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28/06/1995 | FRANCE | N°CETATEXT000007609672

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 28 juin 1995, CETATEXT000007609672


Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision notifiée le 20 novembre 1991 et enregistrée au parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans le paiement des primes dites d'impulsion accordées à des dirigeants de la poste de 1988 à 1990 au titre des contrats de la Caisse nationale de prÃ

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Considérant qu'il convient ...

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision notifiée le 20 novembre 1991 et enregistrée au parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans le paiement des primes dites d'impulsion accordées à des dirigeants de la poste de 1988 à 1990 au titre des contrats de la Caisse nationale de prévoyance placés par le réseau de la poste ;

Considérant qu'il convient d'examiner successivement la situation des directions d'Ile-de-France et celle de la direction générale de La Poste ;
I. En ce qui concerne les directions d'Ile-de-France :
Extension sans texte du champ d'application des primes d'impulsion :
Sur les irrégularités :
Considérant que l'arrêté du ministre des finances du 21 juin 1955 a institué une prime d'impulsion au bénéfice des trésoriers-payeurs généraux, des receveurs particuliers des finances, ainsi que des directeurs régionaux des services postaux et des directeurs départementaux des postes, destinée à rémunérer leur rôle dans la diffusion et la promotion des produits de la Caisse nationale d'assurance en cas de décès, puis de la Caisse nationale de prévoyance ;
Considérant que, compte tenu des changements d'appellation intervenus dans les grades de la poste depuis 1955, seuls les directeurs régionaux et les chefs de service départementaux des postes pouvaient régulièrement percevoir cette prime ;
Considérant qu'au moment des faits, MM. X... et E..., administrateurs des P.T.T., exerçaient respectivement les fonctions de directeur du personnel et de directeur d'exploitation à la direction régionale de Paris, qu'ils n'avaient pas le grade de directeur régional ou de chef de service départemental et n'étaient pas non plus détachés sur un tel emploi ;
Considérant que MM. X... et E... ont ainsi irrégulièrement perçu des primes d'impulsion d'un montant total de 348 000 F ;

Considérant qu'il est établi que M. A..., qui a exercé de mai 1982 à janvier 1991 les fonctions de délégué général du directeur général de La Poste pour l'Ile-de-France, a bénéficié du versement de primes d'impulsion tout au long de cette période ; qu'il a notamment perçu de 1988 à 1990 des primes d'impulsion provenant des trois directions régionales d'Ile-de-France à hauteur de 365 000 F ;
Considérant qu'il résulte des arrêtés ministériels définissant les attributions de la délégation pour la région Ile-de-France, et en particulier des articles 1er et 9 de l'arrêté n° 636 du 5 mars 1986 et des articles 1er et 10 de l'arrêté n° 1434 du 30 mars 1987, que cette délégation fait partie des services de la direction générale ;
Que, dans ces conditions, c'est à tort que M. A..., fonctionnaire des services centraux, a perçu des primes d'impulsion, alors que l'arrêté du 21 juin 1955 en réserve le bénéfice à certains fonctionnaires des services extérieurs ;
Considérant que l'ensemble des versements irréguliers, non budgétisés et effectués de surcroît pour partie en numéraire, dont ont bénéficié MM. X..., E... et Capelle, tombe sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948, qui vise les personnes qui auront enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat et des dispositions de l'article 6 de la même loi qui vise les personnes qui, dans l'exercice de leurs fonctions ou attributions, auront, en méconnaissance de leurs obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor ;
Sur les responsabilités :
Considérant que les primes d'impulsion étaient versées aux agents figurant sur des listes établies par les directeurs régionaux, lesquels les faisaient adresser, sous la signature de leurs chefs de cabinet, aux receveurs principaux ;
Considérant que, dans ces conditions, les versements irréguliers effectués pendant la période considérée relèvent de la responsabilité respective des directeurs régionaux d'Ile-de-France en fonctions à l'époque des faits, soit, s'agissant des primes versées à MM. X... et E..., de M. D... y Rotger et, s'agissant de celles versées à M. A..., de MM. D... y Rotger, Z... et F... ;
Qu'il y a lieu toutefois d'examiner s'il existe des circonstances de nature à atténuer leurs responsabilités ;

