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10/03/2011 | CEMAC | N°006

CEMAC | CEMAC, Cour de justice, 10 mars 2011, 006


Texte (pseudonymisé)
COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AM AN
COUR DE JUSTICE
AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
CHAMBRE JUDICIAIRE
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l’AM AN ARRÊT N°006/CJ/CEMAC/C3/10 -11
(CEMAC), siégeant en audience publique à A Du 10/03/2011
(République du Tchad) le dix mars deux mille onze et composée de :
Affaire : NZEPA Serge
(Cabinet GOMES, Mes F. D.
M. Pierre KAMTOH, Président ;
NZEPA et P. AI)
M. DADJO GONI, Juge Rap

porteur ;
c/ - M. JUSTO ASUMU MOKUY, Juge ;
Assistée de Maître RAMA...

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AM AN
COUR DE JUSTICE
AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
CHAMBRE JUDICIAIRE
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l’AM AN ARRÊT N°006/CJ/CEMAC/C3/10 -11
(CEMAC), siégeant en audience publique à A Du 10/03/2011
(République du Tchad) le dix mars deux mille onze et composée de :
Affaire : NZEPA Serge
(Cabinet GOMES, Mes F. D.
M. Pierre KAMTOH, Président ;
NZEPA et P. AI)
M. DADJO GONI, Juge Rapporteur ;
c/ - M. JUSTO ASUMU MOKUY, Juge ;
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, BDEAC Greffier ;
(Mes Ab AG et A. Aa AJ)
A RENDU LE PRESENT ARRET
(Requête aux fins de sursis à ENTRE
exécution de la Décision n° C —
017/DRA du 11/05/2009) NZEPA Serge, Avocat, ancien Chef de la Division des Affaires Juridiques et du Contentieux et Juriste principal à la Banque de Développement des Etats de l’AM AN, domicilié au centre — ville de Brazzaville, République du Congo, représentée par ses conseils le Cabinet d’Avocats GOMES, Avocats au Barreau du Congo, Maître Ferdinand DJAMMEN NZEPA, Avocat au Barreau de Toulouse (France), ayant élu domicile au Cabinet de Maître Pierre MIANLENGAR, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 6472 N’A,
Demandeur, d’une part ;
Et
La Banque de développement des Etats de l'Afrique Centrale (BDEAC), BP. 1177 Brazzaville, prise en la personne de son représentant légal son Président Monsieur Michaël ADANDE, ayant pour avocats Maître Emmanuel OKO, avocat au Barreau au Barreau du Congo et Maître ALLAÏSSEM K. DJAÏBE, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 1011 N’A, auprès duquel domicile est élu,
Défendeur, d'autre part ;

LA COUR
Vu la requête de Monsieur NZEPA Serge en date du 09 juillet 2009 reçue au
greffe de la Chambre Judiciaire le 21 juillet 2009 contre la Décision n° C — 017/DRA
du Président de la BDEAC du 11 mai 2009 ;
Vu la requête aux fins de sursis à exécution de la Décision n° C — 017/DRA du
Président de la BDEAC du 11 mai 2009 introduite le 04 août 2010 par Monsieur
NZEPA Serge ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le Traité instituant la CEMAC et l'Additif audit Traité relatif au système
institutionnel et juridique de la Communauté ;
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement portant Statuts de la
Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement portant Règlement de
procédures de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu les Actes Additionnels n°10/06/CEMAC/CJ/CCE du 13/07/2006,
n°11/06/CEMAC/CJ/CEE du 07/08/2006 et n°14/07 — CEMAC — 008 —- CJ—- CCE —
u8 du 25/04/2007 portant nomination des membres de la Cour de Justice de la
CEMAC ;
Oui Monsieur DADJO GONI, Juge Rapporteur en son rapport ;
Oui les parties en leurs observations tant écrites qu’orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par requête introductive d’instance du 9 juillet 2009 enregistrée au greffe de la
Chambre Judiciaire le 21 juillet 2009 sous le numéro 002, Monsieur AL a saisi la
Cour de Justice de la CEMAC aux fins de juger abusif son licenciement, d’ordonner
a réintégration ou de condamner la BDEAC à lui payer la somme de 1 000 000 000
FCFA au titre de ses droits conventionnels, légaux et indemnités pour rupture
abusive de son contrat de travail.

