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14/03/1989 | FRANCE | N°CETATEXT000008250950

France | France, Tribunal administratif d'Orléans, 14 mars 1989, CETATEXT000008250950


I Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 1987, sous le n° 871179, la requête présentée pour le comité de défense du Verdelet et du Val de Loire, dont le siège est Avaray (41500), représentée par son président en exercice dûment habilité, par Me X..., avocat au barreau de Paris, et tendant à l'annulation :
1°) de la décision en date du 7 août 1987, par laquelle le ministre de l'industrie a refusé de faire procéder à une enquête publique et à une étude d'impact avant d'autoriser à procéder au stockage sur le site et à l'introduction dans

le coeur du réacteur de la centrale nucléaire de Saint Laurent des Eaux, tra...

I Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 1987, sous le n° 871179, la requête présentée pour le comité de défense du Verdelet et du Val de Loire, dont le siège est Avaray (41500), représentée par son président en exercice dûment habilité, par Me X..., avocat au barreau de Paris, et tendant à l'annulation :
1°) de la décision en date du 7 août 1987, par laquelle le ministre de l'industrie a refusé de faire procéder à une enquête publique et à une étude d'impact avant d'autoriser à procéder au stockage sur le site et à l'introduction dans le coeur du réacteur de la centrale nucléaire de Saint Laurent des Eaux, tranche B1, d'assemblages d'oxyde mixte d'uranium et de plutonium, dit combustible MOX ;
2°) de la décision d'autoriser le stockage sur le site et le chargement dans le réacteur de ce combustible MOX ;

