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02/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949017

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 02 février 2006, JURITEXT000006949017


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/09198 No MINUTE : Assignation du : 15 Mars 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 02 Février 2006

DEMANDERESSE Société COMPAGNIE GENERALE DES ETABLISSEMENTS MICHELIN - MICHELIN etamp; CIE 12 Cours Sablon 63000 CLERMONT FERRAND représentée, Me Catherine X..., avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire B.107 et par Me Philippe Y..., avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire D0109 DÉFENDERESSE S.A. PNEUS PIRELLI Parc de Reflests - Paris

Nord II 165 Av du Bois de la Pie 95911 ROISSY DE CHARLES DE GAUL...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/09198 No MINUTE : Assignation du : 15 Mars 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 02 Février 2006

DEMANDERESSE Société COMPAGNIE GENERALE DES ETABLISSEMENTS MICHELIN - MICHELIN etamp; CIE 12 Cours Sablon 63000 CLERMONT FERRAND représentée, Me Catherine X..., avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire B.107 et par Me Philippe Y..., avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire D0109 DÉFENDERESSE S.A. PNEUS PIRELLI Parc de Reflests - Paris Nord II 165 Av du Bois de la Pie 95911 ROISSY DE CHARLES DE GAULLE représentée par Me Arnaud CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire K 177 COMPOSITION DU TRIBUNAL : Claude B..., Vice-Présidente Véronique A..., Vice Présidente Michèle Z..., Vice-Présidente assistées de Caroline LARCHE, Greffier DEBATS A l'audience du 15 Décembre 2005 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort Faits et procédure La société Compagnie Générale des Etablissements MICHELIN, ci après MICHELIN est titulaire de la marque "X" déposée à l'origine le 31 juillet 1950, régulièrement renouvelée depuis lors et en dernier état le 12 janvier 2000 sous le no 1585213. Cette marque verbale désigne en classe 12 les " enveloppes et chambres à air pour pneumatiques". Elle est par ailleurs titulaire de la marque semi-figurative X no 1 585 211 déposée le 26 juin 1980 pour désigner les mêmes produits. Ayant été informée que la société PIRELLI avait mis sur le marché français un appareil destiné au contrôle de la pression et de la température des pneumatiques sous la dénomination "X- PRESSURE", la société MICHELIN a fait dresser un constat le 27 février 2004 des indications figurant sur le site www.pirelli.fr. Par actes en date du 15 mars 2004, elle a, d'une part assigné la société

PIRELLI devant ce tribunal en contrefaçon et subsidiairement en responsabilité pour atteinte à la renommée de sa marque no 1 585 213 et d'autre part engagé une demande en interdiction provisoire en la forme des référés. Cette dernière a été rejetée par ordonnance en date du 8 juin 2004. Dans ses écritures récapitulatives en date du 1er août 2005, la société MICHELIN demande sur le fondement de l'article L 713-3, subsidiairement L 713-5 du code de la Propriété Intellectuelle et plus subsidiairement encore sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, de dire que la société PIRELLI a porté atteinte à sa marque verbale et subsidiairement à sa marque semi-figurative et en conséquence: - de prononcer les mesures d'interdiction et de publication usuelles en pareille matière, -de condamner la société PIRELLI au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et de celle de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. La société PIRELLI a signifié ses dernières conclusions le 26 septembre 2005 aux termes desquelles elle demande reconventionnellement de prononcer la nullité du procès verbal de constat du 27 février 2004, de prononcer la déchéance des droits de la société MICHELIN sur la marque "X" no 1 585 213 et subsidiairement sur la marque no 1 585 211 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts à compter du 28 décembre 1996. Elle conclut au débouté des demandes et sollicite l'allocation de la somme de 15 000 euros au titre de ses frais irrépétibles. L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2005. Motifs de la décision Sur la nullité du procès-verbal de constat dressé le 27 février 2004: Attendu que la société PIRELLI reproche à l'huissier de n'avoir pas précisé l'adresse IP de l'ordinateur utilisé, l'adresse de son fournisseur d'accès et surtout de ne pas avoir précisé si les caches avaient été

