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28/02/2013 | CEMAC | N°004/C1/2012-13

CEMAC | CEMAC, Cour de justice de la communauté économique et monétaire de l'afrique centrale, 28 février 2013, 004/C1/2012-13


Texte (pseudonymisé)
COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°004/C1/2012 - 13
Du 28/02/2013
Affaire AI Y X Af
(Cabinet DJAÏBE et Associés)
C/
Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC)
(Me Thomas DINGAMGOTO)
(Requête aux fins de délivrance d’un titre exécutoire et COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
‘AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la
Communauté Economique et Monétaire de PAfrique
Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à
N’Ac (République du Tchad) le vingt huit février


deux mille treize et composée de :
M. Georges TATY, Président Rapporteur,
M. DADJO GONI, Juge ;
Mme Julien...

COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°004/C1/2012 - 13
Du 28/02/2013
Affaire AI Y X Af
(Cabinet DJAÏBE et Associés)
C/
Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC)
(Me Thomas DINGAMGOTO)
(Requête aux fins de délivrance d’un titre exécutoire et COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
‘AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la
Communauté Economique et Monétaire de PAfrique
Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à
N’Ac (République du Tchad) le vingt huit février
deux mille treize et composée de :
M. Georges TATY, Président Rapporteur,
M. DADJO GONI, Juge ;
Mme Julienne ELENGA NGAPORO, Juge,
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier ;
A RENDU L’ARRET SUIVANT
ENTRE AI
Y X Af, Administrateur
Civil à la retraite, ayant pour conseil le Cabinet
d’Avocats DJAÏBE et Associés, Avocats au Barreau du
Tchad, BP. 1011 N’Ac, Tél. : 22 52 49 99,
Partie requérante , d’une part ;
ET
La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (ci- après
désignée BEAC) dont le siège est à Yaoundé (Cameroun),
prise en la personne de son représentant légal, le Gouverneur, assisté de Maître Thomas DINGAMGOTO,
Avocat au Barreau du Tchad, BP. 1003 N'Djaména,
Partie défenderesse, d’autre part ;
payer LA COUR
Vu la requête reçue et enregistrée au greffe de la Cour le 30/08/2012 sous le n°010 de Maître DJAÏBE, Avocat au Barreau du Tchad, agissant au nom et pour le compte du sieur Y X Af, requête tendant à ce qu’il plaise d’une part , à la Cour d’ordonner la délivrance d’un titre exécutoire contre la BEAC, en qualité de tiers saisi dans la procédure de saisie attribution pratiquée au préjudice de la Société Générale Tchad (SGT), d’autre part de condamner la BEAC de verser au requérant la somme de 2.500.000 frs par jour de retard à titre d’astreinte comminatoire à compter du 16 août 2012, date de la signification de l’arrêt civil avec sommation de ;
Vu le mémoire en défense du 5 novembre 2012 reçu et enregistré au
greffe de la Cour de céans sous le n°016, par lequel Maître Thomas
DINGAMGOTO, agissant au nom et pour le compte de la BEAC, a demandé à
la Cour de se déclarer à titre principal incompétente pour se prononcer sur
une difficulté d’exécution liée à la procédure de saisie attribution de
créances, et de déclarer à titre subsidiaire irrecevables les demandes du
requérant ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le Traité instituant la CEMAC et l’Additif audit Traité relatif au
système institutionnel et juridique de la Communauté ;
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la
CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE - CJ - 02 du 14
décembre 2000 de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement
portant statuts de la Chambre Judiciaire ;
Vu l’Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ - 02 du 14
décembre 2000 de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement
portant Règlement de procédure de la Chambre Judiciaire ;
Vu l’Acte additionnel n° 01 du 11 mai 2012 portant fin des mandats des
membres de la Cour et les maintenant en fonction Vu l’ordonnance n°121/CJ/CEMAC/PCJ portant fixation de la date
d’audience et composition de la formation ordinaire devant connaître de
l’affaire Y X Af contre la BEAC ;
Ouï, Monsieur Georges TATY, Président rapporteur en son rapport ;
Ouï, Maîtres A C et Frédérique pour le Cabinet
DJAÏBE et Associés, Avocats du requérant, en leurs observations orales ;
Ouï, Maîtres AL Ad et B AK pour le
Cabinet Thomas DINGAMGOTO, Avocats de la BEAC, en leurs observations
orales ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire ;
1. Faits à l’origine du litige
Dans le litige l’opposant à la Société Générale du Tchad (SGT), le sieur
Y X Af a obtenu du Tribunal de Première Instance de
N’Ac le 02 mars 2010, un jugement de condamnation de cette société à
lui payer en principal la somme de 15.946.000 frs, et de celle de 50.000.000
frs à titre de dommages intérêts avec exécution provisoire hauteur du
principal, nonobstant toutes voies de recours.