Il a introduit également devant la Cour une requête aux fins de sursis à exécution
de la décision de licenciement n° C-017/DRA du Président de la BDEAC du 11 mai
2009, enregistrée au greffe de la Chambre Judiciaire le 04 août 2010 sous le numéro
016
Faits et procédure
Recruté le 17 octobre 2005 en qualité de juriste senior de régime international,
Monsieur NZEPA Serge a, par la suite, été promu au poste de Chef de la Division
des Affaires Juridiques et du Contentieux de la BDEAC.
Suite à la crise financière de décembre 2008, un Comité de crise dont il a été
membre, était créé par l’ancien Président de la BDEAC, Monsieur AH,
pour faire le point sur les placements effectués par la banque dans le Fonds Aj
et proposer des solutions tendant à la récupération des avoirs investis.
À l’issue des assises de ce comité, Monsieur AL a adressé une note au
Comité de crise, au Comité de Direction et au Président de la BDEAC, précisant que
les placements concernés n’étaient conformes ni aux statuts, ni au règlement
inancier de la BDEAC, et avaient conduit à la perte de près de 11 milliards de francs
CFA.
En mission à Ak où se tenait par ailleurs du 5 au 6 avril 2009 une réunion
des organes de décision de la BDEAC, Monsieur AL a été informé de la décision
n°120/09 du 10 avril 2009 du Président de la banque le relevant de ses fonctions de
Chef de la Division des Affaires Juridiques et du Contentieux.
Au retour de mission il a reçu une demande d’explications pour avoir rédigé et
remis aux administrateurs et certains représentants des actionnaires de la BDEAC
un document anonyme intitulé ‘’Mémorandum des cadres supérieurs sur la situation
znancière de la BDEAC et ses perspectives d'avenir”, divulguant de ce fait des
secrets professionnels.

Dans sa réponse du 20 avril 2009, le requérant a déclaré que n’étant ni analyste
financier, ni économiste, encore moins comptable de la banque, il n’a pas rédigé le
document précité.
Non convaincu par cette réponse, le Président de la BDEAC l’a convoqué le 30
avril 2009 devant le Conseil de discipline, auquel il a adressé un rapport sur les griefs
reprochés au requérant indiquant trois faits nouveaux dont l'examen aurait été écarté par cette instance disciplinaire pour n'avoir pas été mentionnés dans la demande
d’explications.
Le requérant prétend que le Conseil de discipline serait revenu sur sa décision en
examinant ces faits nouveaux et aurait suggéré qu’il soit rétrogradé.
Le 11 mai 2009, le Président de la BDEAC a notifié à Monsieur AL son
licenciement pour faute lourde.
Considérant que ses droits ont été violés, et que son licenciement est abusif, car
entachée d’excès de pouvoir, Monsieur AL a déféré cette décision de
licenciement pour faute lourde sans préavis ni indemnité à la censure de la Cour de
céans, pour voir annuler sur le fondement des articles 14 et 15 de la Convention
régissant la Cour de céans, et obtenir réparation du préjudice qu’il a subi du fait dudit
licenciement, sur le fondement de l’article 20 de la même Convention ;
Il- Procédure
Le 22 septembre 2010, la requête aux fins de sursis à exécution a été
communiquée à la BDEAC qui a déposé son mémoire en défense le 11 novembre
2010.
Ce mémoire a été notifié le même jour au requérant.

