Alimeta
COUR SUPREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
SECTION SOCIALE
DOSSIER n° 194/S/2016
POURVOI n° 71/RP/16 du 10 juin 2016
Arrêt N° 69/S/CJ/CS du 22 octobre 2020
AFFAIRE :
Ag Aa
C/
Société CAMEROON UNITED FORESTS SARL (CUF)
RESULTAT :
La Cour,
Rejette le pourvoi ;
Ordonne qu’une expédition du présent arrêt sera transmise par le Greffier en Chef de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême à Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel du Littoral et une autre au Greffier en Chef de ladite juridiction pour mention dans leurs registres respectifs.
PRESENTS :
Mme. Irène NKO TONGZOCK, Présidente de la Section Sociale à la Cour Suprême,……Président
M. Paul BONNY, Conseiller à la Cour Suprême,………………………………………………....Membre
M. NGOUANA, Conseiller à la Cour Suprême,……………………………………………..…..Membre
Mme. Aj A Ab épouse C, …………...…………………………………..…..Ministère Public
Alain Sainclair ALIMETA,…….......................Greffier
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS
L’an deux mille vingt et le vingt-deux octobre;
La Cour Suprême statuant en matière Sociale ;
En son audience publique ordinaire a rendu l’arrêt
dont la teneur suit ;
ENTRE
Ag Aa, demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Henri NOUMBOSSE Marcel, Avocat à Ak;
D’UNE PART
ET ;
Société CAMEROON UNITED FORESTS SARL (CUF), défenderesse à la cassation, ayant pour conseil Maître Didier NDOUM, Avocat à Ak;
D’AUTRE PART
En présence de Madame, Aj A Ab épouse FOTSO, Avocat Général près la Cour Suprême ;
Statuant sur le pourvoi formé par, Maître Henri NOUMBOSSE Marcel, Avocat au Barreau du Cameroun à Ak, agissant au nom et pour le compte d’Ag Aa Ad, suivant déclaration faite le 10 Juin 2016 au greffe de la Cour d’Appel du Littoral, en cassation de l’arrêt contradictoire n° 130/S rendu le 03 juin 2016 par ladite Cour statuant en matière sociale dans l’instance opposant son client à la Société Cameroon United Forests (CUF);
LA C O U R ;
Après avoir entendu en la lecture du rapport, Monsieur NGOUANA, Conseiller à la Cour Suprême, substituant Monsieur Francis Claude Michel MOUKOURY rapporteur initial;
Vu les conclusions de Monsieur Af B, Procureur Général près la Cour Suprême ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu le mémoire ampliatif déposé le 20 octobre 2016 par Maître NOUMBOSSE Marcel ;
Sur les deux moyens de cassation réunis ainsi présentés :
« 1) SUR LE PREMIER MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 39 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET COMMERCIALE (CI-APRES CODE DE PROCEDURE CIVILE ET COMMERCIALE)
Attendu que l'article 39 du Code de Procédure Civile et Commerciale dispose que: "les jugements contiendront en outre les noms, profession, domicile des parties, l'acte introductif d'instance et le dispositif des conclusions, les motifs et le dispositif. Il y sera indiqué si les parties se sont présentées en personne ou par mandataire ou s 'il a été jugé sur mémoires produis" ;
Dans l'arrêt querellé, il est mentionné que: " ... A RENDU L 'ARRET CI-DESSUS DANS LA CAUSE:
ENTRE
Sieur Ag Aa Ad, ayant élu domicile en l'étude de Maître NOUMBOSSE F.MB, Avocat au Barreau du Cameroun;
Appelant comparant et concluant par le biais dudit avocat, son conseil;
D 'UNE PART
ET
La société CAMEROON UNITED FORESTS ayant pour conseille cabinet d'avocats BALEBA & NDOUM;
Intimée, comparant et concluant par le canal du susdit cabinet;
D'AUTRE PART";
Il est manifeste de constater que cet arrêt a omis de mentionner la profession et le domicile du demandeur, personne physique, de même qu'aucune mention n'a été faite sur la nature de la défenderesse, et éventuellement sa forme, son siège social, s'il s'agit d'une personne morale ou sa profession et son domicile s'il est question d'une personne physique;