En exécution de cette décision, et à l’expiration d’un commandement
de payer, le requérant a fait pratiquer saisie attribution de créance le 25
mars 2011 sur les avoirs de la SGT entre les mains de la BEAC pour avoir
paiement de la somme de 17.611.235 frs.
Cette saisie a été dénoncée par Me NEATOBEI, Huissier de Justice,
par acte n°75/HJ/CP/11 à la SGT en sa qualité de débiteur saisi, et à la BEAC
en sa qualité de tiers saisi.
Curieusement, alors qu’un certificat de non contestation avait été
délivré le 28 avril 2011 au requérant, le lendemain de cette date, le Greffier
en Chef du Tribunal de céans enregistrait une requête en assignation aux
fins de contestation de la saisie attribution.
Après débats devant le juge des référés, la procédure de contestation
a été déclarée irrecevable suivant ordonnance du 13 mai 2011 dont le
dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en
matière de référés et en premier ressort ;
en la forme, déclarons irrecevable l’assignation de la SGT aux fins de
contestation de la saisie attribution pratiquée entre les mains de la BEAC au
profit de Y X Af ;
Disons que notre ordonnance est exécutoire sur minute et avant
enregistrement. »
Cette ordonnance a été signifiée par exploit d’huissier du 26 mai 2011
de Me NEATOBEI à la BEAC, avec mention sommation de payer.
Par lettre du 21 juillet 2011, le même huissier informait la BEAC que
son silence s’interpréterait comme un refus de paiement susceptibles
d’entrainer des poursuites judiciaires.
Le 29 juillet 2011 la BEAC lui répondait en ces termes :
«Par lettre n°049/HJ/CP/2011 votre collaborateur nous a relancé sur
l’exécution de la sommation de payer quittance adressée à la Banque par
exploit de votre ministère le 03 mai 2011.
J'’observe que la contestation élevée par la Société Générale Ag
dans le cadre de la présente voie d’exécution a été rejetée par le Juge des
référés. Dans ces conditions et en l’absence d’un document émanant du
Greffier et indiquant qu’aucun appel n’a été interjeté contre la décision, il
n’est pas possible de procéder au décaissement des sommes en cause… ».
Ultérieurement, un arrêt de la Cour d’Appel de N’Ac n°096/2012
du 08 juin 2012 confirmait le jugement rendu le 02 mars 2012 par le Tribunal
de Première Instance de N’Ac portant condamnation de la SGT, était
signifié à la BEAC avec sommation de payer le 16 août 2012.
Devant un nouveau refus de paiement de la BEAC, le requérant
saisissait alors la Chambre Judiciaire sur le fondement de l’article 20 de la
Convention régissant la Cour de Justice qui énonce :
« La Chambre connaît en dernier ressort, des litiges relatifs à la réparation
des dommages causés par les organes et institutions de la Communauté ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions. Elle statue en
tenant compte des principes généraux de droit qui sont communs aux droits
des Etats membres ».
