1- La tacite reconduction ne transforme pas un contrat de bail commercial à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée. Il appartient donc au locataire de notifier son intention de renouveler le contrat au bailleur trois mois avant le terme du bail. Le locataire qui ne se conforme pas à cette formalité légale verra son contrat de bail éteint à l’échéance fixée ; son maintien sur les lieux loués devenant une voie de fait à laquelle le bailleur peut mettre fin en sollicitant son expulsion devant la juridiction compétente.
2- L'acheteur d'un immeuble donné à bail à un locataire commerçant est substitué de plein droit dans les droits du bailleur. Après notification de l’acte de cession au locataire, le nouveau bailleur peut légitimement agir en justice contre le locataire indélicat et ne peut se voir opposer valablement le défaut de qualité pour agir.
3- Les terrains nus, objet d’un contrat de bail commercial, qui sont restés tels quels après la conclusion du contrat ne sont pas exclus du champ d’application de l’AUDCG. Par conséquent, l’absence de construction érigée sur un terrain litigieux n’altère en rien le caractère commercial du contrat ainsi conclu.
ARTICLES 69, 92, 93, 97 AUDCG
(COUR D’APPEL DU LITTORAL, ARRET N°193/CC DU 04 JUILLET 2011, L’A C B C/ LA SOCIETE AFRICAINE DE PROMOTION IMMOBILIERE)
LA COUR
- Vu le jugement n°134 rendu le 25 juin 2008 par le Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, statuant en matière civile et commerciale dans la cause opposant la Société Africaine de Promotion Immobilière (SAPI) SCI à l’A C B SA ;
- Vu la requête d’appel du 28 juillet 2008 présentée le 14 août de la même année par l’A C B SA ;
- Vu l’incident relevé à l’audience du 05 avril 2010 par la SAPI SCI ; - Ouï Monsieur le Président en son rapport ; - Vu les pièces du dossier de la procédure ; - Après en avoir délibéré conformément à la loi ; - Considérant que par requête du 28 juillet 2008 enregistrée au Greffe de la Cour
d’appel de céans le 14 août de la même année sous le n°1476, Me ABDOULAYE MENDENG IBRAHIMA a, pour le compte de l’A C B SA, interjeté appel contre le jugement n°134 du 25 juin 2008 sus visé ;
- Qu’à l’audience du 05 avril 2010, la SAPI SCI ayant pour conseil Me Henri KOUNTCHOU KENMOGNE, Avocat au Barreau du Cameroun, a relevé appel incident dudit jugement ;
EN LA FORME - Considérant qu’au regard des dispositions conjuguées des articles 192, 193 et 199 du
Code de Procédure Civile et Commerciale, les appels (principal et incident) sus spécifiés sont intervenus dans les forme et délai prescrits par la loi ;
- Qu’il convient de les recevoir ; - Considérant que toutes les parties ont conclu par l’organe de leurs conseils respectifs ; - Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard ;
AU FOND - Considérant que l’appelant principal fait grief au premier juge d’avoir, dans sa
décision avant dire droit du 23 juin 2008, violé les dispositions de l’article 8 de l’Ordonnance n°74/1 du 06 juillet 1974 portant régime foncier en déduisant le droit de propriété de la SAPI SCI sur l’immeuble litigieux, non pas d’un acte de cession notariée comme prescrit par ces dispositions légales, mais plutôt du titre foncier n°22.476/W ;
- Qu’il reproche par ailleurs à la décision de fond intervenue le 25 juin 2008, d’une part, la dénaturation des faits qui a conduit le Tribunal ci-dessus désigné à appliquer les dispositions de l’article 92 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général afférentes au bail commercial à durée déterminée à une convention dont le renouvellement implicite a rendu la durée indéterminée, et d’autre part d’avoir ordonné son expulsion en se fondant sur un droit de propriété non prouvé ;
- Qu’il sollicité l’infirmation des deux décisions dans leur intégralité ; - Considérant que dans ses écritures subséquentes, l’A C B tout en
renchérissant ses prétentions, demande plutôt l’annulation des deux décisions attaquées, motif pris de ce que d’une part elles ont violé l’obligation qui leur est faite par l’article 39 du code suscité de reprendre le dispositif des conclusions produites par les parties, et d’autre part, ignoré les dispositions de l’article 69 (3) de l’Acte uniforme précité, lesquelles excluent du champ d’application des normes communautaires relatives au bail commercial, les immeubles nus et restés tels quels après leur mise à bail, à l’instar de celui de l’espèce ;
