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03/03/2016 | CEMAC | N°9

CEMAC | CEMAC, Cour de justice, 03 mars 2016, 9


Texte (pseudonymisé)
COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°9-4./2015 - 16
Du 03/03/2016
Affaire : 1 - Société Civile
Immobilière AI
(AG NZAKOU)
(Mes Fidèle DIOUMBISSIE et Levi DEFFO)
2 - SCI MIREAU
(Me TCHONANG Y. AcY
Liquidation BMBC
(Mes Aurore NKOM, Sandrine SOPPO, KOSSI EBELLE et
Solange NJEL)
(Requête aux fins
d’interprétation)

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’C B
“ AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), si

égeant en audience publique à N’'Djaména (République du Tchad) le trois mars deux mille seize et composée de :
= M. DAD...

COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°9-4./2015 - 16
Du 03/03/2016
Affaire : 1 - Société Civile
Immobilière AI
(AG NZAKOU)
(Mes Fidèle DIOUMBISSIE et Levi DEFFO)
2 - SCI MIREAU
(Me TCHONANG Y. AcY
Liquidation BMBC
(Mes Aurore NKOM, Sandrine SOPPO, KOSSI EBELLE et
Solange NJEL)
(Requête aux fins
d’interprétation)

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’C B
“ AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à N’'Djaména (République du Tchad) le trois mars deux mille seize et composée de :
= M. DADJO GONI, Président ;
= M. Georges TATY, Juge Rapporteur ;
x M. JUSTO ASUMU MOKUY, Juge ;
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier ;
A RENDU L'ARRET SUIVANT
ENTRE
1 La Société Civile Immobilière AI (ci — après désignée AG NZAKOU) dont le siège social est à Ag (République du Cameroun), prise en la personne de son représentant légal, assistée de Maitres Fidèle DJOUMBISSIE et Levi DEFFO, Avocats au Barreau du Cameroun, faisant élection de domicile en l'étude de Maître Willam ADOUM KIMTO, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 4020 N'Djaména ;
La Société Civile Immobilière MIREAU (ci — après désignée MIREAU) dont le siège social est à Ag, prise en la personne de son représentant légal, assistée de Maître TCHONANG YAKAM Albertine, Avocate au Barreau du Cameroun, faisant élection de domicile en l’étude de Maître Willam ADOUM KIMTO, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 4020 N'Djaména ;
parties requérantes, d’une part ;
Et
La Liquidation Banque Ah AJ Af ( ci — après désignée Liquidation BMBC) prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Mr. SOPPO Paul Alphonse, assisté de Maîtres Aurore NKOM, Sandrine SOPPO, KOSSI EBELLE et Solange NJEL, Avocats au Barreau du Cameroun, faisant élection de domicile en l’étude de Maître NDAKOM RADIMADJI, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 963 N'Djaméra ;

LA COUR
Vu la requête introduite par Maître Fidèle DJOUMBISSIE, agissant au nom et
pour le compte de la SCI NZAKOU, ayant pour objet un recours basé sur l’article 17
de la Convention régissant la Cour de Justice et visant à faire constater que la Cour
d'Appel du littoral — Ag aurait manqué à l'obligation de procéder à la saisine de
la Chambre Judiciaire d’une question préjudicielle d'interprétation portant sur l’article
17 de l'Annexe à la Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la
réglementation bancaire dans les Etats de l'Afrique Centrale, et demandant
également l'interprétation par la Cour de cette disposition ;
Vu la requête introduite par Maître TCHONANG YAKAM Albertine, agissant au
nom et pour le compte de la SCI MIREAU, tendant à ce qu’il plaise à la Cour de dire
que la Cour d'Appel du littoral à Ag AAf) n'a pas exercé de recours
préjudiciel devant la Chambre Judiciaire alors qu’elle statuait en dernier ressort, et de
rendre conformément à l’article 19 de la Convention régissant la Cour de Justice un
arrêt donnant une interprétation claire de l’article 17 de l'Annexe à la Convention du
17 janvier 1992 portant Harmonisation de la Règlementation bancaire dans les Etats
de l’C B ;
Vu le mémoire ampliatif du 30 juin 2015 déposé par la SCI NZAKOU à l’appui
de sa requête en interprétation ;
Vu le mémoire ampliatif du 13 juillet 2015 déposé par la SCI MIREAU à l’appui
de sa requête en interprétation ;
Vu les mémoires en défense du 27 novembre 2015 du Cabinet d’Avocats
Sandrine SOPPO, représentant la défenderesse ;
Vu l’arrêt n°003 du 20 février 2015 rendu par la Cour d’Appel du littoral à
Ag ;
Vu les autres pièces produites au dossier ;
Vu le Traité instituant la CEMAC ;
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant statut de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;

