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16/01/1998 | FRANCE | N°CETATEXT000007607804

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 16 janvier 1998, CETATEXT000007607804


Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les lettres du 23 novembre 1993 et du 27 septembre 1994 du président de la deuxième chambre de la Cour des comptes transmises au Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-1 du code des juridictions financières ;

Sur la compétence de la cour :
1. Considérant que les personnes renvoyées devant la Cour, qui sont fonctionnaires de l'E

tat, sont en application de l'article L.312-1-I du code des juridictions fin...

Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les lettres du 23 novembre 1993 et du 27 septembre 1994 du président de la deuxième chambre de la Cour des comptes transmises au Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-1 du code des juridictions financières ;

Sur la compétence de la cour :
1. Considérant que les personnes renvoyées devant la Cour, qui sont fonctionnaires de l'Etat, sont en application de l'article L.312-1-I du code des juridictions financières justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant que M. Y... a fait valoir que dans les procédures de la Cour des comptes antérieures au déféré des faits à la Cour de discipline budgétaire et financière, son droit à une contradiction équitable n'aurait pas été respecté ; que la Cour de discipline budgétaire et financière n'est cependant pas compétente pour apprécier la régularité des procédures devant la Cour des comptes ; qu'il n'est au demeurant pas contesté que le droit des parties à une contradiction équitable a été assuré dans la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
3. Considérant que M. Y... a fait valoir que, pendant la période d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière, le refus implicite d'étendre, à sa demande, la saisine de la Cour au-delà des faits ou des personnes qui avaient fait l'objet des réquisitoires initiaux, aurait empêché la comparaison avec d'autres services des affaires étrangères dont la gestion serait, selon lui, plus contestable que celle du SIAG, et que ce refus aurait en outre empêché la prise en considération des redressements intervenus sous sa gestion dans les pratiques critiquées ; qu'ainsi la Cour de discipline budgétaire et financière aurait été privée de la possibilité d'apprécier les responsabilités de M. Y... avec l'équité et l'exhaustivité nécessaires, dès lors que la Cour des comptes, dans son rapport public, et le ministère des affaires étrangères, dans des communiqués, s'étaient exprimés sur ces sujets ; que cependant l'article L. 314-1 du code des juridictions financières définit limitativement la liste des personnes qui ont seules qualité pour saisir la Cour par l'organe du ministère public ; que la Cour a été informée tant par les pièces du dossier que par les mémoires en défense de MM. Y... et Hucher des circonstances dans lesquelles s'étaient produits les faits dont elle a été saisie en application de l'article L. 314-1 précité, et qu'elle a été en mesure de les prendre en compte pour apprécier la responsabilité des personnes mises en cause ; que le droit des parties à une contradiction équitable a effectivement été assuré ;
4. Considérant que M. Y... a invoqué la violation de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières qui prévoit l'avis de la commission administrative paritaire ou de la formation qui en tient lieu ; qu'il résulte cependant de l'instruction qu'il n'existait au ministère des Affaires étrangères, pour les ministres plénipotentiaires, ni commission administrative paritaire compétente, ni aucune formation en tenant lieu ; qu'en l'absence de réponse, la Cour de discipline budgétaire et financière peut statuer valablement en application des dispositions de l'article L. 314-8 ;

