LA COUR, Vu les pièces du dossier ; Ouï, monsieur Edouard TATY-MAKAYA, Président de la Chambre commerciale en son rapport ; Ouï, les parties en leurs conclusions respectives ; Ouï, le Ministère public en ses réquisitions ; Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que par acte à Pointe-Noire en date du 09 juillet 2008, la société CELTEL Congo, par le biais de ses conseils le Cabinet d’avocats Vincent GOMES, et le Cabinet d’avocats, PETRO, LABARRE et KALINA et associés, a relevé appel du jugement rendu le 09 juillet 2008 par le Tribunal de commerce de Pointe-Noire dans la cause l’opposant à la Société Générale d’Electricité Ferroviaire du Congo dite SOGEFCO, SA et dont le dispositif est le suivant : « PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort ; Se déclare compétent ; Constate dit et juge que la résiliation du contrat de prestation de services liant les parties incombe à la société CELTEL Congo ; Condamne la société CELTEL Congo à payer à la Société Générale d’Electricité Ferroviaire du Congo dite SOGEFCO la somme de 3.500.000.000 F.CFA à titre principal majorée des intérêts au taux légal de 6% l’an et celle de 35.000.000 francs au titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues ; Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement pour le quart de la somme principale ; Condamne la société CELTEL Congo aux dépens » ; EN LA FORME Considérant que, l’appel de la société CELTEL Congo SA, relevé le 09 juillet 2008, le jour même du prononcé du jugement attaqué, et formalisé au greffe du Tribunal de commerce de Pointe-Noire qui a statué, est intervenu dans les formes et délai légaux prescrits aux articles 66 et 72 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière ; Qu’il y a lieu de déclarer recevable ledit appel ; Considérant que dans ces conclusions du 26 septembre 2008, la société SOGEFCO a relevé appel incident ; Que cet appel est recevable en la forme, l’article 76 de code procédure civile, commerciale, administrative et financière disposant que « l’appel incident peut intervenir sans forme et en tout état de cause ; AU FOND Considérant qu’il résulte des pièces du dossier ;
Que le 02 février 2005, la société CELTEL Congo S.A a conclu avec société SOGEFCO un contrat de prestation de services ayant pour objet l’entretien par la société SOGEFCO « des installations de fourniture d’énergie et de climatisation de la première société » ; Que ce contrat conclu pour une durée de 5 ans a été rompu par la société CELTEL Congo suivant courrier du 24 janvier 2008, au motif que « l’efficacité des prestations de la SOGEFCO continuait à poser problème et témoignait de son incapacité à maintenir convenablement ses prestations dans les sites » ; Qu’estimant abusive cette rupture, et par requête en date du 09 avril 2008, la société SOGEFCO saisissait le Tribunal de commerce de Pointe-Noire pour s’entendre condamner la société CELTEL Congo à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 3.500.000.000 F.CFA au principal augmentée des intérêts de droit au taux légal de 6% l’an et celle de 2.000.000.000 F.CFA à titre des dommages intérêts toutes causes de préjudice confondues ; Qu’en défense la société CELTEL Congo concluait, au principal, à l’incompétence du Tribunal en se fondant sur la clause compromissoire stipulée à l’article 16 du contrat liant les parties ; Que subsidiairement, elle soutenait que l’action de la SOGEFCO était mal fondée et que celle-ci devait en être déboutée ; Que par jugement du 09 juillet 2008, dont appel, le Tribunal rejetait l’exception l’incompétence soulevée par CELTEL Congo et faisait droit aux demandes de la société SOGEFCO dans les termes du dispositif repris ci-dessus ; Considérant qu’en cause d’appel, la société CELTEL Congo S.A conclut à l’annulation, en toutes ses dispositions, du jugement attaqué, et demande à la Cour, statuant à nouveau, de se déclarer incompétente, à défaut, de débouter la SOGEFCO de son action ; Qu’elle fait valoir que le jugement tel qu’il a été rendu ne comportait que le dispositif ainsi qu’il résulte du procès-verbal de constat du 10 juillet 2008 de maître Flavien MOUSSASSI KOUMBA, huissier de justice ; Qu’en ne motivant pas