préalablement vidés; Attendu que la société MICHELIN oppose que ces omissions ne sont pas de nature à affecter la force probante du constat et indique qu'en tout état de cause elle a fait procéder à un nouveau constat d'huissier le 15 mars 2005 qui montre le même contenu que le précédent quant à l'utilisation du signe incriminé; Attendu en premier lieu que les grief formulés par la défenderesse ne sont pas de nature à entraîner la nullité d'un acte d'huissier mais seulement d'en affecter la force probante; Attendu que le fait de ne pas avoir vidé les caches rend en effet contestable les éléments de preuve ainsi recueillis dans la mesure où il n'existe pas de certitude que les captures d'écrans présentées ne soient pas issues de manipulations antérieures. Que ce constat doit donc être écarté des débats; Sur la déchéance de la marque X no 1 585 213: Attendu que selon les dispositions de l'article L 714-5 du code de la Propriété Intellectuelle: " Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage: ... b) l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altèrant pas le caractère distinctif; ..."; Attendu que la société PIRELLI fait valoir que les preuves d'usage fournies aux débats par la société MICHELIN concernent non pas la marque X no 1 585 213 mais la marque semi-figurative no1 585 211 qui représente la lettre X en deux larges bandes sombres entourées d'un liseré; qu'elle considère qu'ayant procédé à plusieurs dépôts de marques comportant le même signe, la société MICHELIN ne peut valablement prétendre que l'exploitation sous une forme modifiée qui correspond en réalité à une autre marque, vaudrait exploitation pour la marque verbale; Attendu cependant que des photographies et constat produits, il résulte que les pneumatiques fabriqués et commercialisés largement

par la société demanderesse présentent plusieurs formes de représentation du signe X apposées sur le flanc; que la plus visible de celles-ci reproduit en relief la marque semi-figurative en regard de la marque MICHELIN, le signe X étant bordé d'un trait blanc sur le pourtour; que le signe est encore reproduit en association avec d'autres lettres, par exemple: XZE, XTE ou XTE2, ces signes correspondant à des références, elles-mêmes déposées à titre de marque, étrangères au présent débat; qu'en troisième lieu, le signe X objet de la marque verbale est apposé en plus petits caractères dans le cadre de la référence dite "DOT" instaurée à compter de l'année 2000 qui se présente de la manière suivante DOT FNKX D68 X 4004. Que de la documentation annexée au troisième procès-verbal de constat en date du 7 avril 2005, il résulte que dans cette référence, le premier groupe de signe ( FNKX) est le code assigné à l'usine de fabrication, le suivant ( D 68) représente la dimension, le groupe suivant qui peut comporter trois signes, ici X, représente la marque ou tout autre élément caractéristique du pneumatique, les quatre derniers chiffres ( 4004) fournissant l'indication de la période de fabrication, ici la quarantième semaine de l'année 2004; Attendu que l'ensemble des pneus dont les photographies sont produites aux débats comportent cette référence DOT et reproduisent donc à titre de marque le signe X, et ce pour les années 2003, 2004 et 2005; Qu'il s'en suit que la demande de déchéance est mal fondée; Sur la déchéance de la marque semi-figurative X no 1 585 211: Attendu que cette demande présentée à titre subsidiaire est sans objet dès lors que la demande de déchéance de la marque verbale a été rejetée, étant observé que seule cette dernière fonde, à titre principal, les demandes de la société MICHELIN; Sur la contrefaçon de la marque X no 1 585 213:

Attendu que selon l'article L 713-3 du code de la Propriété Intellectuelle: " Sont interdits sauf autorisation du propriétaire,

s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public:

b) L'imitation ou l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." Attendu qu'il n'est pas discuté que les pneumatiques et les appareils destinés à mesurer leur pression et leur température constituent des produits similaires en ce qu'ils sont fabriqués par les mêmes entreprises, commercialisés dans les mêmes réseaux de distribution et ont une destination identique et à tout le moins complémentaire; Attendu qu'aux plans visuel et phonétique, les deux signes n'ont en commun que le signe X; Attendu que conceptuellement, le signe x, désigne classiquement l'inconnue mathématique; que le substantif anglais " pressure", qui ne peut être considéré dans l'absolu comme compris par le grand public français pour signifier "pression", le sera néanmoins dans une association avec les pneumatiques; qu'ainsi la formulation "X-PRESSURE" pourrait être interprétée comme se rapportant à la mesure de la pression; qu'une telle assimilation demeure toutefois aléatoire; Attendu que s'il est de principe que les lettres de l'alphabet sont en elles-même faiblement distinctives, il en va autrement lorsqu'un tel signe dispose d'une notoriété particulière;un tel signe dispose d'une notoriété particulière; Attendu qu'en l'espèce, la société MICHELIN justifie que sa marque X déposée depuis 1950, dispose encore à ce jour d'une particulière notoriété pour désigner des pneumatiques; qu'elle verse aux débats un sondage d'opinion réalisé par la société IPSOS en octobre- novembre 2004 auprès d'une part, d'un échantillon de 1000 personnes de plus de 18 ans responsables de l'entretien d'une voiture et d'autre part, d'un échantillon de 800 utilisateurs professionnels et distributeurs, sondage duquel il résulte que le taux de reconnaissance spontanée est de 50% en ce qui concerne les particuliers et d'au moins 75% en ce qui concerne les professionnels