Considérant qu'en ce qui concerne le directeur régional de Paris, dès 1955, une note du ministre des P.T.T. adressée au directeur régional des services postaux à Paris a prévu un système de répartition spéciale entre le directeur régional et ses collaborateurs ; que la succession, dans des fonctions identiques, de fonctionnaires tantôt titulaires d'un des grades visés par l'arrêté du 21 juin 1955, tantôt non titulaires de ces grades, est de nature à atténuer fortement la responsabilité encourue par M. D... y Rotger dans les versements intervenus au profit de MM. X... et E... ;
Qu'en ce qui concerne les versements dont a bénéficié M. A..., il est établi, d'une part, que ce régime préexistait à sa prise de fonctions et à celles des directeurs régionaux concernés et, d'autre part, que la délégation générale pour l'Ile-de-France dont il assurait la direction, si elle est organiquement rattachée à la direction générale de La Poste, assure une fonction d'animation et de coordination des services extérieurs d'Ile-de-France qui concerne également les produits de la Caisse nationale de prévoyance ; qu'en outre M. A... était membre du comité d'orientation Poste-C.N.P. de l'Ile-de-France ;
Considérant, dès lors, qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'engager la responsabilité de MM. D... y Rotger, Z... et F... au regard des dispositions de la loi du 25 septembre 1948 modifiée du chef des versements irréguliers de primes d'impulsion dont ont bénéficié MM. X..., E... et Capelle ;
Irrégularités de caractère fiscal :
Sur les irrégularités :
Considérant que l'arrêté du ministre des finances du 21 juin 1995 relatif aux primes d'impulsion dispose que ces primes sont pour partie représentatives de frais et donc non imposables à due concurrence ;
Considérant qu'il a été constaté que ces primes ne figuraient pas, contrairement aux primes de propagande et aux autres indemnités, sur les états budgétaires informatisés tenus pour chaque agent, mais qu'elles étaient signalées à l'agent comptable régional des P.T.T. de la région Ile-de-France soit par le chef de service territorial, soit, dans le cas de M. A..., par l'intéressé lui-même ;
Que seule la fraction réputée non imposable des primes en cause était portée à la connaissance de l'agent comptable régional ;
Que cette pratique a eu pour effet de rendre impossible l'application, par l'agent comptable régional, du plafonnement à 50 000 F, prévu à l'article 6 de la loi de finances pour 1970, devenu article 83 (3°) du code général des impôts, des déductions forfaitaires spéciales admises au titre des frais professionnels, alors qu'il est établi que ce plafond aurait dû jouer, compte tenu des indemnités qu'ils percevaient, à l'égard notamment de MM. D... y Rotger, Z..., F..., Viet, C... et Capelle ;

Considérant, en outre, que la Cour des comptes, par deux référés en date du 16 novembre 1983, a spécialement appelé l'attention du ministre des P.T.T. sur cette situation en demandant qu'elle fût régularisée ; que, dans sa réponse du 19 décembre 1984 à la cour, le ministre des P.T.T. a indiqué qu'il avait adressé une circulaire en ce sens à ses services ;
Considérant que ces irrégularités tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 qui visent les personnes qui, dans l'exercice de leurs fonctions, "ont omis sciemment de souscrire les déclarations qu'elles sont tenues de fournir aux administrations fiscales ou fourni sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes ; que la circonstance que les régularisations nécessaires soient ultérieurement intervenues pour les années non prescrites est sans effet sur l'existence de cette infraction ;
Sur les responsabilités :
Considérant que la non-application du plafonnement des déductions forfaitaires spéciales admises au titre des frais professionnels prévu par l'article 83 (3°) du code général des impôts n'a subsisté, après l'intervention de la Cour des comptes en 1983, qu'en Ile-de-France ;
Que la persistance d'une telle irrégularité, propre à la région parisienne, est liée à l'existence de modalités particulières de déclaration ; qu'en effet les primes d'impulsion ne figuraient pas sur les états historiques informatisés tenus pour chaque agent, mais étaient signalées chaque année par un courrier particulier du chef de service territorial ;
Considérant, en outre, que la région parisienne se caractérisait à l'époque des faits par l'existence d'un circuit particulier de paiement des primes d'impulsion, dans la mesure où celles-ci n'y étaient pas versées, contrairement aux autres régions, par l'agent comptable régional ; qu'ainsi ce dernier n'était pas en mesure d'appliquer directement le plafonnement de la fraction considérée comme représentative de frais, qu'il dépendait à cet égard des informations transmises par les directeurs régionaux et le délégué général ; que c'est donc bien à ceux-ci qu'il convient d'imputer le caractère inexact et incomplet des informations transmises aux services fiscaux et qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que les conditions d'application de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 ne sont pas réunies au motif qu'ils n'auraient pas eu eux-mêmes de rapports directs avec les services fiscaux ;
Qu'ils ne peuvent davantage prétendre que ces erreurs n'ont pas été commises sciemment, puisque, même s'ils n'ont pas eu l'intention de commettre une fraude, ce n'est pas à la suite d'erreurs matérielles, mais en toute connaissance de cause qu'ils ont porté, dans ces déclarations, les informations incomplètes sur le montant des primes versées ;