Sur les irrégularités commises et les responsabilités :
A) Marchés de régularisation de la sous-direction des moyens des services :
5. Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que plusieurs marchés de fournitures destinées tant à l'administration centrale qu'à des services diplomatiques et consulaires ont été passés après un début d'exécution, voire après l'exécution totale des prestations, en infraction avec l'article 39 du code des marchés publics, et qu'ils n'ont pu être visés par le contrôleur financier du ministère que pour régularisation ; qu'il en va ainsi du marché de clientèle conclu avec les Papeteries Bellegarde pour couvrir les besoins en papier de l'atelier de reprographie du ministère en 1991 (montant estimé à 0,8 million de francs), du marché de clientèle conclu avec la société Paritherm pour l'entretien en 1991 des installations de climatisation et de chauffage (1,3 million de francs), des marchés de clientèle conclus avec la société Amica pour l'entretien, en 1991 puis en 1992, des réseaux électriques de l'administration centrale (6 millions de francs sur deux ans), des sept marchés de clientèle conclus avec la société Saga Entreprise pour l'entretien en 1991 des installations de chauffage et de climatisation de divers postes diplomatiques (7 millions de francs au total), du marché de clientèle conclu avec la société Euronétec pour le nettoyage des locaux du ministère à Paris (14,5 millions de francs sur trois ans), du marché conclu avec la société Sécuritas pour la surveillance des bâtiments du ministère à Nantes (2,4 millions de francs) ;
6. Considérant en second lieu que le marché avec les Papeteries Bellegarde précité a été passé sans appel à la concurrence, sur le fondement de l'article 103 du code des marchés publics qui se réfère aux cas d'"urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles", ce qui ne correspondait pas aux circonstances de l'espèce ;
7. Considérant en troisième lieu que les marchés Saga ont été passés sans appel à la concurrence, sur le fondement de l'article 104-2° du code des marchés publics qui vise le cas où les prestations ne peuvent être confiées qu'à une entreprise déterminée "à cause de nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir-faire" ; que ces marchés ont été signés après avis défavorable de la commission spécialisée des marchés, qui estimait que les conditions posées par l'article 104-2° n'étaient pas réunies, et que M. Y... y a passé outre, en application de l'article 218 du code des marchés publics, en dépit du fait que la commission des marchés avait critiqué l'absence d'appel à la concurrence ; que M. Y... a cependant reconnu que la société Saga n'était pas la seule capable d'assurer les prestations qui lui étaient confiées et que le recours ultérieur à d'autres prestataires a entraîné une économie de plusieurs millions de francs en année pleine ;

8. Considérant que des violations au code des marchés sont donc établies pour les faits précités et qu'elles constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat ; qu'elles tombent sous le coup des dispositions de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
9. Considérant que la responsabilité de M. Y..., qui a signé les marchés cités ci-dessus, se trouve engagée dans les irrégularités commises ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Y... ait pris de sa propre initiative les mesures pour redresser rapidement les pratiques en cause ;
10. Considérant toutefois que constituent des circonstances atténuantes l'insuffisance des effectifs du SIAG, ainsi que, dans le cas de certains marchés passés sans appel à la concurrence, l'ancienneté des pratiques en cause ;
B) Marchés de régularisation de la sous-direction des investissements immobiliers :
11. Considérant que des marchés de travaux de maîtrise d'oeuvre ou d'étude ont été passés après un début d'exécution ou une exécution totale des prestations, en violation de l'article 39 du code des marchés publics déjà mentionné ; qu'il en va ainsi du marché de maîtrise d'oeuvre passé avec le cabinet Berthet-Pochy et la Sincoba, notifié le 25 juin 1990 pour un montant de 467.271 F TTC, alors que les prestations qui concernaient la surélévation d'un bâtiment du quai d'Orsay en vue d'y installer la cellule de crise et d'urgence du ministère avaient été exécutées ; qu'il en va de même du marché d'étude, conclu le 16 mai 1990 avec un groupement de maîtres d'oeuvre représenté par M. Lescot pour un montant de 979.707 F TTC, pour la maîtrise d'oeuvre d'un restaurant administratif installé sous l'esplanade des Invalides à la suite des mises en demeure des commissions de sécurité relatives au site précédent ;
12. Considérant que les infractions au code des marchés sont constituées et qu'elles tombent sous le coup des dispositions de l'article L. 313-4 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'urgence afférente à la réalisation de ces travaux est de nature à exonérer M. Y... de toute responsabilité à raison des faits mentionnés ci-dessus ;

