La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948628

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0087, 02 février 2006, JURITEXT000006948628


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 05/03141 No MINUTE : Assignation du : 16 Février 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 02 Février 2006

DEMANDERESSE Madame Florence Antoinette X... 108 Boulevard du Montparnasse 75014 PARIS représentée par Me Catherine GOUET JENSELME, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire A 569 DÉFENDERESSE SAS Y... 2 rue Pault Bert 92400 COURBEVOIE représentée par Me Sandrine BELLIGAUD, avocat au barreau de BOBIGNY, avocat postulant, vestiaire PB25 COMPOSITI

ON DU TRIBUNAL : Claude Z..., Vice-Présidente Véronique RENARD, Vi...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 05/03141 No MINUTE : Assignation du : 16 Février 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 02 Février 2006

DEMANDERESSE Madame Florence Antoinette X... 108 Boulevard du Montparnasse 75014 PARIS représentée par Me Catherine GOUET JENSELME, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire A 569 DÉFENDERESSE SAS Y... 2 rue Pault Bert 92400 COURBEVOIE représentée par Me Sandrine BELLIGAUD, avocat au barreau de BOBIGNY, avocat postulant, vestiaire PB25 COMPOSITION DU TRIBUNAL : Claude Z..., Vice-Présidente Véronique RENARD, Vice Présidente Michèle PICARD, Vice-Présidente assistées de Caroline A..., Greffier DEBATS A l'audience du 24 Novembre 2005 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Florence X..., designer textile, est la fondatrice de la société Y... qui a pour objet la création, la fabrication et la commercialisation de modèles de prêt à porter sous différentes marques dont la société Y... est titulaire.

Par acte sous seing privé en date du 3 avril 2003, Madame X... a cédé à Monsieur B... la totalité des actions de la société Y... et a concédé à cette dernière l'exploitation des dessins et collections sous réserve du maintien de son contrat de designer textile.

Une procédure tendant à l'appel en garantie de passif de Madame X... est actuellement pendante devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Le contrat de designer, annexé au contrat de cession de parts susvisé, prévoyait la création par Madame X... des 10 à 15 modèles des deux collections annuelles de la société Y..., moyennent le

versement à Madame X... d'une somme forfaitaire à la remise de tous les modèles de la collection ainsi qu'une rémunération proportionnelle au titre de la vente en France et à l'étranger des créations ou modèles réalisés par Madame X...

Les parties étant en désaccord sur la rémunération due à Madame X... pour les collections d'été 2005 et d'hiver 2005-2006, cette dernière, après avoir fait pratiquer le 5 octobre 2004 une saisie-conservatoire entre les mains des magasins Galeries Lafayette et Printemps en garantie du paiement de ses droits d'auteur, a fait assigner le 8 octobre suivant la société Y... en référé.

Par ordonnance en date du 5 novembre 2004, le juge des référés de ce Tribunal a condamné la société Y... à payer à Madame X..., à titre provisionnel, la somme de 80.416,32 euros augmentée des intérêts au taux légal.

Faisant valoir que la société Y... n'a pas respecté ses obligations contractuelles de paiement, d'indication de son nom sur les documents commerciaux ou publicitaires qu'elle diffuse, et de loyauté, Madame Florence X... a, selon acte d'huissier en date du 16 février 2005, fait assigner la société Y... devant le Tribunal aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat litigieux aux torts exclusifs de la défenderesse, et ce à compter du 20 janvier 2005, et d'obtenir paiement de la somme de 170.832,64 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout au bénéfice de l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions en date du 4 octobre 2005, Madame Florence X... a repris l'ensemble de ses arguments et prétentions sauf à porter ses demandes en paiement aux sommes de 160.832,64 euros à titre de droits d'auteur forfaitaires, 50.000 euros à titre de rémunération complémentaire sur le chiffre d'affaires à venir de la

société Y... et de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, soit à une somme totale de 260.832, 64 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des dits intérêts ; elle sollicite par ailleurs le paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par dernières conclusions en date du 12 octobre 2005, la société Y... faisant valoir que les dessins créés et remis par Madame X..., ne présentaient aucune originalité par rapport aux collections précédentes et ne pouvaient donc être exploités, s'oppose à titre principal à la demande de résiliation du contrat conclu avec Madame X..., ainsi qu'aux demandes en paiement de celle-ci, et sollicite la restitution de la somme de 35.571, 20 euros perçue à titre de rémunération pour les collections en cause ; à titre subsidiaire la défenderesse entend voir prononcer la résiliation du contrat à la date du 20 janvier 2005 aux torts exclusifs de Madame X... et obtenir le paiement de la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que de celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout au bénéfice de l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 octobre 2005. MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la résiliation du contrat

