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05/10/2010 | CENTRAFRIQUE | N°030

Centrafrique | Centrafrique, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 octobre 2010, 030


Texte (pseudonymisé)
ARRET N° 030 DU 05 OCTOBRE 2010

AU NOM DU PEUPLE CENTRAFRICAIN

La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, en son audience publique tenue au Palais de Justice le 05 octobre 2010, statuant sur le pourvoi introduit par Monsieur Aa C, en contestation de l’arrêt de la Cour d’Appel de Bangui rendu le 4 novembre 2009 ;

A rendu l’arrêt suivant, sur le rapport de Monsieur José Christian LONDOUMON, Président de la Chambre, et les conclusions de Monsieur Ac B, premier Avocat Général près la Cour de Cassation ;

Attendu que par citation à comparaitre du 24 octobr

e 2004, Ab A faisait citer Aa C devant le Tribunal Correctionnel de Bangui pour s’ente...

ARRET N° 030 DU 05 OCTOBRE 2010

AU NOM DU PEUPLE CENTRAFRICAIN

La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, en son audience publique tenue au Palais de Justice le 05 octobre 2010, statuant sur le pourvoi introduit par Monsieur Aa C, en contestation de l’arrêt de la Cour d’Appel de Bangui rendu le 4 novembre 2009 ;

A rendu l’arrêt suivant, sur le rapport de Monsieur José Christian LONDOUMON, Président de la Chambre, et les conclusions de Monsieur Ac B, premier Avocat Général près la Cour de Cassation ;

Attendu que par citation à comparaitre du 24 octobre 2004, Ab A faisait citer Aa C devant le Tribunal Correctionnel de Bangui pour s’entendre condamner celui-ci pour dénonciation calomnieuse et à lui servir la somme de 177.252.758 FCFA à titre de dommages et intérêts ;

Qu’il invoquait pour obtenir cette condamnation, que GONCALVES, profitant de ses relations avec les autorités politiques de l’époque et se servant des douloureux événements survenus dans le pays en 2001, l’avait dénoncé comme importateur d’armes et de munitions de guerre ;

Attendu que le 25 octobre 2007, le Tribunal Correctionnel de Bangui, siégeant en matière de citation directe, déclarait Aa C non coupable de dénonciation calomnieuse et l’avait relaxé pour défaut de preuve ;

Attendu que sur appel du Ministère Public et de Ab A, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de Bangui, par arrêt contradictoire du 04 novembre 2009, infirmait le jugement querellé ;

Que statuant à nouveau, elle déclarait Aa C coupable des faits à lui reprochés, et le condamnait en répression à 3 ans d’emprisonnement assortis de sursis, 500.000 FCFA d’amende, et sur les intérêts civils, condamnait Aa C à payer à Ab A la somme de 108.626.379 FCFA ;

Attendu que le 05 novembre 2009, Aa C déclarait devant le Greffier en Chef de la Cour d’Appel, formellement se pourvoir en cassation contre ledit arrêt ;

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Vu l’article 59 de la loi organique n° 95.011 du 23 décembre 1995, portant organisation et fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Attendu que le recours introduit le 05 novembre 2009, soit un jour après le prononcé de l’arrêt querellé obéit aux prescriptions de la loi susvisée ;
Qu’il est en la forme recevable ;

AU FOND
Vu l’article 58 de la loi organique n° 95.011 du 23 décembre 1995, portant organisation et fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu le mémoire produit par le demandeur ;

Attendu que le mémoire ampliatif développe quatre moyens de cassation pris de la violation des dispositions de l’article 131 du Code Pénal, manque de base légale, défaut de preuve, défaut de réponse à conclusions et moyens de défense ;

