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22/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949908

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 22 mars 2006, JURITEXT000006949908


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 03/03518 No MINUTE : Assignation des 10 Février 2003 et 12 février 2003 Expéditions exécutoires délivrées le :

JUGEMENT rendu le 22 Mars 2006

DEMANDERESSE S.A. VALOROM 4 Rue Marivaux 75002 PARIS représentée par Me Jacques ARMENGAUD de la SEP J.ARMENGAUD etamp; S.GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W07 DÉFENDEURS Monsieur Max X... 5 Route de la Ferté 89710 VOLGRE représenté par Me Vincent CAMPION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M785 Société ENTREPRISE Y...

41320 SAINT JULIEN Z... CHER représentée par Me Yves BAKRA, avocat au barr...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 03/03518 No MINUTE : Assignation des 10 Février 2003 et 12 février 2003 Expéditions exécutoires délivrées le :

JUGEMENT rendu le 22 Mars 2006

DEMANDERESSE S.A. VALOROM 4 Rue Marivaux 75002 PARIS représentée par Me Jacques ARMENGAUD de la SEP J.ARMENGAUD etamp; S.GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire W07 DÉFENDEURS Monsieur Max X... 5 Route de la Ferté 89710 VOLGRE représenté par Me Vincent CAMPION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M785 Société ENTREPRISE Y... 41320 SAINT JULIEN Z... CHER représentée par Me Yves BAKRA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 973 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY, Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS : Caroline LARCHE GREFFIER LORS DU PRONONCE : Léoncia BELLON DEBATS A l'audience du 28 Novembre 2005 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort Par acte des 10 et 12 février 2003, la Société VALOROM a fait assigner devant ce Tribunal Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... en contrefaçon du brevet d'invention français no 2 762 313 dont elle est propriétaire. Dans ses dernières conclusions du 25 janvier 2005, la Société VALOROM a demandé à la juridiction saisie de : - déclarer irrecevable et en tout état de cause mal fondée la Société ENTREPRISE Y... en toutes ses demandes, fins et prétentions et l'en débouter, - déclarer irrecevable et en tout état de cause mal fondé Monsieur Max X... en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter, - dire et juger qu'en détenant, en offrant en vente, en vendant et en faisant la promotion tant sur le site internet que sur la plaquette d'un procédé et d'une installation qui reproduisent le brevet no 2 762 313 appartenant à la Société VALOROM, notamment les caractéristiques protégées par les revendications 1 à

de traitement d'ordures ménagères, de boues et graisses d'épuration qui permettent d'obtenir un combustible de substitution industriel, un amendement organo-calcique, un matériau isolant". Il indique que ce procédé "met en oeuvre des ordures ménagères broyées, déferraillées, des boues et graisses d'épuration et de la chaux vive en poudre ou fins granulés qui permettent une réaction physico-chimique de déshydratation et d'oxydation, sous l'élévation de la température et une stabilisation des produits sécurisante". Il explique qu' "au contact des éléments humides, la chaux vive va permettre d'obtenir une élévation des températures importantes (de 250 o à 300 o) provoquant une déshydratation sans flamme et sans oxygène, qu'après huit heures les éléments sont stabilisés tout en garantissant un produit dont le pouvoir calorifique atteint environ 3.500 P.C.I. ; que le produit déshydraté est ensuite dirigé vers un broyeur pour obtenir un produit pulvérulent, soit un produit prêt à être bouchonné pour l'emploi agricole". Le brevet comporte cinq revendications, toutes invoquées au soutien de la demande de contrefaçon et dont il est demandé reconventionnellement la nullité de chacune d'entre elles. Leur Leur contenu est le suivant :

Revendication 1 : "Procédé de traitement d'ordures ménagères, de boues et graisses d'épuration afin de les valoriser comportant les étapes suivantes : - chargement dans une fosse de brassage d'une

composition comportant : 60 % d'ordures ménagères, 20 % de boues et graisses, 20 % de chaux vive, - homogénéisation au moyen de la vis sans fin de la fosse de façon à élever la température de 250 à 300 o c et à produire un produit valorisé et déshydraté, - broyage en poudre du produit valorisé prêt à l'emploi". Revendication 2 :

