Alimeta
COUR SUPREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
SECTION SOCIALE
DOSSIER n°212/S /2015
Pourvoi n°160/RP/14
du 28 Novembre 2014
Arrêt N° 74/S/CJ/CS du 22 octobre 2020
AFFAIRE :
SOCIETE CAMEROUNAISE DE PIERRES ET DE GRAVIERS (S.C.P.G)
C /
B A Y
Ab
RESULTAT :
La Cour,
Rejette le pourvoi;
Ordonne qu'à la diligence du Greffier-en-Chef de la chambre judiciaire de la Cour Suprême, une expédition de la présente décision sera transmise au Procureur Général prés la Cour d'Appel du Littoral et une autre au Greffier en Chef de ladite Cour pour transcription dans leurs registres respectifs.
PRESENTS :
M. Francis Claude Michel MOUKOURY, Conseiller à la Cour Suprême,………….Président
Mme. TCHAMEMBE Bernadette Rita, Conseiller à la Cour Suprême,………………………………...Membre
M. NGOUANA, Conseiller à la Cour Suprême,………………………………………………….Membre
Mme. YOTCHOU NANA Elise épouse X, …………...…………………………………..…..Ministère Public
ALIMETA Alain Sainclair,…….......................Greffier
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS
L’an deux mille vingt et le vingt-deux octobre;
La Cour Suprême statuant en matière Sociale ;
En son audience publique ordinaire a rendu l’arrêt
dont la teneur suit ;
ENTRE
SOCIETE CAMEROUNAISE DE PIERRES ET DE GRAVIERS (S.C.P.G) , demanderesse en cassation, ayant pour conseil Maître TCHUENTE Charles, Avocat à Aa;
D’UNE PART
ET ;
B A Y Ab, défendeur à la cassation, ayant pour conseil Maître EJANGUE Félix, Avocat à Aa;
D’AUTRE PART
En présence de Madame. YOTCHOU NANA Elise épouse FOTSO, Avocat Général près la Cour Suprême ;
Statuant sur le pourvoi formé par, Madame Z, collaboratrice de Maître Charles TCHUENTE, agissant au nom et pour le compte de la Société Camerounaise de Pierres et de Gravier (S.C.P.G) S.A, suivant déclaration faite le 28 Novembre 2014 au greffe de la Cour d’appel du Littoral, en cassation contre l’arrêt contradictoire n°326/S rendu par la susdite juridiction, statuant en matière sociale dans l’instance opposant sa cliente à BOU HADIR MIKHAIL SAADE;
LA C O U R ;
Après avoir entendu en la lecture de son rapport, Monsieur NGOUANA, Conseiller à la Cour Suprême ;
Vu les conclusions de Monsieur C Luc,
Procureur Général près la Cour Suprême ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu le pourvoi formé le 17 février 2014 ;
Vu le mémoire ampliatif qui a été déposé le 30 novembre 2015 par Maître Charles TCHUENTE, Avocat à Aa ;
Sur les cinq moyens de cassation réunis présentés ainsi :
« II- EN DROIT:
Attendu que l'arrêt attaqué n° 326/S de la Cour d'Appel du Littoral du 26 novembre 2014 encourt à l'évidence cassation pour les motifs ci-après:
A- Violation de l'article 27(2) du code du travail
En ce que,
Aux termes des dispositions visées au moyen:
« Le contrat de travail concernant un travailleur de nationalité étrangère doit, avant tout commencement d'exécution, être visé par le Ministère chargé du travail.
La demande du visa incombe à l'employeur.
Si le visa est refusé, le contrat est nul de plein droit. »
Que c'est sur le fondement des dispositions sus-évoquées que le Tribunal de Grande Instance du Wouri initialement saisi par Sieur B A Y Ab avait déclaré la demande de ce dernier irrecevable en raison de l'inexistence d'un contrat de travail dûment signé entre les parties et corrélativement de l'inexistence du visa Ad valididatem du Ministère en charge du travail.
Que cette disposition pourtant claire et précise du code du travail a été à l'évidence violée par le juge d'appel qui a alloué à Sieur B A Y Ab de prétendus arriérés de salaire et divers autres droits alors pourtant que ce dernier n'a produit aux débats aucun contrat de travail qu'il aurait signé avec la société SCPG SARL et encore moins un visa du Ministère en charge du travail.
