Le bailleur qui notifie une lettre portant résiliation du contrat de bail au locataire en lieu et place d’une mise en demeure d’avoir à exécuter ses obligations contractuelles s’expose au rejet de sa demande en résiliation par la juridiction compétente pour vice de forme. Pareillement, le locataire qui sollicite reconventionnellement les dommages-intérêts représentant le manque à gagner sans rapporter la preuve de ses allégations peut voir ce chef de demande rejeté par le juge saisi de l’action principale, qui au demeurant est fondé à ordonner la restitution au locataire du matériel d’exploitation injustement retenu par le bailleur.
ARTICLE 133 AUDCG
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE YAOUNDE-EKOUNOU, JUGEMENT N°47/COM DU 08 SEPTEMBRE 2011, A Ad C: B Z Ab AH, Y X Ac ET C AG Aa
LE TRIBUNAL
- Vu la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun ;
- Vu les lois et règlements en vigueur ;
- Vu l’acte introductif d’instance ensemble les pièces du dossier de procédure ;
- Attendu que suivant exploit en date du 19 octobre 2010, enregistré le 03 décembre 2010, sous le volume 19, folio 122, case et bordereau 5917 de la somme de sept mille six cents francs CFA, suivant quittance n°84888131, A Ad ayant pour conseil maître NAFON a fait donner assignation à B Z Ab AH, Y X Ac, C AG Aa, d’avoir à se trouver et comparaître devant le Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou statuant en matière civile et commerciale pour est-il dit dans l’acte de saisine ;
- Recevoir sieur A Ad en son action et l’y dire fondée ; condamner les sieurs B Z Ab AH, Y X Ac, C AG Aa à lui payer la somme totale de 1 996 420 FCFA représentant la réparation du préjudice qu’il a subi de leur fait à savoir :
- Trois mois d’arriérés de loyers impayés…………………. 120 000 FCFA ;
- Frais de consommation d’électricité……………………….. 143 420 FCFA ;
- Fras engagés pour réfection du local………………………. 363 000 FCFA ;
- Frais de réfection de la toiture abimée…………………….. 370 000 FCFA ;
- Frais des différents actes de procédure……………………….1 000 000 FCFA ;
- Déclarer la demande reconventionnelle de B Z Ab AH non fondée ;
- Le débouter de ce chef ;
- Les condamner aux dépens ;
- Attendu que les parties ont comparu et conclu ;
- Qu’il échet de statuer contradictoirement à leur égard ;
- Attendu qu’au soutien de son action, A Ad a exposé qu’il possède en pleine propriété un immeuble bâti sis au quartier MIMBIMAN à Yaoundé ;
- Que Y X Ac et C AG Aa ont transformé ladite société en Etablissement MKB et ont désigné officiellement sieur B Z Ab AH comme représentant dudit établissement, lequel a renouvelé le contrat de bail avec lui sur instruction de ses commettants en y apposant sa signature sur ledit bail comme représentant des Etablissements MKB ;
- Que cette convention a été enregistrée à Yaoundé sous le volume 19, folio 20, le 17 septembre 200_ pour la période du 14 juin 2008 au 13 juin 2009 ;
- Que courant juillet 2010, les susnommés ont quitté les lieux en étant redevables de la somme du demandeur de trois mois de loyers échus : 40 000 FCFA par mois, soit 120 000 FCFA et des impayés de consommation de l’énergie électrique de 143 420 FCFA ;
- Que conformément aux clauses liant les parties, « le locataire occupera les lieux dans l’état où ils se trouvent au moment de l’entrée en jouissance ; en fin de bail il les restituera dans un état meilleur apprécié par les parties ; qu’un constat d’état des lieux est fait en début et en fin de bail » ;
- Que de plus, selon les clauses de ce bail, « le locataire aura à sa charge le remboursement des réparations pouvant lui incomber » ;
- Que l’article 14 du même contrat prescrit que « la remise des clés n’aura lieu qu’après réparation par le locataire des éventuels dégâts par lui occasionnés du fait de son occupation » ;
- Que conformément aux dispositions de l’article 1134 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites… » ;
- Que durant le bail, le bailleur a toujours sollicité en vain même par acte extrajudiciaire aux preneurs de réparer les dégâts occasionnés du fait de l’occupation ;
- Qu’avant de quitter les lieux, le demandeur a fait constater par un Huissier de justice compétent en présence de B Z Ab AH, l’état des lieux qui a fait ressortir un bâtiment totalement détérioré du fait de leur jouissance ;
- Que durant leur séjour, les occupants ont obtenu de A Ad d’installer sur la toiture de son immeuble une antenne de connexion au réseau internet à titre gratuit pour une période d’un an à compter du 21 mai 2002 ;
- Qu’après plus d’un an, il a été donné à A Ad de constater que l’antenne était toujours exploité à titre commercial par ses locataires qui percevaient des recettes importantes auprès des clients ;