Vu l’Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant règlement de procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice
de la CEMAC ;
Vu l’Acte additionnel n°01 du 11 mai 2012 autorisant les membres de la Cour
en fin de mandat à rester en fonction jusqu’à l’installation de leurs remplaçants ;
Vu les ordonnances n°086 et 088/CJ/CEMAC/PCJ du 24/12/2015 portant
désignation des membres de la formation de jugement ;
Oui les conseils des parties en leurs observations orales à l’audience du 4
février 2016 ;
Après en avoir délibéré ;
La Banque Ah AJ Af qui a été l’une des banques de première
catégorie de l’économie Camerounaise dans les années 1990 a connu de difficultés
de fonctionnement qui ont conduit la Commission Bancaire de l’CAB
(X) à la mettre sous administration provisoire par décision D/95/09 du 08 mai
1995 ;
Elle a ensuite été mise en liquidation par arrêté n°0029/MINEFI/CAB du 10
septembre 1996 par le Ministère de l'Economie et des Finances, après retrait de son
agrément ;
Un liquidateur bancaire était alors nommé en la personne de Mr. Ae
Z AH, Directeur Général de la Société de recouvrement des créances
au Cameroun (SRC) ;
L'article 3 de l’arrêté précité lui prescrivait les missions suivantes :
— protéger le patrimoine de la banque en attendant la nomination d’un
liquidateur judiciaire,
— rechercher un traitement approprié des éléments du fonds de commerce,
dans le cadre de la restructuration du système bancaire engagé par
— apporter sa collaboration au liquidateur judiciaire pour la bonne conduite
des opérations de liquidation du patrimoine de la banque.

C’est donc dans ces conditions qu’est intervenu le jugement civil n°117 du 07
novembre 1996 prononçant la mise en liquidation de la BMBC, dont le
dispositif est ainsi conçu :
‘° Constate le retrait de l'agrément de la BMBC par l’Autorité Monétaire par
arrêté n°0491/96/MINEFI/CAB du 9 août 1996,
— prononce la liquidation de celle-ci en application de l’article 17 de
l'Annexe à la Convention du 17 janvier 1992,
— nomme Mr. MBELLA MBOUM liquidateur judiciaire.”
Muni de ce jugement, Mr. MBELLA va procéder à la vente d’un immeuble
objet du titre foncier n°37, propriété de la liquidation, au profit de la SCI MIREAU,
suivant acte notarié n°3255 des 19 octobre 1998 et 20 juin 2002 de Maître NKOUE
MAWAFU FONDOUA Marie Louise.
Le 12 décembre 2005, le Tribunal de Grande Instance du Wouri désignait Mr.
SOPPO Paul Alphonse en qualité de co-syndic de la liquidation BMBC.
Par un autre jugement du 3 août 2006 du même tribunal, un juge commissaire
en charge de la liquidation BMBC était également désigné.
Estimant que la vente avait été faite sans l’autorisation préalable du juge
commissaire, Mr. SOPPO assignait en nullité la SCI NZAKOU devant le Tribunal du
Wouri — Ag qui accédait à sa demande par jugement du 6 mai 2010.
La SCI MIREAU relevait appel de ce jugement devant la Cour d’Appel du
littoral en fondant son recours sur le fait que Aa AK n’avait aucune qualité pour
demander la nullité de la vente qui avait été réalisée sur la base de l’article 17 de
l'Annexe de la Convention du 17 janvier 1992 portant Harmonisation de la
Réglementation Bancaire dans les Etats de l'Afrique Centrale.
Cette juridiction a annulé le jugement entrepris, évoquant et statuant à
nouveau, a :
— rejeté les fins de non recevoir soutenus par la SCI MIREAU et la SCI
NZAKOU ;
— annulé la vente de l'immeuble ;
— ordonné l’expulsion de la SCI MIREAU ;
— subordonné son expulsion au remboursement du prix d'acquisition de
l'immeuble à la SCI MIREAU, au paiement par la liquidation BMBC à la