Qu'ainsi qu'il a été démontré devant les juges d'instance et d'appel, il est constant que la délégation de pouvoirs signée par le gérant statutaire de la société SCPG SARL au profit de Sieur B A Y Ab par-devant le notaire en date du 09 juin 2011 ne saurait être assimilée à un contrat de travail au sens des dispositions de l'article 27 du code du travail au moyen.
Qu'il en est de même de l'attestation y afférente du 23 mai 2011 qui ne peut non plus être assimilée à un contrat de travail au sens de la loi.
Qu'il ya donc lieu d'en tirer toutes les conséquences de droit.
B- Violation de l'article 39 du code de travail
En ce que les dispositions visées au moyen sont conçues ainsi qu’il suit :
Toute rupture abusive du contrat peut donner lieu à des dommages-intérêts. Sont notamment considérés comme effectués abusivement les licenciements motivés par les opinions du travailleur, son appartenance ou sa non-appartenance à un syndicat.
2) La juridiction compétente peut constater l'abus par une enquête sur les causes et les circonstances de la rupture du contrat et le jugement doit mentionner expressément le motif allégué par la partie qui a rompu le contrat.
3) Dans tous les cas de licenciements il appartient à l'employeur d'apporter la preuve du caractère légitime du motif qu'il allègue.
4) le montant des dommages-intérêts est fixé compte tenu, en général de tous les éléments qui peuvent justifier l'existence et déterminer l'étendue du préjudice causé et notamment:
lorsque la responsabilité incombe au travailleur, de son niveau de qualification et de l’emploi.
lorsque la responsabilité incombe à l'employeur, de la nature des services engagés, de l'ancienneté des services engagés, de l'âge du travailleur et des droits à quel que titre que ce soit.
Toutefois, le montant des dommages-intérêts, sans excéder un (01) mois de salaire par année d'ancienneté dans l’entreprise, ne peut être inférieur à trois (03) mois de salaire»
Qu'il en découle explicitement que pour prononcer une quelconque condamnation au paiement de dommages-intérêts, le juge doit rechercher tout d'abord le salaire de l'employé et ensuite son ancienneté.
Qu'en l'espèce et en dépit de plusieurs reports de la cause ainsi qu'il ressort des qualités de l'arrêt attaqué, Sieur B A Y Ab n'a pas été en mesure de produire ni devant le premier juge, ni en cause d'appel un quelconque bulletin de paie indiquant son prétendu salaire.
Que c'est dans ce contexte que la Cour d'Appel du Littoral a cru devoir se rapporter à des conclusions produites dans une procédure de référé sans aucun lien de droit avec l'action sociale dont elle était saisie, pour prétendre que la SCPG SARL aurait reconnu un salaire de 4 000 000 FCFA.
Qu'en admettant même l'effectivité d'un tel salaire, la Cour d'Appel du Littoral a retenu que Sieur B A Y Ab aurait été employé à la SCPG Sarl pendant 33 mois alors qu'il est constant que le seul lien de droit entre les parties est la délégation de pouvoirs du 09 juin 2011 qui a été dénoncée ainsi que le reconnaît du reste la partie adverse par courrier séparé du 12 mars 2012, c'est-à-dire après environ 08 mois.
Cf. Lettre du 12 mars 2012 (pièce n° 6)
Qu'il en découle qu'en calculant les prétendus dommages-Intérêts alloués à Sieur B A Y Ab sur la base d'un salaire imaginaire de 4 000 000 FCFA et une période de 33 mois, la Cour d’Appel du Littoral a fait une fausse application des dispositions visées au moyen, la délégation de pouvoirs liant les parties n’ayant tenu que 08 mois, c’est-à-dire de juin 2011 à mars 2012.
Que l’arrêt attaqué sera inéluctablement cassé sur ce point.
C- Violation de l'article 37 du code du travail
En ce que, aux termes des dispositions visées au moyen:
"En cas de rupture de contrat à durée indéterminée du fait de l'employeur, hormis le ca de faute lourde, le travailleur ayant accompli dans l'entreprise une durée de service continue au moins égale à deux ans, a droit à une indemnité de licenciement distincte de celle du préavis dont la détermination tient compte de l'ancienneté. »
Que dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel du Littoral a alloué à, Sieur B A Y Ab la somme totale de 2.200.000 FCFA en guise d’indemnité.
