CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE GUERET 24, avenue de la Sénatorerie 23000 GUERET
SECTION ENCADREMENT
No R.G. : 04 / 00144
X... Michel C / CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE
MINUTE No 07 / 00003
Jugement notifié aux parties le : 20. 02. 2007
Signature des avis de réception :
par le demandeur le : 22. 02. 2007
par le défendeur le : 21. 02. 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE
Au nom du Peuple Français,
JUGEMENT RENDU LE 19 FEVRIER 2007
Par le Conseil de Prud'hommes de GUERET (Creuse), section ENCADREMENT, en audience publique tenue dans la salle de ses séances,
ENTRE : DEMANDEUR
Monsieur X... Michel, technicien de bureau, demeurant......
Représenté par M. Philippe Y..., délégué syndical mandaté,
ET : DEFENDEUR
CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE, Etablissement bancaire,3, avenue de la Libération 63045 CLERMONT-FERRAND CEDEX
Représenté par la SELAFA Jacques BARTHELEMY et Associés, avocats au barreau de Clermont-Ferrand
Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré :-M. NICOULAUD J.P., conseiller employeur, président,-M. GAUMET D., conseiller employeur, assesseur,-M. CORBIN M., conseiller salarié, assesseur,-M. MAUBERT A., conseiller salarié, assesseur.
Greffier lors des débats : Mme BROUSSARD Sylvie, greffière du Conseil.
Débats à l'audience publique du 20 mars 2006.
Jugement contradictoire, en dernier ressort, prononcé à l'audience publique du 19 février 2007 par M. NICOULAUD J.P., conseiller employeur, assisté de Mme BROUSSARD Sylvie, greffière.
... /... PROCEDURE
Le Conseil de Prud'hommes a été saisi d'une demande déposée au greffe le 28 décembre 2004, dont récépissé a été envoyé au demandeur le 3 février 2005, l'avisant des lieu, jour et heure de la séance du bureau de conciliation ;
Le secrétariat-greffe a procédé à la convocation de la partie défenderesse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et par lettre simple en date du 3 février 2005, envoyées le même jour, à comparaître devant le bureau de conciliation du 2 mai 2005 à 8 H 30, pour se concilier sur les chefs de demande énumérés ci-après :
-rappel de salaire : jours d'ancienneté pour 1999400,00 €-indemnité article 700 du N.C.P.C. 300,00 €
cette convocation informant également le défendeur que des décisions exécutoires par provision pourraient, même en son absence, être prises contre lui par le bureau de conciliation ;
A l'audience de conciliation du 2 mai 2005, procès-verbal de non-conciliation a été dressé, portant renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement du 30 janvier 2006 à 9 H 30, parties intimées d'être présentes par émargement au procès-verbal et remise d'un bulletin à l'audience ;
L'audience de jugement a été renvoyée au 20 mars 2006 ;
A l'audience de jugement du 20 mars 2006, après avoir entendu M.Y... pour le demandeur et la SELAFA J. BARTHELEMY et Associés pour le défendeur, qui ont développé verbalement des conclusions écrites qu'ils ont déposées, l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2006, prorogé au 19 juin 2006, au 4 septembre 2006, au 2 octobre 2006, au 6 novembre 2006, au 20 novembre 2006, au 18 décembre 2006, au 15 janvier 2007, puis au 19 février 2007 ;
A l'audience de jugement du 19 février 2007, le jugement suivant a été rendu.