Présentation des moyens des parties
I- Moyens du requérant
Monsieur NZEPA Serge estime qu’il y a urgence à surseoir à l'exécution de la
décision de licenciement pour illégalité.
AI! Sur la recevabilité de la demande de sursis à exécution
Monsieur AL soutient que cette demande de sursis à exécution est
recevable, car si elle a été déposée bien après l'introduction de la procédure au fond
conformément à l’article 57 de l’Acte additionnel portant règles de procédure de la
Chambre Judiciaire, la requête introductive d'instance sur laquelle la demande de
sursis est greffée, a été déposée dans le délai de deux mois requis.
B/ Sur les moyens invoqués au soutien de sa requête
Il invoque plusieurs moyens à l'appui de sa requête.
1) Le moyen tiré de l’urgence de la mesure sollicitée
Monsieur AL soutient qu’il y a urgence à surseoir à l'exécution de la décision
de licenciement du 11 mai 2009 en ce qu'elle porte gravement atteinte à sa situation
financière, le requérant devant faire face, en attendant l'issue de la procédure au
rond, aux charges incompressibles de logement, hébergement et de scolarité de sa
famille restée en France après son recrutement à la BDEAC.
Le requérant ajoute que depuis son licenciement intervenu le 11 mai 2009, il est
sans emploi et sans revenu ; il fait observer que de jurisprudence constante, il y a
urgence lorsque la révocation entraine la perte de revenu (cf. arrêt du 15 mai 2002
rendu par le Conseil d'Etat dans l'affaire Maison de retraite Lurcy-levis).
2) Les moyens tirés de l’illégalité de la décision de licenciement

Monsieur AL estime que sa décision de licenciement est entachée d’une
ilégalité externe et interne.
a) Le moyen pris de l’illégalité externe de la décision de licenciement du
requérant
Ce moyen comporte plusieurs branches :
- La 1“ branche tient à la violation par la BDEAC de la procédure disciplinaire
prévue par le Statut du personnel de la banque.
Monsieur AL affirme que la BDEAC a violé l’article 68 du statut du personnel de
la banque en l'empêchant de répondre expressément aux faits nouveaux relevés
dans le rapport adressé au Conseil de discipline;
Il explique qu'une irrégularité identique a été dénoncée dans un jugement rendu le
11 octobre 1966 par le Tribunal administratif des Nations Unies dans l’affaire AZZU
en ces termes : « Une procédure régulière aurait comporté le droit pour le requérant
d’être informé des faits précis motivant la réouverture de l'affaire et le droit de fournir
des explications dont puisse être saisi l'organe compétent pour présenter une
recommandation au défendeur ».
- La 2°"° branche tient à l’incompétence du Conseil de discipline à statuer sur
des faits nouveaux.
Le requérant soutient qu'en se prononçant sur ces faits nouveaux, le Conseil de
discipline a outrepassé sa compétence ;
Qu'en effet, la combinaison des articles 68, 71 et 72 du statut du personnel de la
BDEAC, qui encadrent la compétence du Conseil de discipline, l’autorisent à se
prononcer uniquement sur les faits ayant fait l'objet d'une demande d'explications
préalable.

Le requérant explique que c’est d’ailleurs l'argument qui a permis au Conseil de discipline de refuser d'examiner ces faits nouveaux à l'audition du 30 avril 2009.
Qu’en les réexaminant ultérieurement, il a violé les dispositions du statut du
personnel de la banque.
- la 3°"° branche tient à la violation par la BDEAC des droits de la défense du
requérant.
Monsieur AL affirme n'avoir été en mesure ni de s'expliquer sur les faits
nouveaux, la demande d’explications n’en faisant pas cas, ni de jouir de son droit à
la communication de son dossier disciplinaire, le Conseil de discipline ayant refusé
de lui en communiquer les pièces qui lui auraient pourtant permis de préparer et
d'assurer sereinement sa défense ;
Il ajoute qu’il na même pas été en mesure de contredire, devant le Conseil de
discipline, le témoignage du principal témoin de la BDEAC, Monsieur C et ce
en violation du principe général selon lequel « le respect du caractère contradictoire
de ia procédure exige que le fonctionnaire incriminé ou son défendeur soit mis en
mesure [d’une part] d'assister aux auditions de témoins auxquelles il procède et
[d'autre part] poser à ces derniers les questions qui lui paraissent utiles à sa
défense. » (Jugement du 20 juin 1985 rendu par le Tribunal de la fonction publique
européenne dans l'affaire Henri de Compte c/ Parlement européen).
Que ce témoignage reposait sur des faits rapportés et non sur des faits vécus par
Monsieur C lui-même ;
I! affirme que dans un jugement rendu le 25 novembre 2008 dans l'affaire BLM c/
BAD, le Tribunal administratif de la BAD admet que : « quant à la preuve par oui-
dire, sa fiabilité reste d’abord soumise au juge saisi du litige, mais surtout elle donne
au défendeur à la preuve le droit incontestable de la discuter et la contredire… ».
Monsieur AL conclut que la décision le licenciant a été prise sur la base d’un
avis nul donné par un Conseil de discipline incompétent et faisant fi du respect de la
procédure disciplinaire.

