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11/04/1996 | FRANCE | N°94-2277

France | France, Tribunal administratif de Nantes, 11 avril 1996, 94-2277


Vu la requête enregistrée le 1er septembre 1994, et présentée par la Compagnie des transports de l'Atlantique, qui demande au tribunal :
- l'annulation de la délibération du 1er juillet 1994 par laquelle la commission permanente du conseil général de la Vendée a retenu les entreprises délégataires pour les circuits de transports scolaires ;
- l'annulation du courrier du 2 juillet 1994 par lequel le président du conseil général de la Vendée lui a indiqué que son offre était rejetée ;
- la condamnation du département à lui verser 30.000 F au titre de l'article L.

8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appe...

Vu la requête enregistrée le 1er septembre 1994, et présentée par la Compagnie des transports de l'Atlantique, qui demande au tribunal :
- l'annulation de la délibération du 1er juillet 1994 par laquelle la commission permanente du conseil général de la Vendée a retenu les entreprises délégataires pour les circuits de transports scolaires ;
- l'annulation du courrier du 2 juillet 1994 par lequel le président du conseil général de la Vendée lui a indiqué que son offre était rejetée ;
- la condamnation du département à lui verser 30.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Le tribunal a examiné la requête, les décisions attaquées ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Il a entendu à l'audience publique :
le rapport de M. DORLENCOURT, conseiller,
les observations de Me BETTINGER, avocat de la Compagnie des transports de l'Atlantique, de M. Y..., représentant le département de la Vendée et de M. X..., directeur de la société Hervouet Tourisme Sablais,
et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que la Compagnie des transports de l'Atlantique demande l'annulation de la délibération du 1er juillet 1994 par laquelle la commission permanente du conseil général de la Vendée s'est prononcée sur le choix des entreprises délégataires des services de transport scolaire du département, ainsi que du courrier du 8 juillet 1994 par lequel le président du conseil général de la Vendée a fait connaître à la requérante que son offre n'était pas retenue ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 susvisée : "Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en conseil d'Etat. La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire" ;
Considérant que lorsque la collectivité concédante définit préalablement, dans le cadre des dispositions précitées, la procédure et les critères suivant lesquels elle choisira le délégataire, elle est tenue de respecter les règles qu'elle s'est ainsi elle-même fixées ;
Considérant que le dossier de consultation remis aux entreprises candidates par le département de la Vendée indiquait au nombre des critères de recevabilité préalable des candidats l'"adéquation des moyens de l'entreprise au service à assurer" ; que le dossier à remettre par les entreprises soumissionnaires comprenait, selon le même dossier de consultation, "le cahier des clauses administratives et techniques signé et accepté sans modification", lequel prévoyait dans son article VII : "Les biens fournis par le transporteur et normalement affecté à l'exécution des circuits sont mentionnés sur les annexes. Photocopies des cartes grises et violettes des véhicules utilisés pour les circuits seront annexées à la soumission" ; que ces dispositions imposaient aux entreprises de justifier, à la date de leur soumission, de ce qu'elles disposaient d'un parc d'autocar suffisant pour assurer les services délégués ;

Considérant qu'il est constant que la société Hervouet Tourisme Sablais ne disposait pas, à la date à laquelle elle a soumissionné, de parc d'autocar en adéquation avec le service à assurer ; qu'elle a néanmoins été admise à présenter une offre ; qu'en dérogeant ainsi au profit de cette seule société aux règles de recevabilité préalablement fixées, le département de la Vendée a, d'une part, méconnu le principe d'égalité des candidats, d'autre part violé les règles qu'il s'était lui-même fixées ; qu'enfin en retenant l'offre d'une entreprise qui ne présentait pas, à la date de la décision attaquée, les garanties et aptitudes visées par les dispositions de l'article 38 précité, la commission permanente du conseil général de la Vendée a entaché son choix d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la délibération du 1er juillet 1994 par laquelle la commission permanente du conseil général s'est prononcée sur le choix des entreprises délégataires doit ainsi être annulée en tant qu'elle a retenu l'entreprise Hervouet Tourisme Sablais pour les lots 1 et 3 ; que, par voie de conséquence, le courrier du 8 juillet 1994 par lequel le président du conseil général a rejeté la proposition de l'entreprise la Compagnie des transports de l'Atlantique doit, en tant qu'il concerne les lots 1 et 3, être également annulé ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sein, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution par le même jugement ou le même arrêt (...)" ;

