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26/06/1996 | FRANCE | N°CETATEXT000007609566

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 26 juin 1996, CETATEXT000007609566


Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ; la décision notifiée le 29 octobre 1992 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités dans la gestion du Centre E et de deux de ses filiales ; le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 7 décembre 1992 transmettant le dossier à la Cour de discipline et financière ;

Sur la compétence de la cour :
Considérant que E, établissement public de l'Etat à caractère ind

ustriel et commercial relève de la compétence de la Cour des comptes en applic...

Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ; la décision notifiée le 29 octobre 1992 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités dans la gestion du Centre E et de deux de ses filiales ; le réquisitoire du Procureur général de la République en date du 7 décembre 1992 transmettant le dossier à la Cour de discipline et financière ;

Sur la compétence de la cour :
Considérant que E, établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial relève de la compétence de la Cour des comptes en application de l'article L. 133-1 du code des juridictions financières ;
Que la société S. dont le capital est dans sa quasi totalité détenu par une société holding qui a elle-même un capital appartenant pour 53 % à des actionnaires dépendant de l'Etat, dont E et la société L dont, à l'époque des faits, le capital était détenu à hauteur de 60 % par E, relèvent également de la compétence de la Cour des comptes en vertu de l'article L. 133-2 du code des juridictions financières ;
Considérant que M. A., ingénieur de l'armement en service détaché, a été président de la société S. depuis la création de cette société en 1980 jusqu'au 31 juillet 1990 ; qu'il a été nommé directeur général de E le 8 juillet 1982 et a exercé ces fonctions jusqu'au 10 février 1989 ; qu'enfin, le 13 décembre 1988, il a été nommé Président de la société L, poste qu'il a conservé jusqu'au 1er septembre 1990 ;
Qu'en conséquence, en sa qualité de directeur général d'un établissement public et de président d'une ou deux filiales relevant tous trois de la compétence de la Cour des comptes, il est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article L. 312-1-I du code des juridictions financières ;

Sur la prescription :
Considérant que le déféré de la Cour des comptes ayant été enregistré au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 29 octobre 1992, les faits antérieurs au 29 octobre 1987 sont couverts par la prescription prévue par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ; que toutefois les irrégularités relevées portent sur des cumuls de rémunérations qui font l'objet de forfaits globaux annuels qui ne peuvent être appréciés qu'en fin d'année, c'est à dire s'agissant de l'année 1987 au 31 décembre 1987 ; que les faits considérés concernent donc des rémunérations reçues au titre des années 1987, 1988 et 1989 ;
Sur les faits :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 3 du décret du 9 août 1953 modifié relatif au contrôle de l'Etat sur les entreprises publiques nationales, le traitement et les autres éléments de rémunération du directeur général de E sont fixés par le ministre chargé des Finances et le ministre de tutelle intéressé ;
Que la rémunération de M. A avait été fixée par une décision conjointe du 23 août 1982 du ministre d'Etat, ministre de la recherche et de l'industrie et du ministre délégué chargé du budget, décision communiquée au président et à l'agent comptable de E ; que cette décision fixait le traitement brut total annuel de M. A à 450.000 F (valeur 1982) et précisait que ce montant constituait Un forfait global annuel "exclusif de tout autre avantage en espèces ou en nature lié à la qualité de dirigeant de l'entreprise" à l'exception de l'usage d'une voiture de fonction et qu'il serait revalorisé exclusivement en fonction des taux définis par le gouvernement pour l'ensemble des dirigeants d'entreprise publique ; que la lettre de notification du 30 août 1982 adressée au Président de E indiquait explicitement que la rémunération du directeur général était fixée pour l'ensemble de ses activités ;
Considérant que M. A a néanmoins continué de percevoir en sus du traitement versé par E un complément de rémunération versé par la société S. ; que cette situation a été signalée par le contrôleur d'Etat à la direction du budget et, en 1985 et 1986, par le ministre de l'Economie, des finances et du budget au ministre de la recherche et de la technologie auquel il a proposé une augmentation de la rémunération versée par E dont serait déduit le complément versé par la société S ; qu'aucun accord n'a cependant été obtenu du ministre chargé de la recherche sur ces bases ;