- Que depuis l’expiration du délai que le bailleur avait consenti pour l’installation gratuite de cette antenne sur sa toiture, plusieurs feuilles de tôles ont été perforées laissant couler les eaux de pluie dans plusieurs pièces du bâtiment entrainant la dépréciation de la valeur de l’immeuble du fait des techniciens commis pour les travaux de réfection du pylône fournissant l’accès à l’internet ;
- Que de ce fait les susnommés ont bénéficié d’un important enrichissement sans cause au détriment du demandeur durant sept années sans payer une contrepartie ;
- Que cela mérite une juste indemnité pour ce dernier ;
- Que les travaux de réparation de l’intérieur du bâtiment et de la toiture ont été évalués respectivement les sommes de 365 000 FCFA et de 370 000 FCFA ;
- Que le préjudice moral et le manque à gagner pour enrichissement sans cause est arrêté à la somme de 1 000 000 FCFA ;
- Attendu que le défendeur B Z Ab AH a formulé une demande reconventionnelle sous le prétexte que A Ad son bailleur, s’est opposé au retrait du matériel indispensable à l’activité commerciale de l’exploitant dudit cybercafé ;
- Attendu que la confiscation dudit matériel lui a causé un énorme préjudice dont réparation est exigée ;
- Que cette réparation s’articule comme suit :
- Manque à gagner………………………….. 5 250 000 FCFA ;
- Dommages-intérêts………………………. 3 000 000 FCFA ;
- Astreinte journalière……………………….. 50 000 FCFA ;
- Attendu que les défendeurs Y X Ac et C AG Aa ont répliqué par leurs conclusions produites à l’audience du 31 mars 2011 dans lesquelles ils sollicitent que soient constatés ;
- Que le support qui sert de base légale à l’action de sieur A est le contrat de bail commercial du 13 juin 200- conclu entre lui et B Z Achille ;
- Que tous les actes posés dans la gestion du cybercafé et en relation avec le bailleur du local loué ont toujours été commis par B Z Achille ;
- Que selon les prescriptions de l’article 1165 du Code civil « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elle ne nuisent point aux tiers, et elles ne leur profitent que dans les cas prévus par l’article 1121 » ;
- Que les sieurs Y X Ac et C AG Aa n’ont jamais été en relation d’affaires avec A Ad ;
- Que les concluants n’ont jamais posé des actes dans les Etablissements MKB ;
- Que d’après les dispositions du Code de procédure civile et commerciale, ces derniers n’ont pas qualité dans la présente cause ;
- Que les concluants n’ont ni paraphé un quelconque document ni donné procuration à B Z Ab AH d’agir en leurs noms ;
- Que l’action de sieur A Ad doit être déclarée irrecevable à l’endroit des sieurs Y X Ac et C AG Aa ;
- Attendu que par conclusions en réplique produites à cette audience du 31 mars 2011, le défendeur B Z Achille a formé demande reconventionnelle ;
- Qu’il a fait valoir que le défendeur n’est redevable que de 80 000 FCFA, représentant deux mois de loyers échus et impayés ;
- Que la somme de 143 420 FCFA qui représenterait les frais d’électricité d’au moins trois locataires qui partageaient le même compteur où a été relevée la consommation donnant lieu à cette imputation au seul défendeur ne repose par conséquent sur aucun fondement ;
- Que A Ad ne rapporte pas la preuve des réfections de l’intérieur et des toitures dont les dégâts seraient imputables au défendeur ;
- Qu’il appartient au justiciable qui saisit la justice pour des demandes fantaisistes de supporter les frais de sa chicane ;
- Que sieur A Ad a violé les énonciations du Code civil qui l’obligent à mettre à la disposition du preneur le local objet du contrat et lui faciliter la pleine jouissance, ce qui a causé un lourd préjudice commercial au défendeur ;
- Constater que si par extraordinaire A Ad a entrepris des travaux de rénovation du toit de sa maison, rien n’établit que son prétendu endommagement serait l’œuvre du défendeur B Z Ab AH ;
- Que le fait pour le bailleur de retenir par devers lui l’ensemble du matériel indispensable à l’activité commerciale du défendeur lui cause un manque à gagner dont il appartient à la juridiction de céans d’ordonner la réparation ;
- Que celui-ci doit être condamné à payer reconventionnellement trois millions au défendeur à titre de dommages-intérêts relativement à son activité commerciale qui a périclité suite à l’érection par lui d’une baraque devant le local commercial ;
- Qu’et la somme de 5 250 000 FCFA, représentant le manque à gagner suite à la confiscation par lui du matériel lié à son activité commerciale ;
- Qu’une compensation de 80 000 FCFA d’arriérés de loyers sur l’ensemble de ces condamnations doit être opérée ;
- Que la mise à la disposition du défendeur par sieur A Ad de son matériel sous astreinte journalière de 50 000 FCFA doit être ordonnée ;
- Attendu qu’au soutien de sa demande reconventionnelle B Z explique que pendant qu’il exerçait son activité commerciale dans le local objet du présent litige, A Ad a édifié une petite maison qui empêche l’exploitation de son activité ;
- Que sommé de cesser cette provocation, le bailleur ne s’est pas exécuté ;