IL Conclusions des parties
Le requérant demande à ce qu’il plaise à la Cour :
constater que malgré plusieurs réquisitions de l’huissier de justice
instrumentaire, la BEAC a refusé de s’exécuter ;
constater que cette résistance abusive, injustifiée et intolérable de la
défenderesse lui a causé des préjudices tant moraux que matériels ;
constater la mauvaise foi patente de la défenderesse qui, en tant que tiers
saisi, se doit de s’exécuter lorsque les conditions légales sont réunies, ce
qui est le cas en l’espèce ;
condamner la BEAC à lui verser la somme de 2.500.000 frs par jour de
retard ;
dire que cette mesure d’astreinte commence à courir à compter du 16 août
2012, date de la signification de l’arrêt avec sommation de payer ;
De son côté, la BEAC conclut à ce qu’il plaise à la Cour à titre
principal :
e dire que la Cour de Justice est manifestement incompétente pour se
prononcer sur une difficulté d’exécution liée à la procédure de saisie
attribution de créances, en vertu des articles 2, 6, 11 et 25 de la
Convention régissant ladite Cour d’une part ; et des articles 13 à 25 du
Traité OHADA, d’autre part ;
A titre subsidiaire :
constater que la BEAC jouit de l’immunité de juridiction en vertu d’une part,
de l’accord de siège signé avec la République du Tchad ; d’autre part de la
Convention sur les immunités accordées aux organes de la CEMAC ;
constater l’absence de sentence arbitrale ;
déclarer par conséquent irrecevable la demande du requérant.
IN. Moyens et arguments des parties
1. Les moyens et arguments de Y X Af
Ab Y observe que la BEAC agit en violation de l’article 38 de
l’AUPSRVE qui dispose :
« Les tiers saisis ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de
l’exécution ou de la conservation de créances. lls doivent y apporter leur
concours lorsqu’ils en sont légalement requis.
Tout manquement par eux à ces obligations peut entrainer leur
condamnation à verser des dommages-intérêts. Le tiers entre les mains
duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes
conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son
recours contre le débiteur ».
Selon lui, en refusant d’exécuter les décisions qui lui enjoignait de
reverser entre les mains d’huissier les sommes détenues dans ses livres
pour le compte de la SGT, la BEAC a eu un comportement fautif.
II estime que la défenderesse est donc tenue sur le fondement de
l’article 20 précité de réparer le préjudice moral et surtout matériel que
constitue la privation d’une créance alimentaire.
2. Les moyens et arquments de la BEAC
Selon la BEAC, le requérant en sollicitant la délivrance d’un titre
exécutoire et sa condamnation au paiement de divers préjudices n’a
aucunement démontré ni la compétence de la Cour à connaître d’une telle
action et encore moins la recevabilité de celle-ci.
La partie défenderesse rappelle que la Cour de Justice de la CEMAC
créée par le Traité a pour mission essentielle d’assurer le respect du droit dans
l’interprétation et son application ainsi que les conventions subséquentes.
Or, fait-elle observer, l’affaire soumise à l’examen de la juridiction
communautaire porte sur l’application de l’Acte Uniforme OHADA sur les voies
d’exécution, plus précisément sur les articles 153 à 172 gouvernant la saisie
attribution de créances.
Elle ajoute qu’à supposer même l’existence d’une entrave, celle-ci
constitue une difficulté d’exécution prévue à l’article 38 de l’'AUPSRVE.
Eu égard à ce qui précède, la défenderesse estime que l’article 49 de
l’Acte précité donne compétence exclusive au juge tchadien de l’exécution pour
connaître de tout litige ou de toute demande relative à une mesure d’exécution
forcée.
Elle rappelle que dans les affaires comparables à la présente ( voir en ce
sens arrêts du 3 juillet 2003, affaire TASHA ; du 10 mars 2011, affaire Ae
AH contre BEAC ; du 5 avril 2012 affaire Héritiers Z Aa C/
BEAC) la Cour s’est déclarée incompétente rationae materiae.
A titre subsidiaire, la défenderesse excipe de l’irrecevabilité du recours,
motif pris de ce qu’elle jouit d’une immunité de juridiction en vertu de l’article 8
des accords de siège signes par les Etats membres dont le Tchad, et 24 de la
Convention régissant l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale.
Elle ajoute qu’il ressort par ailleurs de l’article 16 de l’Accord de siège
que tout litige opposant la BEAC à un ressortissant tchadien doit être soumis à
l’arbitrage du Ministre des Affaires Etrangères qui se prononce par voie de
sentence arbitrale.
