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10/11/1994 | FRANCE | N°CETATEXT000008294002

France | France, Tribunal administratif de Lille, 10 novembre 1994, CETATEXT000008294002


Vu, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 1994, sous le n° 94-2878, présentée pour M. Z... Sara domicilié ... par maîtres Comte et Creuzillet, avocats à la Cour d'appel de Paris ; M. A... demande que le tribunal administratif enjoigne au ministre de l'intérieur de produire l'entier dossier administratif de l'intéressé et qu'il annule :
- un arrêté du ministre de l'intérieur du 10 août 1994 faisant interdiction au requérant de résider dans les départements de métropole et d'outre-mer à l'exception du département de l'Aisne ;
- un a

rrêté du ministre de l'intérieur du 12 août 1994 faisant interdiction au r...

Vu, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 1994, sous le n° 94-2878, présentée pour M. Z... Sara domicilié ... par maîtres Comte et Creuzillet, avocats à la Cour d'appel de Paris ; M. A... demande que le tribunal administratif enjoigne au ministre de l'intérieur de produire l'entier dossier administratif de l'intéressé et qu'il annule :
- un arrêté du ministre de l'intérieur du 10 août 1994 faisant interdiction au requérant de résider dans les départements de métropole et d'outre-mer à l'exception du département de l'Aisne ;
- un arrêté du ministre de l'intérieur du 12 août 1994 faisant interdiction au requérant de résider dans les départements de métropole et d'outre-mer à l'exception du département du Nord ;
- un arrêté du préfet du Nord du 12 août 1994 interdisant au requérant de résider dans les départements de métropole et d'outre-mer à l'exception du département du Nord et l'astreignant à résider à Lesquin, à l'hôtel Mercure ;
- un arrêté du ministre de l'intérieur du 13 août 1994 faisant interdiction au requérant de résider dans les départements de métropole et d'outre-mer à l'exception du département de l'Aisne ;

Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance en date du 2 novembre 1994 du président du tribunal administratif réduisant à deux jours le délai de convocation à l'audience ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée par les lois des 24 août et 30 décembre 1993 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 8 novembre 1994 :
- le rapport de Mme Ducarouge, président,
- les observations de maître X..., substituant maître Y..., pour le ministre de l'intérieur et de l'aménagement,
- les conclusions de M. Louis-Dominique Laugier, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la requête de M. A... tend à l'annulation de deux arrêtés du ministre de l'intérieur des 10 et 13 août 1994 pris sur le fondement de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et de l'article 2 du décret du 18 mars 1946, lui faisant interdiction de résider dans tout autre département que celui de l'Aisne, d'un arrêté du ministre de l'intérieur du 12 août lui faisant interdiction de résider dans tout autre département que celui du Nord et d'un arrêté du même jour du préfet du Nord l'astreignant à résider à l'hôtel Mercure de Lesquin ;
Considérant qu'aucune conclusion écrite n'a été formée devant le tribunal administratif de Lille contre l'arrêté d'assignation à résidence dans la caserne de Folembray ; qu'ainsi les moyens soulevés à l'encontre de cet arrêté et de l'arrêté ultérieur interdisant à M. A... d'établir son domicile dans tout autre département que le Gers sont sans incidence sur la légalité des arrêtés attaqués ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 août 1994 :
Considérant que cet arrêté est motivé par les relations étroites entretenues par l'intéressé avec d'importants responsables d'un mouvement prônant la violence et la lutte armée, le fait que le requérant est l'un des animateurs de cette organisation en milieu étudiant et qu'il joue un rôle important dans la propagande de ses thèses ; que cette motivation satisfait en l'espèce aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 2 du décret du 18 mars 1946 modifié : "Lorsqu'un étranger non titulaire de la carte de résident doit, en raison de son attitude ou de ses antécédents, être soumis à une surveillance spéciale, le ministre de l'intérieur et de la décentralisation peut lui interdire de résider dans un ou plusieurs départements. Le commissaire de la République peut, dans la même hypothèse, réduire au département ou, à l'intérieur de ce dernier, à une ou plusieurs circonscriptions de son choix la validité territoriale de la carte de séjour ou titre en tenant lieu dont l'intéressé est muni" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est en relation avec les membres de la frange radicale du Front islamique du salut (F.I.S.) installée en Belgique, à l'initiative d'un trafic de faux documents ; que la perquisition effectuée à son domicile a permis la découverte de nombreux exemplaires de plusieurs revues militant en faveur de la lutte armée en Algérie, dont certaines interdites ; que ces faits n'ont pas été sérieusement contestés par le requérant devant le tribunal administratif ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'entier dossier de l'intéressé, le ministre, qui ne s'est fondé ni sur des faits matériellement inexacts, ni sur de simples opinions ou convictions de l'intéressé, a pu légalement, sans commettre ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation, ni détournement de pouvoir, estimer que le requérant nécessitait une surveillance spéciale et lui interdire sur le fondement des dispositions précitées du décret du 18 mars 1946, de résider dans tout département de la métropole et de l'outre-mer à l'exception de celui de l'Aisne ; que par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté ministériel du 10 août 1994 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du ministre de l'intérieur du 12 août 1994 interdisant à M. A... de résider dans tout autre département que celui du Nord et contre l'arrêté du ministre du 13 août 1994 lui interdisant à nouveau de résider dans tout autre département que celui de l'Aisne :
Considérant que le ministre de l'intérieur, pour motiver ces arrêtés, se borne à faire état d'"éléments nouveaux" qui auraient justifié le transfert dans le Nord de la résidence de M. A..., puis son retour dans l'Aisne ; que cette motivation ne satisfait pas aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que par suite M. A... est fondé à demander l'annulation des arrêtés ministériels des 12 et 13 août 1994 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet du Nord du 12 août 1994 assignant M. A... à résidence à l'hôtel Mercure de Lesquin :
Considérant qu'aux termes de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine, ni se rendre dans aucun autre pays peut, par dérogation à l'article 35 bis, être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie. La même mesure peut, en cas de nécessité urgente, être appliquée aux étrangers qui font l'objet d'une proposition d'expulsion. Dans ce cas, la mesure ne peut excéder un mois. La décision est prise, en cas d'expulsion prononcée par le ministre de l'intérieur ou d'interdiction judiciaire du territoire, par arrêté du ministre de l'intérieur, et, en cas de reconduite à la frontière ou d'interdiction du territoire en application de l'article 22 ou d'expulsion en application du troisième alinéa de l'article 23, par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, ou, à Paris, par le préfet de police. En cas de proposition d'expulsion, la décision est prise par l'autorité compétente pour prononcer l'expulsion" ;
Considérant qu'en l'absence d'arrêté d'expulsion ou de reconduite et de proposition d'expulsion, le préfet du Nord ne tenait pas des dispositions précitées de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 le pouvoir d'assigner à résidence M. A... dans un lieu déterminé ; que le préfet du Nord n'a pu légalement prendre cette mesure en application de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 12 août 1994, dès lors que celui-ci est annulé par le présent jugement ; que par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 août 1994 ;
Article 1er : Les arrêtés du ministre de l'intérieur du 12 août et du 13 août 1994 et l'arrêté du préfet du Nord du 12 août 1994 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Z... Sara et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Lille
Numéro d'arrêt : CETATEXT000008294002
Date de la décision : 10/11/1994
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ETRANGERS - REFUGIES - APATRIDES - ETRANGERS - QUESTIONS COMMUNES - ADMISSION AU SEJOUR (1) Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence - Assignation d'un étranger n'étant sous le coup ni d'une expulsion ni d'une reconduite à la frontière - Illégalité - (2) Motifs justifiant l'assignation à résidence - Découverte au domicile de l'étranger assigné à résidence de nombreux exemplaires de revues prônant la lutte armée en Algérie.

26-05-01-01(1), 49-05-04-025-01(1) En l'absence d'arrêté d'expulsion ou de reconduite et de proposition d'expulsion, le préfet ne tient pas des dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 le pouvoir d'assigner à résidence un étranger dans un lieu déterminé.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ETRANGERS - RESTRICTIONS APPORTEES AU SEJOUR - ASSIGNATION A RESIDENCE (1) Assignation d'un étranger n'étant sous le coup ni d'une expulsion ni d'une reconduite à la frontière - Illégalité - (2) Motifs justifiant l'assignation à résidence - Découverte au domicile de l'étranger assigné à résidence de nombreux exemplaires de revues prônant la lutte armée en Algérie.

26-05-01-01(2), 49-05-04-025-01(2) La perquisition effectuée au domicile de l'étranger assigné à résidence, dont les relations avec des membres de la frange radicale du F.I.S. en Belgique sont établies, a permis la découverte de nombreux exemplaires de plusieurs revues militant en faveur de la lutte armée en Algérie, dont certaines interdites. Ces faits n'ont pas été sérieusement contestés par le requérant devant le tribunal administratif. Le ministre a pu légalement, sans commettre ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation, ni détournement de pouvoir, estimer que cet étranger nécessitait une surveillance spéciale et lui interdire, sur le fondement des dispositions de l'article 2 du décret du 18 mars 1946, de résider dans tout département de la métropole et de l'outre-mer à l'exception de celui de l'Aisne.


Références :

Décret 46-448 du 18 mars 1946 art. 2
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 28


Composition du Tribunal
Président : Mme Ducarouge
Rapporteur ?: Mme Ducarouge
Rapporteur public ?: M. Laugier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.lille;arret;1994-11-10;cetatext000008294002 ?
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