SCI NZAKOU d’une indemnité d’éviction compensatoire du coût des
investissements réalisés sur le site.
C’est alors que les requérantes ont régulièrement formé un pourvoi en
cassation devant la Cour Suprême du Cameroun.
A la suite de ce pourvoi, elles ont saisi également la Cour de Justice de la
CEMAC d’une requête tendant à :
— constater que la Cour d’Appel du littoral statuant en dernier instance n’a
pas exercé le recours préjudiciel en interprétation obligatoire prévu à
l’article 17 de la Convention régissant la Cour de Justice,
— rendre conformément à l’article 19 du même texte un arrêt donnant une
interprétation exacte de l’article 17 de la Convention portant Harmonisation
de la Règlementation Bancaire dans les Etats de l’C B.
Une requête tendant à surseoir à l'exécution de l’arrêt attaqué avait été
introduite parallèlement.
Cette demande de sursis a été rejetée par arrêt n°003 du 04 février 2016 de la
Cour de céans.
A l'audience les requérantes font valoir dans leurs recours que la Cour d'Appel
du littoral a violé les dispositions de l’article 17 de la Convention régissant la Cour,
instituant le renvoi préjudiciel, en refusant de soumettre à la Chambre Judiciaire une
question préalable d’interprétation portant sur la portée de l’article 17 de l'Annexe à
la Convention portant harmonisation de la règlementation bancaire en C
B.
Elles soutiennent que la Cour d’Appel du littoral ne pouvait recourir à l’article
572 du Code de commerce ; que dans le présent litige seul l'Annexe de la
convention précitée qui est une législation supranationale devait s'appliquer en vertu
du principe général bien établi selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois qui
ont une portée générale.
En d’autres termes, selon elles, les dispositions du Code de commerce, du
reste très anciennes, appliquées par les juges d’Appel ne pouvaient pas primer sur
les dispositions spéciales de droit communautaire.
S'appuyant sur les dispositions de l’article 17 de l'Annexe à la Convention, les
requérantes estiment que la vente réalisée par Mr. MBELLA MBOUM Simon ne
nécessitait pas l’autorisation d’un juge commissaire, organe non prévu par la

législation communautaire parmi les organes pouvant intervenir dans les opérations
de liquidation.
C’est pourquoi elles concluent d’une part à la jonction des procédures initiées
contre la liquidation BMBC, et d’autre part au bien fondé de leurs demandes.
En réponse aux arguments des requérantes, la défenderesse conclut à titre
principal à l’incompétence de la Cour de céans à connaître du volet judiciaire de la
liquidation BMBC, et subsidiairement au rejet de leurs demandes.
Elle précise que le contentieux relatif à la désignation du liquidateur judiciaire
relève des autorités judiciaires nationales, et que seul le juge judiciaire qui le nomme
au même titre que le juge commissaire connaît du contentieux y relatif à la lumière
du code de commerce seul applicable au volet judiciaire de la liquidation BMBC.
S'agissant du moyen tiré de la non application de l’article 17 de la Convention
portant Harmonisation de la Réglementation Bancaire dans les Etats de l’C
B, elle rétorque que cette disposition institue deux sortes de liquidation des
établissements de crédit, notamment :
— une liquidation bancaire dont le liquidateur est désigné par la COBAC et soumis à
ce titre au contrôle et à la législation de cette dernière dans les opérations qui
concernent la liquidation du fonds de commerce de la défunte banque et dont le
contentieux relève de la juridiction communautaire,
— une liquidation judiciaire dont le liquidateur, encore appelé en l’espèce syndic, est
nommé par les autorités judiciaires nationales et soumis à ce titre au contrôle et à
la législation de droit commun des liquidations des entreprises dans les
opérations qui concernent les autres éléments du patrimoine de la défunte
personne morale, en dehors du fonds de commerce.
Elle fait observer que c’est sur la base de l’article susvisé qu’un liquidateur
bancaire a été désigné et sa mission bien définie conformément à l'arrêté
n°0491/96/MINEFI/CAB du 9 août 1996 dont l’article 3 prescrivait à celui — ci
‘’d’assurer la protection du patrimoine de la banque en attendant la nomination d’un
liquidateur judiciaire.”
Elle alègue que la BMBC ayant été admise au bénéfice de la liquidation
judiciaire suivant jugement du 7 novembre 1996 du Tribunal de Grande Instance du
Wouri à Ag, ceci avant l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme sur les procédures
collectives, il revenait au liquidateur judiciaire, conformément à l’article 572 du Code
de commerce, de faire désigner un juge commissaire qui devait seul autoriser, à