- Attendu que l’activité commerciale du défendeur ne saurait se poursuivre sans le pylône supportant l’antenne fixé sur la toiture et dont le bailleur, pour des motifs inavoués, a retenu par devers lui le matériel sus-désigné ;
- Que l’activité du défendeur à l’arrêt depuis le 18 août 2010, cause un manque à gagner de 50 000 FCFA, dont une somme de 5 250 000 FCFA ;
- Qu’il y a lieu de condamner A, à la restitution du matériel confisqué sous astreinte comminatoire ;
- Qu’il y a lieu d’opérer une compensation en déduisant les 80 000 FCFA d’arriérés de loyers des 5 250 000 FCFA sollicités ;
EN LA FORME
- Attendu que la présente cause a été initiée dans les forme et délai légaux ;
- Qu’il y a lieu de la déclarer recevable ;
AU FOND
I- Sur la demande principale
- Attendu qu’aux termes de l’article 133 de l’Acte uniforme portant droit commercial général, la demande en justice aux fins de résiliation du bail doit être précédée d’une mise en demeure, d’avoir à respecter les clauses ou conditions violées, faite par acte d’huissier ou notifiée par tout moyen permettant d’établir sa réception effective par le destinataire ;
- Qu’à peine de nullité, cette mise en demeure précise les conditions non respectées par le preneur ;
- Attendu que le bailleur A Ad a plutôt produit au dossier la notification- correspondance, de lettre datée du 16 février 2009, portant résiliation du contrat de bail du 13 juin 2006 ; que le bailleur par le biais de la susdite pièce, n’a pas respecté les conditions définies par les dispositions de l’article ci-dessus cité ;
- Que la lettre portant résiliation du bail notifiée, objet de la présente cause, est nulle pour vice de forme ;
- Qu’il y a lieu de rejeter les prétentions du demandeur comme non fondée ;
II- Sur la demande reconventionnelle
- Attendu que B Z Ab AH a formulé une demande reconventionnelle ;
- Qu’il y a lieu de le recevoir en cette demande ;
A- Sur les réclamations pécuniaires
- Attendu que le preneur excipe comme argument que la construction d’une boutique devant le cybercafé a fait péricliter sa structure ;
- Attendu qu’aucune pièce mettant au goût du jour cette corrélation n’a été produite ;
- Attendu que la preuve de l’évaluation du manque à gagner de 50 000 FCFA, comme recette journalière, évaluée à présent à 5 250 000 FCFA dont se prévaut le preneur n’a pas été rapportée ;
- Qu’en l’absence de preuve à l’encontre du bailleur, il y a lieu de rejeter ces chefs de demande comme non justifiés ;
B- Sur la condamnation à une astreinte pour la restitution du matériel confisqué
- Attendu que le bailleur a retenu par devers lui le matériel de sieur B Z Achille ;
- Attendu que procès verbal de constat de Maître BIYIK Thomas daté du 11 septembre 2010, le bailleur a refusé de restituer le matériel de travail du preneur ainsi réclamé ;
- Attendu que c’est de l’exploitation du cybercafé que ce dernier tire ses revenus pour assumer ses charges ;
- Que la confiscation de ce matériel entraine forcément un arrêt desdites activités ;
- Que par conséquent, il y a lieu d’ordonner la restitution du matériel confisqué dont le pylône fournisseur d’accès à internet ;
- Attendu s’agissant d’une obligation de faire que le demandeur B Z est fondé à solliciter l’exécution par le défendeur A Ad ;
- Que cependant le demandeur et le défendeur sont tenus l’un envers l’autre d’une obligation de faire ; l’un le paiement des loyers et l’autre, la restitution du matériel confisqué ;
- Qu’il est illogique que cette obligation soit assortie d’une astreinte journalière ;
- Qu’il convient par conséquent de surseoir à ordonner l’astreinte dont s’agit ;
-
C- Sur la compensation
- Attendu que selon l’article 1289 du Code civil « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles, une compensation qui éteint les deux dettes de la manière et dans les cas ci-après exprimés » ;
- Attendu qu’il a été décidé par la Cour suprême que le défaut de réciprocité d’obligation exclut toute possibilité de compensation ; (Cour suprême arrêt n°186 du 09 mai 1961 Bull n°4 p. 122) ;
- Attendu qu’en l’espèce, le preneur voudrait opérer compensation entre une créance de loyers certaine, liquide et exigible et une éventuelle condamnation dont il aurait gain de cause ;
- Que par ailleurs, l’issue de l’instance ne peut que s’avérer incertaine du moment que la décision y afférente ne peut être connue d’avance ;
- Qu’il y a lieu de l’en débouter comme étant non fondée ;
- Attendu qu’aux termes de l’article 50 du Code de procédure civile et commerciale, « toute partie qui succombera sera condamnée aux dépens » ;
- Que A Ad doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
- Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale, en premier ressort et après en avoir délibéré ;
- Reçoit A Ad et B Z Ab AH en leur demande principale et reconventionnelle ;
- Rejette la demande de A Ad à restituer à B Z Ab AH l’ensemble du matériel de son cybercafé ;
- Condamne A Ad aux dépens ;
- (…)