Attendu que le contrat de designer textile conclu entre la société Y... et Madame Florence X..., non daté mais pour lequel les parties s'accordent à dire qu'il a été annexé au contrat de cession de parts de la société Y... du 3 avril 2003, énonce en son article 2 que "la société Y... présentant deux collections par an (collection d'été et collection d'hiver), d'au moins 10 à 15 modèles par collection, Mademoiselle Florence X... assurera en conséquence

la conception, dessin ou graphique, coloriage -pour fin décembre et fin juin de chaque année. La mise au point des prototypes et le suivi des collections seront assurés sous la direction artistique de Florence ROSTAL."

Que l'article 3 dudit contrat stipule que Florence X... conserve une liberté absolue de création et n'est en particulier soumise à aucune contrainte dans l'exécution de ses tâches de création ... le choix définitif des modèles sera effectué conjointement par Y... et l'auteur ;

Attendu enfin qu'aux termes de l'article 7 " Y... s' engage à verser à Florence X..., en contrepartie de la cession de ses droits d'auteur graphique et plastique : Par collection : la somme forfaitaire nette hors taxes de 38.112 euros payable à la remise de tous les modèles de la collection ACHILLE, MISS ACHILLE et ACHILLE PRO SOCKS (...) Ces montants seront réévalués chaque année d'un commun accord entre les parties. Y... s'engage d'autre part, en contrepartie des droits qui lui sont cédés, à verser à Florence X... une rémunération proportionnelle égale à 0,8 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au-delà de 4 millions d'euros, au titre de la vente en France et à l'étranger des créations ou modèles réalisés à partir des créations de Florence X... Les règlements seront accompagnés des états des ventes, faisant apparaître pour chaque modèle et pays de vente les quantités HT et TTC facturées" ;

Attendu ceci étant exposé, que Madame X... fait valoir pour solliciter la résiliation du contrat de désigner que la société Y... n'a pas respecté ses obligations de paiement et de loyauté; Que la société Y... réplique qu'en fournissant des modèles déjà exploités lors de précédentes collections Madame Y... n'a pas elle-même exécuté ses obligations contractuelles de sorte que le

nombre de modèles prévus au contrat n'a pu être retenu de son fait ; Attendu que le contrat de designer textile conclu entre les parties est un contrat de commande de créations de modèles par Madame X... en vue de leur exploitation par la société VIASTEL, ce qui suppose que ces créations soient originales et ne constituent pas qu' une déclinaison des créations antérieurement cédées par l'auteur comme le soutient la défenderesse ;

Qu'il convient en conséquence d'examiner les dessins revendiqués par Madame X... et contestés par la société Y... ;

Attendu que s'agissant de la collection été 2005, 7 d'entre eux ont été retenus par société Y... sur les 10 à 15 escomptés ;

Que cependant si les modèles refusés par la société défenderesse sont énumérés dans les écritures des parties (perroquets, camel, portable, sioux, totem, chantilly, wave, trèfles, abeille, paon, cheyenne, serpent, mousqueton et buisson), ceux-ci ne sont pas versés aux débats et la société Y... ne produit a fortiori aucune dessin antérieur de Madame X... de nature à contester l'originalité des nouvelles créations et partant à justifier le non paiement de la collection ;

Qu'en conséquence elle doit être tenue au paiement dans les conditions prévues au contrat ;

Attendu que 9 dessins ont été retenus par société Y... pour la collection hiver 2005-2006 ;

Attendu que la même remarque s'impose ici quant aux dessins versés aux débats ; qu'il suffit cependant de constater que le dessin "pingouin" de la collection hiver 2005-2006, contesté par la défenderesse présente, contrairement à ce que celle-ci prétend, une impression d'ensemble totalement différente de celle du pingouin utilisé pour la collection hiver 94/95 ;

Que ce seul dessin suffit à porter au nombre de 10 les modèles créés pour la société Y... par Madame X... conformément au termes du contrat liant les parties et à en justifier le paiement ;