- Considérant que pour sa part, la SAPI SCI critique le silence observé par le juge de fond quant à sa demande relative à l’astreinte de 5.000.000 (cinq millions) francs par jour de retard à l’exécution de l’expulsion ;
- Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, toute décision est, sous peine de nullité d’ordre public, motivée en fait et en droit ;
- Considérant qu’en l’espèce, le Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo bien qu’ayant valablement reçu et évoqué dans son jugement n°134 du 25 juin 2008 la demande aux fins d’expulsion sous astreinte de 5.000.000 francs par jour de retard, il est cependant resté muet sur la nécessité ou non d’assortir sa décision de cette mesure de contrainte pourtant explicitement demandée ;
- Qu’en omettant de se prononcer sur une branche de la demande formulée par la SAPI SCI, le premier juge a entaché sa décision de fond d’un vice dont la sanction est la nullité d’ordre public, au sens des dispositions ci-dessus rappelées de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 ;
- Considérant que sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs tendant à obtenir l’annulation du jugement entrepris, il y a lieu de s’en tenir à celui-ci pour prononcer cette sanction ;
- Considérant qu’en vertu du pouvoir d’évocation reconnu à la Cour d’appel par l’article 212 du Code de Procédure Civile et Commerciale dans un tel cas, il y a lieu d’évoquer la cause et d’y statuer à nouveau ;
- Considérant que pour solliciter l’expulsion sous astreinte de 5.000.000 de francs par jour de retard de l’A C B de la parcelle de 1080 m2, partie d’un ensemble plus vaste d’une superficie de 9506 m2 sis au quartier Akwa, lieu dit BONEBONG et objet du titre foncier n°22472/W, tant de corps, de biens que de tous occupants de son chef, la SAPI SCI expose :
- Qu’elle a acquis l’immeuble sus décrit à la suite d’un contrat de vente intervenu courant 2003 entre elle et la société Industrielle des Produits Chimiques et Aéronautiques (SIPCA) SA ;
- Que cette convention a été passée suivant acte n°6661/REP reçu à Aa le 05 février 2003 par Me Martine NGASSEU TCHOKONDET, Notaire intérimaire à l’étude de Me KOFFI TCHANKOU-SABOU Madeleine et Marquise ALAM EBOUTOU SOME, Notaire à Aa, et le titre foncier y afférant muté à son bénéficiaire ;
- Que du fait de cette transaction intervenue alors que plusieurs commerçants dont l’A C B occupaient ledit immeuble en qualité de locataires, elle s’est substituée à la vendeuse dans son rôle de bailleresse et a multiplié les efforts et séances de travail pour en notifier l’appelant ;
- Qu’elle a plutôt été surprise d’apprendre qu’à la demande de ce locataire, ses loyers échus et dus par celui-ci seront placés sous séquestre auprès du Greffier en chef du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, suivant ordonnance gracieuse n°355 rendue le 17 décembre 2003 par le Président de cette juridiction ;
- Qu’à sa requête, cette ordonnance e été rétractée par celle de référé n°422 du 18 août 2004, confirmée par l’arrêt n°89/REF du 10 mai 2006 ;
- Qu’ayant notifié l’A C B d’un préavis de 06 mois en prélude à la résiliation de leur bail, en vue du projet de construction d’un centre commercial moderne sur le site, elle s’est heurtée à l’insensibilité de son locataire qui, au mépris des dispositions de l’article 92 de l’Acte uniforme OHADA cité plus haut, n’ a jamais notifié aucune de ses précédentes bailleresses de son intention de renouveler leur contrat, se maintenant ainsi sans droit sur le terrain au-delà du 30 juin 2000, terme pourtant prévu au bail, ce qui constitue assurément dès lors une voie de fait ;
- Qu’elle conclut que la sanction de cette carence est la déchéance de l’A C B de son droit au renouvellement du bail et partant, son expulsion ;
- Considérant que pour faire échec à l’action de la SAPI SCI, l’A C B fait valoir que ladite société n’a aucune qualité pour demander son expulsion et conclut à l’irrecevabilité de l’action ;
