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29/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949675

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 29 mars 2006, JURITEXT000006949675


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 04/09814 No MINUTE : Assignation du : 10 Juin 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 29 Mars 2006

DEMANDEUR Monsieur Yves-Michel X... 28 Quai du Louvre 75001 PARIS représenté par Me Henri LATSCHA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R076 DÉFENDERESSE Madame Estelle Y... 316 Querbes Outremont QUEBEC H2V 3W3 (CANADA) représentée par Me Natacha RENAUDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P224 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signatai

re de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Ju...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 04/09814 No MINUTE : Assignation du : 10 Juin 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 29 Mars 2006

DEMANDEUR Monsieur Yves-Michel X... 28 Quai du Louvre 75001 PARIS représenté par Me Henri LATSCHA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R076 DÉFENDERESSE Madame Estelle Y... 316 Querbes Outremont QUEBEC H2V 3W3 (CANADA) représentée par Me Natacha RENAUDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P224 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 13 Mars 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: Monsieur Yves-Michel X... déclare être l'auteur de trois schémas intitulés "Le processus de l'IE", "Poser les bonnes questions" et "Les sources d'information" qu'il a présentés lors d'une conférence à CHICAGO du 25 au 28 mars 1998. Par assignation en date du 10 juin 2004, Monsieur Yves-Michel X... fait grief à Madame Estelle Y... d'avoir commis des actes de contrefaçon de ces schémas en établissant des "transparents" très proches à l'occasion d'une conférence qui s'est tenue à PARIS en novembre 2003. En réparation le demandeur sollicite la remise des "transparents" contrefaisants ainsi que la somme de 55 000 ç à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Par dernières conclusions, Madame Estelle Y... demande au tribunal de constater la nullité de l'assignation au visa de l'article 56 du nouveau code de procédure civile au motif que le fondement de droit serait tout à la fois

l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et l'article 1382 du code civil et que les moyens de fait feraient défaut, l'oeuvre dont la protection est revendiquée n'étant pas précisée. La défenderesse demande que soient écartées des débats la pièce no 14, faute d'être traduite en français, et la pièce 16, faute d'avoir été communiquée. Madame Estelle Y... demande encore au tribunal de déclarer Monsieur Yves-Michel X... irrecevable à agir au motif que la demande a deux fondements juridiques distincts et qu'il ne prouve pas sa qualité d'auteur des schémas qu'il produit et au motif qu'il n'aurait pas d'intérêt légitime à agir (sic). A titre subsidiaire Madame Estelle Y... conteste le caractère protégeable par le droit d'auteur des travaux de Monsieur Yves-Michel X... qui seraient purement techniques et ne porteraient pas l'empreinte de la personnalité de leur auteur. A titre plus subsidiaire la défenderesse soutient qu'elle bénéficie de l'autorisation tacite et non équivoque du demandeur pour utiliser ses schémas. A titre reconventionnel, Madame Estelle Y... fait grief à Monsieur Yves-Michel X... d'avoir commis des actes de contrefaçon de ses oeuvres à savoir trois pages de l'intranet de la société TELEGLOBE et sollicite la somme de 10 000 ç à titre de dommages et intérêts. Elle reproche encore au demandeur d'être rentré en possession de documents de façon illégale et de les avoir utilisés et sollicite la somme de 10 000 ç à titre de réparation ainsi que la somme de 1 ç au titre de son préjudice moral. Enfin elle réclame la somme de 12 000 ç au titre des frais irrépétibles. Suivant dernières écritures Monsieur Yves-Michel X... reprend ses demandes et les porte à la somme de 112 000 ç pour ce qui est des dommages et intérêts et à celle de 8 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Enfin il conteste avoir commis des actes de contrefaçon au motif qu'il n'aurait reproduit les trois pages en cause que sous forme de vignettes