toutes catégories confondues; qu'il est ainsi démontré que le signe X est particulièrement distinctif et arbitraire pour désigner des pneumatiques; Qu'en revanche, la dénomination PRESSURE, appliquée à des produits identiques ou similaires est très largement évocatrice d'une qualité nécessaire à la sécurité routière; Que l'appréciation globale du signe X-PRESSURE rapporté au signe X montre ainsi que c'est ce dernier qui confère à l'ensemble sa distinctivité, de sorte que la reprise de la lettre X est bien de nature à engendrer un risque de confusion; Attendu que ce sondage ci-dessus visé établit que ce risque est bien réel dès lors que pour 28% des automobilistes et en moyenne 37% des professionnels du domaine des pneumatiques le signe X-PRESSURE est spontanément associé à la société MICHELIN; Attendu que la circonstance que le signe X-PRESSURE soit présenté en relation avec la marque PIRELLI dans les documents versés aux débats est dépourvu de portée dès lors qu'il va de soi que le site www.pirelli.fr mentionne la marque PIRELLI de même que les articles de la presse spécialisée, notamment publiés par la revue " Le Pneumatique" lorsqu'ils relatent le lancement de ce nouveau produit; que cependant, rien ne permet d'affirmer que ce produit est de manière permanente lié à la marque PIRELLI dans l'usage commercial courant; Attendu qu'à supposer même que cela soit le cas, il n'en demeure pas moins que du fait de la notoriété de la marque "X", le consommateur sera naturellement enclin à penser que ce produit destiné à mesurer la pression des pneus est particulièrement adapté pour les pneus à carcasse radiale "X" et qu'il s'agit du fruit d'une certaine collaboration entre le fabriquant français et son homologue italien; Attendu que la société PIRELLI n'est pas fondée à se prévaloir d'une quelconque autorisation qui lui aurait été donnée par la société demanderesse; qu'en effet, l'autorisation dont il est fait état et dont il est du reste avéré qu'elle émanait d'un conseil qui a

outrepassé son mandat, concernait un dépôt de la marque litigieuse aux Etats-Unis; Qu'ainsi le signe X-PRESSURE constitue une contrefaçon par imitation de la marque verbale X; Attendu que les demandes subsidiaires fondées sur l'atteinte à la marque de renommée et sur la concurrence déloyale et/ou parasitaire sont sans objet. Sur les mesures réparatrices: Attendu qu'il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de publication selon les modalités précisées au dispositif; Attendu que l'atteinte à la marque subie par la société MICHELIN sera réparée par l'allocation de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts; Sur les autres demandes: Attendu que l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée compte tenu de l'urgence qui s'attache à faire cesser les actes de contrefaçon ci-dessus relevés; Attendu qu'il serait inéquitable que la société MICHELIN supporte la charge de ses frais non compris dans les dépens; qu'il lui sera alloué la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; Attendu que la société PIRELLI sera condamné aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort, Dit que le constat d'huissier en date du 27 février 2004 est dépourvu de force probante, Déboute la société PIRELLI de sa demande de déchéance de la marque X no 1 585 213, Dit que l'utilisation par la société PIRELLI du signe X- PRESSURE, sans autorisation pour désigner des appareils destinés au contrôle de la pression et de la température des pneumatiques constitue une contrefaçon par imitation de la marque X no 1 585 213 dont est titulaire la société MICHELIN, En conséquence, Fait interdiction à la société PIRELLI de faire usage de la dénomination "X- PRESSURE" pour désigner un appareil de contrôle de la pression et de la température

des pneumatiques, sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, Condamne la société PIRELLI à payer à la société MICHELIN la somme de 30 000 (trente mille) euros à titre de dommages et intérêts, Autorise la publication de la présente décision dans trois journaux ou revues au choix de la société MICHELIN et aux frais de la société PIRELLI dans la limite d'un coût de 3500 euros HT par insertion, Ordonne l'exécution provisoire, Condamne la société PIRELLI à payer la société MICHELIN la somme de 5000 euros ( cinq mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société PIRELLI aux entiers dépens de l'instance et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. Fait et jugé à Paris Le 2 février 2006 LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949017
Date de la décision : 02/02/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-02-02;juritext000006949017 ?
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