"Procédé de traitement selon revendication no 1 qui consiste avant chargement à broyer des ordures ménagères et les déferrailler pour obtenir une granulométrie de 8 à 10 cm". Revendication 3 : "Procédé 5, Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... ont contrefait ledit brevet au sens de l'article L.615-1 du Code de la propriété intellectuelle, - faire défense à Monsieur Max X... et à la Société ENTREPRISE Y... de faire fabriquer, détenir, offrir en vente et vendre le procédé et l'installation contrefaisants et ce sous astreinte de 15.000 euros par installation contrefaisante détenue, offerte en vente et/ou vendue et par jour de diffusion sur le site internet et par plaquette commerciale diffusée à compter de la signification du jugement à intervenir, - ordonner à la Société ENTREPRISE Y... de procéder au démontage de l'installation contrefaisante et ce sous astreinte de 15.000 euros à compter de la signification du jugement à intervenir, - condamner in solidum Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... à réparer l'entier préjudice subi par la Société VALOROM causé par des actes de contrefaçon et les condamner d'ores et déjà à payer à la Société VALOROM la somme de 300.000 euros à titre de provision sur les

dommages et intérêts qui lui sont dûs en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon, - désigner un expert avec mission de rechercher et de fournir tous les éléments d'appréciation susceptibles de déterminer le montant définitif des dommages et intérêts alloués à la Société VALOROM en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis par la Société ENTREPRISE Y... et Monsieur Max X..., - ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux au choix de la Société VALOROM et aux frais in solidum de Monsieur Max X... et de la Société ENTREPRISE Y..., - ordonner en raison de l'urgence l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans dépôt de caution, - condamner in solidum Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... à payer à la Société VALOROM la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure

de traitement selon revendication no 1 qui consiste à incorporer des boues et graisses d'épuration". Revendication 4 : "Procédé de traitement selon revendication no 1 qui consiste à incorporer de la chaux vive en poudre ou petits granulés". Revendication 5 : "Unité de traitement industriel pour la mise en oeuvre du procédé selon l'une des quelconques revendications précédentes caractérisée en ce qu'elle comporte les matériels suivants : Un bâtiment industriel, une fosse de réception des ordures, une table de tri, un ensemble de broyage no I équipé de déferraillage (ferreux et non ferreux), une fosse de malaxage, deux cuves de stockage de boues et graisses, une fosse de stockage de réactif, une plate forme de déshydratation, un aspirateur sur laveur d'air, un ensemble de broyage no II équipé d'un dépoussiéreur, un silo de réception de stockage des produits finis". La Société VALOROM précise à juste titre dans ses écritures que l'essence même de son brevet consiste à concevoir un mélange ternaire, c'est-à-dire fait de trois composants : - les ordures ménagères qui constituent la plus grande partie du mélange et qui sont les produits que l'on cherche à traiter, - la chaux vive qui

constitue le réactif permettant de transformer les ordures ménagères en un produit valorisé pouvant être répandu sur les sols agricoles, - les boues et graisses qui constituent un liant fortement hydraté destiné à faciliter l'homogénéisation, c'est-à-dire le mélange intime de la chaux vive avec les ordures ménagères et donc la réaction chimique recherchée. Contrairement à ce que soutient la Société VALOROM, les proportions revendiquées dans son brevet ne peuvent être considérées comme données à titre indicatif, dès lors qu'elles ne sont pas présentées comme telles ni sous forme de fourchette et qu'elles sont au contraire une des caractéristiques composant la revendication 1 et donc essentielles à celle-ci. Ces proportions ne sont pas au demeurant indifférentes puisqu'il s'agit avant tout de civile, - condamner in solidum Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... en tous les dépens qui pourront être recouvrés par Maître Jacques ARMENGAUD de la SEP J.ARMENGAUD et S. GUERLAIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Dans ses dernières écritures du 28

