, dispose que ce salarié doit dorénavant bénéficier d'une telle rémunération supplémentaire. Attendu que l'article 26 alinéa 4 de la convention collective précitée exclut la rémunération supplémentaire pour les inventions ne présentant pas pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de l'inventeur. Attendu que ce texte doit être réputé non écrit comme contraire à l'article L. 611-7 du code de propriété intellectuelle qui est d'ordre public, dès lors que les clauses d'une convention collective ne peuvent restreindre les droits que le salarié tient de la loi. SUR LA RÉMUNÉRATION SUPPLÉMENTAIRE Concernant la première invention

Attendu que Monsieur Jean X... est désigné comme seul inventeur à la demande de brevet no 93 07683 déposée par son employeur et portant sur un dispositif de manutention à moteur linéaire comprenant des mobiles circulant le long d'un réseau. Attendu que Monsieur Jean X... justifie qu'il était alors directeur du secteur recherche développement de l'entreprise qui ne comptait pas d'autre salarié que lui-même. Attendu que le tribunal retient que Monsieur Jean X... est l'unique inventeur de l'innovation brevetée. Attendu que la société défenderesse a installé le dispositif TELEBAG objet de l'invention dans 7 aéroports et fonde une partie de sa communication

sur cette invention. Attendu que la société reconnaît elle-même un chiffre d'affaire lié à l'invention de 20 550 000 ç. Attendu que la rémunération mensuelle de Monsieur Jean X... a varié tout au long de l'exécution du contrat de travail de 3 500 ç à 6 500 ç. Attendu que le tribunal trouve dans ces éléments la matière suffisante à fixer la rémunération supplémentaire due à Monsieur Jean X... à la somme de 30 000 ç. Concernant la seconde invention Attendu que Monsieur Jean X... est désigné comme unique inventeur à la demande de brevet no 00 02562 déposée par son employeur et portant sur un procédé de transfert de colis et sur une installation de transport agencée pour mettre en oeuvre un tel procédé. Attendu qu'il est constant qu'aucun dispositif n'a été commercialisé qui mette en oeuvre les enseignements de ce brevet qui apparaît être une amélioration du système TELEBAG proposée sous le nom commercial de DOUBLE CHARGEMENT DECHARGEMENT. Attendu que ce perfectionnement n'a jamais été commercialisé et que Monsieur Jean X... ne justifie uniquement de ce qu'il a été présenté dans trois appels d'offre qui n'ont pas permis à la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS de remporter les marchés. Attendu que Monsieur Jean X... ne justifie pas de l'intérêt économique de sa seconde invention ; qu'ainsi sa rémunération supplémentaire sera limitée à la somme de 1 000 ç, étant relevé que la loi n'imposant pas une exploitation commerciale de l'invention, le tribunal ne saurait tirer argument de l'absence d'exploitation pour refuser toute rémunération supplémentaire, dès lors que l'employeur a lui-même reconnu l'intérêt de l'invention en la protégeant par le dépôt d'un brevet et en faisant ainsi un actif de l'entreprise. SUR LES FRAIS IRREPETIBLES Attendu que l'équité commande d'allouer à Monsieur Jean X... la somme de 2 500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE Attendu que l'exécution

provisoire sera prononcée s'agissant d'une créance salariale. SUR LES DÉPENS Attendu que la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS supportera les dépens de l'instance. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort Sous le bénéfice de l'exécution provisoire Ecarte l'exception tirée de la prescription. Condamne la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS à payer à Monsieur Jean X... la somme de 31 000 ç à titre de rémunération supplémentaire en application des dispositions de l'article L. 611-7 1o du code de la propriété intellectuelle et la somme de 2 500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la société FABRICOM AIRPORT SYSTEMS aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 05 Avril 2006 Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948835
Date de la décision : 05/04/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-04-05;juritext000006948835 ?
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