- Qu’il soutient que suivant jurisprudence de la Cour d’appel du Littoral, arrêt n°113/C du 16 septembre 1994, la qualité du demandeur en justice s’appréciant au moment de l’introduction de son action, la SAPI SCI qui prétend être nouvelle propriétaire de l’immeuble litigieux objet du titre foncier n°22.472/W se doit d’en rapporter la preuve ;
- Qu’au Cameroun, la preuve d’un droit réel immobilier est établie par acte notarié suivant l’article 8 de l’Ordonnance n°74/1 du 06 juillet 1974 qui dispose que « les actes constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers doivent, à peine de nullité être établis en la forme notariée » ;
- Qu’en introduisant son action, la demanderesse n’a pas produit l’acte notarié de la prétendue vente du 05 février 2003 à l’issue de laquelle elle serait devenue propriétaire de l’immeuble disputé ;
- Qu’il fait valoir en outre que rien n’établit que la société britannique PATERSON et ZOCHONIS, propriétaire réel du titre foncier sus évoqué ne l’est plus, tant qu’il n’a pas été muté au profit d’un tiers ;
- Que la société britannique a apporté l’ensemble immobilier à la constitution de la SIPCA SA en 1994 sans pour autant que le titre foncier soit muté depuis lors, au profit de cette dernière ;
- Que par ailleurs, alors qu’aucun propriétaire immobilier étranger ne peut vendre son immeuble sans que l’Etat du Cameroun ait expressément renoncé à son droit de préemption et autorisé ladite vente, la SIPCA SA au mépris du droit de préemption tant de l’Etat du Cameroun que de celui des locataires contemporains de ladite vente dont le projet ne leur a du reste pas été préalablement notifié ;
- Que pourtant le droit de préemption n’est ni un devoir moral, ni une option doctrinale puisque le Tribunal de Grande Instance/Wouri saisi en annulation de la prétendue vente de l’immeuble à la SAPI SCI, a reconnu que c’est un droit d’acquisition préférentiel reconnu tant par la doctrine que par la loi ;
- Que dans un premier temps, le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo a dénié à la SAPI SCI la qualité de propriétaire au motif que le titre foncier présenté n’était pas muté à son profit, encore moins à celui de la SIPCA SA ;
- Que compte tenu de ces contestations relatives tant à la validité de la pseudo-vente qu’à la propriété de l’immeuble litigieux, il a demandé au président du Tribunal de Première Instance/Douala-Bonanjo d’ordonner la consignation des loyers échus entre les mains du Greffier en chef de ladite juridiction jusqu’à ce que soient établies la réalité de la propriété dudit immeuble et la validité de sa vente, d’où l’ordonnance n°355 du 17 décembre 2003 sus évoquée ;
- Qu’à ce jour cette ordonnance n’a pas fait l’objet d’une rétractation définitive, la Cour suprême ayant été saisie par lui d’un pourvoi contre l’arrêt infirmatif de la Cour d’appel du Littoral ;
- Que réagissant relativement à l’article 92 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général, l’A C B excipe de ce que l’article 97 du même acte uniforme qui dispose qu’ « en cas de renouvellement accepté expressément ou implicitement par les parties, et sauf accord différent de celle-ci, la durée du nouveau bail est fixée à trois ans », édulcore l’effet de l’article 92 en prévoyant la possibilité d’un renouvellement implicite du bail commercial ;
- Qu’en effet, soutient-il, après plusieurs renouvellements conformes à l’article 92 de l’Acte uniforme OHADA n°1, le bail commercial conclu entre l’A C B et la société SIPCA SA a fait l’objet d’un renouvellement implicite suivant l’article 97 du même texte communautaire, à la suite d’une tentative de son expulsion par ladite société après que cette dernière a perçu par avance un trimestre de loyers échus, qui a buté le 10 juillet 2002 sur une ordonnance de débouté du président du Tribunal de Première Instance/Douala-Bonanjo, juge des référés ;
- Qu’il conclut sue ce point que de ce fait, le bail a été renouvelé implicitement pour une période de trois ans, à la date du 10 juillet 2002 ;
- Que sur le point de l’inobservation du délai de préavis invoqué par la SAPI SCI, l’A C B fait valoir que le préavis étant la période qui doit obligatoirement s’écouler entre l’annonce faite par une des parties à un contrat à durée indéterminée de sa décision de mettre fin audit contrat et la cessation effective de celui-ci, l’article 93(1) de l’Acte uniforme OHADA précité dispose à ce sujet que « dans le cas d’un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend résilier doit donner congé par acte extra judiciaire au moins six mois à l’avance » ;
