Le juge de référés est compétent pour connaître des demandes de mainlevée d’inscription provisoire d’hypothèque qu’il a autorisée.
L’ordonnance autorisant une inscription provisoire d’hypothèque doit être rétractée dès lors que le délai d’inaction prescrit n’est pas respecté et que le créancier a notifié l’ordonnance autorisant l’hypothèque judiciaire en même temps que l’inscription provisoire et l’assignation en validité de celle-ci. La rétractation de l’ordonnance emporte mainlevée de l’hypothèque provisoire inscrite.
Lorsque l’action en validité d’hypothèque judiciaire conservatoire a été engagée dans les délais mais antérieurement à la demande au fond, il y a lieu de rétracter l’ordonnance ayant autorisé l’inscription.
ARTICLE 136 AUS ARTICLE 138 AUS ARTICLE 139 AUS ARTICLE 140 AUS ARTICLE 141 AUS ARTICLE 144 AUS
Tribunal de Première Instance de Ab, ordonnance N°05/REF du 18 mars 2009, affaire A Aa contre La société commerciale de Banque du Cameroun (SCB SA)
ORDONNANCE Nous, juge des référés ;
Attendu qu’à la requête de Monsieur A Aa, commerçant résidant à Ab, ayant pour conseil Maître NTSAMO Etienne, Avocat au Barreau du Cameroun BP 655 Ab, à l’étude duquel il élit domicile, Maître SOBGUI Pierre, Huissier de justice à Ab, a, par exploit non encore enregistré, mais qui le sera en temps opportun, donné assignation à la Société Commerciale de Banque du Cameroun (SCB SA) ayant élu domicile en l’étude de Maître TEPPI KOLLOKO Fidèle, Avocat au Barreau du Cameroun BP 30 Ab, d’avoir à se trouver et comparaître le Mercredi 04 Février par devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Ab, statuant en matière de référés en son cabinet sis au
palais de justice de Ab, pour est-il dit dans l’exploit : Vu les articles 136 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sûretés ; Vu le principe de droit interdisant au juge de statuer ultra petita ; Vu le principe de droit selon lequel « la fraude corrompt tout »
Constater que dans l’intervalle de deux semaines prescrit par l’ordonnance sur requête litigieuse, la SCB Cameroun ne l’a nullement notifié au requérant et n’a non plus assigné au fond en validité de la somme de 1 400 000 Francs CFA obtenue de Monsieur le juge des requêtes ; Bien vouloir rétracter et annuler l’ordonnance sur requête n°157/OSR/2008 rendue le 05 Décembre 2008 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Ab avec toutes les conséquences de droit. Ordonner la radiation sous astreinte de 10 000 000 francs CFA par jour de retard à la charge de la SCB Cameroun de l’inscription hypothécaire du 29 Décembre 2008 effectuée dans le titre foncier N° 6030/ Moungo appartenant au demandeur. Ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir nonobstant appel. Condamner la SCB Cameroun aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître NTSAMO Etienne, Avocat aux offres de droit.
Attendu qu’en réaction, la SCB Cameroun SA par le biais de son conseil soulève l’incompétence du juge des référés, soutient que le demandeur ne peut solliciter la main levée ou la réduction de l’hypothèque qu’en consignant les sommes réclamées, et qu’en outre aucune disposition de l’article 136 alinéa 4 n’ayant été violée, la demande en rétractation du sieur A Aa encourt rejet. Attendu qu’il est de bon ton de statuer d’abord sur l’exception d’incompétence ratione materiae (I) préalable à l’examen de la demande de rétractation (II) et de l’examen du mode d’exécution de la décision et des dépens (III).
I- Sur l’incompétence du juge des référés
Attendu que la SCB Cameroun SA soulève l’incompétence du juge des référés au motif qu’il y a risque de préjudicier au principal ; qu’en sus, seul le juge de fond saisit peut désormais donner main levée de l’hypothèque autorisée par le juge des requêtes. Attendu que sur ce point, le demandeur sous la plume de son conseil argumente que l’ordonnance sur requête n°157/OSR/2008 du 05 Décembre 2008 comporte une clause de référés lorsqu’elle énonce : « Disons notre ordonnance exécutoire sur minute et qu’il nous en sera référé en cas de difficultés » Que l’article 136 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sûretés prévoit en son alinéa 4 que « la décision peut être rétractée par la juridiction qui a autorisée l’hypothèque ». Que par ailleurs, lorsqu’un plaideur soulève à la fois l’incompétence et conclut au fond, cela suppose qu’il a renoncé à son exception ; Attendu que les ordonnances sur requête, décisions rendues après les affirmations d’une seule partie comportent « une clause de référés » qui donne l’opportunité à celui à l’encontre duquel l’ordonnance a été rendue de revenir devant le juge des référés pour ouvrir la voie contentieuse. Que l’article 136 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sûretés en son alinéa 4 prévoit spécifiquement que l’ordonnance peut être rétractée par la juridiction qui a autorisée l’hypothèque. Que l’article 138 est plus clair lorsqu’il dispose que : « La juridiction compétente ne statue
qu’à charge de lui en référé en cas de difficultés ». Que fort de ce qui précède, il y a lieu de nous déclarer compétent ratione materiae ;
II- Sur la demande de rétractation de l’ordonnance et la radiation de l’hypothèque