Considérant toutefois que ces circuits de paiement et d'information sont antérieurs à l'entrée en fonctions de MM. D... y Rotger, Z... et F... et qu'il convient, par ailleurs, de tenir compte de l'importance et de la diversité des tâches qui leur incombaient ;
Considérant que ces circonstances sont de nature à atténuer les responsabilités des intéressés au regard des dispositions de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, du chef de la non-application du plafonnement des déductions forfaitaires spéciales admises au titre des frais professionnels prévu par l'article 83 (3°) du code général des impôts ;
Considérant que M. A... n'était ni ordonnateur ni répartiteur des primes d'impulsion qu'il percevait et qu'il n'entrait pas dans ses attributions de les déclarer à l'agent comptable régional ; qu'il n'a donc pas agi dans l'exercice des ses fonctions au sens de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des irrégularités concernant les directions régionales d'Ile-de-France en condamnant MM. D... y Rotger, Z... et F... à une amende de 1 000 F chacun ;
Considérant qu'en revanche il n'y a pas lieu d'engager la responsabilité de M. A... ;
II. En ce qui concerne la direction générale de La Poste :
Extension sans texte du champ d'application des primes d'impulsion :
Sur les irrégularités :
Considérant que l'arrêté précité du ministre des finances du 21 juin 1955 a institué une prime d'impulsion au bénéfice des chefs de service territoriaux de La Poste, destinée à remunérer leur rôle dans la diffusion et la promotion des produits de la Caisse nationale d'assurance en cas de décès, puis de la Caisse nationale de prévoyance ;
Considérant que l'instruction a permis d'établir que de nombreux agents de la direction générale de La Poste, et notamment les directeurs, chefs de service et sous-directeurs, soit près d'une centaine de fonctionnaires en tout, ont perçu à partir de 1987 des primes d'impulsion dont le montant s'élève, pour les seules années 1988 à 1990, à plus de 9 600 000 F ;
Considérant que ces versements sont contraires aux dispositions de l'arrêté du ministre des finances du 21 juin 1955 ; qu'ils tombent donc sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948, qui vise les personnes qui auront enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat et des dispositions de l'article 6 de la même loi, qui vise les personnes qui, dans l'exercice de leurs fonctions ou attributions, auront, en méconnaissance de leurs obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor ; qu'à cet égard ne saurait être retenu l'argument selon lequel aucun préjudice n'a été causé au Trésor, ces indemnités étant prélevées sur la masse affectée par la Caisse nationale de prévoyance au paiement des primes; qu'il était en effet prévu par l'avenant du 16 avril 1984 aux conventions entre la Caisse nationale de prévoyance et la direction générale des postes que la part de cette masse non utilisée au paiement des primes serait mandatée chaque année au profit du budget des P.T.T. ;
Considérant que l'augmentation rapide - et d'ailleurs inégale - des primes d'impulsion perçues par les responsables territoriaux de la Poste a suscité, au cours de l'année 1986, des revendications de la part des dirigeants des services centraux, et en particulier des sous-directeurs, qui s'estimaient défavorisés ;
Considérant que, face à ces revendications, le directeur général de l'époque, M. H..., a décidé, d'une part, de faire verser à chacun des sous-directeurs, au cours de l'été, une somme forfaitaire de 5 000 F et, d'autre part, de confier l'étude de cette question à M. G..., alors directeur de la promotion ;
Considérant que les principales conclusions de cette étude ont fait l'objet d'une note de M. G... en date du 26 août 1986, dans laquelle celui-ci indiquait notamment que la réglementation des primes d'impulsion figurait dans l'arrêté du ministre des finances du 21 juin 1955, mais ajoutait que, pour réformer ce régime, la modification de cet arrêté ne lui paraissait pas une solution aisée et rapide, ni nécessairement efficace, et proposait, en conséquence, de passer outre et de rechercher une solution d'application auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;

