COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
Du 10/11/2011
Affaire : ECOBANK
CENTRAFFRIQUE
(Mes M. Aa B, J. Ab
AG, T.P. Charles et J.
Z)
du 09/12/2009
Défendu par
Ac A C (Mes GANG-NON KOKO
NANTIGA et Paul ZASSINO)
(Requête en tierce opposition) COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
“" AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de lAfrique Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à X (République du Tchad) le dix novembre deux mille onze et composée de :
M. Pierre KAMTOH, Président ;
Mme Julienne ELENGA NGAPORO, Juge Rapporteur ;
- M. JUSTO ASUMU MOKUY, Juge ;
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier ;
A RENDU L’ARRET SUIVANT
ENTRE
La Société Y Ad, S.A. BP. 910 Bangui, prise en la personne de son Directeur Général, représenté par Maîtres Mathias Barthélemy MOROUBA, Jocelyn Clotaire TENGUE, Avocats au Barreau de Centrafrique et TCHAKOUTE PATIE Charles, Avocat au Barreau du Cameroun, ayant élu domicile auprès de Maître Josué NGADJADOUM, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 5554, NDjaména,
demanderesse en tierce opposition ;
CONTRE
L'arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du 0912/2009, défendu par Monsieur Ac A C, Ancien Directeur Général de la BICA, assisté de Maître GANG— NON KOKO — NANTIGA, Avocat au Barreau de Centrafrique ayant élu domicile au Cabinet de Maître Paul ZASSINO, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 5326, tél. 251 97 56 NDjaména,
défendeur en tierce opposition ;
LA COUR
Vu la requête en tierce opposition introduite par Maîtres Mathias Barthélemy
MOROUBA et Jocelyn Clotaire TENGUE, Avocats au Barreau de Centrafrique, agissant
au nom et pour le compte de la Société Y Ad S.A., contre farrêt
n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 rendu par la Cour de céans le 09/12/2009, laquelle a été
enregistrée au greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 23 février 2010 sous le n°008 ;
Vu le mémoire ampliatif daté à X du 06 avril 2010, enregistré au greffe
de la Cour (Chambre Judiciaire) le 07 avril 2010 sous le n°035 ;
Vu le mémoire en défense de Monsieur Ac A C daté à
Bangui du 14 mars 2010, enregistré au greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 20 mai
2010 sous le n°057 ;
Vu le mémoire en réplique daté à NDjaména du 18 juin 2010, enregistré au
greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 23 juin 2010 sous le n°071 ;
Vu la requête à fin de sursis à statuer datée à Bangui du 31 mai 2011,
enregistrée au greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 06 juin 2011 sous le n°0132,
introduite par Maître GANG-NON KOKO NANTIGA pour le compte de Monsieur Ac
A C ;
Vu les observations aux fins de rejet de la demande de sursis à statuer
formulées par Maître TCHKOUTE PATIE Charles pour le compte de la Société
Y Ad, dans un courrier daté à Douala du 20 juin 2011, enregistré au
greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 23 juin 2011 sous le n°0141 ;
Vu la note en délibéré élaboré par Monsieur Ac A C,
enregistrée au greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 06 octobre 2011 sous le
n°004 ;
vu la procédure ayant donné lieu à farrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du
09/12/2009 ;
Vu les autres pièces produites au dossier ;
Vu le Traité instituant la CEMAC et lAdditif audit Traité relatif au système
institutionnel et juridique de la Communauté ;
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu lActe Additionnel n°006/CEMAC/041—CCE- CJ-02 du 14 décembre 2000
portant statuts de la Chambre Judiciaire ; ç E Vu lActe Additionnel n°004/CEMAC/041—-CCE-—CJ—02 du 14 décembre 2000
portant règlement de procédure devant la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de
la CEMAC ;
Vu les Actes Additionnels n°10/06/CEMAC/CJ/CCE du 13/07/2006,
n°11/06/CEMAC/CJ/CEE du 07/08/2006 et n°14/07— CEMAC — 008— CJ— CCE— 08 du
25/04/2007 portant nomination des membres de la Cour de Justice de la CEMAC ;
Oui Madame Julienne ELENGA NGAPORO en son rapport ;
Oui les conseils des parties en leurs observations tant écrites qu'orales ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire ;
Par requête datée à Bangui du 09 février 2010 enregistrée au greffe de la Cour
