La Cour d’appel a annulé le jugement rendu par une juridiction d'instance ayant déclaré recevable l’opposition formée contre une ordonnance d’injonction de payer deux mois après sa signification au collaborateur du débiteur. Statuant à nouveau, la Cour constate que l’opposition n’ayant pas été formée dans le délai de 15 jours, l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance querellée lui a permis de passer en force de chose jugée. Par voie de conséquence, la Cour déclare irrecevable pour forclusion l’opposition ainsi formée par le débiteur.
ARTICLE 10 DU TRAITE OHADA ; ARTICLES 1, 10, 15, 336 ET 337 AUPSRVE
(COUR D’APPEL DU LITTORAL, ARRET N°058/C DU 15 AVRIL 2011, ETAT DU CAMEROUN C/ A FORESTIERE HAZIM & COMPAGNIE ET 08 AUTRES)
LA COUR
- Vu le jugement n°660 rendu le 20 août 2009 par le Tribunal de Grande Instance du Wouri, statuant en matière civile et commerciale ;
- Vu l’appel interjeté contre ce jugement par l’Etat du Cameroun, représenté par les Ministères des finances et des Forêts et de la Faune ;
- Oui les parties en leurs prétentions par leurs conseils respectifs à savoir, Maître Lydienne EYOUM et TCHAKOUTE PATIE Charles, Avocats au Barreau du Cameroun ayant leurs cabinets à Aa, ainsi que Maître NTOLO TSINYA et EBANGA EWODO, Avocats au Barreau du Cameroun ayant leurs cabinets à Yaoundé, pour l’appelant et Maître Emmanuel EKOBO, Avocat au Barreau du Cameroun ayant cabinet à Aa, pour les intimés ;
-
- Vu les réquisitions du Ministère public ;
- Vu les pièces du dossier de la procédure ;
- Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
- Considérant que par requête enregistrée au Greffe de la Cour de céans le 17 septembre 2009, l’Etat du Cameroun pris en ses départements ministériels des finances (MINFI)
et des forêts et de la faune (MINFOF), a relevé appel du jugement susvisé, rendu contradictoirement à son égard le 20 août 2009, dans la cause l’opposant à la société forestière HAZIM &CIE (SFH&Cie), à la société camerounaise de raffinage MAYA & Cie (SCRM & Cie), à la société Plastic and Co SARL, à la société forestière HAZIM SCIENCE NGAMBE TIKAR (SFHSNT), à la société Transport camerounais (TRANSAC), à la société forestière industrielle du Wouri (IBCAM), et au sieur HAZIM CHEHADE HAZIM ;
- Considérant que les intimés susnommés soulèvent l’irrecevabilité de cet appel, interjeté d’après eux, en violation des dispositions de l’article 1er du décret n°73/51 du 10 février 1973 ;
- Qu’ils expliquent en substance que le Ministère des finances croit devoir représenter l’Etat en justice, dans une affaire relative à l’exploitation forestière, alors que le texte susvisé prescrit la défense et la représentation de l’Etat en justice, par le département ministériel directement intéressé ;
- Que s’agissant du Ministère de la forêt et de la faune, s’il est vrai qu’il est le département ministériel directement intéressé, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est forclos, n’ayant pas relevé appel dans les 30 jours du prononcé du jugement querellé, comme l’exige l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
- Qu’au demeurant, la constitution de Maîtres EBANGA EWODO et TCHAKOUTE PATIE pour le compte de l’Etat du Cameroun, sans préciser de quel département ministériel ils tiennent leur mandat, est également irrecevable comme violant implicitement les dispositions du décret du 10 février 1979 susvisé ;
- Mais considérant , comme l’a pertinemment relevé l’appelant, que la fin de non recevoir ainsi soulevée par les intimés est irrecevable, comme excipée après que ces derniers aient conclu au fond, en application de l’article 97 du Code de procédure civile et commerciale, aux termes duquel « toutes les exceptions, demandes en nullité, fin de non recevoir et tous les déclinatoires visés aux articles précédents, sauf exception ratione materiae et l’exception de communication de pièces, seront déclarés non recevables s’ils sont présentés après qu’il aura été conclu au fond » ;