septembre 2004, Monsieur Max X... a demandé au Tribunal de : - dire et juger la Société VALOROM aussi irrecevable que mal fondée en ses demandes, l'en débouter, - condamner la Société VALOROM à payer à Monsieur Max X... la somme de 150.000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, - condamner la Société VALOROM à payer à Monsieur Max X... la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - ordonner l'exécution de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution, - condamner la Société VALOROM en tous les frais et dépens de l'instance. Dans ses dernières conclusions du 11 janvier 2005, la Société ENTREPRISE Y... a demandé à la juridiction saisie de : Vu les articles L.611-10, L.611-14, L.613-3, L.613-25, L.615-1 du Code de la propriété intellectuelle, - déclarer nul et de nul effet le brevet publié sous le numéro 2 762 313 déposé le 21 avril 1997 sous le no 97 05007, délivré le 5 mai 2000, - débouter la Société VALOROM de toutes ses demandes, fins et conclusions, - le cas

échéant, à titre infiniment subsidiaire, nommer un expert avec mission de réunir les éléments permettant de définir et éventuellement de valider l'activité inventive, susceptible de brevetabilité, résidant dans la réaction chimique, pendant une durée de huit heures, d'un mélange homogénéisé comprenant 60 % d'ordures ménagères, 20 % de boue et graisse et 20 % de chaux vive, - condamner la Société VALOROM à verser à la Société ENTREPRISE Y..., en réparation du préjudice subi par le caractère manifestement abusif de la procédure engagée, la somme de 50.000 euros, - condamner la Société VALOROM à verser à traiter des ordures ménagères, donc présentes en plus grande quantité, à l'aide de la chaux vive qui est un réactif coûteux et qu'il est donc nécessaire d'utiliser de manière parcimonieuse grâce notamment aux éléments humides que sont les boues et graisses destinées à faciliter l'homogénéisation et la réaction chimique, d'où une proportion moindre pour ces deux derniers composants par rapport aux ordures ménagères mais équivalente entre eux eu égard à la contrainte de coût. Z... la demande de

nullité du brevet pour défaut d'activité inventive : Les défendeurs soulèvent la nullité du brevet no 97.05007 pour défaut d'activité inventive. A cet effet, ils invoquent d'une part l'état de la technique antérieure dont découlerait de manière évidente le processus revendiqué par la Société VALOROM, s'agissant des réactions physico-chimiques connues et de l'élévation de température générées par la chaux, d'autre part un brevet européen MOULINEC no 0306430 délivré le 19 novembre 1992 qui mettrait en oeuvre un procédé identique de traitement des déchets à l'aide de chaux. Si l'état de la technique antérieure connaît sans conteste les effets de la chaux, il convient de relever que le brevet VALOROM va au-delà et revendique un mélange de trois composants dont certes la chaux, dans des proportions spécifiques, permettant de transformer les ordures ménagères en un produit valorisé pouvant être répandu sur les sols agricoles ou sous le revêtement des routes comme matériau isolant. En conséquence, les réactions physico-chimiques connues de la chaux et utilisées par le breveté ne constituent pas l'essentiel de l'enseignement du brevet de la Société VALOROM. Quant au brevet

MOULINEC, il divulgue un "procédé et machine de traitement des déchets hydrocarbonés" ayant pour but de pallier les inconvénients de la chaux vive en poudre ou utilisée sous forme de particules de la grosseur d'un grain de blé. Il s'agit plus précisément selon la revendication 1 d' un : "Procédé de traitement la Société ENTREPRISE Y... la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS La Société VALOROM se dit propriétaire d'un brevet d'invention français déposé le 21 avril 1997 sous le no 97 05007, publié le 23 octobre 1998 sous le no 2 762 313 et délivré le 5 mai 2000 portant sur un "procédé de traitement des ordures ménagères, boues et graisses d'épuration". Z... la titularité des droits de la Société VALOROM : Il résulte des pièces versées aux débats que la demande du brevet en cause a été déposée le 21 avril 1997 par la société ENVIRONNEMENT DEPOLLUTION SERVICE dite EDS, laquelle apparaît bien en qualité de "déposant" dans la requête en délivrance, Monsieur Max X...- société