peine de nullité d’ordre public, toutes ventes de tout immeuble de la liquidation
judiciaire de la BMBC.
Elle estime justifiée la désignation du juge commissaire qui est l’organe de
contrôle indispensable à toutes les opérations de liquidation judiciaire, en application
de l’article 572 du Code de commerce applicable aux procédures collectives ouvertes
avant l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme susvisé.
Quant au moyen tiré du refus de saisine de la Cour de céans d’une question
préjudicielle, elle soutient que les dispositions claires et sans ambigüité de l’article 17
de l'Annexe à la Convention précitée n'avaient pas à être soumises à la juridiction
communautaire pour interprétation.
Elle ajoute par ailleurs qu’il n’y a aucun conflit de normes, la Convention
portant Harmonisation de la Réglementation Bancaire dans les Etats de l'Afrique
Centrale institue sans équivoque la coexistence des liquidateurs bancaire et
judiciaire qui obéissent aux régimes juridiques propres.
Elle insiste sur le fait que ce texte renvoie aux instances judiciaires nationales
en ce qui concerne le volet judiciaire de la liquidation bancaire, et la nomination d’un
juge commissaire, aux dispositions de droit commun, en l'espèce le Code de
commerce.
1. Sur la jonction des procédures
Les conseils des parties requérantes ont demandé à l'audience la jonction de
leurs requêtes, en ce qu’elles tendent vers le même objet, à savoir faire constater
que la Cour d'Appel du littoral a méconnu son obligation de saisine préjudicielle, et à
l'interprétation de l’article 17 de l'Annexe à la Convention portant Harmonisation de la
Réglementation Bancaire dans les Etats de l’C B.
Les griefs soulevés contre la liquidation BMBC par les requérantes étant
identiques, il y a lieu d’ordonner la jonction des deux procédures et de statuer par un
seul arrêt.

2. Sur l’obligation de saisine préjudicielle fondée sur l’article 17 de la
Convention régissant la Cour de Justice
Dans leurs requêtes, les AG NZAKOU et AG MIREAU ont introduit un
recours en vertu de l’article 17 de la Convention précitée visant à faire constater que
la Cour d'Appel du Littoral aurait manqué à l’obligation de soumettre à la Chambre
Judiciaire une question préjudicielle en interprétation de l’article 17 de l'Annexe à la
Convention portant Harmonisation de la Réglementation Bancaire dans les Etats de
L'article 17 de la Convention régissant la Cour de Justice prévoit que ’chaque
fois qu'une juridiction nationale doit statuer en dernier ressort, elle est tenue de saisir
préalablement la Chambre Judiciaire.”
|| ressort de l’économie de ce texte que l'obligation de saisine à titre préjudiciel
des juridictions statuant en dernier ressort est la règle.
Néanmoins, la Cour, s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Justice de
l'Union européenne qui lui sert de référence, estime qu’il ne suffit pas qu’une partie
soutienne que le litige dont est saisie une juridiction de dernier ressort pose une
question de droit communautaire pour que celle-ci procède automatiquement à un
renvoi préjudiciel.
En effet un certain nombre d’exceptions ont été dégagées par la jurisprudence
en ce qui concerne l’interprétation du droit communautaire.
Premièrement, les juridictions de dernier ressort peuvent se dispenser de
procéder à un renvoi en interprétation si la question n’est pas pertinente, c'est-à-dire
si la réponse que la Cour pourrait y apporter est sans incidence sur la solution du
litige (CILFIT, CJCE, 6 octobre 1982, 283/81).
Cette exception laisse aux juges nationaux qui sont les seuls à avoir une
connaissance directe des faits de l'affaire comme aussi des arguments mis en avant
par les parties, le soin d’apprécier la pertinence des questions de droit soulevées,
ainsi que la nécessité d’une question préjudicielle (CJCE, 29 novembre 1978, PIGS
Ab Ai, aff. 83/78, R 2347).
Deuxièmement, la saisine de la Cour n’est pas non plus obligatoire toutes les
fois que la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà
fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue (CJCE, 27
mars 1963, DA COSTA, aff. jointes 28 à 30/62 p. 75).