Considérant que le directeur de la promotion a fait à nouveau le point du dossier des primes d'impulsion dans une note, plus brève, du 3 novembre 1986, au directeur général ; que, dans une annotation manuscrite, celui-ci a fait part de son accord de principe et donné pour instruction de soumettre le projet au conseil de direction générale et d'informer ensuite les chefs de service régionaux ;
Considérant que le projet d'extension du champ d'application des primes d'impulsion aux principaux dirigeants des services centraux de La Poste a été effectivement présenté par M. G... au conseil de direction générale au cours de sa séancce du 17 novembre 1986 ; que cette instance purement consultative, dont les membres figuraient parmi les bénéficiaires de la mesure, s'est bornée à en prendre note ; que des informations sur le contenu de la réforme envisagée ont ensuite été données aux sous-directeurs à la fin du mois de novembre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si un processus de décision était en cours lors de l'entrée en fonctions de M. B... comme directeur général de La Poste le 16 décembre 1986, ce processus n'avait abouti à aucune décision formelle ; que ni l'annotation manuscrite de M. H... sur la note de M. G... du 3 novembre 1986 ni la consultation du conseil de direction générale le 17 novembre suivant ne sauraient en tenir lieu ; qu'en particulier la date d'entrée en vigueur de l'extension du champ d'application des primes n'avait pas encore été arrêtée ; qu'à cet égard le versement, non renouvelable et purement forfaitaire, d'une somme de 5 000 F à chacun des sous-directeurs au cours de l'été 1986 constituait une simple mesure provisoire, prise dans l'attente de la réforme, en cours d'examen, et ne peut donc être regardé comme la mise en oeuvre de cette réforme ;
Sur les responsabilités :
Considérant que, lors de sa déposition devant la cour le 11 janvier 1995 en tant que témoin cité par la défense, M. B..., qui était à l'époque des faits, et depuis le 16 décembre 1986, directeur général de La Poste, a déclaré, sous la foi du serment, qu'il avait donné son "feu vert" à la décision de mise en oeuvre de la réforme ;
Considérant qu'en l'absence de décision formelle antérieure il ne saurait être possible de faire le partage entre le "feu vert" que M. B... aurait donné à la mise en oeuvre d'une décision qui aurait été prise avant son entrée en fonctions et cette décision elle-même, l'un et l'autre se confondant ;
Considérant qu'en ce qui concerne M. B..., la cour a été régulièrement saisie par la décision de renvoi du 9 février 1995, puisque celle-ci s'appuie sur le procès-verbal de l'audience du 11 janvier 1995, qui constitue un acte authentique qui fait foi, faute d'avoir été contesté dans les conditions prévues par la loi ;