Considérant que le présent jugement, qui annule la délibération par laquelle la commission permanente a retenu la candidature de l'entreprise Hervouet Tourisme Sablais pour la délégation des lots n° 1 et 3 des services de transports scolaires, et a autorisé le président du conseil général à signer les conventions y afférentes, implique nécessairement que le département résilie lesdites conventions ; qu'il y a lieu dès lors d'enjoindre au département de la Vendée de résilier la convention signée, en application de cette délibération, avec la société Hervouet Tourisme Sablais ;
Considérant en revanche que la remise en concurrence des services de transports scolaires et l'organisation transitoire de ces services ne constituent pas des mesures d'exécution nécessairement impliquée par le présent jugement au sens des dispositions précitées de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête sur ces points ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L. 8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, et compte tenu des circonstances de l'espèce, de prononcer contre le département de la Vendée, à défaut pour lui de justifier de la résiliation de la convention susvisée dans un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement, une astreinte de 1.000 F par jour jusqu'à la date à laquelle cette résiliation sera intervenue ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de la Vendée à payer à la Compagnie des transports de l'Atlantique une somme de 4.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le département de la Vendée doivent dès lors être rejetées ;
Article 1er : La délibération du 1er juillet 1994 de la commission permanente du conseil général de la Vendée, en tant qu'elle retient pour les lots 1 et 3 la candidature de la société Hervouet Tourisme Sablais, et la décision du 8 juillet 1994 du président du conseil général de la Vendée sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au département de la Vendée de résilier la convention passée, en application de la délibération du 1er juillet 1994 visée à l'article 1, avec la société Hervouet Tourisme Sablais.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre du département de la Vendée s'il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de la présente décision, résilié la convention visée à l'article 2. Le taux de cette astreinte est fixé à 1.000 F (mille francs) par jour à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : Le département de la Vendée communiquera au greffe du tribunal administratif copie des actes justifiant de la résiliation de la convention visée à l'article 2.
Article 5 : Le département de la Vendée est condamné à verser 4.000 F (quatre mille francs) à la Compagnie des transports de l'Atlantique au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la Compagnie des transports de l'Atlantique, au département de la Vendée, à la commission permanente du conseil général de la Vendée et à la société Hervouet Tourisme Sablais.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Nantes
Numéro d'arrêt : 94-2277
Date de la décision : 11/04/1996
Sens de l'arrêt : Annulation injonction astreinte
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC - Choix du concessionnaire - a) Obligation pour la collectivité concédante de respecter les règles qu'elle a fixées - b) Contrôle restreint du juge (1) - c) Erreur manifeste d'appréciation - Existence en l'espèce.

39-02-02-01 Si, dans le cadre de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, la collectivité concédante choisit librement le concessionnaire, elle est tenue de respecter les règles qu'elle s'est préalablement fixées pour ce choix. En dérogeant au profit d'une seule société candidate, pour la délégation des services de transports scolaires, aux règles de recevabilité des offres préalablement fixées, la collectivité concédante a ainsi non seulement méconnu le principe d'égal accès des candidats à l'attribution de la délégation, mais aussi violé les règles qu'elle s'était elle-même imposées. Enfin en retenant une entreprise qui ne justifiait pas à la date de la décision attaquée des garanties et aptitudes pour assurer le service, la concédante a entaché son choix d'erreur manifeste d'appréciation.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE (1) - RJ1 Etendue du contrôle sur le choix d'un délégataire du service public - Contrôle restreint (1) - (2) Pouvoir d'injonction pour l'exécution du jugement (art - L - 8-2 du code des T - A - et des C - A - A - ) - Annulation de la délibération choisissant l'attributaire d'une délégation de service public - Injonction de résilier la convention de délégation.

39-08-03(1) Le juge exerce un contrôle restreint sur l'appréciation à laquelle se livre le délégant dans le choix de l'attributaire d'une délégation de service public.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION - Annulation de la délibération choisissant l'attributaire d'une délégation de service public - Injonction sous astreinte de résilier la convention de délégation.

39-08-03(2), 54-06-07-008 Délégation de service public attribuée en violation des règles fixées par la collectivité délégante et entachée de sa part d'une erreur manifeste d'appréciation dans le choix du délégataire. Pour l'exécution du jugement annulant la délibération attribuant la délégation, le tribunal administratif enjoint au délégant de résilier la convention de délégation, sous astreinte de 1.000 F par jour à l'expiration des six mois suivant la notification du jugement.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2
Loi 93-122 du 29 janvier 1993

1. Comp. CE, 1986-12-17, Société Hit T.V., Syndicat de l'armagnac et des vins du Gers, T. p. 676


Composition du Tribunal
Président : M. Carbonnel
Rapporteur ?: M. Dorlencourt
Rapporteur public ?: M. Millet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.nantes;arret;1996-04-11;94.2277 ?
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