- Qu’en l’espèce, le bail étant à durée indéterminée, il ne restait à la bailleresse aucune possibilité de notifier au preneur un quelconque délai de préavis, encore que la prétendue notification a été faite à la requête d’un tiers au bail qui n’y avait pas qualité, notamment la SAPI SCI ;
- Qu’il conclut que le PV de notification du 02 décembre 2004 à l’A C B n’emportait dès lors aucun effet juridique et ne saurait servir de socle pour lui reprocher l’inobservation de ce préavis ;
- Que d’ailleurs dès réception de la fameuse correspondance intitulée « Notification d’un préavis », il a soulevé des contestations sérieuses sur la propriété de l’immeuble litigieux et la validité de son transfert, et subsidiairement, la violation de son droit de préemption sur ledit immeuble ;
- Qu’en exécution de l’ordonnance n°355 du 17 décembre 2003 suscitée et non définitivement rétractée, il s’acquitte régulièrement de ses loyers auprès du Greffier en chef désigné comme séquestre, comme en fait foi la lettre de transmission d’un chèque certifié d’un montant de 3.420.000 (trois millions quatre cent vingt mille) francs représentant six mois de loyer courant du 1er janvier au 30 juin 2008 ;
- Qu’il soutient que son maintien sur les lieux ne constitue en aucun cas une voie de fait pouvant justifier son expulsion tant il existe des contestations sérieuses sur la prétendue vente de l’immeuble litigieux à la SAPI SCI par la SIPCA SA, aucune décision définitive a cette date n’ayant reconnue l’effectivité de la légalité du transfert par vente d’un titre foncier appartenant toujours à la société PATERSON et ZOCHONIS, car jamais muté ;
- Considérant qu’en cause d’appel, l’A C B SA sous la plume de son conseil suscité et Me Arlette NGOULLA FOTSO, Avocat au Barreau du Cameroun, a réitéré ses précédentes prétentions ;
- Qu’il les renchérit toutefois en sollicitant l’annulation de la vente immobilière intervenue entre la SIPCA SA et la SAPI SCI, le 05 février 2003, tirant argument du défaut de production de l’acte notarié d’acquisition, et de la violation précédemment développée de son droit de préemption ;
- Qu’en outre, il fait valoir que les dispositions de l’article 69 de l’Acte uniforme OHADA n°1 mettent hors du champ d’application de cette norme communautaire les terrains loués nus et restés tels quels après leur mise à bail même à des fins commerciales, à l’instar de celui du cas d’espèce ;
- Que le présent litige n’a dès lors aucune vocation à s’apprécier aux cribles des dispositions légales communautaires et encore moins de celles de l’article 92 de l’Acte uniforme OHADA précité ;
- Considérant que pour faire obstruction à cet argumentaire, la SAPI SCI soulève l’exception d’irrecevabilité de la demande tendant à l’annulation de la vente immobilière du 05 février 2003, motif pris de ce qu’elle apparaît pour la première fois en instance d’appel, violant ainsi les dispositions de l’article 207 du Code de Procédure Civile et Commerciale ;
- Que relativement au bénéficie des dispositions de l’article 69 de l’Acte uniforme OHADA n°1, l’intimé conclut au dilatoire et fait observer que lesdites dispositions n’oblitèrent en rien le problème juridique posé par le litige, notamment l’extinction d’un bail commercial à durée déterminée, ni la pertinence du contrat produit aux débats, prévoyant son propre terme au 30 juin 2000 et interdisant à son article 4 sa tacite reconduction ;
I- Sur l’exception d’irrecevabilité de l’action en expulsion de la SAPI SCI
- Considérant qu’il est reproché à la SAPI SCI son défaut de qualité à demander l’expulsion de l’occupant d’une parcelle sur laquelle elle ne prouve pas valablement sa propriété, car la production d’un titre foncier et non d’un acte notarié translatif de droit réel immobilier en la forme notariée, n’est pas suffisante ;
- Considérant qu’en effet, l’article 8 de l’ordonnance n°71/1 portant régime foncier du Cameroun dispose que « les actes constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers doivent, à peine de nullité être établis en la forme notariée » ;
