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22/03/2016 | CEMAC | N°008

CEMAC | CEMAC, Cour de justice, 22 mars 2016, 008


Texte (pseudonymisé)
COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°008/2015 - 16
Du 22/03/2016
Affaire : A Z Ac Luther
(scp NGASSAM NIIKE et Associés et Me Pierre
MIANLENGAR)
La Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) (Mr. C B Ab)
(Requête en annulation)


COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
‘ AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à Y (République du Tchad) le vingt deux mars deux mille seize et

composée de :
Ps M. Antoine MARADAS, Président ;
M. DADJO GONI, Juge Rapporteur ;
- M. Georges TA...

COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°008/2015 - 16
Du 22/03/2016
Affaire : A Z Ac Luther
(scp NGASSAM NIIKE et Associés et Me Pierre
MIANLENGAR)
La Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) (Mr. C B Ab)
(Requête en annulation)

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
‘ AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à Y (République du Tchad) le vingt deux mars deux mille seize et composée de :
Ps M. Antoine MARADAS, Président ;
M. DADJO GONI, Juge Rapporteur ;
- M. Georges TATY, Juge ;
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier ;
A RENDU L'ARRET SUIVANT
ENTRE
Monsieur A Z Ac Aa, Administrateur Provisoire de la Commercial Bank Cameroun (CBC), ayant pour conseil la SCP NGASSAM NJIKE et Associés, Avocats au Barreau du Cameroun, BP. 2159 Douala, et Maître Pierre MIANLENGAR, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 6472 Y, auprès duquel domicile est élu ;
partie requérante, d’une part ;
Et
La Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC), prise en la personne de son représentant légal, représenté par Monsieur C B Ab, en qualité d’agent ;
partie requise, d’autre part ;
ÿ

LA COUR
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 22 aout 2014, par la SCP
NGASSAM NUIKE et Associés, Avocats au Barreau du Cameroun, agissant au nom
et pour le compte de Monsieur A Z Ac Aa, Administrateur
Provisoire de la Commercial Bank Cameroun (CBC), contre la décision COBAC du
21 mars 2014 ;
Vu les mémoires des parties ;
Vu les autres pièces produites au dossier ;
Vu le Traité instituant la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant statuts de la Chambre Judiciaire ;
Vu l’Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant règlement de procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice
de la CEMAC ;
Vu l’Acte additionnel n°01 du 11 mai 2012 autorisant les membres de la Cour
en fin de mandat à rester en fonction jusqu’à l’installation de leurs remplaçants ;
Vu l’ordonnance portant composition de la formation ordinaire de jugement ;
Oui le Juge DADJO GONI, en son rapport ;
Oui les conseils des parties en leurs observations tant écrites qu’orales ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire ;
Par requête enregistrée à la Cour sous le n°006 du 22/08/2014, Mr A
Z Ac Aa, Administrateur Provisoire de la Commercial Bank
Cameroun(CBC) ayant pour conseil la SCP NGASSAM NIJIKE et Associés, Avocats
au Barreau du Cameroun B.P 2159 Douala, ayant élu domicile en l’étude de Maître
MIANLENGAR Pierre, Avocat au Barreau du Tchad B.P.6472, expose ce qui suit :
La CBC a été placée par décision COBAC du 21 mars 2009 sous
Administration Provisoire suite au non respect des règles prudentielles et de
l'incapacité des actionnaires à proposer un plan de redressement crédible ;
Un administrateur provisoire était désigné en la personne du requérant avec
pour mission ’de poursuivre la gestion courante de cet établissement financier avec