EXPLICATIONS ET PRETENTIONS DU DEMANDEUR :
1. Sur les faits
M. Michel X... soutient qu'un accord national sur la réduction du temps de travail est intervenu entre la Fédération Nationale du Crédit Agricole et cinq organisations syndicales représentatives le 13 janvier 2000 ; cet accord étendu par arrêté du Ministère de l'Agriculture du 7 mars 2000 modifie l'article 19 de la convention collective relatif aux congés annuels, faisant perdre aux salariés les jours d'ancienneté prévus par l'ancien texte et acquis pour la période 1er mai 1999 au 31 décembre1999 ;
... /... Qu'un certain nombre de salariés, dans divers départements de France, ont actionné des instances en justice devant les Conseils de Prud'hommes, les Cours d'Appel, et même la Cour de Cassation, aux fins de voir le Crédit Agricole condamné à leur payer ces jours de congés pour ancienneté auxquels ils avaient droit ;
Ainsi, les Conseils de Prud'hommes de Quimper, Blois, Angoulême, Saintes ont accordé aux salariés le bénéfice de ces jours de congés pour ancienneté et condamné le Crédit Agricole à leur payer l'indemnité compensatrice correspondante et la Cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement du Conseil de Prud'hommes de Quimper ;
La Cour de Cassation a rejeté-comme non fondé car insuffisamment argumenté-le pourvoi du Crédit Agricole suite aux décisions de la Cour d'Appel de Rennes et du Conseil de Prud'hommes de Blois ;
M.X... indique qu'on peut donc considérer que la jurisprudence de la Cour de Cassation est acquise et doit prendre ses effets et constater que la résistance du Crédit Agricole à ne pas vouloir lui payer une indemnité de congés payés acquis sur la période 01 juin 1999 – 31 décembre 1999, du fait de son ancienneté, est abusive.
2En discussion
M.X... rappelle que l'article 19 de la convention collective en vigueur avant le 1er janvier 2000 stipule : « ce congé est augmenté d'un jour ouvré pour trois années d'ancienneté avec un maximum de trois jours ouvrés pour 9 années d'ancienneté » ;
Que l'accord national sur la réduction du temps de travail applicable, sans rétroactivité sur la période 01. 06. 1999 – 31. 12. 1999, à compter du 01. 01. 2000 ne prévoit pas spécifiquement l'octroi de jours de congés pour ancienneté ; cet avantage se trouve « compris » dans le maximum de 56 jours de repos par an (pour les salariés pouvant prétendre à ce maximum) ;
Que la suppression des congés pour ancienneté a pris effet au 1er janvier 2000 ; les nouvelles dispositions se sont substituées aux anciennes seulement à cette date sans effet rétroactif ; ce nouvel accord ne pouvait remettre en cause les droits acquis antérieurement à son entrée en vigueur, les nouvelles dispositions assimilant illégalement dans une globalité annuelle les droits à congé, les jours fériés, les droits à RTT. ;
Ainsi M.X..., ayant droit du fait de son ancienneté à trois jours de congés par an, soit prorata temporis sur sept mois = 1,75 jour = 14 heures sur la base de 169 heures / mois, sollicite la condamnation du Crédit Agricole à lui payer les sommes de : • 423,43 € d'indemnité de congés payés, • 200 € au titre du préjudice subi, • 250 € sur l'application de l'article 700 du N.C.P.C. •
... /...
EXPLICATIONS ET PRETENTIONS DU DEFENDEUR :
1. Sur les faits
La situation de M.X...
M.X..., salarié du C.A.C.F. sollicite le paiement d'un prétendu solde de jours de congés pour ancienneté qu'il aurait acquis sur la période du 01. 06. 1999 au 31. 12. 1999, alors que l'accord national du 13 janvier 2000 a octroyé aux salariés du C.A.C.F. un nombre de jours de congé et de repos globalement bien supérieur à celui auquel ils pouvaient prétendre antérieurement ;
Les éléments du litige
Avant le 1er janvier 2000, les dispositions de la convention collective nationale (art 19) prévoyaient le bénéfice d'un maximum de trois jours supplémentaires de congé en fonction de l'ancienneté du salarié appréciée par année entière au 31 mai de l'année ;
A compter du 1er janvier 2000 est entré rétroactivement en vigueur l'accord du 13 janvier 2000 qui prévoit (art.B-2. 1) que le salarié peut bénéficier, pour congés payés annuels, jours chômés, et autres congés ou jours de repos attribués par le C.A.C.F., d'un maximum de 56 jours par an ; ainsi les congés pour ancienneté ont disparu en tant que tels et sont « compris » dans ce quantitatif global annuel ;
Contesté en justice en demande d'annulation par la Fédération CGT et le syndicat SUD CAM, l'arrêté d'extension de l'accord de branche du 13 janvier 2000 a été validé par la Cour d'Appel de Paris le 27 janvier 2005 ;
Globalement, avant le 1er janvier 2000, les salariés pouvaient bénéficier d'un maximum de 41 jours de congés annuels, congés supplémentaires, jours fériés et repos ; par la suite, après cette date, ils peuvent prétendre à un maximum fixé clairement par le texte de l'accord national de 56 jours de congés et repos.