EDS étant désigné comme l'inventeur. Par acte sous seing privé du 29 septembre 1997, la société EDS a cédé à la société DCM cette demande de brevet, le cessionnaire jouissant de tous les droits attachés à ladite demande de brevet à compter de la signature de l'acte. Cette cession a fait l'objet d'une inscription à l'INPI le 19 novembre 1998 sous le no 110191. La Société ENTREPRISE Y... fait valoir à cet égard que sur la requête en délivrance datée du 21 avril 1997, la société DCM apparaît déjà en qualité de titulaire de la demande de brevet, alors que la cession n'a eu lieu entre la société EDS et la société DCM qu'au mois de septembre 1997. La Société VALOROM réplique que la distinction entre le déposant (la société EDS) et le titulaire (la société DCM) dans le formulaire de requête signifie simplement que la demande de brevet a été cédée par la société EDS à la société DCM postérieurement à la date de dépôt. Il ressort effectivement de la demande de brevet d'invention déposée le 21 avril 1997 que celle-ci ne mentionne que la société EDS en

de déchets ou résidus hydrocarbonés avec de l'oxyde de calcium anhydre, consistant à : e) mélanger ces déchets avec de l'oxyde de calcium en granulats, g) malaxer le mélange, h) laisser se développer la réaction exothermique, caractérisé en ce que le granulat utilisé comporte moins de 3 % de grains de calibre inférieur à 3 mm et contient par ailleurs des particules de calibre pouvant atteindre 140 mm et en ce que la granulométrie moyenne et la réactivité dudit granulat sont choisies en fonction du substrat à traiter pour que ladite réaction exothermique ait une durée comprise entre un quart d'heure environ et trois heures environ et qu'à terme le produit résultant soit à l'état final désiré". Selon la partie descriptive du brevet, celui-ci concerne le traitement des déchets ou résidus hydrocarbonés pétroliers ainsi que des graisses végétales et animales ou encore provenant des machines-outils que l'on mélange avec de la chaux aux caractéristiques bien précises, alors que le brevet de la Société VALOROM porte sur des ordures ménagères et un mélange de trois composants. Ainsi, il n'est pas question dans le brevet antérieur de boues et graisses d'épuration pour favoriser la réaction chimique de la chaux, dès lors que le brevet MOULINEC traite de

substances (hydrocarbures ou graisses végétales et animales) liquides ou quasi-liquides se mélangeant aisément aux granulats de chaux sans qu'il soit nécessaire de recourir à un quelconque liant. Le brevet MOULINEC fait par ailleurs état toujours dans sa partie descriptive d'une proportion de chaux vive de l'ordre de 50 %, bien supérieure à la proportion préconisée dans le brevet de la Société VALOROM. Enfin, le procédé VALOROM permet d'obtenir un produit valorisé pouvant être utilisé comme amendement agricole, combustible de substitution industriel ou matériau isolant, alors que le produit issu du procédé MOULINEC est destiné à la mise en décharge. En conséquence, le procédé du brevet VALOROM n'est pas identique à celui du brevet qualité de demandeur. Dès lors, la requête en délivrance dont la date ne peut être déterminée avec certitude mais manifestement établie postérieurement au dépôt de la demande traduit la situation des parties résultant de la cession intervenue entre elles mais non encore inscrite. En tout état de cause, la cession de la demande de brevet a bel et bien eu lieu et a été inscrite à l'INPI le 10 novembre 1998 comme une transmission totale de propriété au bénéfice