De cette règle, elle déduit que la Cour devra déclarer irrecevable l’action
du requérant, au risque de trahir sa jurisprudence (voir arrêt n°006/2011 — 12 du
08/03/2012, affaire B AG Ah C/ BEAC) aux termes de laquelle
« pour saisir valablement la Cour le requérant doit être muni d’une sentence
arbitrale ».
Mr. Y X Af a fait parvenir le 04 février 2013 par
l’intermédiaire de son conseil, une note en délibéré.
IV.Motifs de l’arrêt
La Cour doit d’abord statuer sur la recevabilité de la note en délibéré
déposée après l’audience de plaidoiries, ensuite sur sa compétence à connaître
d’une action en délivrance d’un titre exécutoire avant d’examiner la recevabilité de
la demande de condamnation de la BEAC à payer au requérant la somme de
17.611.235 frs, objet d’une saisie attribution des créances pratiquée au préjudice
de la SGT, et ce sous astreinte de 2.500.000 frs par jour de retard à compter du 16
août 2012, date de la signification de l’arrêt civil avec sommation de payer ;
Sur la recevabilité de la note en délibéré déposée après l’audience du
06/12/2012
Considérant que Mr. Y X Af a fait parvenir le 04
février 2013, après l’audience de plaidoiries tenue le 06 décembre 2012 une note en
délibéré ;
Considérant qu’une juridiction n’est pas tenue de répondre à des notes en
délibéré remises après la clôture des débats sur la seule initiative des parties ;
Considérant qu’en l’espèce la Cour, au regard du déroulement de l’audience
et des explications des parties, s’estime suffisamment éclairée pour trancher le
litige qui lui est soumis ;
Qu'il convient pour ces motifs de rejeter la note en délibéré parvenue après
l’audience des plaidoiries.
Sur la compétence de la Cour
Il ressort des circonstances de l’espèce que la présente demande de titre
exécutoire prend sa source dans le refus de la BEAC, en sa qualité de tiers saisi,
de libérer la somme de 17.611.235 frs, objet d’une saisie attribution de créances
pratiquée au préjudice de la SGT ;
Considérant que la demande de titre exécutoire tendant à contraindre le tiers
saisi à payer au créancier les sommes dues constitue une difficulté d’exécution qui n’entre pas dans les prévisions de l’article 20 de la Convention régissant la
Cour de Justice, mais plutôt de l’article 168 de l’Acte Uniforme OHADA portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
qui énonce :
«en cas de refus de paiement du tiers saisi, la contestation est portée
devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire » ;
Considérant que la jurisprudence de la Cour est bien établie en ce sens
(arrêt du 10 mars 2011, affaire Ae AH C/ BEAC ; arrêt du 5 avril 2012,
affaire Héritiers AJ C/ BEAC) ;
Qu’en définitive, la Cour doit se déclarer incompétente rationne materiae
pour délivrer un titre exécutoire à l’encontre de la BEAC, sans qu'il soit besoin
d’examiner les autres moyens soulevés par les parties ;
Sur les dépens
Aux termes de l’article 91 du règlement de procédure, toute partie qui
succombe est condamné aux dépens ; le requérant ayant succombé, il doit être
condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit
communautaire ;
En la forme :
- reçoit la requête introduite par Mr. Y X Af,
- rejette la note en délibéré remise après l’audience du 06 décembre 2012 sur
la seule initiative du requérant ;
Au fond :
- constate que la demande de délivrance d’un titre exécutoire n’entre pas
dans les prévisions de l’article 20 de la Convention régissant la Cour de Justice, mais plutôt de l’article 168 de l’Acte Uniforme OHADA portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution ; ;
- se déclare par conséquent incompétente rationae materiae pour délivrer un
titre exécutoire à l’encontre de la BEAC ;
Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N’Ac, les jour, mois et
an que dessus.
Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
Georges TATY DADJO GONI Julienne ELENGA NGAPORO
JUGE
7
/ Maître RAMADA


Synthèse
Numéro d'arrêt : 004/C1/2012-13
Date de la décision : 28/02/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cemac;cour.justice.communaute.economique.monetaire.afrique.centrale;arret;2013-02-28;004.c1.2012.13 ?
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