- Considérant toutefois qu’il ressort des dispositions de l’article 1er du décret n°76/165 du 25 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret n°2005, que « le titre foncier est la certification officielle de la propriété immobilière » ;
- Qu’il découle de la conjugaison des dispositions légales ainsi rappelées que si l’acte notarié permet d’authentifier la volonté d’une des parties dans la constitution, la transmission ou l’extinction des droits réels immobiliers entendus dans leur sens le plus globalisant, la propriété immobilière est quant à elle, exclusivement prouvée par le titre foncier, clef de voûte du processus d’acquisition de ce droit auquel concourt entre autres exigences et formalités légales, l’acte notarié de l’article 8 de l’ordonnance n°74/1 du 06 juillet 1974 précité ;
- Que d’ailleurs en pratique administrative, l’un des mérites de l’acte notarié est de permettre au conservateur de la propriété foncière d’inscrire dans la section du titre foncier, prévue à cet effet, et sans courir le risque d’une éventuelle méprise, toutes les mentions se rapportant à des faits ou actes juridiques, qui visent à constituer, transmettre, alléger, modifier, grever, paralyser ou même éteindre la propriété immobilière ;
- Considérant en l’espèce, que la SAPI SCI a après communication, à la partie adverse produit dans le bordereau de ses pièces, sous numéros 1 et 2 et sans que l’un soit exclusif de l’autre, une copie du titre foncier n°22472/W relatif à l’immeuble dont une parcelle est disputée et dont il ressort de la section IV intitulée MUTATIONS que l’immeuble y afférant est la propriété de la SAPI SCI depuis le 05 février 2003 ainsi que l’acte de vente n°6661 du répertoire de Me Martine NGASSEU, notaire à Aa, par lequel la SIPCA SA cède l’immeuble objet du titre foncier n°22472/W préalablement reçu comme apport de la société PATERSON ZOCHONIS lors de sa constitution, à la SAPI SCI ;
- Qu’en vertu desdites pièces, l’argument de l’appelant tiré du défaut de leur communication apparaît inopérant et mérite d’être écarté des débats ;
- Qu’en conséquence, cette translation du droit de propriété entre la SIPCA SA et la SAPI SCI induit inéluctablement la substitution de cette dernière à la SIPCA SA dans le bail la liant à l’A C B SA et du reste non contesté par celui-ci, l’accessoire suivant ipso facto le principal ;
- Que d’ailleurs cette substitution a été portée à la connaissance de l’appelant tel qu’il ressort de l’exploit du 04 juin 2003 également produit aux débats, du ministère de Me KAMWA Gabriel, Huissier de justice à Aa, requis par la SAPI SCI à l’effet de signifier à Akwa Palace qu’elle est depuis le 05 février 2003 propriétaire de l’immeuble abritant l’espace par lui occupé suivant contrat passé avec la SIPCA SA, précédent propriétaire ;
- Que de surcroît, le locataire a dans ses écritures affirmé avoir volontairement ignoré cette information ;
- Qu’il résulte dès lors de ce qui précède que la SAPI SCI en tant que nouvelle propriétaire de l’immeuble litigieux, s’est valablement substituée à la précédente bailleresse, acquérant de ce fait la qualité requise pour ester en expulsion de son locataire ;
- Qu’il convient alors de rejeter l’exception soulevée par l’A C B SA ;
II- Sur la validité de la vente immobilière intervenue le 05 février 2003 entre la SIPCA SA et l’intimé
- Considérant que l’A C B SA allègue que la transaction foncière du 05 février 2003 tire sa nullité de ce qu’elle s’est opérée sans purge préalable du droit de préemption de l’Etat du Cameroun en matière de vente immobilière par des étrangers, ni de celui des occupants contemporains du projet de vente ;
- Qu’en sus, ladite vente n’a pas été établie sur la foi d’un acte notarié ; - Qu’en outre, elle fait l’objet d’une instance en annulation encore pendante devant le
Tribunal de Grande Instance/Wouri ; - Qu’enfin, il sollicite de la Cour l’annulation de ladite vente ;
1. Sur le droit de préemption - Considérant que des dispositions combinées des articles 23 et 28 du décret du 21