Attendu que le demandeur sollicite la rétractation de l’ordonnance n°157/OSR/2008 en s’appuyant sur une pluralité d’arguments. Qu’en premier lieu, il soutient que la SCB Cameroun a induit le juge des requêtes en erreur pour rendre l’ordonnance querellée portant sur une inscription provisoire d’hypothèque d’un montant de 118 680 281 francs CFA en principal et 1 400 000 francs CFA de frais, alors qu’il ne doit aucun sou à cette institution financière. Qu’en deuxième lieu, le juge des requêtes a statué ultra petita en accordant 1 400 000 francs CFA de frais qui n’étaient pas formellement fixés dans la requête. Qu’en troisième lieu, la SCB Cameroun a fait fixer fictivement un délai d’assignation au fond de deux mois à compter du 05 Décembre 2008 alors que depuis le 25 Janvier 2007 cette cause opposant les mêmes parties sur le même objet est pendante devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo. Qu’il y a là un abus de droit de la SCB Cameroun SA qui cherche plutôt à paralyser les activités du demandeur. Qu’en quatrième lieu, la SCB Cameroun SA a violé les dispositions de l’article 136 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sûretés en n’assignant pas en validité pour la totalité de la créance inscrite sur l’ordonnance. Attendu que la SCB Cameroun rejette en bloc les arguments développés par le demandeur ; Qu’elle soutient qu’elle a formellement respecté les délais prévus par l’ordonnance et conformément à l’esprit de l’article 136 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sûretés ; Que l’action en validité a été introduite dans les délais de deux mois fixés par l’ordonnance. Que l’article 141 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sûretés subordonne la main levée ou la rétractation de l’hypothèque à la consignation entre les mains d’un séquestre désigné de la somme en principal, intérêts et frais avec affectation spéciale de la créance. Que le demandeur de très mauvaise foi, produit au dossier un jugement n°56/CIV en date du 07 Juin 2001 annulant l’hypothèque conventionnelle confirmée par Arrêt n°133/c du 8 juin 2005 se trahit lui- même. Qu’en 6e rôle de ce jugement il est écrit qu’en avril 1994 « son compte n’était encore débiteur que de la somme de 22 317 376 francs CFA y compris les agios… » Que par ailleurs l’arrêt N°133/ C du 08 Juin 2005 a statué sur le fond de l’affaire, il n’est pas définitif parce qu’il n’a jamais été signifié à la SCB Cameroun SA. Que s’agissant de grief soulevé par le demandeur suivant lequel, la SCB Cameroun SA n’a pas assigné en validité de 1 400 000 francs CFA représentant les frais, elle entend préciser que l’action en validité porte sur la validité de l’hypothèque conservatoire et non sur une quelconque somme d’argent. Qu’au regard des arguments ainsi développés, la SCB Cameroun SA soutient que le sieur A soit débouté de sa demande en rétractation. Attendu que l’argument développé par le demandeur suivant lequel, le juge des requêtes a statué ultra petita est fragile. Que l’article 139 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sûretés prescrit les éléments que doit contenir une ordonnance sur requête : « créance garantie en principal, intérêts et frais » ; Que l’observation d’une prescription légale ne saurait se muer en motif d’avoir statué ultra petita. Attendu néanmoins que la SCB Cameroun SA n’a pas respecté les exigences des articles 136
et 140 de l’Acte Uniforme sur les sûretés. Que le délai d’inaction de deux semaines n’a pas été observé puisqu’il devrait courir à compter de la notification de l’inscription provisoire au débiteur. Qu’or la SCB Cameroun SA a notifié par les soins du ministère de Maître SIMO DJOMO, Huissier de Justice à Ab, l’ordonnance, l’inscription provisoire à A Aa, en même temps que l’assignation en validité. Qu’au sens de l’article 144 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sûretés, ces trois formalités ne pouvaient pas être faites dans le même exploit. Que le délai d’inaction permet au débiteur de réagir devant le juge de référés avant que ne soit engagée la demande de fond. Que plus grave encore, la demande au fond qui devait être introduite après le délai d’inaction a été faite le 25 Janvier 2007 pour une inscription d’hypothèque provisoire obtenu le 05 Décembre 2008. Qu’au surplus, le montant de créance dans cette demande au fond est de 39 664 565 francs CFA, alors que le montant de la créance dans l’assignation en validité est de 118 680 281 francs CFA. Qu’il y a là une violation plurielle des articles 136 et 140 de l’Acte Uniforme OHADA sur les sûretés qu’il faut sanctionner. Qu’il échet d’ordonner la rétractation de l’ordonnance N°157/OSR/2008 avec toutes les conséquences juridiques et de suite donnons mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite sur le titre foncier N°6030/Moungo appartenant à A Aa.
III- Sur le mode d’exécution de l’ordonnance et les dépens
Attendu que le demandeur soutient que l’inscription provisoire d’hypothèque sur son titre foncier N°6030/Moungo a eu pour effet de paralyser ses activités. Qu’il est urgent d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir. Attendu que les décisions du juge de référé sont exécutoires par provision et qu’il y a lieu d’accéder à sa demande et d’ordonner l’exécution de la présente décision sur minute et avant enregistrement. Attendu que la partie qui succombe paye les dépens, condamnons la SCB Cameroun au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard des parties, en matière de référés, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent et vu l’urgence ; Constatons que l’ordonnance n°157/OSR/2008 rendue le 05 Décembre 2008 dont rétractation est sollicitée comporte une clause de référé et en conséquence nous déclarons compétent ratione materiae. Constatons que la Société Commerciale de Banque Cameroun SA n’a pas observé le délai d’inaction de deux semaines fixé par l’ordonnance et qui court à compter de la signification de l’inscription provisoire. Constatons que si l’action en validité a été engagée dans les délais, la demande au fond relative à la même cause est pendante au Tribunal de Grande Instance du Moungo depuis le 27 Janvier 2007, c'est-à-dire avant l’intervention de l’ordonnance querellée.
Constatons que la demande au fond vise une créance de 39 664 535 francs CFA et l’assignation en validité 118 680 281 francs CFA.. En conséquence, ordonnons la rétractation de l’ordonnance n°6030/Moungo appartenant à A Aa.(…).