- Qu’il échet de déclarer irrecevables les fins de non recevoir soulevées par les intimés, tirées de l’irrecevabilité de l’appel de l’Etat du Cameroun, et de l’irrecevabilité de la constitution des avocats EBANGA EWODO et TCHAKOUTE PATIE Charles, les pièces du dossier établissant que celles-ci ont été soulevées après que les intimés aient conclu au fond ;
- Qu’il échet, par suite, de déclarer l’Etat du Cameroun recevable en son appel et de statuer sur le mérite du recours contradictoirement à l’égard des parties, toutes ayant conclu ;
- Considérant cela dit, que l’appel de l’Etat tend à la réformation totale du jugement entrepris pour mal jugé ;
- Qu’au soutien de sa prétention, il expose que dans le cadre du recouvrement des amendes prononcées par le Ministère des forêts et de la faune contre la société HAZIM & Cie et le sieur HAZIM CHEHADE HAZIM, pour l’exploitation forestière non autorisée et usage frauduleux du marteau, il a, après établissement des procès verbaux d’infractions à la législation forestière, et la saisine du parquet compétent, fait pratiquer des saisies-conservatoires sur les biens meubles des débiteurs susnommés, avant d’introduire à bonne date, une procédure aux fins d’obtention d’un titre exécutoire ; qu’il a ainsi obtenu du Président du Tribunal de Grande Instance du Wouri, une ordonnance d’injonction de payer n°220/04-05 du 18 mai 2005, enjoignant lesdits débiteurs de lui payer la somme de 16.117.526.309 francs ;
- Que cette ordonnance a été signifiée au nommé C B, collaborateur du sieur HAZIM CHEHADE HAZIM, ès qualité de promoteur de toutes les sociétés susmentionnées, suivant exploit en date du 23 juin 2005, de Maître Guy EFON, Huissier de justice à Aa ; que les intimés attendront le 24 août 2005 soit, deux mois, pour former opposition, alors qu’aux termes de l’article 10 al. 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiés de recouvrement et des voies d’exécution, l’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision d’injonction de payer ;
- Que faute d’opposition dans la quinzaine, il lui a été délivré, à la date du 12 juillet 2005, un certificat de non opposition en vertu duquel la formule exécutoire a été apposée sur l’ordonnance d’injonction de payer obtenue, ainsi passée en force de chose jugée ;
- Qu’en recevant l’opposition formée contre cette ordonnance par les intimés pourtant forclos, le premier juge a fait fi de l’article 10 de l’Acte uniforme susvisé ;
- Que l’exploit du 23 juin 2005 par lequel il a signifié l’ordonnance d’injonction de payer du 14 mai 2005 aux intimés n’ayant été, ni écarté des débats à la suite d’une procédure de faux incident civil, ni anéanti par une décision judiciaire exécutoire prononçant sa nullité, demeure valide ;
- Que l’irrecevabilité de l’opposition des intimés est d’autant plus avérée que lorsqu’intervenait ladite opposition, l’ordonnance querellée était, du fait de la formule exécutoire y apposée, devenue un titre exécutoire, insusceptible de recours, de sorte que la contestation des modalités de son exécution, ne peut avoir lieu que devant le juge du contentieux de l’exécution ;
- Considérant qu’avant de conclure à la recevabilité de son recours, et à la confirmation pure et simple du jugement entrepris, les intimés plaident la mise à l’écart des réquisitions du Ministère public, au motif que la présente cause n’aurait pas dû lui être communiquée, les articles 10 du Traité OHADA, 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, autant que la jurisprudence constante de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage, proscrivant cette pratique dans les matières relevant du droit de affaires OHADA ;
- Que venant au débat proprement dit, ils soutiennent la recevabilité de l’opposition par eux formée contre l’ordonnance d’injonction de payer frauduleusement obtenue d’après eux, par l’Etat du Cameroun le 18 mai 2005 ;