2. Discussion
Remarques sur la valeur des décisions de justice présentées par M.X...
A l'analyse, les décisions de justice produites par M.X... (Conseil de Prud'hommes de Blois suivi d'un pourvoi rejeté, Cour d'Appel de Rennes plus arrêt de la Cour de Cassation) ne sont pas de nature à lier le Conseil de Guéret dans une décision favorable au salarié du fait d'une part, de l'absence de valeur juridique d'un arrêt de non-admission (pourvoi suite affaire du Conseil de Prud'homes de Blois), d'autre part, du fait de l'absence de droit acquis à une jurisprudence immuable afin de permettre une évolution relevant de l'office du juge de cette jurisprudence, et enfin parce que l'autorité de la chose jugée peut être avancée seulement s'il existe une triple identité de cause, d'objet et de parties ;
De plus, par analogie, plusieurs décisions dont certaines devenues définitives, ont tranché la question des congés supplémentaires pour fractionnement en faveur du Crédit Agricole, en constatant que la détermination des jours de congés acquis ne peut valablement intervenir qu'à l'issue de la période de référence d'acquisition, au moment ou le salarié va pouvoir bénéficier de ses droits.
... /... Remarques sur l'action de M.X...
M.X... qui réclame un rappel de salaire correspondant aux jours de congés supplémentaires pour ancienneté qu'il aurait acquis sur la période du 01. 06. 1999 au 31. 12. 1999 (1. 75 jour / 7 mois) a été rempli de ses droits puisqu'il a bénéficié, en plus de ses 25 jours de congés payés, de 31 jours supplémentaires et de repos incluant les congés pour ancienneté ;
Il a donc bénéficié de dispositions d'un accord collectif plus favorable se substituant de plein droit à celles de l'ancien texte et ne peut prétendre cumuler les avantages issus de différents textes ayant le même objet ou la même cause ;
L'ouverture des droits à congés acquis sur la période 01. 06. 1999 au 31. 12. 1999 selon l'ancien texte de la convention collective n'aurait été effective qu'au 31 mai 2000 au terme de la période de référence annuelle au moment où le salarié est admis à en jouir ; or à cette date, par suite de l'application, entérinée par la commission paritaire du C.A. le 20 septembre 2000, des nouvelles dispositions, M.X... a bénéficié globalement de 56 jours « tout compris » comprenant donc tous les jours de congés supplémentaires attribués par la caisse … et donc les jours de congés « pour ancienneté » au sens des anciens textes ;
Ainsi, attribuer à M.X... 1,75 jour de congés pour ancienneté en sus des 56 jours dont il a bénéficié au 31 mai 2000, reviendrait à lui octroyer deux fois ses congés supplémentaires pour ancienneté et à transgresser les prescriptions conventionnelles de ce maximum total de 56 jours de repos et congés de toute nature ;
La contestation de M.X... à propos de la licéité des clauses de l'accord et voire de leur application, n'est pas de la compétence du Conseil de Prud'hommes. Une action en nullité de l'accord du 13. 01. 2000 engagée par la CGT et SUD CAM a été rejetée par la Cour d'Appel de Paris en janvier 2005.