Cette omission est une violation de l'article 39 du code de Procédure Civile et Commerciale qui justifie pleinement la cassation de l'arrêt attaqué, conformément à une jurisprudence constante de la Cour suprême (Arrêt n° 57/C du 27 mars 1997, Arrêt n° 22/CC du 8 février 1998) ;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION TIRE DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI N°2006/015 DU 29 DECEMBRE 2006 PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE
Attendu que l'article 7 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire dispose que: "toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L'inobservation de la présente disposition entraîne la nullité d'ordre public de la décision";
Il est constant que la dénaturation des faits, la contradiction entre les motifs et le dispositif sont équivalents à un défaut de motifs sanctionné par l'article 7 de la loi susvisée;
Il est également établi qu'un arrêt qui confirme par adoption de motifs, un jugement frappé de nullité résultant de la violation des textes visés au moyen, emprunte le vice dont est entaché ce jugement (CS Arrêt n°151S du 26 décembre 1985, Aff: Ah Ae Ai C/ EPILE ETOLA Cyrille);
C'est autour de ces branches que le demandeur entend développer son moyen de cassation tiré de la violation de l'article 7 de la loi n02006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire;
a) Sur la première branche de ce moyen pris de la dénaturation des faits
Attendu que la jurisprudence et la doctrine sont d'accord pour considérer qu'une démission provoquée est considérée comme un licenciement déguisé;
La doctrine précise dans ce sens que: "la démission provoquée ou donnée sous la contrainte n'engage pas le travailleur et équivaut à son licenciement"
Le même auteur poursuite en déclarant que: "responsable de la rupture du contrat de travail l'employeur qui par une SERIE DE MESURES VEXATOIRES amène le salarié à donner sa démission" (Traité de droit social, Ac, P. 184) ;
Dans un cas de démission similaire d'un délégué du personnel, la Cour suprême avait décidé que le juge doit vérifier qu'il ne s'agit pas d'un licenciement déguisé (Cour suprême n° 60/S du 22 mai 1986, J.S.A Tome II, P. 137) ;
Or dans le cas d'espèce l'arrêt attaqué rejette le licenciement déguisé au motif que le travailleur n'aurait pas rapporté la preuve des mauvais traitements dont il est victime;
Pourtant en matière sociale, la charge de la preuve revient à l'employeur qui est la partie la plus forte à la relation de travail et non au travailleur généralement dépourvu de moyens de preuve;
De plus, ni le jugement confirmé, ni la Cour d'Appel n'a pris des dispositions pour vérifier comme la Cour suprême l'a prescrit, la légitimité du licenciement, car ils auraient pu ordonner une enquête sociale pour s'enquérir sur le champ des conditions de travail inhumaines dans la société CUF S.A.R.L;
Cette vérification était d'autant plus justifiée que dans la lettre de démission de sieur Ag, ce dernier évoque tous ces mauvais traitements qui l'ont poussé à la démission;
L'arrêt attaqué mérite en conséquence d'être cassé pour avoir ainsi dénaturé les faits;
Sur la deuxième branche du moyen prise de la contrariété entre les motifs et le dispositif
Attendu que le jugement confirmé déclare que ; "se déclare incompétent à statuer sur les demandes en délivrance de certificat de travail, paiement de la gratification du 13ème mois, indemnité pour opération accident de travail, dommages intérêts pour licenciement abusif qui n'ont pas été soumises au préalable de la tentative de conciliation" (3ème rôle du jugement) ;
Or, le même jugement mentionne parmi les chefs de demande de sieur Ag Aa tels que contenus dans le procès-verbal de non conciliation du 31 mai 2011: " ...