b) Le moyen pris de l’illégalité interne de la décision de licenciement du
requérant
Monsieur AL affirme que la décision de licenciement du 11 mai 2009 est sans
cause réelle et sérieuse, et qu’elle est entachée d’excès de pouvoir.
Ce moyen se subdivise en plusieurs branches.
- La 1°° branche tient à l’inexactitude des faits reprochés, voire à leur
inexistence faute de preuves
e La distribution de tracts aux administrateurs et actionnaires de la BDEAC n’est pas
établie, le Conseil de discipline n'ayant présenté ni un exemplaire de tracts
distribués, ni un document attestant cette distribution, encore moins la liste
nominative des personnes bénéficiaires ;
Monsieur AL affirme que pour établir le grief de distribution de tracts, le Conseil
de discipline a tronqué ses réponses en s'appuyant sur la phrase qu'il avait dite au
cours de l'audition et formulée en ces termes : j'ai « appelé, rencontré et discuté du
Mémorandum avec l’'Administrateur pour la France »;
Qu'appeler, rencontrer et discuter du Mémorandum avec l'administrateur français, ne
constitue pas une faute lourde justifiant un licenciement, et ne signifie pas qu'il ait
remis ou transmis des tracts à ce dernier et ou aux autres administrateurs et
actionnaires de la banque ;
Qu'en agissant ainsi, le Conseil a renversé la charge de la preuve, violant le principe
général selon lequel la charge de la preuve revient à l’autorité poursuivante
(ugement rendu le 25 novembre 2008 par le Tribunal administratif de la BAD dans
l'affaire BLM c/ BAD).
Le requérant ajoute que ce grief de distribution de tracts doit être écarté en ce qu’il
est établi sur des ouï-dire de Monsieur C Ad, pourtant frappé de

l'interdiction de témoigner, du fait de l’existence du lien de subordination entre lui et
le Président de la banque ;
Que ce faisant, le Conseil de discipline a bafoué les règles d’objectivité et de
neutralité requises pour garantir la fiabilité des témoignages, le Directeur de cabinet
du Président de la BDEAC, Monsieur C, ne pouvant faire qu’un témoignage
partial et partisan;
° Le grief de divulgation de secrets professionnels contenus dans les notes du
Comité de crise, du Comité de placement, des courriers électroniques
professionnels, est lui aussi inexact et non établi, faute de preuve apportée par la
BDEAC ;
Le requérant explique que malgré sa demande insistante, la BDEAC n’a présenté au
Conseil de discipline ni les notes dont la divulgation a été faite, ni la preuve de la
divulgation à des tiers et encore moins l’indication nominative des tiers auxquels les
secrets auraient été divulgués;
Que le dossier du Conseil de discipline ne contient d’ailleurs que les conclusions
déposées par le requérant pour sa défense ;
Monsieur AL soutient qu'en appelant, rencontrant et discutant avec
l’Administrateur français (Monsieur B) de la banque, du Mémorandum qu’il
aurait reçu anonymement par courrier électronique, il n’a violé aucun secret
professionnel ;
Que l’article 6 du statut du personnel de la banque n'’interdit la communication des
renseignements concernant ses activités qu’à des tiers.
Le requérant précise qu’il a d’ailleurs rencontré et discuté plusieurs fois avec cet
administrateur au cours des Conseils d'administration de la banque ou dans le cadre
du Comité de crise créé lors de la survenance du problème de placements effectués
par la BDEAC dans le Fonds Primeo ;
AC 7 Lg & 9 N