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS EN SES TROIS BRANCHES DE LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ART. 131 DU CODE PENAL, en ce que la Cour d’Appel avait déclaré qu’il résultait d’une part de la déclaration du Commissaire SABANGLE à l’audience, du procès-verbal de la gendarmerie, et d’autre part de l’aveu de l’intéressé lui-même, que c’était Aa C qui avait dénoncé Ab A, alors qu’aucune des pièces mentionnées n’est antérieure au contrôle déclenché et aucun acte de dénonciation à partir duquel les ennuis judiciaires de Monsieur Ab A ont commencé n’a été visé par la Cour, et qu’elle ne pouvait prendre des déclarations faites lors de l’enquête ou de l’audience comme étant une dénonciation ;

Attendu que pour entrer en condamnation contre Aa C, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel dit en substance : « qu’il résulte des débats et des pièces du dossier que Aa C avait mal pris l’importation des munitions de chasse par Ab A ;………qu’il avait saisi le Ministère de l’Intérieur sur l’importation de munitions de chasse dont la source serait douteuse et risquerait de porter atteinte à la sécurité du pays ;

Qu’il résulte de ce qui précède que Aa C avait des motifs de nuire à Ab A ;………..qu’il était celui-là qui l’a dénoncé aux autorités politiques et administratives » ;

Attendu que pour constituer un délit au sens de l’article 131 du Code Pénal, la dénonciation doit avoir été formulée spontanément et doit avoir été le point de départ de l’action contre la victime ;

Attendu qu’en l’espèce, la Cour d’Appel n’indique pas de quelle manière et quand Aa C avait saisi le Ministère de l’Intérieur ;

Que les Juges d’appel devaient s’attacher à rechercher ce qui, dans les faits ou les actes posés par Aa C, pouvait constituer le point de départ spontané de l’action déclenchée contre Ab A, peu importe qu’il ait eu des raisons de nuire ou d’en vouloir à celui-ci ;

Que les pièces (procès-verbal de la gendarmerie et fiche de police) visées par la Cour d’Appel à l’appui de sa décision ne constituent pas le point de départ de l’action mais plutôt la suite du contrôle déclenché contre Ab A ;

Qu’ainsi les déclarations faites par Aa C aussi bien devant l’officier de police judiciaire dans le cadre de l’enquête qu’à l’audience, ne sauraient constituer le point de départ de l’action provoquée contre GREKOÏ ;

Attendu que n’ayant pas apporté cette précision nécessaire, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision qui encourt la censure ;

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS EN TOUTES SES BRANCHES DU MANQUE DE BASE LEGALE, DEFAUT DE PREUVE, en ce que la Cour d’Appel a déclaré que Aa C serait à l’origine de l’arrivée à la Présidence de la République de la demande de Ab A qui lui aurait été remise en mains propres par celui-ci, et en ce que Aa C a fait croire que l’importation de munitions de chasse était faite dans le but de porter atteinte à la sûreté de l’Etat, GREKOÏ ayant été relaxé des fins de poursuites de ce chef ;

Attendu d’une part que les juges d’appel soutiennent en effet à l’appui de leur décision « que l’arrivée à la présidence de la République de la demande de Ab A remise en mains propres à Aa C ne saurait être étrangère à celui-ci ; qu’il est évident que la dénonciation a été faite au cours de son audition comme témoin » ;

Attendu cependant que les juges ne disent pas dans quel but Ab A aurait remis à Aa C une correspondance qui était destinée au Ministère de l’Intérieur, ni comment cette remise a été faite et ce, d’autant plus qu’ils relèvent eux-mêmes que Aa C avait des motifs de nuire à Ab A ;

Que cette affirmation est d’autant plus risquée que les juges d’appel ne démontrent pas que Ab A ait rapporté la preuve ou même offert de produire un début de preuve au soutien de celle-ci ;

Qu’il s’ensuit qu’en l’absence de la preuve de la remise de la lettre à Aa C, les juges d’appel ne pouvaient pas retenir cette allégation pour entrer en condamnation contre celui-ci ;

Qu’ainsi, ils n’ont pas apporté de base légale à leur décision qui encourt la cassation ;

Attendu d’autre part que pour consolider leur décision, les Juges d’appel soutiennent « que Aa C a fait croire aux autorités que l’importation des munitions par Ab A était dans le but de porter atteinte à la sureté de l’Etat, alors qu’il savait qu’elle était destinée à la vente et que ce dernier avait été relaxé des fins de poursuites » ;