Troisièmement, l’obligation de saisine obligatoire qui pèse sur les juridictions
de dernier ressort peut également être levée toutes les fois que l’application correcte
du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à
aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre la question posée (CILFIT,
CJCE, 6 octobre 1982, 283/81, Rec. p. 3415, point 16).
Cela étant, les recours intentés par les requérantes visant à faire constater
que la Cour d'Appel du littoral aurait violé son obligation de saisine préjudicielle,
n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Convention précitée.
La Cour indique que cette violation présumée du droit communautaire ne peut
être sanctionnée que sur le fondement de l’article 4 du traité révisé qui institue une
procédure autonome appelée recours en constatation de manquement qui peut être
engagée par la Commission ou par tout Etat membre, à l’exclusion des particuliers.
En l'espèce, même si l’on considère que le refus de saisir la Chambre
judiciaire d’une question préjudicielle porte atteinte à l’équité de la procédure, il ne
revient pas à cette juridiction dont la mission essentielle au regard de l’article 17
susvisé est d’interpréter le droit communautaire en cas de difficultés, de statuer sur
une éventuelle violation des obligations en matière de saisine préjudicielle.
Par conséquent, les recours doivent être déclarés irrecevables.
3. Sur la recevabilité de la demande d’interprétation de l’article 17 de
l’Annexe à la Convention du 17 janvier 1992
Les requérantes demandent à la Cour de donner une interprétation exacte de
l'article 17 susvisé.
Elles invoquent à l’appui de la demande d’interprétation l’article 19 de la
Convention régissant la Cour de Justice.
Selon cet article, « Si à la requête du Secrétaire Exécutif ou de toute personne
physique ou morale, la Chambre Judiciaire constate que dans un Etat membre,
l’inobservation des règles de procédure du recours préjudiciel donne lieu à des
interprétations erronées du Traité de la CEMAC (...), elle rend un arrêt donnant les
interprétations exactes. »
Il ressort de l’économie de ce texte que le Secrétaire Exécutif (désormais
Président de la Commission) et le cas échéant les particuliers peuvent engager une

procédure au titre de cette disposition, lorsqu'ils constatent l’existence d’une
jurisprudence nationale non-conforme au droit communautaire tel qu’interprété par la
Cour, ou des divergences d’interprétation dans les Etats membres susceptibles de
menacer l’unité d’interprétation et l’application du traité.
Saisie, la Cour procède au réexamen de la décision rendue par la juridiction
nationale, et s’il s'avère qu’elle s'écarte de la jurisprudence établie, elle rend un arrêt
donnant l'interprétation exacte, lequel devra être appliqué par toutes les juridictions
des Etats membres ainsi que par les autorités administratives.
Par conséquent, les conclusions des requérantes visant à interpréter l’article
17 susvisé sont manifestement irrecevables.
La Cour rappelle que dans le cadre de cette procédure de réexamen qui vise
à s'assurer du bon fonctionnement de la procédure préjudicielle, elle n’a pas à
interpréter à la demande des particuliers des dispositions d’une réglementation
communautaire invoquée devant le juge national, sauf lorsqu'elle est saisie d’une
question préjudicielle. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit
communautaire ;
En la forme :
— Dit que les requêtes de la SCI NZAKOU et de la SCI MIREAU étant
connexes dans leur objet, elles seront jointes, et qu’il sera statué
par un seul arrêt ;
Au fond :
— déclare irrecevables les recours formés par les requérantes ;
— Les condamne aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N’Ad, les jour, mois
et an que dessus.

Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
M=-DADJO GONI M. Georges
JUGE RAPPORTEUR


Synthèse
Numéro d'arrêt : 9
Date de la décision : 03/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cemac;cour.justice;arret;2016-03-03;9 ?
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