(Chambre Judiciaire) le 23 février 2010 sous le n°008, Maîtres Jocelyn Clotaire
TENGUE, Mathias Barthélemy MOROUBA, Avocats au Barreau de Centrafrique, ayant
élu domicile au Cabinet de Maître Josué NGADJADOUM, Avocat au Barreau du
Tchad, BP. 5554 - NDjaména, ont saisi la Cour d'une tierce opposition contre l'arrêt
n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du 09 décembre 2009, dont le dispositif est le suivant :
‘En la forme :
- se déclare compétente,
- déclare recevable le recours formé par Monsieur Ac A
C ;
Au fond :
- ordonne le paiement de trois mois de préavis par la BICA devenue
- ordonne que le calcul de lindemnité des services rendus soit fait
conformément aux dispositions de larticle 11 nouveau libellé dans favenant
n°2 signé à Bangui le 15 septembre 2006 ;
- déboute Monsieur Ac A C du surplus de ses
demandes ;
- ordonne la notification du présent arrêt à la Commission Bancaire de l'Afrique
Centrale (COBAC) et à la Direction générale dECOBANK RCA ;
- condamne la BICA devenue ECOBANK RCA aux dépens ;
La requérante expose quelle na été ni convoquée, ni représentée dans la
procédure ayant abouti à arrêt attaqué ; qu'elle a donc été condamnée à lissue d'un
procès auquel elle ra pas participé ; que par ailleurs, à fissue d'une procédure introduite
par Monsieur Ac A C devant les juridictions pour les mêmes
faits, elle (la Société Y Ad) a été condamnée au paiement des mêmes
sommes à Monsieur Ac A C ;
Elle demande à la Cour de la recevoir en sa tierce opposition et la déclarer bien
fondée ; en conséquence, reformer partiellement l'arrêt attaqué en ce qui concerne le
calcul et le paiement des droits légaux de Monsieur Ac A C ;
Statuant à nouveau, dire et juger que Monsieur Ac A C
a déjà perçu ses droits légaux ; mettre hors de cause la Société Y Ad ;
enfin condamner Monsieur Ac A C aux dépens ;
Dans un mémoire ampliatif daté à NDjaména du 06 avril 2010, enregistré au
greffe de la Cour (Chambre" Judiciaire) le 07 avril 2010 sous le n°035, la requérante
expose que par jugement rendu le 04 janvier 2010, le Tribunal de travail de Bangui a
condamné Y Ad à verser à Monsieur Ac A C
la somme de 32.704.000 F CFA à titre de droits légaux (indemnités de congé, de
préavis, prime de bilan et prime de gratification du 13°"° mois) et celle de 25.000.000 F
CFA à titre de dommages-intérêts ;
La requérante soutient que la rupture du contrat liant Monsieur Ac
A C à la BICA n'est pas imputable à cette dernière en ce qu'en
acceptant de signer un contrat avec la COBAC, Monsieur Ac A
C a mis fin au contrat qui le liait à la BICA, que le versement de la somme
de 11.199.600 F CFA à Monsieur Ac A C, au titre de
findemnité de service rendu a été fait en application de l'article 11 nouveau libellé dans
favenant n°2, signé le 15 septembre 2006, pour prouver la bonne foi de la BICA
devenue Y Ad et le respect des engagements pris par la BICA ; qu'en
somme, le fait pour Monsieur Ac A C de signer un contrat
avec la COBAC, tout en étant lié à la BICA par un contrat, emporte rupture unilatérale
de tout lien avec la BICA, ce qui constitue une démission qui ne donne droit à aucune
réparation de la part de la BICA ; que farrêt attaqué doit être infirmé sur ce point ;
Dans son mémoire en défense daté à Bangui du 14 mai 2010, enregistré au
greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 20 mai 2010 sous le n°051, le défendeur à la
tierce opposition soutient que le mandat qui lui avait été confié par la COBAC tendait à rétablir l'équilibre financier à la BICA ; qu'en sa qualité de salarié de la BICA il ne pouvait
refuser cette mission ; que pendant fexécution de cette mission, il était toujours
rémunéré par la BICA, de sorte que cette dernière ne peut valablement soutenir que le
défendeur à la tierce opposition avait démissionné et quil lui appartenait d'observer le
préavis ;
Le défendeur à la tierce opposition explique avoir saisi par requête du 20 avril
2007 le Tribunal de travail de Bangui pour faire valoir ses droits légaux consécutifs au
contrat de travail qui le liait à la BICA ; qu’il a dans le même temps saisi par requête du
07 juin 2007, la Chambre Judiciaire de la Cour de céans pour voir condamner la
COBAC à lui réparer le préjudice subi du fait de ses décisions et actes, d'où ces deux
