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21/06/2007 | CEMAC | N°10

CEMAC | CEMAC, Cour de justice, 21 juin 2007, 10


Texte (pseudonymisé)
COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
Affaire : C
A B
(Me BETEL NINGANADII Marcel)
La CEMAC
(Recours en indemnité)

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE
« AU NOM DE LA COMMUNAUTE »
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) siégeant à Aa
(République du Tchad le vingt et un juin deux mille sept en formation ordinaire, composée de Messieurs :
-Antoine MARADAS, Président
-DADJO GONI, Juge
-Georges TATY, juge rapporteur
Assistée de Maître Jean-Bapt

iste MBONGO, Greffier,
A RENDU LE PRESENT ARRET
ENTRE

Monsieur C A B, Ancien fonctionnaire du Secré...

COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
Affaire : C
A B
(Me BETEL NINGANADII Marcel)
La CEMAC
(Recours en indemnité)

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE
« AU NOM DE LA COMMUNAUTE »
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) siégeant à Aa
(République du Tchad le vingt et un juin deux mille sept en formation ordinaire, composée de Messieurs :
-Antoine MARADAS, Président
-DADJO GONI, Juge
-Georges TATY, juge rapporteur
Assistée de Maître Jean-Baptiste MBONGO, Greffier,
A RENDU LE PRESENT ARRET
ENTRE

Monsieur C A B, Ancien fonctionnaire du Secrétariat Exécutif, demeurant …, … … … … le Bretonneux, Paris (France), représenté par Me BETEL NINGANADIJI Marcel, Avocat au Barreau du Tchad, BP 589, Tél. : 52 31 13, 629 53 30 ; Fax : 52 65 52
Demandeur, d'une part ;
Et
La Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) dont le siège est à Bangui (République Centrafricaine). prise en la personne du Représentant légal, Monsieur X, Secrétaire Exécutif , représenté par Monsieur ALI MAHAMAT ABDOUL, Conseiller Juridique,
Défenderesse, d'autre part ;

LA COUR
Vu le Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 16 Mars 1994;
Vu l'Additif au traité relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté ;
Vu la Convention du O5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu les Actes additionnels n° 10/2006/CEMAC/CJ/CCE des 13 juillet 2006 et N°11du O07août 2006 pris par le Président en exercice de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEMAC portant renouvellement des mandats des membres de la Cour de Justice :
Vu l'Acte additionnel n° 04/00/CEMAC/041-CCE du 14 décembre 2000
portant règles de procédure devant la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu le Règlement n°08/99-UEAC-007-CM-02 du 18 août 1999 portant statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif ;
Vu la requête en date du 18 octobre 2005, présentée pour le compte de Monsieur C A B, par Me BETEL NINGANADJI Marcel, Avocat au Barreau du Tchad ;
Vu le mémoire ampliatif du requérant en date du 30 novembre 2005 ;
Vu le mémoire en défense en date du 27 décembre 2006 ;
Vu le mémoire en réplique du requérant en date du 27 février 2006 :
Vu le mémoire en duplique de la défenderesse en date du 10 avril 2007 :
Vu les écritures du requérant en date du 03 mai 2007 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l'ordonnance n°23/CJ/CEMAC/PCJ/07 du O9 Février 2007 Portant composition de la formation devant connaître de l'affaire C A B contre la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ;
Oui, Monsieur Georges TATY, Juge rapporteur, en son rapport ;
Oui, Maître BETEL NINGANADJI Marcel, Avocat du requérant, en ses observations orales ;

Oui, Mr AL! MAHAMAT ABDOUL, agent du Secrétariat Exécutif, en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire.
Faits et procédure
Considérant que par requête en date du 18 octobre 2005 enregistrée au greffe le 25 octobre 2005, Me BÈTEL NINGANADIJI Marcel, agissant au nom et pour le compte de Mr. C A B, a fait citer la CEMAC en la personne du Secrétaire Exécutif devant la Cour aux fins de :
- déclarer la CEMAC responsable du préjudice subi du fait du Secrétariat Exécutif résultant de la non souscription d'une assurance conformément à l'article 106 du Règlement n°8/99/UEAC-007-CM du 18 août 1999 portant statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif (ci-après « statut »),
- condamner la CEMAC à lui verser la somme de 155.571.000 frs correspondant à la rémunération globale qu'il aurait perçue jusqu'à 60 ans, âge d'admission à la retraite; à défaut de lui allouer une allocation mensuelle de retraite pour invalidité équivalente à cette somme,
- condamner la CEMAC au paiement d'une somme de 140 000 000 Frs à titre de dommages - intérêts.
Considérant qu'au soutien de son recours le requérant expose :
- Qu'en juillet 2000 il a été victime d’un grave accident de circulation qui l’a rendu paraplégique :
- que s'il avait été régulièrement assuré avant l'accident, il aurait pu prétendre au versement d'une allocation d'invalidité prévue par l'article 106 du statut :
- que l'indemnité allouée par le Conseil des Ministres n'est pas incompatible avec l'octroi de cette allocation et ne fait pas obstacle à ce que soit recherchée la responsabilité du Secrétariat Exécutif en cas de négligence ou d'omission sur le fondement de l'article 106 précité ;
- que ses souffrances sont actuellement aggravées par le fait que le Secrétariat Exécutif a refusé de prendre en charge les frais d'hospitalisation, d'analyses et des soins médicaux qui s'élèvent à plus de 30 000 000 frs alors qu'il s'y était engagé dans une décision n° 79/SE/DAF du 27 juillet 2000 ;
- qu'il se trouve en France dans une situation particulièrement difficile, n'ayant aucun moyen de subsistance ;