juillet 1932 instituant au Cameroun le régime foncier de l’immatriculation et 10 (3) nouveau de la loi n°80/21 du 14 juillet 1980 modifiant et complétant l’article de l’ordonnance n°71/1 du 06 juillet 1974 fixant régime foncier disposent que « la préemption est le droit reconnu à tout copropriétaire indivis d’un immeuble, à tout cohéritier sur les immeubles de la succession, à tout copropriétaire indivis d’une maison d’habitation, superficiaire pour l’acquisition du sol et au propriétaire du sol pour l’acquisition de la superficie, d’acquérir la portion vendue à un tiers en se substituant à cet acquéreur, moyennant le remboursement du prix de vente, y compris des loyaux coûts du contrat, et, s’il y a lieu, des dépenses engagées pour l’amélioration » ; que l’Etat du Cameroun en jouit en cas de revente par toute personne de nationalité étrangère, et qu’il se prescrit, dans tous les cas, par six mois à partir de la vente ;
- Considérant qu’en l’espèce, l’examen de l’expédition produite de l’acte notarié de la vente immobilière contestée fait saillir le visa n°000105 apposé le 16 janvier 2003 par
le Ministère de l’urbanisme et de l’Habitat alors en charge des affaires foncières, transmis suivant lettre adressée au notaire instrumentaire le même jour sous le n°00015.Y.2.3/MINUH/D300 et produite aux débats, traduisant de ce fait l’onction accordée par l’Etat du Cameroun à la transaction projetée et par là, la renonciation à son droit de préemption ;
- Que les éléments ainsi relevés attestent à suffire la preuve de la renonciation délibérée par l’Etat de son droit de préemption sur l’immeuble en cause ;
- Que s’agissant de celui allégué par l’A C B à son propre bénéficiaire, il ne repose sur aucun fondement légal à la lecture des articles 23 et suivants du décret suscité de 1932 qui cite de manière exhaustive les bénéficiaires de ce droit et leur préséance, relativement à la vente des immeubles immatriculés ;
- Considérant qu’au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater la vacuité de cette branche du moyen, d’y dire l’appelant mal fondé et de le rejeter en conséquence
2. Sur l’absence de preuve de la vente par acte notarié - Considérant qu’il y a lieu, pour rejeter cette prétention, de reconduire les motifs
précédemment développés au sujet du défaut de qualité de l’intimé ; - Qu’en effet, la SAPI SCI ayant prouvé à suffisance sa propriété sur l’immeuble
litigieux par la production non seulement du titre foncier n°22472/W, mais également de l’expédition de l’acte de vente n°6661/REP du 05 février 2003 ayant servi à la mutation dudit titre foncier à son profit, il convient de rejeter purement et simplement cette prétention ;
3. Sur l’instance en annulation pendant devant le Tribunal de Grande Instance/Wouri
- Considérant que l’appelant sollicite de la Cour que la validité de la vente contestée soit subordonnée à l’issue de l’instance en annulation de ladite vente, pendante devant le Tribunal de Grande Instance du Wouri ;
- Mais considérant qu’il est de règle générale que la preuve d’un fait incombe à celui qui l’allègue ;
- Qu’en l’espèce, hormis ces allégations, l’A C B n’offre guère de prouver de quelque manière que ce soit l’existence de la procédure en annulation de la convention passée entre l’intimé et la SIPCA SA ;
- Qu’il échet, partant, de passer outre ses déclarations non justifiées lesquelles au demeurant, n’ont aucune incidence sur la cause ;
4. Sur la demande en annulation de la vente présentée par conclusions du 29 juin 2010 à l’audience du 05 juillet 2010
- Considérant qu’en cause d’appel, l’A C B SA a sollicité par ses conclusions du 29 juin 2010 présentées à l’audience du 05 juillet 2010, l’annulation de la vente consentie entre l’intimé et la SIPCA SA ;
- Considérant qu’aux termes de l’article 207 du Code de Procédure Civile et Commerciale, « il ne sera formé en cause d’appel aucune nouvelle demande, à moins qu’il ne s’agisse de compensation ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l’action principale (…) ne pourra être considérée comme nouvelle, la demande originaire et tendant aux mêmes fins que se fondant sur des causes ou des motifs différents » ;
- Considérant que dans le cas d’espèce, la demande en annulation ne saurait constituer, comme tente de le faire admettre l’appelant, une défense à l’action principale en expulsion, tant elle est présentée par un tiers à la vente et qui n’y a ni qualité, ni intérêt, comme il a été démontré plus haut ;