Attendu qu’il se trouve versé au dossier de la cause, la décision du Tribunal Correctionnel de Bangui qui indique que Ab A avait été poursuivi pour importation illicite de munitions de chasse ;

Qu’il n’apparait nulle part dans cette décision que le Tribunal ait fait une quelconque allusion à une atteinte à la sureté de l’Etat reprochée à ce dernier ou que celui-ci ait été relaxé de ce chef ;

Qu’ainsi, en affirmant des faits qui relèvent de la simple supposition en ce qu’ils n’ont jamais été jugés par le Tribunal pour entrer en condamnation contre GONCALVES, les Juges d’appel n’ont pas apporté de base légale à leur décision qui encourt là aussi la cassation ;

SUR LE TROISIEME MOYEN SANS INTERET

SUR LE QUATRIEME MOYEN DE CASSATION, PRIS DU DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS ET MOYENS DE DEFENSE, en ce que la Cour d’Appel n’a pas répondu aux moyens soulevés par la défense alors qu’elle en avait l’obligation, et ce, d’autant plus qu’elle demandait confirmation du jugement ;

Attendu que pour asseoir leur décision, les Juges d’appel ont dit en substance « qu’il est évident que la dénonciation a été faite avant son audition comme témoin ; que c’était plutôt dans sa déclaration comme témoin qu’il a reconnu avoir fourni les informations dans le cadre de la sécurité ; que la prévention sur la non spontanéité de la dénonciation ne saurait prospérer » ;

Attendu qu’en prenant cette position, les Juges ont suffisamment répondu aux arguments de la défense sur ce point d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

SUR LA CASSATION SANS RENVOI

Attendu qu’aux termes de l’article 55 de la loi organique n° 95.011 du 23 décembre 1995, portant organisation et fonctionnement de la Cour de Cassation, la Cour peut mettre un terme au litige s’il s’avère que le renvoi devant les juridictions du fond n’est pas nécessaire pour l’application de la bonne règle de droit ;

Qu’en l’occurrence, il n’y a aucun intérêt à renvoyer l’affaire aux juges du fond pour constater que l’infraction de dénonciation calomnieuse n’est pas constituée dans le cas d’espèce ;

PAR CES MOTIFS

En la forme : Reçoit Aa C en son pourvoi ;

Au fond : L’y déclare fondé ;

Casse et annule dans toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’Appel de Bangui du 04 novembre 2009 ;
Dit qu’il n’y pas lieu à renvoi ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre Criminelle, en son audience publique tenue au palais de justice de Bangui les jours, mois et an que dessus, où siégeaient :

- José Christian LONDOUMON, Président de la Chambre Président ;
- Pamphile OUABOUI, Conseiller ;
- Jean Claude MBOMI-SIOPATHIS, Conseiller ;
En présence de Monsieur Sylvain N’ZAS, Avocat Général près la Cour de Cassation ;
Avec l’assistance de Maitre Gabriel Gauvain KOWOMBA, Greffier ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé après lecture faite par le Président, les Conseillers et le Greffier.-


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 030
Date de la décision : 05/10/2010

Analyses

DENONCIATION CALOMNIEUSE ; RELAXE EN 1ERE INSTANCE ; CONDAMNATION EN APPEL ; CONDITIONS NON REUNIES DE L’INFRACTION ; DEFAUT DE PREUVES ; CASSATION SANS RENVOI

Doit être cassé, l’arrêt de la cour d’appel qui, pour infirmer une décision de relaxe du chef de dénonciation calomnieuse, s’est borné à se fonder sur des suppositions sans véritablement chercher à déterminer si les conditions et les éléments constitutifs de l’infraction étaient réunis.


Parties
Demandeurs : Manuel GONCALVES
Défendeurs : Benjamin GREKOÏ

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cf;cour.cassation;arret;2010-10-05;030 ?
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