décisions de justice ; qu'Ecobank Centrafrique avait connaissance de la procédure
engagée devant la Cour de céans ; qu'elle se devait d'intervenir volontairement ; qu'elle
ne l'a pas fait et n'indique nulle part les raisons fayant empêché de le faire ; que sa tierce
opposition rest donc pas fondée ;
En conclusion de ce raisonnement, il demande à la Cour de dire la tierce
opposition d'Ecobank Centrafrique non fondée ; la rejeter et condamner lEcobank
Centrafrique aux dépens ;
Dans le mémoire en réplique daté à NDjaména du 18 juin 2010, Y
Ad demande à la Cour de constater qu'il y a double condamnation ; qu'en
ordonnant le paiement de trois mois de préavis à Monsieur Ac A
C, la haute juridiction a outrepassé ses compétences ; que la Cour doit se
déclarer incompétente en ce qui concerne la condamnation de la BICA devenue
Y Ad à payer des droits légaux à Ac A C ;
renvoyer ce dernier à mieux se pourvoir, et le condamner aux dépens ;
Par un mémoire daté à Bangui du 31 mai 2011, enregistré au greffe de la Cour le
06.06.2011 sous le 013, Maître G. KOKO NANTIGA, agissant au nom et pour le
compte de Monsieur Ac A C a saisi la Cour d'une requête aux
fins de sursis à statuer, fondée sur le fait quil a saisi la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage (CCJA) dun recours en annulation de larrêt n°05/CJ/CEMAC/CJ/10 rendu
par la Chambre Judiciaire de la Cour le 08 avril 2010, comme ayant été rendu en
violation des dispositions des articles 32 et 49 de Acte Uniforme portant organisation
de recouvrement et des voies d'exécution et de l'article 10 du Traité de Port Louis (Île
Maurice) du 17 octobre 1993 ; Æ&S Il demande à la Cour de surseoir à l'examen de la tierce opposition formée par
Y Ad contre larrêt susvisé, jusqu'à ce la CCJA se soit prononcée sur le
recours en annulation introduit devant elle contre le même arrêt ;
Par courrier daté à Douala du 20 juin 2011, enregistré au greffe de la Cour (
Chambre Judiciaire) le 23 juin 2011 sous le n°014, Maître TCHAKOUTE PATIE
Charles, agissant au nom et pour le compte dEcobank Centrafrique, a fait des
observations sur cette requête aux fins de sursis à statuer, desquelles il ressort que les
litiges soumis à la Cour de céans par Y Ad et celui soumis à la CCJA
par le défendeur à la tierce opposition ne sont pas identiques de sorte quil ne peut avoir
litispendance ou même risque de litispendance comme allégué par le défendeur à la
tierce opposition ; que ce risque de litispendance est d'autant plus inexistant en l'espèce
que la Cour de céans et la CCJA n'ont pas les mêmes compétences ;
Il sollicite par conséquent le rejet de cette demande de sursis à statuer comme
étant juridiquement non fondée ;
Appelée à audience du 23 juin 2011, cette affaire a été retenue, plaidée et mise
en délibéré pour arrêt être rendu le 23 octobre 2011 ; advenue cette audience le
délibéré a été prorogé au 10 novembre 2011 ;
Le défendeur à la tierce opposition a fait parvenir à la Cour deux notes en
délibéré enregistrées au greffe de la Cour (Chambre Judiciaire) le 06 octobre 2011 sous
les numéros 004 et 005 dans lesquelles il demande à la Cour de rejeter le recours
d'Ecobank Centrafrique comme étant mal fondé en fait et en droit, recevoir la requête de
sursis à statuer, y faire droit, renvoyer les parties devant les juridictions centrafricaines
et condamner la requérante aux dépens ;
- Sur la recevabilité de la tierce opposition en la forme
portant règles de procédure devant la Chambre Judiciaire dispose que le tiers qui na
été ni appelé ni représenté peut former tierce opposition à l'arrêt qui lui fait grief ;
Attendu que la Société Y Ad r’a été ni appelée ni représentée
dans la procédure ayant abouti à larrêt querellé ; quen condamnant Y
Ad au paiement des droits légaux à Monsieur Ac A
C, l'arrêt critiqué lui fait grief de sorte quil est fondé à former opposition
contre ledit arrêt ;
que cette tierce opposition enregistrée au greffe de la Cour (Chambre Judiciaire)
le 23/02/2010 contre larrêt susvisé, notifié le 25 janvier 2010 est donc régulière et
recevable ;
- Sur la recevabilité de la requête en sursis à statuer
Attendu que Monsieur Ac A C fonde sa demande de
sursis à exécution sur le fait qu'il y a litispendance.