- Considérant du reste que, ni les précédents propriétaires de l’ensemble immobilier abritant le site litigieux, ni les autres locataires et riverains ne contestent ladite vente ;
- Qu’en outre, les prétentions de l’appelant principal ne portent guère sur la globalité du fond, mais uniquement sur les 1080m2 de la parcelle objet de son bail ;
- Considérant par ailleurs qu’une annulation du contrat de vente du 05 février 2003 restaurerait certainement la SIPCA SA dans ses droits de bailleresse, mais ne résoudrait absolument pas la question de l’expulsion tant il est vrai que les relations entretenues avec cet ex-propriétaire étaient déjà en leur temps, chaotiques et leur contrat éteint de droit ;
- Qu’il en résulte que cette demande qui est présentée pour la première fois en cause d’appel ne constitue nullement un moyen de défense et doit être déclarée irrecevable ;
III- Sur le lien contractuel entre la SAPI SCI et l’A C B - Considérant que l’appelant principal soutient tantôt que l’Acte uniforme OHADA
relatif au droit commercial général n’a point vocation à s’appliquer à la convention qui la lie à la SAPI SCI, tantôt que, bien que leur contrat porte sur un bail commercial, il est à durée indéterminé et répond pour sa résiliation, aux conditions de l’article 97 dudit Acte uniforme ;
1. De la législation applicable - Considérant que l’appelant nie l’applicabilité de la législation communautaire
OHADA à la convention qui le lie à l’intimé ; - Qu’il tire argument de la substance de l’article 69 (3) de l’Acte uniforme ci-dessus cité
énonçant que les dispositions de son livre III - titre premier relatives au bail commercial sont applicables dans les villes de plus de cinq mille habitants, à tous les baux portant sur les immeubles rentrant entre autres catégories, dans celle des terrains nus sur lesquels ont été édifiés avant ou après la conclusion du bail des constructions à usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel, si ces constructions ont été élevées avec le consentement du propriétaire ou à sa connaissance ;
- Qu’il en déduit a contrario que le bail commercial portant sur un terrain resté nu après la conclusion de la convention échappe à la norme communautaire ;
- Considérant toutefois qu’il est de jurisprudence constante et permanente de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) qu’outre le bail à usage d’habitation qui relève de l’ordonnancement juridique national interne, le bail à usage commercial, quel qu’il soit, est exclusivement soumis à la norme communautaire de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ;
- Que telle est l’économie de l’arrêt n°0004/2006 rendu le 09 mars 2006 par la haute instance communautaire ;
- Qu’en l’espèce, l’absence de construction érigée sur le site litigieux n’extirpe en rien du domaine de l’Acte uniforme OHADA n°1 le bail de l’A C B dont ce dernier ne nie d’ailleurs pas le caractère commercial, encore qu’il n’est point établi l’inexistence sur la parcelle en cause de toute construction ;
- Que quand bien même que cela aurait été le cas, l’appelant n’offre guère d’indiquer la norme qui prendrait sous sa coupole pareille convention immobilière à but commercial ;
- Considérant qu’eu égard aux développement qui précèdent et conformément à l’article 10 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique qui dispose clairement que les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure, il sied d’appliquer au bail liant les parties, les dispositions les plus pertinentes de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ;
2. De la nature du contrat de bail liant les parties - Considérant qu’aucune des parties ne nie le caractère commercial du contrat de bail du
1er juillet 1999 conférant la qualité de locataire à l’A C B sur le site litigieux ;
- Que les contestations de l’appelant portent simplement sur son terme ; - Considérant d’autre part que l’A C B ne conteste guère la date du 30 juin
2000 prévue comme terme du bail à l’article 4 du contrat sus spécifié ; - Qu’il prétend tout simplement que la durée dudit bail est implicitement devenue
indéterminée du fait du contentieux qui a émaillé la relation contractuelle et du versement régulier par lui des loyers échus et parfois même non échus entre les mains du Greffier en chef du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo es qualité séquestre désigné ;