Qu'il estime donc que le fait pour le Secrétariat Exécutif de n’avoir pas souscrit une police d'assurance constitue une faute de négligence de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil français ;
Considérant que dans son mémoire en défense du 27 décembre 2005 la défenderesse invoque l’irecevabilité du recours du requérant pour avoir été formé plus d’un an après la date de notification de la décision du Conseil des Ministres de l'Union Economique, et ce en violation des dispositions de l'article 113 du statut ;
Que subsidiairement, au cas où la Cour déciderait autrement. elle demande de déclarer non fondé le recours introduit par Mr C A B aux motifs :
- que ia mise à la retraite du requérant a été réalisée dans le strict respect des dispositions du statut:
- que le devoir de sollicitude à son égard avait été entièrement respecté au- delà même des limites imposées par le statut puisqu'elle a du prendre en charge les frais de rapatriement et les frais d'hospitalisation pour un montant global de 92 985 790 Frs ;
- que l'indemnité de 40 000 000 francs qui lui a été allouée par le Conseil des Ministres de l'Union Economique est supérieure à celle qu'il aurait perçue même si une assurance avait été souscrite à son profit avant l'accident ;
- que le préjudice allégué ne résulte pas d'un fait imputable au Secrétariat Exécutif, mais de l'accident dont il est lui-même à l'origine ;
Qu'elle conclut que les bases essentielles d'une demande en réparation, notamment l'existence d'une faute et d'un préjudice, ne sont pas réunies.
Considérant que dans son mémoire en réplique du 25 février 2006, le requérant estime que son recours est recevable et fondé ;
Qu'en effet, il fait valoir :
- qu'il a préalablement saisi le Comité consultatif de discipline d’une demande d'indemnité qui a été rejetée par décision n°58/CEMAC/CCRAD ;
- qu'il a introduit le 18 octobre 2005 dans les délais un recours en indemnité enregistré au greffe de la Cour le 25 octobre 2005 ;
- que sur le fond, la non souscription d'une assurance groupe avant l'accident constitue une faute de négligence de nature à engager sa

responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil français ;
Considérant que dans son mémoire en duplique du 10 avril 2007, le Secrétariat Exécutif conteste l'application des articles 1382 et 1383 du code civil français en indiquant que ces dispositions ne sauraient être invoquées à l'encontre de la Communauté qui regroupe un ensemble indivis d'Etats dont la Guinée Equatoriale qui n'a pas connu le régime juridique du code civil français ;
Qu'il fait observer surabondamment :
- Qu'à supposer que l'on fasse application de ces articles en tant que principes généraux du droit, le requérant n’apporte pas la preuve d'une faute de la CEMAC ayant un lien direct avec le préjudice invoqué ;
- que la jurisprudence civile (arrêt du 28 février 1910, D.P 1913. 1.43, 5.1911. 1.329) ne retient la responsabilité de l'employeur que s’il a commis une faute ayant occasionné l'accident ;
- qu'en refusant le mode de transport choisi par le Secrétariat Exécutif avec toutes les garanties que cela pouvait comporter, notamment une couverture des risques, le requérant est lui-même à l'origine des dommages qu'il a subis au cours de l'accident ;
Considérant que dans ses écritures du 03 mai 2007, le requérant rétorque :
- que les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil énoncent un principe général du droit admis dans les Etats membres selon lequel « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ;
- que le droit à la réparation fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour doit assurer le respect en vertu des articles 20 de la Convention régissant la Cour de Justice, 48b alinéa 2 de l'Acte Additionnel n° 06/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 portant statut de la Chambre Judiciaire ;
- que la préoccupation essentielle tant du législateur communautaire que du législateur français est la réparation des dommages causés par la faute
- que dans le cas d'espèce, la preuve de la faute résulte de la non souscription par le Secrétariat Exécutif de la police d'assurance prévue à l'article 106 du statut :