minuscules au contenu illisible et purement décoratif pour les citer comme une bonne pratique. La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 7 novembre 2005. MOTIFS SUR LA VALIDITÉ DE L'ASSIGNATION Z... que la défenderesse conteste la validité de l'assignation au motif que les moyens de droit ne seraient pas précisés, le fondement de l'action oscillant entre la contrefaçon et la responsabilité civile. Mais attendu que l'assignation demande en premier lieu au tribunal de : "dire et juger que Madame Estelle Y... s'est livrée à des actes constitutifs de contrefaçon au détriment de Monsieur Yves-Michel X..." Z... que l'action est clairement fondée en droit sur la violation des droits d'auteurs de Monsieur Yves-Michel X... Z... qu'il est encore reproché à l'assignation de ne pas désigner précisément les oeuvres dont la protection est revendiquée. Z... qu'en pièce 14 jointe à l'assignation figure la copie à l'identique des schémas du demandeur opposés à la défenderesse. Z... ainsi que l'assignation désigne nécessairement les trois schémas originaux comme les oeuvres dont la protection est sollicitée. Z... ainsi que le tribunal estime que l'assignation satisfait aux exigences de l'article 56 du nouveau code de procédure civile et n'encourt pas de grief de nullité. SUR LE REJET DES PIÈCES No14 ET No16 Z... que a défenderesse demande au tribunal d'écarter des débats la pièce no 14, faute d'être traduite en français, et la pièce 16, faute d'avoir été communiquée. Z... qu'il apparaît bien que la pièce no 14 n'a pas été traduite et la pièce no 16 communiquée ; qu'ainsi il y a lieu de les écarter des débats. SUR LA QUALITÉ D'AUTEUR DE MONSIEUR YVES-MICHEL X... Z... que la qualité d'auteur de Monsieur Yves-Michel X... est contestée. Mais attendu que ce dernier établit par des témoignages de personnes ayant assisté à ses prestations la divulgation de ses oeuvres dans des conférences ; Z... que la diffusion de ces trois schémas sous

le crédit de la société EGIDERIA ne saurait détruire la véracité de ces témoignages dès lors que Monsieur Yves-Michel X... est le gérant de cette société.

Z... qu'ainsi le tribunal retient que Monsieur Yves-Michel X... est bien l'auteur des oeuvres en cause. SUR L'ORIGINALITÉ DES OEUVRES Z... que selonl'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

"Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination." Z... que selon une interprétation constante seules constituent des "oeuvres de l'esprit" au sens de ce texte les oeuvres qui sont originales, c'est-à-dire qui portent l'empreinte de la personnalité de l'auteur, et qui sont pourvues d'une forme. Z... que les autres créations immatérielles ne peuvent prétendre à la protection par le droit d'auteur. Z... que le tribunal relève de façon préalable que l'auteur ne sollicite pas la protection d'articles, d'ouvrages ou de textes de conférence par lesquels il aurait présenté ses théories mais de 3 schémas qu'il expose avoir créés pour venir au soutien d'interventions orales. Sur l'originalité de l'oeuvre intitulée "Le processus de l'IE" Z... que l'oeuvre intitulée "Le processus de l'IE" se présente comme un schéma en blanc sur fond sombre qui outre le titre précité se compose de 6 représentations symboliques disposées sur une ligne et encadrées de texte comme il va être dit. Z... que la première d'entre elles est un point d'interrogation et se trouve surmontée du texte suivant : "Bien poser la question". Z... que la deuxième est une rose des vents surmontant le texte suivant :

"Cartographie des sources". Z... que la troisième est un cercle entouré de 8 triangles pointant vers son centre et surmonté du texte suivant : "Approche des sources". Z... que la quatrième est

un puzzle qui surmonte le texte suivant : "Analyse etamp; synthèse". Z... que la cinquième est un organigramme quadriparti parcouru par de multiples flèches et se trouve surmontée du texte : "Diffusion de l'information". Z... que la sixième est une flèche à double sens et s'intitule "Feedback". Z... qu'aucune de ces représentations figurées n'est revendiquée en tant que telle, le demandeur reconnaissant qu'il s'agit de graphismes dont il n'est pas l'auteur. Z... que l'enchaînement des légendes qui est le suivant : "Bien poser la question. Cartographie des sources. Approche des sources. Analyse et synthèse. Diffusion de l'information. Feedback" est banal pour décrire le processus de l'intelligence économique et ne témoigne que d'une application à la matière de concepts triviaux en science de l'organisation et des systèmes que sont la cartographie, l'approche, l'analyse, la synthèse, la diffusion et la rétroaction. l'approche, l'analyse, la synthèse, la diffusion et la rétroaction. Z... que la combinaison des 6 éléments figuratifs avec leurs légendes ne témoigne pas plus d'une quelconque originalité étant relevé que les éléments figuratifs ne sont pas en eux-même originaux et se contentent d'illustrer un enchaînement conceptuel lui-même banal. Z... ainsi que le schéma intitulé "Le processus de l'IE" ne bénéficie pas de la protection du droit d'auteur. Sur l'originalité de l'oeuvre intitulée "Poser les bonnes questions" Z... que le schéma intitulé "Poser les bonnes questions" se compose de deux ellipses présentant une intersection. L'ellipse de gauche est surmontée de la mention "Wants Ce que le décideur demande" et contient les locutions suivantes "Gaspillage des ressources. Info statut. Info inutile. Info fatale". L'intersection contient les mentions "Ignorance savante. Intelligence orientée". L'ellipse de droite contient les termes "Ignorance profonde. Intelligence tous azimuts serendipity" et se trouve surmontée de la mention "NEEDS Ce