3. Demande de dommages et intérêts
A compter du 31 mai 2000, M.X... a bénéficié alors de 56 jours de congés et repos comprenant ses congés pour ancienneté acquis au cours de la période de référence précédant cette date, il n'a donc subi aucun préjudice du fait du retard de son employeur à lui payer 1,75 jour de congé et ne peut donc prétendre obtenir des dommages et intérêts de celui-ci.
4. Art 700 du NCPC
M.X... succombant dans ses prétentions devra être débouté de cette demande.
Compte tenu du caractère mal fondé des demandes formées par M.X... le CACF sollicite du Conseil sa condamnation à lui payer la somme de 250 € en application de l'art. 700 du NCPC
... /...
MOTIVATION DE LA DECISION
Attendu que le demandeur n'a fourni au Conseil aucun document écrit, notamment les textes des accords, conventions collectives, bulletins de salaires, ou décompte justificatif des sommes demandées ;
Attendu qu'il n'apparaît pas, formellement, à l'examen des jugements déjà prononcés dans le cadre de ce litige entre divers syndicats et le Crédit Agricole que le Conseil puisse être tenu de quelconque manière d'une application de la jurisprudence ou de prendre en compte la valeur de « la chose jugée » ;
Attendu que légalement (art.R. 223-1 du Code du Travail), l'année de référence pour apprécier les droits à congés est la période comprise entre le 1er juin et le 31 mai de l'année en cours et qu'il n'a été présenté par le demandeur quelconque élément pouvant justifier d'une éventuelle dérogation à l'application de cette règle, il convient donc d'apprécier, de déterminer l'étendue les droits à congés relatifs à la période 1er juin 1999 – 31 mai 2000 de M.X..., à cette date du 31 mai 2000, jour où le salarié est admis à en jouir, par application des dispositions légales alors en vigueur (cf. cass. soc. 22. 06. 94) ;
Attendu que l'accord national sur la réduction du temps de travail, signé entre la Fédération du C A et cinq organisations syndicales représentatives, puis étendu par arrêté du Ministre de l'Agriculture en date du 7 mai 2000, est entré en application à compter du 1er janvier 2000 ;
Attendu qu'il n'appartient pas au Conseil de Prud'hommes de se prononcer sur la licéité de ce texte modifiant notamment la durée des congés et repos annuels portée globalement à un maximum de 56 jours contre 41 auparavant ;
Attendu de plus, que la Cour d'Appel de Paris ayant rejeté une action en nullité de cet accord, introduite par deux syndicats de salariés du Crédit Agricole, les stipulations du § B-2 du chapitre II de l'annexe 2 de la convention collective doivent être appliquées pour l'examen de l'ensemble des droits à congés de M.X... acquis sur les 12 mois précédant la date du 31 mai 2000 ;
Attendu que les conditions d'application de cet accord ont été confirmées par la commission paritaire nationale du Crédit Agricole-jours supplémentaires de congés pour ancienneté intégrés dans le total maxi de 56 jours-;
Attendu qu'il n'est pas contesté que M.X... a bénéficié de ces dispositions et d'un maximum de 56 jours de repos et congés de tous ordres ;
Attendu que sa demande visant à obtenir le paiement de 1,75 jour de congé supplémentaire et portant donc un total de jours de congés et repos à 57,75 jours ne peut être recevable au regard de l'application de la seule convention en vigueur au 31. 05. 2000 (maximum de 56 jours) ;
Attendu que M. X... a normalement bénéficié de ses droits à congés au 31 mai 2000 ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser supporter aux parties les frais engagés par elles pour défendre leurs droits à l'instance.
... /...
P A R C E S M O T I F S :
Le Conseil de Prud'hommes, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉBOUTE M. Michel X... de l'ensemble de ses demandes.
DÉBOUTE le CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE M. Michel X... aux dépens éventuels.
Ainsi jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an susdits.
Et le Président a signé avec la Greffière.
LE PRESIDENT, LA GREFFIERE,