leur décision, les premiers juges ont violé les termes de l’article 53 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière ; Qu’en outre, aux termes de l’article 16 du contrat liant les parties, celles-ci avaient convenu de soumettre tout litige à l’arbitrage ; Que dès lors le Tribunal, en application de l’article 1134 du code civil, aurait du se déclarer incompétent ; Que pour avoir statué autrement le jugement encourt l’annulation ; Qu’enfin elle soutient que la rupture du contrat intervenue à son initiative n’est pas abusive ; Qu’en effet en rompant le contrat, elle n’a fait que user de la faculté de résiliation de convenance prévue à l’article 15 alinéa 2 du contrat ; Qu’ainsi elle ne pouvait être condamnée du seul fait d’avoir pris l’initiative de la rupture ; Que les premiers juges ont violé la volonté des parties ;
Considérant que pour sa part, la société SOGEFCO soutient que l’appel de la société CELTEL Congo n’est pas fondé ; Qu’elle demande à la Cour, d’une part, de confirmer le jugement dans ses dispositions par lesquelles les premiers juges se sont déclarés compétents et ont jugé abusive la rupture du contrat intervenue à l’initiative de la société CELTEL Congo, et d’autre part, d’augmenter le montant alloué au titre principal de 6.500.000.000 F.CFA et celui alloué au titre des dommages intérêts à la somme de 2.000.000.000 F.CFA et condamner la société CELTEL Congo à lui payer la somme de 35.000.000 F.CFA pour appel abusif et dilatoire ; Qu’à cet effet, la société SOGEFCO soutient qu’en décidant de rompre unilatéralement le contrat sans recourir préalablement à l’arbitrage, la SOGEFCO a renoncé à se prévaloir de la convention d’arbitrage stipulé à l’article 16 du contrat ; Que c’est à bon droit que les premiers juges se sont déclarés compétents ; Que le moyen de l’appelant tiré de la nullité du jugement pour défaut de motif n’est pas fondé, et doit être rejeté ; Qu’en effet celle-ci n’a pas attendu d’être en possession de l’expédition avant de conclure ; Que l’expédition du jugement se trouvant au dossier est bien motivée conformément à la loi ; Qu’au contraire de ce que soutient l’appelante, la lettre de résiliation datée du 31 janvier 2008 prouve que la rupture a été décidée pour faute ; Que la société CELTEL a donc fait application des dispositions de l’article 15 alinéa 1 et non de l’alinéa 2 ; Que la société susnommée n’a pas respecté ses obligations contractuelles, et c’est à juste titre que les premiers juges ont jugé abusive la rupture du contrat intervenu à son initiative ; Que sur ses demandes reconventionnelles, la société SOGEFCO allègue que la rupture fautive du contrat est intervenue alors que deux années restaient à courir ; Qu’en outre différents bons de commandes étaient en cours ; Qu’enfin elle a été contrainte de compresser son personnel ; Que la somme de 3.500.000.000 F.CFA à elle allouée est insuffisante et doit être augmentée à la somme de 6.500.000.000 F.CFA ; Que la somme de 35.000.000 F.CFA que lui ont allouée les premiers juges, procède d’une erreur ; Qu’en effet le principal étant fixé à 3.500.000.000 F.CFA les premiers juges lui ont en réalité alloué la somme de 3.500.000.000 F.CFA ; Que la Cour procédera à cette rectification avant d’augmenter cette somme à 2.000.000.000 F.CFA ; SUR QUOI, LA COUR SUR L’ANNULATION DU JUGEMENT Considérant que la société CELTEL Congo dans les conclusions d’appel datée du 14 juillet 2008 de son conseil le Cabinet d’avocats PETRO, LABARRE, KALINA et Associés soutient que le jugement doit être annulé au motif qu’il a été rendu sur dispositif et ne contenait aucune motivation comme en fait foi le constat d’huissier versé au dossier ;