Attendu que les manquements de la défenderesse à son obligations contractuelle de paiement justifient à eux seuls la résiliation du contrat de designer textile conclu avec Madame X... le 3 avril 2003 sans qu'il soit besoin d'examiner les conditions dans lesquelles l'ordonnance de référé du 5 novembre 2004 a été exécutées qui sont étrangères à l'exécution du contrat en cause ;

Qu'il en est de même de l'attitude du nouveau dirigeant de la société Y... quant à la mise en oeuvre de la garantie de passif par Madame X... telle que dénoncée par cette dernière;

Attendu enfin, compte tenu du litige existant entre les parties que le surplus des griefs invoqués par Madame X... et tenant à son éviction des réunions d'élaboration des collections n'est pas suffisamment démontrée ;

Attendu par ailleurs que l'article 4 du contrat litigieux reprenant les dispositions légales applicables en la matière, stipule qu'il sera fait mention du nom de Florence X... sur tout document commercial ou publicitaire édité par la société Y... ;

Que la société Y... ne conteste pas avoir fait paraître une publicité reproduisant un des dessins de Madame X... dans le journal "Libération" de septembre 2003 sans mentionner le nom de celle-ci ;

Que la défenderesse a également ainsi manqué à ses obligations contractuelles de ce chef , le fait qu'il s'agisse ou non d'un oubli accidentel du bureau de presse étant parfaitement inopérant ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'argument de la société Y... tendant à mettre à la charge de Madame X... la résiliation du contrat au seul motif qu'elle n'a pas fourni de dessins

exploitables ne peut prospérer ;liation du contrat au seul motif qu'elle n'a pas fourni de dessins exploitables ne peut prospérer ;

Que de même la demande reconventionnelle en restitution d'un trop perçu sur les collections sus-visées devient sans objet ;

Attendu que la résiliation du contrat du 3 avril 2003 sera donc prononcée aux torts exclusifs de la société Y..., et ce à compter du 20 janvier 2005, date d'expiration du délai de 8 jours suivant le courrier de Madame X... resté sans effet ;

Sur le préjudice

Attendu qu'il y a lieu de constater que Madame X... ne réclame pas devant le Tribunal le paiement de ses droits pour les collections été 2005 et hiver 2005-2006 ;

Qu'elle sollicite à titre de réparation de son préjudice un manque à gagner pour les quatre collections qu'elle aurait du réaliser pour le compte de la société Y... qu'elle évalue à la somme de 160.832,64 euros ;

Que ce préjudice s'analyse en une perte de chance qui sera indemnisée à hauteur de 30.000 euros compte tenu des termes du contrat qui stipulent que le choix définitif des modèles appartient conjointement à la société Y... et à l'auteur ;

Attendu par ailleurs que Madame X... réclame paiement d'une somme de 50.000 euros représentant la rémunération proportionnelle prévue au contrat pour le cas où la société Y... redeviendrait bénéficiaire pour les exercices à venir et jusqu'à la fin du contrat; Mais attendu que les chiffres d'affaires à venir sont indéterminés ; que ce chef de préjudice ne peut donc pas s'analyser en une perte de chance et sera en conséquence rejeté ;

Attendu que le préjudice moral subi par Madame X... du fait de la

résiliation du contrat en cause et de l'atteinte portée à son droit à la paternité sera justement réparé par l'octroi de la somme de 20.000 euros ;

Attendu que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que lesdits intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1134 du Code Civil ; Sur les autres demandes

Attendu que le caractère partiellement alimentaire des sommes allouées justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire de la présente décision ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame X... la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Que la société Y... qui succombe sera condamnée aux dépens et ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions; PAR CES MOTIFS : Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Prononce la résiliation du contrat de designer textile conclu entre Madame Florence X... et la société Y... aux torts exclusifs de cette dernière à compter du 20 janvier 2005.

- Condamne la société Y... à payer à Madame Florence X... :

- la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial

- la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision et se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil.

- Condamne la société Y... à payer à Madame Florence X... : la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Ordonne l'exécution provisoire.

- Rejette le surplus des demandes.

- Condamne la société Y... aux dépens. Fait et jugé à Paris, le 26 janvier 2006. Et ont signé Madame Z..., Vice Président, et Mme A..., Greffier. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948628
Date de la décision : 02/02/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-02-02;juritext000006948628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award