de la société DCM. Au surplus, le brevet a été délivré le 5 mai 2000 à la société DCM. Monsieur Max X... fait état pour sa part d'un problème de compétence de l'assemblée générale des associés de la société EDS ayant approuvé la cession de la demande de brevet et de vil prix auquel est intervenue cette cession. Ces allégations dont il n'est tiré aucune conséquence quant à une éventuelle nullité ou inopposabilité de la cession de demande de brevet sont sans incidence sur l'existence de cette cession inscrite à l'INPI, et ainsi opposable aux tiers, dont la Société VALOROM est bien fondée à se prévaloir. Par la suite, la Société VALOROM a acquis de la société DCM tous les droits de propriété et de jouissance afférents audit brevet, suivant un acte sous seing privé du 15 juin 2000 inscrit à l'INPI le 4 juillet 2000 sous le no 118050. La Société VALOROM justifie enfin du paiement régulier des annuités jusqu'au 30 juin 2003, concomitamment à la délivrance de l'assignation. En conséquence, il convient de considérer que la Société VALOROM est bien titulaire du brevet d'invention français no 97 05007. Elle fonde sa demande en contrefaçon sur ce seul brevet français et non sur la

demande de brevet international PCT/FR97/00846 citée par Monsieur Max X... Z... l'objet et la portée du brevet no 97 05007 : Le brevet no 97 05007 a pour objet un "procédé de traitement des ordures ménagères, boues et graisses d'épuration". Le breveté commence par décrire son invention comme "un procédé et une structure industrielle MOULINEC. De surcroît, compte tenu des différences significatives existant entre ces deux brevets portant à la fois sur les produits de base à traiter, sur les composants du procédé, sur la proportion du réactif chimique qu'est la chaux et sur le produit final obtenu, il apparaît que le procédé breveté de la Société VALOROM implique une activité inventive propre ne découlant pas d'une manière évidente pour l'homme du métier de l'état de la technique. La revendication 1 du brevet de la Société VALOROM qui recèle le coeur de l'invention étant validée, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens de nullité tirés du défaut d'activité inventive des autres revendications toutes dépendantes de la revendication 1 et ne faisant que préciser celle-ci en vue d'un résultat commun, les revendications 2, 3, 4 et 5 devant

dès lors être considérées comme valables. La Société ENTREPRISE Y... sera donc déboutée de sa demande de nullité du brevet français no 97 05007 dont est propriétaire la Société VALOROM. Z... la contrefaçon : La Société VALOROM verse à titre de preuve des actes de contrefaçon reprochés à Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... :- un procès-verbal de constat du 8 octobre 2002 réalisé sur le site internet wanadoo.fr/michelmaleysson, - une brochure diffusée par la Société ENTREPRISE Y... intitulée "Visitez le Centre "CALCIOR" (unité mobile expérimentale), - un reportage télévisé sur le Centre CALCIOR de Villefranche/Cher diffusé le 24 octobre 2002 sur France 2, - des attestations de tiers spécialisés dans le domaine du traitement des déchets ou travaillant avec Monsieur Max X... La Société ENTREPRISE Y... remet en cause le procès-verbal de constat du 8 octobre 2002 comme étant sans rapport et sans lien avec la Société ENTREPRISE

Y..., celle-ci n'étant ni le créateur ni l'hébergeur du site internet dont le contenu est retranscrit dans le procès-verbal et dont il ne peut résulter à son endroit aucune obligation ni responsabilité. Elle fait observer qu'il incombait à la Société VALOROM pour établir la preuve des faits de contrefaçon allégués de faire pratiquer une saisie descriptive de l'installation dont elle soupçonnait l'existence sur le site géographique appartenant à la Société ENTREPRISE Y... Monsieur Max X... fait valoir pour sa part que l'installation mise en place par la Société ENTREPRISE Y... sur le site en question utilise uniquement, et ce avec son autorisation, le brevet qu'il a déposé le 22 juin 1999 sous le no 99 08061 et délivré le 22 mars 2002 sous le no 2 795 401 ayant pour objet "le traitement par voie chimique de matières organiques solide liquide", lequel a fait l'objet d'une demande internationale no PCT/ FR 01/00597 déposée le 22 février 2001 et publiée le 24 octobre 2002. Et Monsieur Max X... de soutenir que son brevet n'a rien