Attendu que la tierce opposition formée par Y Ad tend à
remettre en cause farrêt n°011/CJ/CEMAC/ CJ/09 rendu par la Cour de céans le 09
décembre 2009, alors que le recours formé par Monsieur Ac A
C devant la CCJA tend à faire annuler farrêt n°05/CJ/CEMAC/CJ/10 rendu
par la Cour de céans le 08 avril 2010 ; qu’il est manifeste que les litiges soumis aux
deux juridictions ne sont pas identiques, de sorte quil ne peut y avoir litispendance ;
qu'au surplus les deux juridictions relèvent de deux ordres juridiques distincts, de
sorte que la CCJA ne peut connaître de la tierce opposition formée par Y
Ad contre un arrêt rendu par la Cour de Justice de la CEMAC qui n'est pas
une juridiction nationale et dans une matière qui ne relève pas de la compétence de la
CCJA ; qu'il sensuit qu'il y a pas litispendance et encore moins lieu à sursis à statuer ;
que la demande de sursis à statuer est donc irrecevable ;
- Sur la recevabilité des notes en délibéré
Attendu qu'au sens de l'article 68 alinéa 2 de [Acte Additionnel n°04 portant règles
de procédure devant la Chambre Judiciaire, la note en délibéré n'est recevable que
lorsqu'il apparaît quun point doit être éclairci ou quune mesure d'instruction complémentaire soit nécessaire, auquel cas, le délibéré doit être rabattu et les débats
réouverts ;
Attendu qu'en loccurrence la Cour (Chambre Judiciaire) est suffisamment
instruite sur tous les points de droit et de fait inhérents à la présente affaire ; que ces
notes en délibéré, en ce qu'elles ne soulèvent aucun point à éclaircir ou une mesure
d'instruction à prendre, doivent être tout simplement repoussées ;
- Sur l’incompétence de la Cour de céans à se prononcer sur les droits
légaux du défendeur à la tierce opposition
Attendu que la Société Y Ad soulève in limine litis l'exception
dincompétence de la Cour à se prononcer sur les droits légaux de Monsieur Ac
A C ; quelle explique que Monsieur Ac A
C avait attrait la Société Y Ad devant la Tribunal de
Travail de Bangui pour obtenir le paiement de ses droits légaux dune part, et d'autre
part, la COBAC devant la Chambre Judiciaire de la Cour de céans pour obtenir
réparation des préjudices par lui subis du fait des différents actes et décisions de la
COBAC ; quil a obtenu la condamnation de son ex-employeur, 'Ecobank Centrafrique
au versement des sommes suivantes : 32.704.400 F CFA à titre de droits légaux et
25.000.000 F CFA au titre de dommages intérêts ;
que la Cour de céans ayant mis hors de cause la COBAC, ne saurait étendre sa
compétence à la Société Y Ad qui n'est ni une institution ni un organe
de la CEMAC ; que seul le Tribunal de Bangui est compétent pour connaître des litiges
entre Y Ad et ses employés ;
qu'en condamnant Y Ad à payer trois mois de préavis à
Monsieur Ac A C, la Cour de céans a outrepassé ses
compétences ;
attendu que devant la pertinence de ce raisonnement, il convient de rétracter
partiellement l'arrêt querellé en ce qui concerne la condamnation d'Ecobank Centrafrique
au paiement de droits légaux de Monsieur Ac A C ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Sur la forme :
— reçoit la tierce opposition formée par la Société Y Ad ;
— rejette la requête de sursis à statuer ;
— rejette les notes en délibéré ;
Au fond :
— rétracte partiellement l’arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 en ce qui concerne
la condamnation d’Y Ad au paiement des droits légaux
à Monsieur Ac A C ;
Statuant à nouveau :
- se déclare incompétente à connaître du litige opposant la Société
Y Ad à Monsieur Ac A C ;
- renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
- dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N’X, le dix novembre
deux mille onze.
Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.