C) Personnels payés par des entreprises titulaires de marchés de la sous-direction des investissements immobiliers :
13. Considérant que cinq entreprises titulaires de marchés de travaux ou de grosses réparations financés sur les crédits du chapitre 57-10 du ministère des affaires étrangères, les bureaux d'études techniques Sincoba et Etrema et les entreprises Glauser, SPVE et Interprise, ont mis temporairement à la disposition de la sous-direction des investissements immobiliers certains agents, afin d'effectuer des tâches administratives incombant à l'Etat ; que les montants des marchés passés par ces sociétés avec le ministère pour des travaux effectués dans plusieurs bâtiments diplomatiques ou consulaires en ont été majorés ; que ces agents ont été rémunérés soit directement par les entreprises précitées, soit par celles-ci sur des contrats passés avec des sociétés d'intérim ; qu'ont ainsi été mises à la disposition de la sous-direction : deux secrétaires, de mars ou juin 1991 à mars 1993, pour une dépense totale de 944.387 F, prise en charge successivement par les bureaux d'études Etrema pour 432.170 F et Sincoba pour 512.217 F ; une troisième secrétaire, de juin 1992 à septembre 1993, pour une dépense de 94.790 F, prise en charge par la société Interprise ; une quatrième secrétaire, d'avril 1992 à mars 1993, pour une dépense de 95.000 F, prise en charge par la société SPVE ; une cinquième secrétaire, de septembre 1991 à janvier 1993, pour une dépense de 306.016 F, prise en charge successivement par les sociétés SPVE pour 96.040 F et Glauser pour 209.976 F ; que, si l'entreprise Etrema a majoré ses prix d'un montant inférieur aux rémunérations qu'elle a versées, les autres entreprises ont appliqué en sus du coût des rémunérations un pourcentage pour frais généraux allant de 2 à 30 % ;
14. Considérant que ces faits constituent des infractions caractérisées aux règles d'emploi et de rémunération des agents publics et au code des marchés publics ; qu'en effet, les agents mentionnés sont venus renforcer la sous-direction dans l'exécution de ses tâches courantes et non accomplir une quelconque prestation de services ; que les marchés et lettres de commandes concernés ne font pas mention de l'emploi de ces agents, mais que les prix des travaux ont été majorés pour couvrir les charges correspondantes ; que des dépenses de personnel ont ainsi été réglées sur des crédits d'investissement du titre V du budget ; que cette altération du contenu des pièces de la dépense empêchait l'exercice du contrôle financier ;

15. Considérant que ces faits constituent des infractions aux règles d'engagement et d'exécution des dépenses de l'Etat et tombent sous le coup des sanctions prévues aux articles L. 313-1 et L. 313-4 du code des juridictions financières ;
16. Considérant cependant que l'instruction n'a pas fait apparaître que les majorations pour frais généraux appliquées par les entreprises dans une comptabilité parallèle et incorporées dans les prix des marchés aient entraîné pour celles-ci un avantage injustifié, ni qu'une forme de préférence ait joué en leur faveur dans d'autres appels d'offres ;
17. Considérant que l'insuffisance des effectifs de la sous-direction, pour laquelle un renfort de personnels techniciens avait en particulier été demandé, notamment en juin 1991, constitue une circonstance atténuante ;

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de recourir à ces pratiques irrégulières a été prise, sur la proposition de M. X..., par M. Y... ; que l'irrégularité a été commise par M. Y..., qui a signé les marchés et qui déclare d'ailleurs assumer sa responsabilité ;
19. Considérant que les faits incriminés qui se sont produits ou poursuivis postérieurement au 23 novembre 1988 (points A et C) et au 27 septembre 1989 (point B) ne sont pas couverts par la prescription édictée par l'article L. 314-2 ;
20. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en condamnant M. Y... à une amende de 5.000 F et en relaxant M. X... des fins de la poursuite ;
21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française ;
Condamnation de M. Y... à une amende de 5.000 F. ; relaxe de M. X... ; publication de l'arrêt au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007607804
Date de la décision : 16/01/1998
Sens de l'arrêt : Amende relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Infraction aux règles d'emploi et de rémunérations des agents publics et au code des marchés publics.

18-01-05-01 Conditions irrégulières de passation de marchés passés par le Service des immeubles et des affaires générales (SIAG) du ministère des Affaires étrangères. Responsabilité du chef du SIAG, au titre des infractions aux règles d'emploi et de rémunérations des agents publics et de la violation des règles du code des marchés publics. Amende de 5.000 F. Relaxe du sous-directeur chargé des investissements immobiliers du SIAG


Références :

Code des juridictions financières L312-1, L314-1, L314-8, L313-4, L313-1, L314-2
Code des marchés publics 39, 103, 104, 218


Composition du Tribunal
Président : M. Joxe
Rapporteur ?: M. Join-Lambert

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1998:CETATEXT000007607804
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