dont le décideur a vraiment besoin". Le tout surmonte le texte suivant : "Exemple : en recherchant des informations sur la structure de coûts d'un produit concurrent, on découvre une entente sur les prix." Z... qu'il convient tout d'abord de relever que la protection de l'usage de deux ellipses présentant une intersection n'est pas revendiquée. Z... que l'originalité revendiquée est celle de la formalisation de la théorie présentée par le schéma. Mais attendu que, comme il ressort de la description qui en a été faite, le schéma en cause n'explicite pas à lui seul la théorie de l'auteur, faute d'être compréhensible, même dans ses grandes lignes, sans les développements oraux qui l'accompagnaient, et dès lors ne donne pas à la théorie de l'auteur une forme protégeable par le droit d'auteur. Sur l'originalité de l'oeuvre intitulée "Les sources d'information"

Z... que le schéma intitulé "Les sources d'information" se compose de 3 rectangles précédés des indications "Masse" et "Valeur" et portant pour la première les valeurs respectives de 80 %, 15 % et 5 % et pour la seconde les valeurs de 15 %, 80% et 5 %. En dessous du premier rectangle figures les mentions "Doc papier. BD en ligne. Internent", en dessous du second sont portées les mentions "Latente. Village. Reseaux. Concurrents", en dessous du troisième figures les termes "Vols. Intrusions. Ecoutes. Corruption". Le tout est suivi du texte suivant : "Exemple : 100 interviews réalisées à partir de CV d'anciens stagiaires et employés trouvés sur Internet. 2 personnes ont été très bavardes."

Z... que comme précédemment, en raison de la banalité des éléments graphiques, la protection par le droit d'auteur ne pourrait être conférée qu'à la formalisation de la théorie de l'auteur présentée par le schéma. Mais attendu que ce schéma se contente d'expliciter que 80 % de l'information, sous forme papier, base de données en ligne ou internet ne représente qu'une valeur de 15% alors

qu'une information plus chaude ne représente que 15 % de la masse totale mais 80% de la valeur, le tout hors 5% d'information illicite. Z... que le propos ainsi résumé est trivial et ne manifeste pas d'originalité dans le domaine de l'intelligence économique et plus largement des théories de l'information. Z... que la présentation de la théorie de l'auteur, au delà de ces éléments triviaux, est trop peu formalisée par ce dernier schéma pour être éligible à la protection par les droits d'auteurs. SUR LA DEMANDE PRINCIPALE EN CONTREFAOEON Z... dès lors que les oeuvres du demandeur ne bénéficient pas de la protection par le droit d'auteur, l'action en contrefaçon est privée d'objet. SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN CONTREFAOEON Z... que Madame Estelle Y... reproche reconventionnellement à Monsieur Yves-Michel X... d'avoir commis des actes de contrefaçon de trois oeuvres dont elle serait l'auteur et qui consisteraient en des pages informatiques du site de la société TELEGLOBE. Mais attendu que Madame Estelle Y... ne produit pas au tribunal les oeuvres dont elle sollicite la protection ; qu'ainsi elle met ce dernier dans l'impossibilité d'apprécier les actes de contrefaçon qui sont contestés en défense. Z... en conséquence que Madame Estelle Y... sera déboutée de sa demande reconventionnelle. SUR L'APPROPRIATION FAUTIVE DE PIÈCES Z... que Madame Estelle Y... reproche à Monsieur Yves-Michel X... d'être rentré en possession de documents de façon illégale et de les avoir utilisés dans le cadre de la présente procédure. Mais attendu que la défenderesse ne rapporte pas la preuve de ce que Monsieur Yves-Michel X... aurait frauduleusement soustrait les pièces qu'il produit; SUR LES FRAIS IRREPETIBLES Z... qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais par elles exposés et non compris dans les dépens. SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE Z... que la demande de prononcé de l'exécution provisoire est devenue sans objet au regard

du contenu de la présente décision. SUR LES DÉPENS Z... que le demandeur qui succombe supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort Rejette l'exception de nullité de l'assignation. Ecarte des débats les pièces no 14 et 16 visées au bordereau de communication du demandeur.

Déclare Monsieur Yves-Michel X... recevable à agir. Déboute Monsieur Yves-Michel X... de l'ensemble de ses prétentions.

Déboute Madame Estelle Y... de ses demandes reconventionnelles. Dit n'y avoir pas lieu à prononcer l'exécution provisoire ni a application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne Monsieur Yves-Michel X... aux dépens dont distraction au profit de la SCP CHEMOULI DAUZIER et associés, Avocat, par la part dont elle a fait l'avance sans en avoir reçue provision en application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Ainsi fait et jugé à Paris le 29 mars 2006 Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949675
Date de la décision : 29/03/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-03-29;juritext000006949675 ?
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