Qu'en tant qu’administrateur de la banque et pour avoir eu à solliciter l’avis du
requérant sur la légalité des placements effectués par la banque dans le cadre du
Comité de crise, Monsieur B et le requérant partageaient le même secret
professionnel puisqu'ils avaient le même employeur.
° Les trois griefs nouveaux reposent eux aussi sur des faits non établis et
inexacts en ce que la BDEAC n'aurait apporté aucune preuve à l'appui de ces griefs,
se contentant de renverser une fois de plus la charge de la preuve en tronquant les
réponses du requérant.
Qu'affirmer dans son procès-verbal que les « faits dits nouveaux découlent de la
réponse à la demande d'explications » du requérant, ne constitue pas une preuve de
l'existence de ces griefs ;
Que, ajoute le requérant, toute sanction disciplinaire présuppose que la réalité des
faits retenus à la charge du fonctionnaire soit établie (jugement du 08 août 2008 du
Tribunal administratif de la BAD dans l'affaire Ae Ag c/ BAD en ces
termes).
- la 2°"° branche tient à une disproportion manifeste existant entre la sanction
et ies faits
Le requérant affirme qu’il y a disproportion entre les faits pourtant inexacts et son
licenciement sans préavis ni indemnités ;
I! fait observer que le Conseil de discipline avait proposé sa « rétrogradation » (cf.
procès-verbal du Conseil de discipline du 04 mai 2009) et non son licenciement ;
Que la BDEAC a donc violé le principe de proportionnalité prévu par le statut du
personnel de la banque et selon lequel la sanction doit être proportionnelle à la faute
commise ;

Que cette sanction est d’autant plus disproportionnée, que le requérant n’a jamais
fait l’objet de poursuite disciplinaire, qu’il a plutôt connu une carrière couronnée par
l'accession à la plus haute catégorie de la banque (catégorie V, classe P3, échelon
3, indice 967).
Que la proportionnalité entre la faute commise et la sanction doit d’ailleurs être
respectée même en présence de faute reconnue (Jugement n° 142 du 19 mai 1995
du Tribunal administratif de la Banque mondiale dans l'affaire CAREW contre
Banque mondiale).
Le requérant conclut qu’en omettant de motiver l’aggravation de sa décision par
rapport à l'avis du Conseil de discipline, la BDEAC aurait également violé le principe
général qui oblige l'autorité investie du pouvoir discrétionnaire, qui a pris une
sanction plus sévère, à motiver l’aggravation de la sanction proposée par le Conseil
de discipline (Arrêt du Tribunal de la fonction publique européenne rendu le 28 mars
1996 dans l'affaire V contre la Commission des Communautés européennes ; ou
encore de l’arrêt n° 003/CJ/CEMAC/CJ/09 du 25 juin 2009 rendue par la Chambre
Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC dans l’affaire Z C/
BDEAC).
- la 3“"° branche tient au de détournement de pouvoir qui entache la décision
de licenciement
Le requérant affirme que la décision de licenciement du 11 mai 2009 est illégale en
ce qu’elle serait entachée de détournement de pouvoir, l’ancien Président de la
BDEAC poursuivant un intérêt privé, étranger à l'intérêt de service.
Que ce Président poursuivait à cette époque un but personnel en ce qu’il essayait de
camoufler la traçabilité et la véritable destination de près de 11 milliards de francs
CFA disparus, prétendus investis dans le Fonds Primeo ;
Que le Président de la BDEAC avait donc pour seul objectif d’écarter de la banque
tous ceux qui étaient susceptibles de fournir quelques renseignements sur la
destination des sommes disparues ;