Mais considérant que le l’expédition dudit jugement joint au dossier il appert que celui est motivé ; Que ce moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ; Considérant que s’agissant de la violation par les premiers juges de la clause d’arbitrage et des termes de l’article 1134 du code civil, de l’examen du jugement attaqué il résulte que pour rejeter l’exception d’incompétence comme mal fondé et retenir leur compétence, lesdits juges ont retenu que « parties avaient renoncé de leur propre gré à voir leur litige tranché par un Tribunal arbitral » ; la société CELTEL pour avoir rompu le contrat sans mettre en œuvre la procédure d’arbitrage et la société SOGEFCO pour avoir porté le litige devant le Tribunal de commerce ; Mais considérant que la volonté des parties de renoncer à la convention d’arbitrage contenu dans un contrat, lorsqu’elle est tacite, ne peut être manifestée qu’une fois le litige né ; Qu’en outre elle doit être certaine, c'est-à-dire résulter d’actes démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention de la partie à laquelle on l’oppose, de renoncer à la clause d’arbitrage et d’accepter la compétence de la juridiction étatique ; Considérant qu’en l’espèce le litige est né de la rupture unilatérale du contrat par la société CELTEL suivant courrier en date du 24 janvier 2008 ; Que ce courrier ne contient aucun terme traduisant la volonté expresse de CELTEL Congo de renoncer à la convention d’arbitrage ; Que le fait de rompre un contrat ne peut en soi, à défaut de manifestation de volonté non équivoque en ce sens, caractériser une renonciation tacite à ladite convention ; Que pour CELTEL Congo, partie défenderesse, une telle volonté ne pouvait, dès lors, être manifestée que par l’acceptation sans réserve du débat au fond devant le juge étatique saisi par son contradicteur, étant entendu qu’une telle attitude procédurale, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’Arbitrage, vaut renonciation tacite à la convention d’arbitrage et acceptation de la compétence du juge étatique ; Qu’or, il est constant et non dénié que la société CELTEL Congo, in limine litis, a soulevé l’incompétence du juge étatique, faisant ainsi clairement savoir qu’elle entendait voir le litige tranché par voie d’arbitrage conformément aux stipulations de l’article 16 du contrat, invoqué expressément au soutient de cette exception d’incompétence ; Qu’en retenant plutôt que les parties avaient de leur propre gré renoncé à la convention d’arbitrage et que le Tribunal était compétent, les premiers juges ont mal interprété la volonté clairement exprimée de la société CELTEL, et ont violé, outre la convention des parties, les termes de l’article 1134 du code civil et 13 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage précité ; Qu’il y a lieu d’annuler en toutes ses dispositions le jugement attaqué, et par voie de conséquence d’évoquer et statuer à nouveau ;
SUR L’EVOCATION SUR L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE Considérant que aux termes de l’article 13 alinéa 1 de l’Acte uniforme précité, il résulte que lorsqu’un litige, relevant de la compétence d’un Tribunal arbitral en vertu d’une convention d’arbitrage stipulée dans le contrat, est porté devant une juridiction étatique avant la saisine du Tribunal arbitral, « celle-ci doit, si l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle » ; Considérant qu’en l’espèce, d’une part, la société CELTEL Congo S.A et la société SOGEFCO ont convenu à l’article 16 du contrat de prestation de services du 02 février 2005 d’une clause compromissoire aux termes de laquelle toutes contestations nées de l’interprétation ou de l’exécution du contrat seront soumises à l’arbitrage institutionnel de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et conformément au règlement d’arbitrage de cette Cour ; Qu’il n’a pas été argué de la nullité manifeste de cette convention d’arbitrage ; Que, d’autre part, devant le juge étatique saisi, la société CELTEL Congo S.A a in limine litis demandé au juge étatique de se déclarer incompétent en raison de l’existence de la convention d’arbitrage ; Que dès lors, il y a lieu de se déclarer incompétent en application de l’article 13 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité ; Considérant que la société SOGEFCO ayant succombé, doit être condamnée aux dépens en application de l’article 57 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; En la forme : Reçoit la société CELTEL en son appel principal, et la société SOGEFCO en son appel incident ; Au fond : Annule en toutes ses dispositions le jugement attaqué ; Evoquant et statuant à nouveau Se déclare incompétente Condamne la société SOGEFCO aux dépens.