Or, il est constant que quelle que soit la nature des relations ayant existé entre les parties, celles-ci n’ont perduré qu’entre le 09 juin 2011, date de la délégation de pouvoirs et le 12 mars 2011, date de la révocation de ladite délégation, soit à peine hui (08) mois.
Qu’il s’ensuit que Sieur B A Y Ab ne pouvait en tout état de cause prétendre à une indemnité de licenciement.
Qu’il s’agit à l’évidence d’un motif supplémentaire de cassation.
D- Violation de l’article 61(1) du Code du Travail
En ce que la Cour d’Appel du Littoral a curieusement alloué à Sieur B A Y Ab la somme totale de 132.000.000 FCFA à titre « d’arriérés de salaire".
Or, les dispositions visées au moyen sont conçues ainsi qu’il suit :
« Au sens de la présente loi, le terme « salaire" signifie, quels qu’en soient la dénomination et le mode de calcul, la rémunération ou les gains susceptibles d’être évalués en espèces et fixés, soit par accord, soit par disposition réglementaire ou conventionnelle, qui sont dues en vertu d’un contrat de travail par un employeur à un travailleur, soit pour les services rendus ou devant être rendu ».
Qu’en l’espèce, il a été démontré à suffire qu’il n’a jamais existé un quelconque contrat de travail entre Sieur B A Y Ab et la société SCPG SARL de sorte que c’est à tort que les juges d’appel invoquent de prétendus arriérés de salaire.
Que cela est d’autant plus vrai que les arriérés de salaires allégués ne reposent pas non plus sur un bulletin de paie que la société SCPG SARL aurait délivré à Sieur B A Y Ab en guise d’indication de son salaire fixé d’autorité à 4.000.000 FCFA par la Cour d’Appel.
Que de même, ni Sieur B A Y Ab, ni la Cour d’Appel n’ont été en mesure d’indiquer les fonctions exactes occupées par ce dernier au sein de la SCPG SARL pour justifier le salaire qui lui a été alloué.
Que l’arrêt attaqué encourt dès lors incontestablement cassation sur ce point
E- Violation de l’article 7 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire (modifiée le 14 décembre 2011).
En ce qu’aux termes des dispositions visées au moyen :
"Toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit.
L’inobservation de la présente disposition entraine nullité d’ordre public."
QU’en l’espèce, pour invoquer un quelconque lien de droit entre les parties, la Cour d’Appel du Littoral énonce ce qu’il suit :
"--- Considérant qu’aux termes de l’article 27(2) et (3) de la loi n°92/007 du 14 août 1992 portant code du travail, "le contrat de travail concernant un travailleur de nationalité étrangère doit, avant tout commencement d’exécution, être visé par le Ministère chargé du travail ; la demande de visa incombe à l’employeur. Si le visa est refusé, le contrat est nul de plein droit.
Considérant en l’espèce que s’il n’est pas contesté que le lien professionnel ayant existé entre la SCPG SARL et Sieur B A Y Ab de nationalité libanaise n’a pas formellement obéit aux dispositions du texte susvisé, il n’en demeure pas moins, contrairement aux allégations de la société intimée, laquelle, après avoir reconnu la qualité d’employé de l’appelant dans les conditions de son conseil dès 20 juin 2012 et 04 juillet 2012 produites à l’occasion de multiples autres procédures opposant les mêmes parties, affirme ne pas l’avoir engagé comme tel, il reste qu’en l’espèce la relation professionnelle liant les parties a connu un commencement d’exécution et a duré pendant 33 mois.
Considérant que s’il est constant que sur le fondement des articles 168 et 170 du code du travail, l’employeur qui s’abstient de soumettre au visa du Ministère du travail, le contrat de travail concernant un travailleur de nationalité étrangère avant tout commencement d’exécution, encourt une sanction pénale, il n’en demeure pas moins qu’au plan purement civil, la règle selon laquelle nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude peut utilement être opposée à cet employeur dès lors que c’est à lui qu’il revient de solliciter le visa du Ministère compétent."