II Vu, enregistrée le 28 mars 1988, sous le n° 88345, la requête présentée pour le comité de défense du Verdelet et du Val de Loire, représenté par son président en exercice dûment habilité, par Me X..., avocat au barreau de Paris, et tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'industrie d'autoriser l'introduction de combustible MOX dans le coeur du réacteur de Saint Laurent des Eaux (Tranche B2) ;
III Vu, enregistrée le 28 mars 1988, sous le n° 88346, la requête présentée pour le comité de défense du Verdelet et du Val de Loire, par Me X..., et tendant au sursis à l'exécution de la décision du ministre de l'industrie d'autoriser l'introduction de combustible MOX dans le coeur du réacteur de Saint Laurent des Eaux (Tranche B2) ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement ;
Vu le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 76-629 susvisée ;
Vu le décret du 8 mars 1978 autorisant la création de deux tranches de la centrale nucléaire de Saint Laurent des Eaux ;
Vu le décret n° 85-449 du 23 avril 1985 pris pour l'application aux installations nucléaires de base de la loi n° 83-630 susvisée ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 pris pour l'application de la loi n° 83-630 susvisée ;
Vu le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 28 février 1989,
le rapport de M. Formery, Conseiller ;
et les conclusions de M. Bousquet, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la requête enregistrée sous le n° 871179 tend à l'annulation d'une part, de la décision en date du 7 août 1987 par laquelle le ministre de l'industrie a refusé de faire procéder à une enquête publique et à une étude d'impact avant d'autoriser le changement de combustible utilisé dans le réacteur de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (tranche B1) et d'autre part, de la décision d'autoriser le stockage sur le site de la centrale et le chargement dans le réacteur B1 de ce combustible ; que les requêtes enregistrées sous les n° 88345 et 88346 tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution de la décision d'autoriser le chargement de ce même combustible dans le réacteur B2 de ladite centrale nucléaire ; que ces trois requêtes sont soutenues par les mêmes moyens, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une introduction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement ; Sur l'intervention :
Considérant qu'Electricité de France a intérêt au maintien des décisions attaquées ; que son intervention est donc recevable ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre de l'industrie du 7 août 1987 :
Considérant que, par ladite décision, le ministre de l'industrie a rejeté la demande du comité requérant de faire procéder à une enquête publique et à une étude d'impact, avant que ne soient délivrées les autorisations données les 12 octobre 1987 et 17 juin 1988 ; qu'une telle décision, qui se borne à refuser d'ordonner des mesures préparatoires, ne peut être directement déférée au juge de l'excès de pouvoir ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des décisions d'autorisation du 12 octobre 1987 et du 17 juin 1988 :
Sur le moyen tiré de la violation du décret du 11 décembre 1963 :
Considérant qu'à l'appui de sa requête, le comité de défense soutient que le stockage d'un nouveau combustible à base d'oxyde mixte d'uranium et de plutonium, dit combustible MOX, sur le site de la centrale de Saint Laurent des Eaux constitue une nouvelle installation nucléaire de base, au sens de l'article 2, 4° du décret susmentionné, que l'introduction de ce nouveau combustible sur le site et dans les réacteurs de la même centrale emporte des "modifications de nature à entraîner l'inobservation des prescriptions précédemment imposées" au sens de l'article 6 du même décret et que ces opérations auraient dû en conséquence faire l'objet d'un nouveau décret d'autorisation ; qu'en outre, en application des dispositions de l'article 3-II-a dudit décret du 11 décembre 1963, une enquête publique devait, en tout état de cause, être prescrite dès lors que les modifications apportées aux installations existantes augmentaient les risques de celles-ci ; Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 11 décembre 1963, "Les installations nucléaires de base sont (....) 4° Les installations destinées au stockage, au dépôt ou à l'utilisation de substances radioactives ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées se sont bornées à autoriser le stokage provisoire du combustible MOX, à seule fin d'introduction dans les réacteurs et pour la période nécessaire aux opérations de déchargement et de chargement ; qu'ainsi elles n'ont pas eu pour effet d'autoriser la création d'une nouvelle installation nucléaire de base destinée au stockage au sens des dispositions précitées ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 11 décembre 1963, "une nouvelle autorisation, délivrée dans les formes prévues à l'article 3, doit être obtenue (...) lorsqu'une installation nucléaire de base doit faire l'objet de modifications de nature à entraîner l'inobservation des prescriptions précédemment imposées ..." ; qu'une telle autorisation ne peut intervenir, en vertu de l'article 3-IVe du même texte, que par décret ;
Considérant que, selon les dispositions de l'article 3, 2° du décret d'autorisation de création de la centrale en date du 8 mars 1978, le combustible employé dans les réacteurs est "de l'oxyde d'uranium légèrement enrichi en uranium 235", et que "le stockage sur le site et l'introduction dans un réacteur de combustible initialement enrichi en oxyde de plutonium ne pourront intervenir qu'après autorisation particulière du ministre de l'industrie (...) délivrée après avis du ministre de la santé (...) ; qu'ainsi ces dispositions ont expressément prévu la possibilité d'introduire un nouveau combustible de type "MOX" dans chacun des réacteurs de la centrale ; que les requérants ne peuvent dès lors soutenir que l'autorisation délivrée par le ministre aurait pour conséquence d'entraîner l'inobservation des prescriptions imposées par le décret d'autorisation de création de la centrale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le comité requérant n'est pas fondé à prétendre que les opérations en cause auraient dû faire l'objet d'une nouvelle autorisation délivrée par décret ;
Considérant, enfin, qu'aux termes des dispositions de l'article 3-II du décret du 11 décembre 1963 :"Lorsque la demande porte sur une installation mentionnée au tableau annexé (...), elle est soumise à enquête publique. Cette enquête n'est toutefois pas obligatoire. a) Pour une installation nucléaire de base ayant déjà fait l'objet d'une enquête préalable à une déclaration d'utilité publique, si l'installation est conforme au projet soumis à cette enquête ou si les modifications apportées n'affectent pas de façon substantielle l'importance ou la destination et n'augmentent pas les risques de l'installation ..." ;
Considérant que ces dispositions ne sont applicables qu'aux demandes d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les décisions attaquées ont été délivrées sur le seul fondement des décrets d'autorisation du 8 mars 1978 et les opérations en cause n'avaient pas à faire l'objet d'une nouvelle demande d'autorisation de création ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que lesdites décisions n'ont pas été précédées d'une enquête publique est inopérant ;