- que cette omission a entraîné la perte de la couverture des risques garantis par le contrat d'assurance groupe dont les effets sont indiqués à l'article 95 du code CIMA ;
- que la couverture des risques n'est pas liée au mode de transport utilisé par le bénéficiaire du contrat d'assurance ;
- Qu'il suffit que le Secrétariat Exécutif souscrive cette police d'assurance pour que la victime bénéficie de cette couverture ;
Considérant qu'à l'audience, le représentant du Secrétariat Exécutif a précisé à la Cour que l'assurance produite aux débats avait été souscrite après l'accident au profit de tous les fonctionnaires internationaux y compris M. C A B, et que les capitaux assurés s'élevaient à 30 000 000 Frs.
DISCUSSION
Sur la recevabilité
Considérant que Mr. A C B, a demandé que la CEMAC soit condamnée à lui payer une somme de 155.571.000 frs équivalent à plusieurs années de son dernier traitement ;
Qu'en réplique, la défenderesse a conclu à l'irecevabilité de cette demande, motif pris de ce qu'elle serait tardive au regard des dispositions de l’article 113 du statut fixant les délais de recours à 3 mois ;
Mais considérant qu'il ressort clairement des pièces du dossier que le requérant n'a engagé aucun recours en annulation contre la décision du Conseil des Ministres lui accordant une indemnité spéciale ;
Considérant que son action tend en réalité à mettre en cause lo responsabilité de la Communauté sur la base de l'article 106 du statut :
Considérant qu'un tel recours en indemnité n'est pas soumis aux délais de
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
* Sur la responsabilité
Considérant que le requérant a assigné en responsabilité pour faute la CEMAC ;

Considérant qu'en l'espèce, la faute reprochée à la défenderesse doit être recherchée au regard de l'article 106 du statut des fonctionnaires ;
Considérant que cet article prévoit que « …le Secrétariat Exécutif est tenu de contracter une assurance groupe au profit des fonctionnaires du régime international couvrant les risques suivants: décès, incapacité de travail, invalidité totale ou partielle, risques maritimes ou terrestres, accidents de travail » :
Considérant que ces dispositions qui sont sans ambiguïté imposent au Secrétariat Exécutif une obligation d'assurance ;
Considérant qu'il n'est pas contesté à l'audience que le Secrétariat Exécutif n’a souscrit avant l'accident aucune assurance groupe au profit des fonctionnaires du régime international comme l'article 106 lui en faisait obligation;
Considérant qu'une telle omission est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, indépendamment des causes de l'accident
Qu'il s'agit d'un principe général du droit communément admis dans la plupart des législations des Etats membres de la CEMAC :
Sur la réparation du préjudice
Sur le préjudice indemnisable
Considérant que le requérant réclame à la CEMAC ia somme de 155.571.000 frs équivalent à plusieurs années de son dernier traitement ;
Considérant qu'il convient de faire observer que le préjudice indemnisable ici est celui découlant du non respect des prescriptions de l'article 106 précité ;
Considérant que sur ce point, la Cour rappelle que l'obligation d'assurance est une obligation de faire :
Qu'en cas d'inexécution, elle ne peut donner lieu comme toute obligation de faire qu'à des dommages - intérêts ;
Sur les dommages - intérêts
Considérant que le requérant demande la somme de 140 000 000 frs en réparation du préjudice qu'il dit avoir subi du fait de la négligence du Secrétariat Exécutif :
Considérant qu'il ne résulte nulle part du dossier que le Secrétariat Exécutif ait souscrit une assurance groupe avant l'accident ;

Que ceci n'est pas contesté à l'audience ;
Qu'en effet, s’il avait été assuré, le requérant aurait pu prétendre, selon l'expertise de l'Union centrafricaine des assurances versée aux débats, au paiement non pas d'un capital décès, mais d'une indemnité de 155 400 000 frs en rapport avec son invalidité permanente, son âge au moment de sa mise en retraite anticipée et son salaire ;
Qu'il convient toutefois de tenir compte des frais supportés par le Secrétariat Exécutif lors de son évacuation en France dont le montant s'élève à la somme de 92.985.790 de frs ;
Qu'en définitive la Cour possède des éléments d'appréciation suffisants pour condamner la Communauté à verser à Monsieur A la somme de 50.000.000 à titre de dommages intérêts ;
Sur les dépens
Considérant que conformément à l'article 91 du Règlement de procédure de la Chambre Judiciaire, la Communauté qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit
communautaire, en premier et dernier ressort,
En la forme :
Déclare recevable la demande en réparation de Mr. C
A B :
Au fond :
Déclare la CEMAC responsable du préjudice subi par Mr C
A B résultant du non respect des prescriptions de l'article 106 du
statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif ;
La condamne en conséquence au paiement de la somme de 50.000.000
à titre de dommages intérêts,
Déboute le requérant du surplus de ses demandes.
Condamne la CEMAC aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N'djamena, le vingt et Un juin deux mille sept.
ANTOINE MARADAS GEORGES TATY DADJO GONI
JUGE RAPPORTEUR
GREFFIER
!
Maître Jean-Baptiste MBONGO


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10
Date de la décision : 21/06/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cemac;cour.justice;arret;2007-06-21;10 ?
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