Qu'’ainsi ont été licenciés tour à tour Messieurs Paul C Al, Ac Ai
AO, Ah Af Z, Paterne MEGNE ;
Que c'est d'ailleurs ce qui ressort de la lettre du 17 novembre 2009 du collectif des
fonctionnaires victimes des abus de pouvoir de Monsieur AH adressée
aux chefs d’Etat de la CEMAC réunis au sommet de Bangui.
Le requérant ajoute que ce détournement de pouvoir dénoncé par la lettre du collectif
susvisée, a été d’ailleurs sanctionné par les chefs d’Etat (cf Interview de son
Excellence Y X AK au journal Afrique Education n° 293 du
1°” au 14 février 2010, p. 24), l’ancien Président de la BDEAC ayant été relevé de
ses fonctions ;
Qu'il est clair que c’est pour avoir rédigé une note faisant la lumière sur la traçabilité
desdits placements et prouvé que le Fonds Primeo ne reconnaissait pas la BDEAC
comme investisseur ou créancier que le requérant a été licencié;
Que sa qualité de Chef de la division des affaires juridiques de la banque et membre
du Comité de crise, le contraignait à rédiger la note concernée ;
Que la rédaction de cette note, motif véritable de son licenciement, ne saurait
constituer une faute professionnelle lourde susceptible de licenciement sans préavis
ni indemnités ;
Monsieur AL sollicite en conclusion que la Cour :
- reçoive sa demande de sursis ;
- ordonne le sursis à exécution de la décision de licenciement n° C-017/DRA du 11
mai 2009 et condamne la BDEAC aux entiers dépens.
B- Moyens de la défenderesse
Dans son mémoire en défense, la BDEAC estime que les demandes de Monsieur
AL sont irrecevables au principal et subsidiairement mal fondées.

Elle excipe trois moyens au soutien de sa défense.
1- Au principal, les moyens pris de l’exception d’incompétence de la Cour
de Justice de la CEMAC et de l’irrecevabilité de la requête en sursis à
exécution
a) Sur l’exception d’incompétence de la Cour .
La défenderesse soulève l’incompétence de la Cour à connaître de la requête en
sursis à exécution de Monsieur AL, en ce qu’elle jouirait d’une immunité de
juridiction prévue par l'Accord de siège, les statuts de la BDEAC et l’Acte additionnel
n° 06.
Elle ajoute que cette requête en sursis est d'autant plus irrecevable qu'il existerait
une clause compromissoire dans le statut ayant gouverné les rapports des parties.
b) Sur l’irrecevabilité de la requête en sursis à exécution
La BDEAC affirme que la requête de Monsieur AL serait irrecevable pour
n'avoir pas été greffée sur un recours en annulation tel que l’exige l’article 23,
3°M° tiret de la Convention révisée de la Cour de Justice communautaire qui
dispose que :
« Dans son rôle juridictionnel, la Cour connait notamment des recours en
annulation des règlements, directives et décisions des Institutions, Organes et
Institutions spécialisées de la CEMAC » ;
La défenderesse soutient que la demande du requérant est également
irrecevable pour violation de l’article 16 alinéa 2 de l'Acte additionnel n°
04/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 portant règles de procédure de la Chambre
Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC en ce que Monsieur AL aurait
omis de mentionner de façon précise son adresse dans la requête en sursis à
exécution, permettant sa localisation suffisante et précise.

La BDEAC ajoute que la demande en sursis du Sieur AL serait irrecevable
pour forclusion, la requête introductive d'instance ayant été déposée 61 jours (21
juillet 2009) après la notification de la décision de licenciement faite le 11 mai
2009, et ce en violation de l’article 12 de l'Acte additionnel portant règles de
procédure de la Chambre Judiciaire de la CEMAC qui dispose que : « le délai de
recours entre les actes est de deux mois sauf s’il en décide autrement par des
textes communautaires spéciaux ».
La défenderesse conclut que cette requête est d’autant plus irrecevable que le
requérant n’aurait jamais déposé, préalablement à la saisine de la Cour au fond,
de recours gracieux devant le Président de la BDEAC comme l'exige l'article 87
du statut du personnel de la banque.
2) subsidiairement, sur l’examen au fond
La BDEAC estime que la requête du Sieur AL est mal fondée et structure
son moyen en deux branches :
- la 1°° branche tient à la violation des dispositions communautaires, Monsieur
AL n'ayant pas greffé sa requête en sursis sur une demande d’annulation
préalable, comme l’exige l’article 23 de la Convention révisée de la Cour de Justice
communautaire, mais sur un recours en licenciement abusif ;
Elle ajoute que la décision de licenciement de Sieur AL ne rentrerait pas dans la
catégorie d'actes de la Communauté susceptibles de contrôle par la Cour de Justice
communautaire et n’aurait donc pas pu faire l’objet d’un recours pour excès de
pouvoir ou d’un recours en annulation, la décision de licenciement étant une décision
interne et non un acte juridique de la Communauté à l'instar de ceux énoncés dans
l’article 40 du traité révisé de la CEMAC.