à voir avec le brevet de la Société VALOROM tant dans sa rédaction que dans le procédé de traitement mis en oeuvre pour lequel il a par ailleurs déposé la marque CALCIOR. Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L.615-5 du Code de la propriété intellectuelle, le propriétaire d'un brevet a la possibilité de faire la preuve par tous moyens de la contrefaçon dont il se prétend victime, la saisie descriptive avec ou sans saisie réelle n'étant qu'une faculté laissée à la libre appréciation de celui-ci. En l'espèce, s'il est manifeste que la Société ENTREPRISE Y... n'est pas le créateur ou l'hébergeur du site internet dont le procès verbal de constat du 8 octobre 2002 fait état, celui-ci appartient à Monsieur Michel A... qui se présente sur le site comme l'agent commercial pour la France du procédé CALCIOR qui y est décrit, de sorte que la Société ENTREPRISE Y... ne peut sérieusement soutenir que le contenu du site est sans rapport ni lien avec elle. En tout état de cause, le contenu de ce site est repris dans une brochure intitulée "Visitez le Centre CALCIOR" dont il n'est pas contesté qu'elle est

diffusée par la Société ENTREPRISE Y... et qui révèle en page de couverture les informations suivantes : CENTRE EXPERIMENTAL CALCIOR Brevet français et international no PCT/Fr 01 00597 Concepteur : Max X... Propriétaire du site et du matériel : Y... S.A. Cette brochure décrit le procédé dénommé CALCIOR mis en application sur le site de VILLEFRANCHE/CHER en ces termes : "Le procédé consiste à incorporer aux déchets préalablement triés et broyés, des boues et graisses de stations d'épuration ainsi que, par une adjonction mécanique, un mélange d'oxyde, d'hydroxyde de calcium et d'un adjuvant réactif liquide, permettant d'opérer sur les déchets une déshydratation et un blocage des métaux lourds ainsi que le traitement des ammoniaques". Il en résulte que les composants utilisés dans le procédé CALCIOR reproduisent ceux du mélange ternaire du brevet VALOROM, à savoir des ordures ménagères, des boues et graisses d'épuration et de la chaux vive. Certes, les proportions du mélange traité ne sont pas mentionnées dans cette brochure.

Néanmoins, il résulte de deux attestations de tiers, Monsieur Didier B..., responsable projets d'investissements environnementaux, et Monsieur Nicolas C..., ingénieur environnement, responsable projets à la société STEP INDUSTRIES, tous deux intéressés par le traitement de déchets "propre" et ayant visité le site expérimental de VILLEFRANCHE/CHER que les mêmes proportions ont été reprises pour les trois composants. Ainsi l'attestation de Monsieur Didier B... précise-t-elle : "nous avons pu vérifier l'extrême rapprochement entre les deux méthodes puisque, autant que nous nous en souvenons, les proportions des différentes matières et produits introduits dans le container étaient quasiment identiques, soit environ 3/5 de déchets organiques, 1/5 de boue, 1/5 de produit réactif. Seul l'adjonction en faible quantité d'un produit dont la composition ne nous a pas été révélée différencie cette méthode de la vôtre (celle de la Société VALOROM)". Enfin, le reportage diffusé sur

France 2 relatif à l'installation expérimentale de la Société ENTREPRISE Y... retrace les différentes étapes du procédé CALCIOR, à savoir le tri des déchets ménagers, le broyage, le mélange avec addition de chaux et de réactif liquide, l'élévation de la température à 250o-300o permettant l'hygiènisation et la déshydratation des produits et enfin le criblage, soit les mêmes étapes que celles figurant dans les revendications 1 et 2 du brevet de la Société VALOROM. Monsieur Max X... ne saurait à cet égard s'exonérer du grief de contrefaçon au prétexte que le procédé argué de contrefaçon ferait l'objet de son propre brevet enseignant un procédé complètement différent de celui de la Société VALOROM. La revendication principale no 1 du brevet français X... no 99 08061 ou du brevet international PCT/Fr 01 00597 fait état d'un "procédé de traitement et de valorisation des déchets organiques, caractérisé par une adjonction mécanique d'oxyde et d'hydroxyde de calcium calibré, et d'un adjuvant réactif liquide, permettant d'opérer sur les déchets, le blocage des métaux lourds ainsi que le traitement des ammoniaques,

