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20/11/1995 | FRANCE | N°CETATEXT000007607784

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 20 novembre 1995, CETATEXT000007607784


Vu le code des juridictions financières, notamment le titre Ier de son livre III ; le code des marchés publics ; le décret du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique ; les décrets du 10 novembre 1983 et du 12 avril 1984, relatifs à l'organisation, au fonctionnement et au régime administratif, financier et comptable de l'INSERM ; les décrets du 24 novembre 1982 et 1er mars 1984, relatifs à l'organisation, au fonctionnement et au régime administratif, financier et comptable du CNRS ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'en leur

qualité, respectivement de directeur de l'unité de recherche associée d...

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre Ier de son livre III ; le code des marchés publics ; le décret du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique ; les décrets du 10 novembre 1983 et du 12 avril 1984, relatifs à l'organisation, au fonctionnement et au régime administratif, financier et comptable de l'INSERM ; les décrets du 24 novembre 1982 et 1er mars 1984, relatifs à l'organisation, au fonctionnement et au régime administratif, financier et comptable du CNRS ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'en leur qualité, respectivement de directeur de l'unité de recherche associée du CNRS n° 318 et de l'unité de l'INSERM n° 7, de délégué régional du CNRS et d'administrateur délégué régional de l'INSERM, MM. Philippe Y..., Alain X... et René Z... sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur le fond :
I. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des textes susvisés, relatifs à l'organisation comptable et financière de l'INSERM et du CNRS, que seuls les administrateurs délégués avaient normalement compétence pour engager des dépenses au nom soit de l'INSERM, soit du CNRS ; que si les ordonnateurs secondaires du CNRS ont la possibilité, dans certaines limites, de déléguer la signature des bons de commande aux directeurs d'unité, le Pr Y... n'a pas demandé à bénéficier d'une telle délégation ; qu'ainsi, aucun membre de l'unité 7-URA 318 n'avait compétence pour passer directement commande à des fournisseurs au nom de l'INSERM ou du CNRS ; qu'il leur appartenait seulement d'adresser des propositions à cette fin aux administrateurs compétents de ces établissements publics ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des procès-verbaux des auditions que les chercheurs et le personnel administratif de l'unité 7-URA 318 ont passé directement commande à des fournisseurs, par téléphone ; que les secrétaires de l'unité chargées des tâches administratives et financières ont signé plusieurs bons de commande à l'en-tête du CNRS ; que le Pr Y... a signé personnellement certains bons de commande à l'en-tête du CNRS et des promesses d'achat de matériel et d'équipement scientifique, à valoir sur les crédits INSERM ou CNRS de l'année suivante, notamment pour l'achat d'une centrifugeuse et d'un spectrofluorimètre ;
Considérant, en conséquence, que les commandes passées directement aux fournisseurs par téléphone, les bons de commande à l'en-tête du CNRS signés à l'unité 7-URA 318 et les promesses d'achats de matériels constituent des engagements de dépenses effectués par des personnes non habilitées à cet effet ; que ces faits entrent dans le champ d'application de l'article L. 313-3 du code des juridictions financières ;

II - Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des procès-verbaux des auditions et des observations des intéressés que les engagements irréguliers susmentionnés n'ont pas été portés à la connaissance des administrateurs délégués de l'INSERM et du CNRS ; qu'en raison de cette carence, la comptabilité des engagements de l'unité 7-URA 318, tenue par les administrateurs délégués compétents, ne permettait pas de constater l'ensemble des obligations de ces organismes publics, desquelles résulterait une charge, comme l'exige l'article 29 du décret susvisé du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique ; qu'il en est résulté d'importants dépassements de crédits, à hauteur d'environ 1,6 million de francs pour le budget du CNRS et de 1,4 million de francs pour le budget de l'INSERM ;
Considérant que ces faits entrent dans le champ d'application de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

III. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier et des procès-verbaux d'audition que le CNRS et l'INSERM autorisent les unités de recherche à se faire livrer directement les biens et services ; que les factures des fournisseurs sont, en conséquence, adressées auxdites unités ; que ces dernières certifient le service fait ; qu'il appartenait dès lors à l'unité de recherche de transmettre aux autorités compétentes de l'INSERM et du CNRS les factures reçues, dans les délais imposés par le code des marchés publics ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des procès-verbaux des auditions qu'à dater de l'exercice 1987 des factures impayées ont été conservées à l'unité 7-URA 318, sans transmission aux administrateurs délégués ; que le montant total TTC des factures reçues par l'unité et non transmises à l'INSERM ou au CNRS a été arrêté à 6.863.105,52 F ;
Considérant que la non transmission de ces factures aux administrateurs compétents entre dans le champ d'application de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur les responsabilités :
En ce qui concerne le Pr Y... :
Considérant qu'à l'époque des faits, les directeurs généraux de l'INSERM et du CNRS n'avaient pas clairement défini le rôle administratif et financier des directeurs d'unités de recherche et n'avaient pas établi avec suffisamment de précisions les relations que ceux-ci devaient nécessairement entretenir avec les administrateurs délégués ;
Considérant toutefois que les textes applicables établissaient sans ambiguïté qu'en l'absence de toute délégation expresse qui lui aurait été consentie à cet effet, le Pr Y... ne disposait d'aucun pouvoir pour prendre les décisions relatives à l'exécution du budget de son unité de recherche ; qu'il lui appartenait, dès lors, de veiller à ce que le personnel placé sous son autorité n'empiète en aucune manière sur la responsabilité exclusive attribuée en la matière aux administrateurs compétents de l'INSERM ou du CNRS ; que, s'agissant des chercheurs de l'unité, ni leur grade, leur âge ou leur expérience scientifique ne dispensaient le Pr Y... de l'exercice de son pouvoir hiérarchique à leur égard ; qu'en laissant ces chercheurs aussi bien que des secrétaires administratives passer directement des commandes aux fournisseurs et prendre ainsi des décisions d'engagement de dépenses, en ne veillant pas à faire assurer aux autorités de l'INSERM et du CNRS la transmission des factures reçues et en s'abstenant d'informer de la situation ainsi créée les dites autorités, le Pr Y... a manqué à son devoir de surveillance et engagé sa responsabilité ;
Considérant, en outre, qu'en signant lui-même des bons de commande à en-tête du CNRS et des promesses d'achat d'équipement, le professeur Y... a également méconnu personnellement les règles budgétaires de l'INSERM et du CNRS ;
Considérant, cependant, que l'honorabilité du Pr Y... n'est pas en cause ; qu'il n'a pris aucun intérêt personnel aux errements constatés ; qu'il a sollicité, de l'INSERM et du CNRS, sans l'obtenir, l'éclatement de l'unité 7-URA 318, en plusieurs unités de taille plus réduites et donc plus aisées à gérer ;
Considérant qu'il résulte, en outre, de l'instruction que le Pr Y... n'a pas reçu de l'INSERM et du CNRS l'aide et les conseils dont il aurait eu besoin pour assurer correctement la gestion d'une unité de recherche dont le financement était assuré aussi bien par des sources publiques que privées ; qu'à plusieurs reprises, l'INSERM, à l'initiative de son directeur général, et le CNRS, à l'initiative du directeur scientifique concerné, ont accordé à l'unité 7-URA 318 des crédits exceptionnels destinés à prévenir des dépassements de crédits ; que ces pratiques, qui n'ont pas été immédiatement accompagnées des investigations destinées à mettre en lumière les causes de ces dépassements, n'ont pu inciter le Pr Y... à mettre fin aux erreurs rappelées ci-dessus ;

En ce qui concerne MM. X... et Z... :
Considérant qu'en ce qui concerne MM. X... et Z..., aucune participation personnelle à des irrégularités relatives à l'engagement ou au mandatement ne peut être retenue ; qu'en l'absence d'informations sur les engagements de dépenses décidés au sein de l'unité, ceux-ci pouvaient légitimement penser que l'unité 7-URA 318 disposait de crédits suffisants pour couvrir les engagements de dépenses dont ils avaient connaissance ;
Considérant que la découverte des factures impayées découle d'une initiative personnelle de M. Z... ; que ce dernier a donc exercé le devoir de surveillance qui lui incombait ; qu'au moment où M. X... a quitté ses fonctions, aucun élément matériel, et notamment aucune réclamation de fournisseurs, ne lui permettait de mettre en doute la sincérité des informations qui lui étaient transmises par l'URA 318 ; qu'en conséquence, il ne peut être reproché à M. X... d'avoir failli au devoir de surveillance ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant le Pr Y... à une amende de 8.000F, en prononçant la relaxe de MM. X... et Z... et en publiant le présent arrêt au Journal officiel de la République française ;
condamnation de M. Philippe Y... à une amende de 8.000 F ; relaxe de MM. Alain X... et René Z... ; publication de l'arrêt au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007607784
Date de la décision : 20/11/1995
Sens de l'arrêt : Amendes relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion de deux établissements publics nationaux à caractère scientifique et technologique - Engagement des dépenses sans en avoir le pouvoir - Infractions aux règles d'exécution de dépenses de l'organisme.

18-01-05-01 Passation de commandes à des fournisseurs par des personnes non habilitées. Engagement de dépenses dans des conditions irrégulières. Engagements irréguliers non portés à la connaissance des administrateurs délégués compétents. En conséquence dépassements de crédits. Factures impayées conservées par les unités de recherche sans transmission aux administrateurs délégués. Responsabilité du directeur de l'unité de recherche. Manquement à son devoir de surveillance. Circonstances atténuantes. Amende de 8000 F. Relaxes des administrateurs délégués : absence de participation personnelle aux irrégularités relatives aux engagements et aux mandatements en cause. Amende. Relaxes.


Composition du Tribunal
Président : M. Joxe
Rapporteur ?: Mme Malegat-Mély
Avocat(s) : M. Mendelsohn, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1995:CETATEXT000007607784
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