- La 2°"° branche tient à l’inexistence de circonstances caractérisant l’urgence
La défenderesse soutient, que contrairement aux affirmations de Monsieur AL,
le requérant ne serait pas réellement sans emploi dans la mesure où il est encore
inscrit au barreau de Paris ;
La BDEAC ajoute qu’il n’y aurait pas de doute sur la légalité de la décision de
sicenciement querellée, la procédure de licenciement ayant été respectée.
Aussi, la BDEAC demande-t-elle à la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la
CEMAC :
- au principal, de faire droit aux exceptions et causes d’irrecevabilité soulevées ;
- subsidiairement, débouter Sieur AL de sa demande de sursis à exécution
comme étant mal fondée et le condamner aux dépens.
e Sur la demande de sursis à exécution de la décision
entreprise
- Sur la compétence
Considérant que chargée du contrôle juridictionnel des activités des
Institutions et Organes de la CEMAC, la Chambre Judiciaire connaît en premier et
dernier ressort des litiges opposant la Communauté à ses agents, au sens des
articles 11 et 21 de la Convention qui régit la Cour de Justice, que l'accord de siège
évoqué et qui conférerait une immunité de juridiction à la BDEAC est inopérant en
l'espèce, car régissant seulement les rapports entre la République du Congo et la
BDEAC,
qu'il échet de déclarer la Chambre Judiciaire compétente,
X 15 À

- Sur la recevabilité de la demande de sursis à l’exécution
Considérant que reprenant les termes de l’article 23 de la Convention, l’article
57 de Règles de procédure dispose que si « les recours formés devant la Chambre
Judiciaire n’ont pas d’effet suspensif », que « la Chambre peut toutefois ordonner le
sursis à l’exécution des actes contestés devant elle. »,
qu’en l’espèce, la demande incidente de sursis à l’exécution de la décision de
licenciement contestée a été introduite au cours du procès, conformément à l'article
70 des Règles de procédure,
qu’il n’est pas nécessaire, pour être recevable, qu’elle soit greffée sur un
recours en annulation,
que cette demande ne laisse par ailleurs pas de doute sur l'adresse du
requérant précisée dans la requête principale,
qu'il convient de la déclarer recevable en la forme,
Sur l’examen au fond de la demande
Considérant que l’inscription du requérant au barreau de Paris n’est pas
contestée, que nonobstant la perte des revenus servis par la BDEAC, il ne survit pas
dans l’indigence ;
Qu’en outre l'urgence alléguée est d’autant moins justifiée qu’une longue
période sépare la date de dépôt de la requête principale enregistrée le 09 juillet 2009
de celle de l'introduction de la demande de sursis à exécution le 04 avril 2010,
qu’en conséquence et sans qu'il soit nécessaire, en l’état, d’examiner tous les
moyens évoqués par le conseil de la défenderesse, il y a lieu de déclarer sa
demande mal fondée,
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement à l'égard des parties, en droit
communautaire et en premier et dernier ressort ;

- se déclare compétente,
- déclare le recours de sursis à exécution recevable en la forme mais mal
fondé, le rejette,
- réserve les dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à A, le dix mars deux
mille onze.
Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
Pierre KAMTOH , DADJO GONI JUSTO ASUMU MOKUY
GREFFIER
Maître RAMADAN
17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 006
Date de la décision : 10/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cemac;cour.justice;arret;2011-03-10;006 ?
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