provoquant une réaction physico-chimique, exothermique naturel pouvant atteindre 250 à 300o, sans lumière et sans oxygène pour éviter l'enflamement des matières à traiter comparable au phénomène de la thermolyse". Il convient de relever que le brevet de la Société VALOROM a été considéré comme particulièrement pertinent à l'égard du brevet de Monsieur Max X... par l'examinateur chargé de l'établissement du rapport de recherche pour ce dernier brevet. En effet, il résulte de ce qui précède que le brevet de Monsieur Max X... diffère de celui de la Société VALOROM uniquement en ce qu'il comprend l'adjonction d'un "réactif liquide" dont la nature n'est au demeurant pas définie et qui apparaît avoir été effectivement utilisé sur le site de VILLEFRANCHE/CHER. Il s'avère que l'invention de Monsieur Max X... reproduit l'invention de la Société VALOROM, dont

il est d'ailleurs également l'inventeur, en lui apportant une adjonction et doit dès lors être considérée comme une invention de perfectionnement du brevet de la Société VALOROM. Or, en l'absence d'autorisation de celle-ci de l'exploitation de son invention antérieure, le perfectionnement apporté par Monsieur Max X... est contrefaisant. En conséquence, la contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet de la Société VALOROM par la Société ENTREPRISE Y... et Monsieur Max X... est établie. En ce qui concerne la revendication 2 relative à l'obtention d'une granulométrie des ordures ménagères broyées et déferraillées de 8 à 10 cm, la Société VALOROM qui ne démontre pas la reproduction de cette caractéristique dans le procédé CALCIOR ne peut prétendre à une contrefaçon de ce chef. Z... l'exception d'expérimentation invoquée par la Société ENTREPRISE Y... :

La Société ENTREPRISE Y... se prévaut des dispositions de l'article L.613-5 b) du Code de la propriété intellectuelle aux termes desquelles "les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas aux actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention brevetée". Elle explique que

l'installation mise en place sur le site de VILLEFRANCHE/CHER de traitements de déchets présentait un caractère strictement expérimental, limité dans le temps (six mois) et en volume (400 tonnes), que cette expérimentation n'a pu être menée qu'après l'obtention de l'autorisation du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement et qu'elle avait pour finalité "d'examiner les possibilités de valorisation du produit ainsi obtenu" à l'exclusion de toute recherche de commercialisation du procédé et/ou du produit obtenu par ce brevet. Dans l'esprit de l'article L.613-5 du Code de la propriété intellectuelle, les actes accomplis à titre expérimental ont pour but de vérifier l'intérêt technique de l'invention, d'en mesurer la portée ou de la perfectionner et non de

rechercher l'impact commercial du produit ou du procédé en testant l'intérêt de la clientèle pour ce dernier. Or en l'espèce, il ressort de l'attestation de Monsieur Alain D..., lequel justifie avoir reçu mandat de Monsieur Max X... pour "commercialiser le procédé CALCIOR de traitement des déchets et vendre des unités clefs en main", que celui-ci a organisé une visite sur le site expérimental pour une société italienne intéressée par le procédé ou encore de l'attestation de Monsieur Didier B... qu'un certain Michel A..., qui n'est autre que le titulaire du site internet prétendument sans rapport avec la Société ENTREPRISE Y..., lui a été présenté comme "le commercial du procédé" et que celui-ci et Monsieur Max X... lui ont "proposé ensuite dans un bureau de chantier, en présence de Monsieur Y..., les conditions commerciales et financières d'acquisition d'une unité de traitement CALCIOR mobile ou fixe". Dans ces conditions, l'expérimentation de VILLEFRANCHE/CHER n'apparaît pas exclusive de visée commerciale et ne saurait bénéficier de l'exonération prévue à l'article L.613-5 b) du Code de la propriété intellectuelle. Z... les mesures réparatrices : La Société ENTREPRISE Y... indique, dans un courrier du 14 février 2003, avoir mis fin aux essais de traitement des déchets par