Que de telles allégations dénuées de tout fondement juridique ne sauraient constituer une motivation au sens des dispositions visées au moyen, la Cour d’Appel du Littoral n,’ayant pas mis la Haute Juridiction de céans en demeure d’exercer son contrôle quant à la légalité de sa décision.
Qu’en effet :
Comment la Cour d’Appel du Littoral peut-elle analyser, interpréter et statuer sur les conclusions produites "dans une autre procédure" au point de déduire desdites conclusions l’existence d’un contrat de travail entre les parties, ce en violation des dispositions de l’article 27 du Code du travail.
Comment la Cour d’Appel peut-elle affirmer de manière péremptoire que "la relation professionnelle liant les parties a connu un commencement d’exécution et a duré pendant 33 mois" alors qu’il n’est produit aux débats aucun élément de droit ou de fait de nature à permettre la Haute Juridiction de céans de vérifier la durée alléguée de 33 mois ?
Tout au plus il a été démontré ci-dessus que la délégation de pouvoirs intervenue entre les parties a tenu à peine huit (08) mois, s’agissant d’une société qui n’a effectivement démarré ses activités qu’en début 2012.
Comment la Cour d’appel du Littoral peut-elle faire grief à la société SCPG SARL de n’avoir pas soumis au visa de Monsieur le Ministère en charge du travail un contrat inexistant puisqu’il est constant qu’aucun contrat de travail n’a jamais été signé entre ladite société et Sieur B A Y Ab?
Comment la Cour d’Appel du Littoral a-t-elle pu fixer le salaire de Sieur B A Y Ab à la somme de 4.000.000 FCFA alors qu’une telle somme n’apparaît sur aucun document produit aux débats, étant à rappeler que ce dernier n’avait pas été en mesure de produire au dossier le moindre bulletin de paie que lui aurait délivré la société SCPG SARL.
Qu’il résulte de tout ce qui précède que l’arrêt attaqué sera nécessairement cassé avec toutes les conséquences de droit par la Haute Juridiction, son exécution étant en outre de nature à compromettre la poursuite des activités de la SCPG SARL, s‘agissant d’une jeune société qui emploie une centaine de personnes dont l’avenir ne saurait être sacrifié pour satisfaire les fantasmes d’un ex-mandataire de mauvaise foi.
Attendu que les cinq moyens de cassation réunis ne peuvent être accueillis ;
Attendu qu’en vertu de l'article 35 de la loi No. 2006/016 du 29/12/2006 fixant l'organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, le moyen invoqué à l'appui du pourvoi doit indiquer le cas d'ouverture a pourvoi sur lequel il se fonde ;
Qu’il en résulte qu'un moyen qui ne vise pas le cas d'ouverture en vertu duquel il est soulevé ne peut être accueilli ;
Attendu que tels que présentés en l’espèce, les cinq moyens de cassation soulevés n’indiquent aucun cas d'ouverture à pourvoi auquel ils se réfèrent. Ce faisant ils ne sont pas conformes à l'article 35 susvisé. ;
Qu’il s’ensuit qu'ils sont irrecevables et le pourvoi encourt le rejet ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi;
Ordonne qu'à la diligence du Greffier-en-Chef de la chambre judiciaire de la Cour Suprême, une expédition de la présente décision sera transmise au Procureur Général prés la Cour d'Appel du Littoral et une autre au Greffier en Chef de ladite Cour pour transcription dans leurs registres respectifs.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême en son audience publique ordinaire du vingt- deux octobre deux mille vingt en la salle des audiences de la Cour où siégeaient :
3ème et dernier rôle
M. Francis Claude Michel MOUKOURY, Conseiller à la Cour Suprême,……………………….Président
Mme. TCHAMEMBE Bernadette Rita, Conseiller à la Cour Suprême,……………….…………………………...Membre
M. NGOUANA, Conseiller à la Cour
Suprême,……………………….……………………………………Membre
En présence de Madame. Mme. YOTCHOU NANA Elise épouse FOTSO, Avocat Général, occupant le banc du Ministère public ;
Et avec l’assistance de Maître ALIMETA Alain
Sainclair, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Conseillers et le Greffier ;
En approuvant__________ligne(s)______Mot(s)
rayé(s) nul(s) et________________renvoi(s) en marge ;
LE PRESIDENT, LES CONSEILLERS, LE GREFFIER