- Mais considérant que l’Acte uniforme relatif au droit commercial général prévoit en ses articles 92 et suivants le régime du renouvellement même implicite, du bail commercial ;
- Qu’il découle de la substance de ces dispositions légales que lorsque le bail originel est à durée déterminée, son renouvellement est soumis à la condition de la notification de l’intention du preneur au bailleur par acte extrajudiciaire au plus tard trois mois avant son expiration ;
- Que le preneur qui n’y satisfait point dans le délai sus spécifié est déchu du droit au renouvellement du bail tandis que le bailleur dont l’insensibilité à l’acte extrajudiciaire aura perduré au-delà du dernier mois avant l’expiration du bail est réputé avoir accepté le renouvellement implicite de ce bail pour une durée de trois ans, sauf accords différents ;
- Considérant que telle est la quintessence du renouvellement accepté implicitement, et, maladroitement, allégué par l’appelant ;
- Qu’en effet, l’Acte uniforme précédemment cité ne prévoit point la mue d’un bail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à la faveur d’un contentieux judiciaire qui lui aurait survécu ;
- Considérant qu’au vu de ce qui précède, le bail commercial entre les parties ayant été stipulé à durée déterminée, il convient de lui faire application des dispositions de l’article 92 de l’Acte uniforme suscité ;
- 3. De l’extinction dudit contrat - Considérant que sitôt devenue propriétaire de l’ensemble immobilier abritant la
parcelle litigieuse et partant, la bailleresse de l’appelant, la SAPI SCI a notifié à ce dernier sa décision du 02 décembre 2004 de ne pouvoir reconduire à l’échéance de son terme, le bail qui les liait ;
- Considérant que bien qu’instruit du contrat à durée déterminée qui le liant à la SAPI SCI, l’A C B a omis de solliciter auprès de celle-ci dans les forme et délai de l’article 92 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, le renouvellement de son bail ;
- Qu’en application dudit texte, l’A C B se trouve déchu de son droit au renouvellement ;
- Considérant que consécutivement, il y a lieu de constater d’une part que le contrat de bail du 1er juillet 1999 est expiré et d’autre part, que le maintien de l’A C B sur le site querellé, sans droit ni titre et contre le gré du titulaire du titre foncier n°22472/W qui l’englobe, constitue dorénavant une voie de fait manifeste ;
- Qu’en conséquence, il est urgent d’ordonner son expulsion tant de corps, de biens, que de tous occupants de son chef, de la parcelle querellée ;
- Considérant que l’allure des débats, leur longueur, la nature et la vacuité de la totalité de l’argumentaire développé par l’A C B, dénotent la mauvaise foi caractérisée de ce locataire et son manque de volonté avéré et injustifié de se dessaisir d’un immeuble sur lequel il n’a plus absolument aucun droit ;
- Qu’il y a dès lors lieu, pour l’y contraindre, d’assortir la décision de son expulsion d’une astreinte suffisamment persuasive ;
- Que le montant de 5.000.000 (cinq millions) de francs par jour de retard sollicité à cet effet par la SAPI SCI paraissant exagéré, il convient de le revoir à la baisse et de le fixer à 2.000.000(deux millions) de francs par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
- Considérant conformément à l’article 50 du Code de Procédure Civile et Commerciale précité, que la partie qui succombe au procès en supporte les dépens ;
PAR CES MOTIFS - Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale, en appel,
en dernier ressort, en formation collégiale et à l’unanimité ;
EN LA FORME - Reçoit les appels ;
AU FOND - Annule le jugement entrepris ;
- Evoquant et statuant à nouveau
- Reçoit la SAPI SCI en son action ; - Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’A C B ; - Ordonne l’expulsion de l’A C B SA tant de corps que de biens ainsi que
de tous occupants de son chef de la parcelle litigieuse de l’immeuble objet du titre foncier n°22.472/W, propriété exclusive de la SAPI SCI, sous astreinte de 2.000.000 (deux millions) de francs CFA par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
- Condamne l’A C B aux dépens distraits au profit de Maître Henri KOUNTCHOU KENMOGNE, Avocat aux offres de droit ;
- (…)