Considérant que par lettre du 12 octobre 1987, le directeur général de l'industrie au ministère de l'industrie, des PTT et du tourisme informait M. A qu'en accord avec le ministre du Budget, le montant annuel brut de sa rémunération était fixé à 748.624 F (valeur 1985) ; que l'annexe à cette lettre rappelait la règle du forfait global et mentionnait expressément les rémunérations provenant des filiales dans les avantages à déduire du forfait global fixé par les pouvoirs publics ; que M. A a eu connaissance de cette correspondance, mais qu'il a réclamé de pouvoir bénéficier en plus du forfait d'un intéressement que lui verserait S. ;
Qu'aucun accord entre les administrations n'a été trouvé sur les bases proposées par M. A ; que M. A a continué de recevoir de E la rémunération fixée par la décision interministérielle du 23 août 1982 puis revalorisée, et de S jusqu'en 1990, un complément de rémunération ; qu'il a en outre perçu en 1990, au titre de 1989, une rémunération de la société L. ;
Qu'à la suite de l'enquête de ses services sur les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques, le ministre délégué au budget a écrit le 14 août 1991 au ministre chargé de l'espace pour lui signaler que M. A avait perçu au titre de 1988 un total de rémunérations excédant le montant fixé le 12 octobre 1987 et proposait que le versement du trop perçu qu'il chiffrait à 157.329 F soit réclamé à l'intéressé par une lettre conjointe ; que le ministre chargé de l'espace a refusé de donner son accord à cette procédure de récupération ;
Qu'à l'occasion du contrôle de E., de S. et de L., la Cour des comptes, prenant comme référence la lettre sus mentionnée du 12 octobre 1987, a évalué le trop perçu à 564.674 F pour les années 1987, 1988 et 1989 ; que le procureur général près la Cour des comptes a écrit le 25 novembre 1992 au président de E pour lui demander de faire reverser les trop payés dans la caisse de l'établissement public par M. A ; qu'en réponse, le président de E et M. A. ont fait valoir différents arguments de droit et de fait et qu'il n'a pas été procédé au reversement ;
Considérant que la lettre du 12 octobre 1987 majorant la rémunération globale du directeur général de E résulte d'un accord de deux ministères, celui du budget et celui de l'industrie, des PTT et du tourisme, alors qu'à cette date E était placé sous la double tutelle technique des ministères de l'industrie, des PTT et du tourisme d'une part, de la recherche et de l'enseignement supérieur d'autre part ; qu'en l'absence d'accord de ce dernier, la décision du 12 octobre 1987 n'était pas conforme aux dispositions du décret du 9 août 1953 modifié et n'a donc pu produire d'effet juridique ; que la décision du 23 août 1982 demeurait donc seule applicable ;
Considérant que M. A était président de S depuis deux ans lorsqu'il a été nommé directeur général de E et que cette présidence ne pouvait dés lors être regardée comme un avantage "lié à la qualité de dirigeant de l'entreprise" au sens de la lettre du 23 août 1982 ;

Considérant que les sommes reçues de la société L. en janvier 1990 étaient une prime de rendement fixée a posteriori pour l'ensemble de l'année 1989 ; qu'il ne peut donc être envisagé d'en affecter une partie à la période du 1er janvier au 10 février 1989 ;
Considérant que dès lors non seulement l'irrégularité ne paraît pas établie mais surtout qu'elle ne pourrait être imputée à M. A. ;
Article 1er et unique : M. A est relaxé des fins de la poursuite.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609566
Date de la décision : 26/06/1996
Sens de l'arrêt : Relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'un établissement public national à caractère industriel et commercial - Infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'organisme - Rémunération - Prescription.

18-01-05-01 Rémunération d'un directeur général d'entreprise publique fixée par les ministres de tutelle constituant un forfait global annuel et excluant tout autre avantage lié à la qualité de dirigeant de l'entreprise. Restriction inapplicable à une seconde rémunération perçue par ce dirigeant au titre de la présidence d'une filiale qu'il assumait dès avant sa nomination. Disposition postérieure excluant le cumul avec les rémunérations versées par des filiales, également inapplicable car signée seulement par deux des trois ministres de tutelle de l'entreprise publique. Relaxe.


Références :

Code des juridictions financières L133-1, L133-2, L312-1, L314-2
Décret du 09 août 1953 art. 3


Composition du Tribunal
Président : M. Joxe
Rapporteur ?: Mme Boutin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1996:CETATEXT000007609566
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