le procédé CALCIOR sur sa plate forme expérimentale. Il y a lieu de lui en donner acte. Cependant, et afin de prévenir toute nouvelle commission de faits contrefaisants, il sera fait interdiction en tant que de besoin à la Société ENTREPRISE Y... et à Monsieur Max X... de mettre en oeuvre ou faire fabriquer, offrir à la vente, vendre ou promouvoir le procédé et l'installation contrefaisants, et ce sous astreinte de 10.000 euros par installation contrefaisante fabriquée, offerte à la vente ou vendue ou 1.000 euros (mille euros) par brochure ou tout autre document publicitaire diffusés. Compte tenu de ce qui précède, il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner en outre le

démontage de l'installation litigieuse. En ce qui concerne le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, la Société VALOROM ne justifie, en dehors de l'atteinte portée à ses droits de breveté, que d'une seule installation fournie en France à un agriculteur, d'après l'article paru dans "Stratégie" du mois de novembre 2003. mois de novembre 2003. Compte tenu de ces éléments, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, il convient d'allouer à la Société VALOROM la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. La mesure de publication judiciaire sollicitée est justifiée au regard des actes de contrefaçon commis. Elle sera donc autorisée dans les conditions énoncées au dispositif. Les défendeurs, parties succombantes, seront déboutés de leur demandes reconventionnelles. Z... l'exécution provisoire : Compte tenu de la nature du litige, il apparaît nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision du chef des mesures d'indemnisation et d'interdiction. Z... l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : Il convient de condamner in solidum la Société ENTREPRISE Y... et Monsieur Max X... qui succombent à verser à la Société VALOROM la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, par jugement

contradictoire et en premier ressort, Dit que la Société VALOROM est propriétaire du brevet d'invention français no 97 05007, En conséquence, déclare recevables les demandes de la Société VALOROM, Déboute la Société ENTREPRISE Y... de sa demande de nullité du brevet no 97 05007 pour défaut d'activité inventive, Dit qu'en mettant en oeuvre, en offrant à la vente, en vendant et en promouvant le procédé et l'installation présentés sur le site de VILLEFRANCHE/CHER, Monsieur Max X... et la Société ENTREPRISE Y... ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet no 97 05007 dont la Société VALOROM est propriétaire, Interdit à la Société ENTREPRISE Y... et à Monsieur Max X... de mettre en oeuvre ou fabriquer, d'offrir à la vente, de vendre ou de promouvoir le procédé et l'installation contrefaisants, et ce sous astreinte de 10.000 euros (dix mille euros) par installation contrefaisante fabriquée, offerte à la vente ou vendue et 1.000 euros (mille euros) par brochure ou

tout autre document publicitaire diffusés, astreinte commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, Condamne in solidum la Société ENTREPRISE Y... et Monsieur Max X... à payer à la Société VALOROM la somme de 30.000 euros (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de chef de la contrefaçon, Autorise la Société VALOROM à faire publier le dispositif du présent jugement devenu définitif dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais in solidum de la Société ENTREPRISE Y... et de Monsieur Max X..., dans la limite de 3.000 euros (trois mille euros) HT par insertion, Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision du chef des mesures d'indemnisation et d'interdiction, Condamne in solidum la Société ENTREPRISE Y... et Monsieur Max X... à verser à la Société VALOROM la somme de 10.000 euros (dix mille euros) en vertu de l'article 700 du

nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne in solidum la Société ENTREPRISE Y... et Monsieur Max X... aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Jacques ARMENGAUD de la SEP J.ARMENGAUD et S.GUERLAIN, avocat, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Fait à Paris le 22 Mars 2006 Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949908
Date de la décision : 22/03/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-03-22;juritext000006949908 ?
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