Considérant que la mise en oeuvre du nouveau système d'intéressement de la Caisse nationale de prévoyance a été effectuée par une lettre de M. G..., devenu entre-temps directeur du réseau, adressée le 29 janvier 1987 à la Caisse nationale de prévoyance, par laquelle il demandait à celle-ci de virer la somme nécessaire au receveur principal des postes de Paris-Louvre et lui transmettait l'état de répartition des primes d'impulsion à verser aux nouveaux bénéficiaires ; que, par la suite, lui-même et son successeur, M. Y..., ont procédé de la même manière chaque semestre ;
Considérant que, dans ces conditions, l'extension irrégulière du champ d'application des primes d'impulsion aux dirigeants des services centraux de La Poste relève de la responsabilité du directeur général de l'époque, M. B..., et de celle des deux directeurs successifs du réseau, MM. G... et Y... ; qu'il y a lieu toutefois d'examiner s'il existe des circonstances de nature à aggraver ou à atténuer leurs responsabilités ;
Considérant à cet égard que les motifs d'opportunité qui ont présidé à l'extension du champ d'application des primes d'impulsion, à savoir le souci d'atténuer les disparités existant entre les services extérieurs et de favoriser la mobilité entre ceux-ci et les services centraux, ne sauraient justifier l'irrégularité de la procédure suivie ; que, de même, les réformes intervenues ultérieurement sont sans effet sur cette irrégularité ;
Considérant que M. B... figurait parmi les bénéficiaires de l'extension et a touché à ce titre 223 000 F pour les seules années 1988 à 1990, qu'il n'a sollicité dans cette affaire aucune décision du ministre ni de son cabinet et ne les a même pas informés ;
Considérant que la responsabilité de M. B..., qui détenait le pouvoir hiérarchique, tant en application des textes d'organisation du ministère que du fait des délégations de signature consenties par le ministre, apparaît ainsi prédominante ;
Considérant que M. G..., directeur d'administration centrale, ne pouvait ignorer les règles régissant l'attribution de rémunérations accessoires aux fonctionnaires de l'Etat et, en particulier, celles qui s'appliquaient aux primes d'impulsion, dont il a eu directement à connaître en sa qualité de directeur de la promotion, puis du réseau, chargé à ces titres des relations de La Poste avec la Caisse nationale de prévoyance ;
Considérant qu'en ayant omis d'appeler l'attention de M. B..., lorsque celui-ci est entré en fonctions en décembre 1986, sur les conditions juridiques nécessaires à une extension régulière du champ d'application des primes d'impulsion, M. G... a permis et facilité l'irrégularité ;
Considérant que M. G..., qui figurait également parmi les bénéficiaires de cette extension et a touché à ce titre 99 500 F pour les seules années 1988 et 1989, n'a pris ni suggéré de prendre aucune mesure tendant à informer le ministre ou son cabinet de l'importance de la réforme qui était envisagée ;

Considérant, au contraire, que M. G..., en demandant, le 29 janvier 1987, à la Caisse nationale de prévoyance d'effectuer le virement nécessaire auprès de la recette principale des postes de Paris-Louvre, alors que le comptable assignataire des rémunérations des fonctionnaires des services centraux était l'agent comptable des services spéciaux, installé à Arcueil, a entouré la novation en cause du maximum de discrétion ;
Considérant, dans ces conditions, que, si la déclaration de M. B... indiquant qu'il avait donné son "feu vert" à la mise en oeuvre de l'extension est de nature à atténuer la responsabilité de M. G..., elle ne saurait, en l'absence d'ordre écrit, la dégager entièrement ;
Considérant que M. Y..., qui figurait, lui aussi, parmi les bénéficiaires et a touché à ce titre 139 400 F pour les seules années 1988 à 1990, s'est borné à appliquer les dispositions prises par son prédécesseur et que cette circonstance est de nature à atténuer sa responsabilité ;
Considérant que les faits incriminés, qui se sont ainsi produits postérieurement au 20 novembre 1986, ne sont pas couverts par la prescription instituée par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Irrégularités de caractère fiscal :
Sur les irrégularités :
Considérant que le versement aux agents de la direction générale de La Poste de primes d'impulsion, qualifiées de "compléments de primes de rendement", s'effectuait par un virement de la Caisse nationale de prévoyance au receveur principal des postes de Paris-Louvre, alors que le comptable assignataire des rémunérations des services centraux était l'agent comptable des services spéciaux à Arcueil ; que ces rémunérations accessoires échappaient au traitement informatisé des "indemnités éventuelles" ;
Considérant que les directeurs du réseau successifs ne signalaient à l'agent comptable régional chargé d'établir les déclarations fiscales que la partie des primes réputée non imposable, soit 45 p. 100 du montant de celles-ci ;
Considérant que ces modalités de paiement et de déclaration ont eu pour effet de rendre impossible l'application du plafonnement à 50 000 F, prévu par l'article 6 de la loi de finances pour 1970, devenu article 83 (3°) du code général des impôts, des déductions forfaitaires spéciales admises au titre des frais professionnels, alors qu'il est établi que ce plafond aurait dû jouer, compte tenu des indemnités qu'ils percevaient, à l'égard au moins de deux hauts fonctionnaires en 1990 ;