Sur le moyen tiré de l'absence d'étude d'impact :
Considérant qu'aux termes de l'article 2, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : "Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences" ; qu'en vertu des dispositions du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de la loi précitée, sont obligatoirement soumis à cette procédure les travaux nécessitant une autorisation en vertu de la réglementation concernant les installations nucléaires de base ;
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les autorisations attaquées ne figurent pas au nombre des autorisations prescrites par la réglementation des installations nucléaires de base ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les aménagements réalisés pour l'introduction du combustible MOX affectent le mode de fonctionnement de la centrale dans des conditions telles que les incidences de l'installation sur le milieu naturel, au sens des dispositions de la loi du 10 juillet 1976 et de ses décrets d'application, s'en trouveraient modifiées ; qu'il suit de là que le comité requérant n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées auraient dû être précédées d'une étude d'impact ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation, que celles-ci doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions à fin de sursis à exécution :
Considérant que le présent jugement statuant sur le fond du litige, les conclusions à fin de sursis à exécution deviennent sans objet ; qu'il n'y a plus lieu, par suite, d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application, dans les circonstances de l'espèce, des dispositions de l'article 1er du décret susvisé du 2 septembre 1988 ;
Article 1er - Les requêtes n° 871179, 88345 et 88346 sont jointes.
Article 2 - L'intervention d'Electricité de France est admise.
Article 3 - Les requêtes n° 871179 et 88345 du Comité de défense du Verdelet et du Val de Loire sont rejetées.
Article 4 - Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 88346.
Article 5 - Expéditions du présent jugement seront notifiées au Comité de Défense du Verdelet et du Val de Loire, au Ministre de l'Industrie et de l'aménagement du territoire et à l'Electricité de France.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif d'Orléans
Numéro d'arrêt : CETATEXT000008250950
Date de la décision : 14/03/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - LOI DU 10 JUILLET 1976 RELATIVE A LA PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT - CHAMP D'APPLICATION - ETUDE NON OBLIGATOIRE - Existence - Changement du combustible d'une centrale nucléaire (substitution du plutonium à l'uranium enrichi).

44-01-01-01-02 Le changement de combustible d'une centrale nucléaire ne nécessite pas une autorisation en vertu de la réglementation relative aux installations nucléaires de base et ne modifie pas l'incidence de l'installation sur le milieu naturel. Par suite, une étude d'impact n'est pas obligatoire avant ce changement.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS NUCLEAIRES - AUTORISATION DE CREATION D'UNE CENTRALE NUCLEAIRE - Décret du 11 décembre 1963 - Autorisations de stockage sur le site et de chargement dans le réacteur d'un nouveau combustible nucléaire - Absence de nécessité d'un nouveau décret d'autorisation.

44-03-02 Le stockage provisoire d'un nouveau combustible en vue de son chargement dans le réacteur de la centrale ne constitue pas la création d'un nouvelle installation nucléaire de base au sens de l'article 2-4° du décret ni, alors que le décret d'autorisation de création de la centrale nucléaire avait prévu dès l'origine la possibilité pour le ministre d'autoriser un changement de combustible, une "modification de nature à entraîner l'inobservation des prescriptions précédemment imposées" dont l'article 6 du même décret prévoit qu'elle ne peut être autorisée que par décret. Par suite, le stockage en question n'avait pas à être autorisé par décret.


Références :

Décret 63-1228 du 11 décembre 1963 art. 2, art. 6, art. 3
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 2 al. 2


Composition du Tribunal
Président : M. Léger
Rapporteur ?: M. Formery
Rapporteur public ?: M. Bousquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.orleans;arret;1989-03-14;cetatext000008250950 ?
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