- Qu’ils expliquent que la signification du 23 juin 2005 dont veut se prévaloir l’Etat du Cameroun n’a jamais eu lieu, l’Huissier instrumentaire-Maître Guy EFON- ayant menti à ce sujet et partant, commis un faux qui lui vaut aujourd’hui d’être poursuivi devant le juge pénal ;
- Que la fausseté de cet exploit ressort clairement de ses énonciations invraisemblables, à l’instar de celles figurant sur la rubrique du « parlant à », où le nommé C B prétendument collaborateur « du PDG HAZIM CHEHADE HAZIM », est désigné comme celui qui a reçu copie dudit exploit, alors que, non seulement toutes les sociétés du groupe HAZIM, dont certaines sont des SARL n’ont pas de PDG, mais encore il est invraisemblable que la même personne de C B ait pu recevoir les exploits de toutes les huit sociétés du groupe HAZIM ;
- Que faute pour l’Huissier instrumentaire se s’être transporté dans le siège social de chaque société, pour servir les exploits au représentant légal de chacune d’elles, leur opposition est recevable, en application de l’article 10 al. 2 de l’acte uniforme susvisé aux termes duquel « si le débiteur n’a pas personnellement reçu la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie, les biens du débiteur » ;
- Qu’évoquant le fond du problème, ils expliquent que l’Etat n’a cessé d’afficher un royal mépris de la loi envers des décisions de justice rendues en la cause, depuis sa requête aux fins d’injonction de payer, irrecevable à l’évidence, jusqu’aux saisies abusives pratiquées à leur préjudice les 13 et 14 mai 2009, en passant par la signification ou mieux, la non-signification du 23 juin 2005, de l’ordonnance d’injonction de payer qu’il a frauduleusement obtenue le 18 mai 2005 ;
- Qu’outre qu’elle n’aurait pas due être signée, la créance prétendue ne réunissant pas les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité requises, il y a surtout que cette ordonnance a été vidée de toute substance, depuis que le jugement n°103 rendu de 14 juin 2006 par la Chambre administrative de la Cour suprême, consolidé par l’arrêt n°22/A rendu le 05 février 2009 par l’Assemblée plénière de la Cour suprême, a annulé ce qui en constituait le socle à savoir, les décisions du Ministère des forêts et de la faune ayant infligé des amendes à la SFH &Cie et au sieur HAZIM CHEHADE HAZIM ;
- Considérant qu’il est constant que l’ordonnance d’injonction de payer litigieuse est revêtue de la formule exécutoire ; - Que celle-ci lui confère une présomption légale de vérité et de validité (res judicata pro veritate habetur) qui demeure, aussi longtemps qu’elle restera apposée sur ce titre, réputé passé en force de chose jugée, fermant ainsi la voie à l’opposition formée par les intimés ; - Qu’aussi échet-il d’annuler le jugement entrepris qui a reçu à tort ladite opposition et, statuant à nouveau après évocation, de déclarer celle-ci irrecevable ; - Qu’il n’est nullement besoin dès lors, de s’attarder sur les autres moyens développés par les parties ;
PAR CES MOTIFS
- Statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en appel, en dernier ressort et à l’unanimité des membres ;
EN LA FORME
- Reçoit l’appel de l’Etat du Cameroun pris en ses départements ministériels des finances et de la forêt et de la faune ;
AU FOND
- Annule le jugement entrepris ;
- Evoquant et statuant à nouveau
- Déclare irrecevable, l’opposition formée par la société forestière HAZIM & Cie, la société camerounaise de raffinage MAYA & Cie (SCRM & Cie), la société Plastic and Co SARL, la société forestière HAZIM SCIENCE NGAMBE TIKAR (SFHSNT), la société Transport camerounais, la société forestière industrielle du Wouri et sieur HAZIM CHEHADE HAZIM, contre l’ordonnance d’injonction de payer n°220 rendue le 08 mai 2005 par le président du tribunal de Grande Instance du Wouri ;
- Condamne ces derniers aux dépens solidaires dont distraction au profit de Maîtres Lydienne Y. EYOUM, NTOLO TSINYA, EBANGA EWODO et TCHAKOUTE PATIE, Avocats aux offres de droit ;
- (…)