le personnel actuel, élaborer un plan de redressement crédible visant à rétablir
l'équilibre de la situation financière de la CBC, après approbation dudit plan par la
COBAC, rechercher si nécessaire toute personne intéressée par l'entrée dans le
capital de cette banque” ;
L'article 3 de la décision octroyait au requérant les pleins pouvoirs en matière
d’administration lui permettant d'agir à la place de tous les organes de gestion
(Présidence du Conseil d’administration, Direction générale) ;
Le requérant souligne qu'avant la mise sous administration provisoire de la
CBC, il bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée et percevait un salaire mensuel
de l’ordre de 9 millions de F CFA et divers avantages en nature ( assurance maladie,
frais d'électricité, frais de gardiennage, …) évalués à 2,4 millions par mois ;
Estimant que la tâche à accomplir était immense et qu’elle comportait un
certain nombre de risques, il a donc engagé des pourparlers en vue de la
revalorisation de son traitement et de ses avantages ;
Selon lui, le Gouverneur de la BEAC a accédé favorablement en augmentant
son salaire de deux millions ;
Il lui a été répondu en ce qui concerne les avantages que ceux-ci relevaient
des pratiques de chaque banque, et qu’il n’appartenait pas à la COBAC de les
accorder ;
Le 9 avril 2014 la COBAC le requérant recevait de la part de la COBAC une
lettre du 21 mars 2014 le sommant de rembourser sans délai toutes les sommes
perçues en dehors de la décision COBAC D — 2010/05 du 2 novembre 2010.
C’est alors qu’il a adressé par lettre en date du 25 avril 2014 à la COBAC une
demande tendant à lui communiquer les éléments qui avaient motivé cette décision
de remboursement.
Par lettre du 9 juin 2014, la COBAC lui répondait que la lettre
COBAC/516/DCA/JMB valait notification de la décision.
C’est cette lettre dont le requérant demande l’annulation.
Les moyens et arguments des parties peuvent être résumés comme suit :
— en ce qui concerne la violation, Mr. JANGA NJOH oppose l’article 42 du
Traité révisé de la CEMAC qui énonce : « les règlements, les règlements
cadres… les décisions doivent être motivés », il estime que l’absence de

motifs ne permet pas au juge de contrôler la légalité de la décision qui lui
fait grief ;
— en ce qui concerne la violation de son contrat de travail, il reproche à la
COBAC de vouloir lui supprimer les avantages qui lui ont été accordés
dans l’article 9 dudit contrat, en l’occurrence un logement de fonction, le
paiement des charges d'électricité, de gardiennage, du mobilier, la prise
en charge de son assurance ainsi que celle de sa famille, des frais de
scolarité.
Selon le requérant, il s'agit des droits acquis qui ne peuvent être remis en
cause par un nouveau contrat de travail, lesquels droits sont garantis par la
législation camerounaise en son article 42, et confirmés par la jurisprudence du
Tribunal International de l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans un
jugement n°986 qui précise « la modification au détriment d’un fonctionnaire (salarié)
d’une disposition régissant sa situation constitue une violation d’un droit acquis s'il
bouleverse l’économie de son contrat d’engagement en portant atteinte aux
conditions d'emploi fondamentales qui ont été de nature à déterminer à entrer, ou,
ultérieurement, à rester en service. »
En ce qui concerne la violation du principe de l’égalité de traitement, le
requérant fait observer que les directeurs généraux adjoints et le directeur général
adjoint en charge de l’exploitation ont gardé leurs avantages du 2 décembre 2009,
date de la mise sous administration provisoire, jusqu’au 18 mars 2010, date où ils ont
été démis de leurs fonctions.
En ce qui concerne la violation de l’article 74 du Code de travail camerounais, il
estime que la prescription de 3 ans prévue par cette disposition étant acquise, la
COBAC n’avait donc pas à lui réclamer la restitution des avantages qui lui ont été
versés.
Le requérant demande donc à la Cour de juger son recours recevable ; de dire
que la décision de la COBAC est dépourvue de motifs et de ce fait encourt la nullité ;
de dire que son contrat de travail du 1°" juillet 2005 est toujours en vigueur, et que la
décision querellée viole un certain nombre de principes (droit acquis, égalité de
traitement …).