Considérant, en outre, que, comme il a été indiqué ci-dessus, la Cour des comptes, par deux référés en date du 16 novembre 1983, avait déjà spécialement appelé l'attention du ministre des P.T.T. sur cette situation, en ce qui concerne les agents des services extérieurs, en demandant qu'elle fût régularisée ; que, dans sa réponse faite le 19 décembre 1984 à la cour, le ministre des P.T.T. a indiqué qu'il avait adressé une circulaire en ce sens à ses services ; que, dans ces conditions, les irrégularités fiscales relevées ci-dessus sont d'autant plus critiquables qu'elles ont été commises dans le cadre d'une extension du champ d'application des primes d'impulsion aux agents des services centraux, décidée en 1987, c'est-à-dire postérieurement aux observations émises par la Cour des comptes ;
Considérant que ces irrégularités tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 qui visent les personnes qui, dans l'exercice de leurs fonctions, "ont omis sciemment de souscrire les déclarations qu'elles sont tenues de fournir aux administrations fiscales ou fourni sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes" ; que la circonstance que les régularisations nécessaires soient ultérieurement intervenues est sans effet sur l'existence de cette infraction ;
Sur les responsabilités :
Considérant que le recours à la recette principale des postes de Paris-Louvre, pour effectuer le versement des primes d'impulsion aux agents des services centraux, résultait des dispositions prises en 1987 par M. G..., alors directeur du réseau ;
Considérant que ce sont les directeurs du réseau successifs, M. G... puis M. Y..., qui ont adressé à l'agent comptable régional d'Ile-de-France des informations incomplètes et inexactes sur le montant des primes d'impulsion ainsi versées ; que la responsabilité de M. G... est la plus importante dans la mesure où il a été à l'origine de l'irrégularité ; que la responsabilité de M. Y..., qui a seulement suivi les errements de son prédécesseur, est moins engagée ; que c'est donc bien à ceux-ci qu'il convient d'imputer le caractère inexact et incomplet des informations transmises aux services fiscaux et qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que les conditions d'application de l'article 5 bis de la loi du 25 septembre 1948 ne sont pas réunies au motif qu'ils n'auraient pas eu eux-mêmes de rapports directs avec les services fiscaux ;
Qu'ils ne peuvent davantage prétendre que ces erreurs n'ont pas été commises sciemment, puisque, même s'ils n'ont pas eu l'intention de commettre une fraude, ce n'est pas à la suite d'erreurs matérielles, mais en toute connaissance de cause qu'ils ont porté dans ces déclarations les informations incomplètes sur le montant des primes versées ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des irrégularités concernant la direction générale de La Poste en condamnant M. B... à une amende de 100 000 F, M. G... à une amende de 10 000 F et M. Y... à une amende de 1 000 F,
Article 1er : M. Gérard B... est condamné au paiement d'une amende de 100 000 F.
Article 2 : M. Jean G... est condamné au paiement d'une amende de 10 000 F.
Article 3 : MM. Poncio D... y Rotger, Julien F..., Pierre Z... et Jean-Pierre Y... sont condamnés au paiement d'une amende de 1 000 F chacun.
Article 4 : M. C... Capelle est relaxé des fins de la poursuite.
Article 5 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609672
Date de la décision : 28/06/1995
Sens de l'arrêt : Amendes relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'une administration centrale et de services extérieurs de l'Etat - Infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'Etat - Omission de déclaration aux services fiscaux - Avantages injustifiés procurés à autrui - Rémunérations - Mise en cause d'un témoin.

18-01-05-01 Extension sans texte du champ d'application d'indemnités à des agents de services extérieurs. Versements non budgétisés et effectués pour partie en numéraire. Déclaration incomplète faisant échec à l'application d'un plafonnement de déductions forfaitaires spéciales admises au titre des frais professionnels. Extension irrégulière du champ d'application des indemnités aux dirigeants des services centraux. Responsabilité prédominante du directeur général, bénéficiaire de l'extension, et détenteur du pouvoir hiérarchique. Responsabilité des deux directeurs successifs du réseau, bénéficiaires de l'extension ayant pour le premier permis et facilité l'irrégularité, pour le second appliqué les dispositions prises par son prédécesseur. Responsabilités des directeurs régionaux écartées du chef de versements irréguliers d'indemnités, retenues pour les irrégularités de caractère fiscal. Témoignage à l'audience fondant un renvoi de l'intéressé devant la Cour. Amendes. Relaxe.


Composition du Tribunal
Président : M. Joxe
Rapporteur ?: M. Paugam
Avocat(s) : Me Defrenois, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1995:CETATEXT000007609672
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