8) dommages intérêts pour préjudice subi: 1.000.000 FCFA" (1er rôle) ;
Il y a donc une contradiction évidente entre les motifs qui constatent que les dommages intérêts ont été réclamés à l'inspection du travail et le dispositif qui dit que lesdits dommages intérêts n'ont pas été soumis au préalable de la conciliation;
En tout état de cause, sieur Ag a bel et bien sollicité à l'inspection du travail, le paiement par son employeur de dommages intérêts, tels qu'il figure dans le procès-verbal de non conciliation du 31 mai 2001 ;
En confirmant ce jugement par adoption de motifs, l'arrêt attaqué a naturellement fait sien ce vice et mérite cassation;
Il y a donc en l'espèce, une contrariété entre les motifs et le dispositif, d'où la cassation de l'arrêt attaqué ;
Attendu par ailleurs que le jugement confirmé a clairement repris les chefs de demande de sieur Ag, notamment: des primes de risque, de salissure, d'assiduité, l'indemnité de panier, l'indemnité de transport, le paiement des heures supplémentaires, les dommages intérêts dus au travailleur, et la délivrance des bulletins de paie;
Sur ces demandes, le premier juge déclare que: " AU FOND
---Dit qu'il n y a pas licenciement mais démission du demandeur;
---déboute ce dernier de toutes ses autres demandes comme non fondées" (dernier rôle) ;
Mais attendu que cette conclusion de l'arrêt attaqué cristallise également une contrariété entre les motifs et le dispositif;
En effet, le jugement confirmé se comporte comme s'il y avait un lien entre la nature de la rupture de la relation de travail entre les parties et les demandes de sieur Ag, alors que ce n'est pas le cas;
En effet, les chefs de demande de sieur Ag seraient dus à ce dernier quel que soit la nature de la rupture du contrat de travail, c'est-à-dire que ce soit une démission ou un licenciement;
En effet, toutes les primes et indemnités réclamées par sieur Ag ne dépendent pas dans leur fondement de la nature de la rupture du contrat de travail, comme ce serait le cas s'il s'était agi de l'indemnité de préavis ou de l'indemnité de licenciement;
Par exemple s'agissant de la délivrance des bulletins de paie, nul ne peut contester à sieur Ag le droit à ses bulletins de paie;
Il y' a donc également sur ce point une contrariété entre les motifs et le dispositif »
Attendu qu’en vertu de l’article 35(1) de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, le moyen invoqué à l’appui du pourvoi doit indiquer le cas d’ouverture à pourvoi sur lequel il se fonde ;
Qu’il en résulte qu’un moyen qui ne vise pas le cas d’ouverture à cassation en vertu duquel il est soulevé ne peut être accueilli ;
Attendu que tels que présentés, en l’espèce, les deux moyens réunis ne visent pas les cas d’ouverture à cassation en vertu desquels ils sont soulevés ;
Que ce faisant lesdits moyens ne sont pas conformes à l’article 35 (1) susvisé ;
Qu’il s’ensuit qu’ils sont irrecevables et que le pourvoi encourt le rejet ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi ;
Ordonne qu’une expédition du présent arrêt sera transmise par le Greffier en Chef de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême à Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel du Littoral et une autre au Greffier en Chef de ladite juridiction pour mention dans leurs registres respectifs.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême en
son audience publique ordinaire du vingt-deux octobre deux mille vingt en la salle des audiences de la Cour où siégeaient :
3ème et dernier rôle
Mme. Irène NKO TONGZOCK, Présidente de la Section Sociale à la Cour Suprême,……………Président
M. Paul BONNY, Conseiller à la Cour
Suprême,…………………………………………………..……Membre
M. NGOUANA, Conseiller à la Cour
Suprême,……………………….……………………………………Membre
En présence de Madame. Mme. Aj A Ab
épouse FOTSO, Avocat Général, occupant le
banc du Ministère public ;
Et avec l’assistance de Maître Alain
Sainclair ALIMETA, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Conseillers et le Greffier ;
En approuvant__________ligne(s)______Mot(s)
rayé(s) nul(s) et________________renvoi(s) en marge ;
LE PRESIDENT, LES CONSEILLERS, LE GREFFIER