Le mémoire en défense déposé par la COBAC le 21 mars 2014 conclut à ce
qu’il plaise à la Cour :
— déclarer nul le contrat de travail du requérant pour défaut d’objet et de vice
de forme,
— déclarer irrecevable l’ensemble des moyens tirés de la violation du contrat
de travail de Mr. A Z, de la violation des droits acquis, de la
violation de l’article 74 du Code de travail camerounais, et de la violation du
principe de l'égalité de traitement.
Dans son mémoire en réplique, la COBAC a répondu aux arguments du
requérant en rappelant d’abord que c'est à la suite de la mission effectuée du 23/09
au 1810/ 2013 au sein de la Commercial Bank of Cameroon qu’elle a constaté que
l’Administrateur Provisoire de la CBC bénéficiait des avantages qui n’étaient pas
prévus dans la décision fixant sa rémunération.
Suite à cette découverte, elle a alors adressé à Mr. A Z une lettre
pour qu’il lui fournisse des explications sur les avantages perçus depuis la mise sous
administration provisoire de la Banque.
Le requérant invoquait pour justifier ses avantages, la charge de son travail, le
contrat de travail et la décision du Gouverneur de la BEAC les lui accordant.
Non satisfait de la réponse, elle a adopté une résolution en date du 21 mars
2014, notifiée au requérant par lettre n° COBAC/0516/DCP/JMB du 09 avril 2014, lui
demandant de restituer les sommes perçues en dehors de la décision COBAC fixant
sa rémunération au titre des fonctions d’administrateur provisoire.
Elle précise que les avantages en nature qui sont accordés ont été strictement
définis par les articles 2 et 3 de la décision COBAC D — 2010/015 du 15/02/2010
fixant les modalités de rémunération du requérant.
S'agissant de la violation de l’article 42 du Traité révisé, elle relève que la
résolution prise de demander à Mr. A Z de rembourser les sommes
perçues a été prise après plusieurs échanges de correspondances, et que la lettre
notifiée au requérant mentionne les raisons qui sous tendent cette demande de
remboursement.

S'agissant du contrat de travail, elle estime que celui — ci encourt la nullité pour
n’avoir pas été conclu conformément aux dispositions des articles 426 et 436 de
l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales qui prévoient
qu’un mandataire social ne peut conclure un contrat de travail avec une société que
si ce contrat est soumis aux dispositions de l’article 436 du présent Acte, lequel
dispose que ‘toute convention entre une société anonyme et l’un de ses
administrateurs, … doit être soumis à l'autorisation préalable du Conseil
d'administration de la CBC.”
S'agissant des droits et avantages, la défenderesse répond que la désignation
du requérant en qualité d’administrateur provisoire entrainait automatiquement la
suspension des contrats de travail en cours et des mandats des dirigeants et des
administrateurs, pendant la période d'administration provisoire.
Elle prétend que la décision COBAC D — 2010/005 du 15 février 2010 a fixé au
requérant une rémunération plus que confortable tout en réglementant ses
avantages en nature en tenant compte de l'obligation de limiter les frais de
fonctionnement de l’administration provisoire.
S'agissant de la violation du principe de l’égalité de traitement, elle répond que
les conditions de rémunération de Mr. A Z Ac ont été arrêtées d’un
commun accord lors de sa désignation comme administrateur provisoire.
A l'audience, les parties ont réitéré les moyens et arguments contenus dans les
différents mémoires.
Discussion
Sur l’objet du recours
La Cour constate sur ce point que la décision de remboursement contenue
dans la lettre du 21 mars 2014 constitue un acte faisant grief au requérant car elle
affecte directement ses droits qu’il considère comme des droits acquis.
Il y a lieu de vérifier la régularité d’un tel acte au regard de l’article 42 invoqué
par le requérant.

Sur la violation de l’article 42
Le requérant allègue que la COBAC a violé l’article 42 du Traité révisé en ne
motivant pas la décision de remboursement prise en son égard ;
Il ressort clairement du texte de la disposition invoquée que « … les décisions
des organes, institutions et institutions spécialisées doivent être motivées » ;
En l’espèce, la Cour note que COBAC se contente de demander dans sa lettre
le remboursement des sommes perçues sans en préciser les motifs ;
Dans ces conditions, en l'absence de motifs propres, cette décision doit être
annulée en application de l’article 42 du traité ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit
communautaire ;
— Dit le recours dirigé contre la décision de remboursement contenue
dans la lettre du 21 mars 2014 recevable,
— Dit que cette décision encourt la nullité pour défaut de motifs, en
application de l’article 42 du Traité ;
Condamne la COBAC aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N’Y, les jour, mois
et an que dessus.
Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
M. Antoine MARADAS M. DADJO GONI M. Georges TATY
yPRESID 2 NT JUGE RAPPORTEUR JUGE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 008
Date de la décision : 22/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cemac;cour.justice;arret;2016-03-22;008 ?
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