Dès lors qu’il ressort de la législation applicable, en l’espèce l’article 17 de l’annexe à la convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la législation bancaire dans la CEMAC que la liquidation des établissement bancaires est placée sous la supervision de la COBAC et que le droit applicable ne reconnaît pas le juge-commissaire comme organe de la procédure, les seuls organes étant le l liquidateur bancaire et le liquidateur judiciaire, le premier ne pouvait, sans violer cette loi , procéder en qualité de juge-commissaire, à l’annulation d’une vente à laquelle avait procédé le liquidateur en violation des textes applicables. C’est à bon droit que le juge d’appel annule l’ordonnance du juge-commisaire pour excès de pouvoir.
Article 17 de l’annexe à la convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la législation bancaire dans la CEMAC. AUPCAP
(COUR D’APPEL DU LITTORAL, arrêt n°175/REF du 27 octobre 2008, La Sté OBA-SCI C/ Liquidation B.M.B.C), Observations Yvette Rachel KALIEU ELONGO
LA COUR Vu l’ordonnance n°058/PTGI/DLA rendu le 28 octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance du Wouri à Douala ; Vu l’appel interjeté le 02 novembre 2005 par la SCI OBA ayant pour Conseil Maître WAMBO Jérémie, Avocat au Barreau du Cameroun ; Ouï Monsieur le Président en la lecture de son rapport ; Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions ; Vu les pièces du dossier de la procédure ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME Considérant que suivant requête en date du 02 novembre 2005 reçue au Greffe de la Cour d’Appel de céans le même jour et enregistrée sous le n°138, la société civile immobilière OBA, (SCI OBA) dont le siège social est à Douala Akwa, sis au BD du 27 août BP 12975, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Mme CAPARROS Edith Ursule, associé unique demeurant à Calle Muntaner n°3398021 Barcelone Espagne, laquelle a élu domicile en l’étude de son Conseil Me Jérémie WAMBO, Avocat au Barreau du Cameroun BP 3265 Douala Tel33.42.34.90/33.43.87.45/77.76.56, a interjeté appel de l’ordonnance n°058/PTGI/GI/W/DLA rendue le 28 octobre 2005 par le PTGI du wouri ; Considérant que cet appel est recevable pour avoir été fait suivant les formes et délai prescrits par la loi ;
AU FOND Considérant que l’appelante fait grief au premier juge d’avoir violé les dispositions de l’art. 452 du Code de Commerce relativement à sa compétence en tant que juge commissaire d’annuler la vente d’un immeuble passée par un notaire ; Qu’elle sollicite donc l’annulation pure et simple de cette ordonnance ; Considérant qu’au soutien de cette demande, la société civile immobilière OBA expose ; Que saisi d’un rapport du liquidateur sur la situation de l’immeuble objet du titre foncier n°10/W qui fait l’objet d’une vente à son profit en date du 31 mars 1999 suivant acte n°1535 du répertoire de Maître ENPE Pascal, notaire à Douala, sans l’autorisation préalable du juge commissaire, le Président du Tribunal de Grande Instance du Wouri à Douala agissant ès-qualité de juge commissaire dans la liquidation de la banque Méridien BIAO Cameroun, a annulé ladite vente aux motifs que les articles 470 et 572 du Code de Commerce auraient été violés ; Que or, aux termes de l’art 452 du code de Commerce « le juge commissaire sera chargé spécialement d’accélérer et de surveiller les opérations et la gestion de la faillite. Il fera au Tribunal de commerce, le rapport de toutes les contestations que la faillite pourra faire naître et qui seront de la compétence de ce tribunal » ; Qu’il ne ressort nulle part de ce texte que le juge commissaire a compétence pour annuler une vente d’immeuble passée par le liquidateur ; Que son rôle se limite à surveiller les opérations de liquidation et en dresser, le cas échéant un rapport au Tribunal chargé de les sanctionner éventuellement ; Que d’ailleurs la violation des articles 470 et 572 du Code de commerce n’est assortie d’aucune sanction ; Qu’elle indique enfin que la vente querellée a été régulière puisqu’elle a été précédée d’un avis d’appel d’offre largement publié dans Cameroon tribune n°2925 du 09 juillet 1998, lequel appel d’offres a donné lieu à des offres d’achat dont la sienne qui a été plus consistante ; Qu’à travers cet acte translatif de propriété lui a permis d’obtenir le morcellement du titre foncier n°10/W et d’être propriétaire de celui n°30622/W et le juge commissaire ne peut pas réveiller six ans après cette vente pour estimer qu’elle était nulle ; Qu’en rendant cette ordonnance, le juge commissaire a outrepassé ses pouvoirs et partant sa décision mérite d’être annulée ; Considérant que venant aux débats la liquidation BMBC, agissant par l’entremise de ses Conseils Mes MAKEMBE BEBEY, Aurore NKOM, J.P. SINGHA et KOSSI EBELLE, Avocats au Barreau du Cameroun conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité de la requête de la SCI OBA et subsidiairement, à son débouté comme non fondée ; Que d’après elle, c’est à tort que l’appelante estime que la juge commissaire, qui a annulé la vente de l’immeuble objet du titre foncier n°10/W a outrepassé ses pouvoirs ; Que l’article 572 du Code de Commerce dispose que « les syndics seuls seront admis à poursuivre la vente ; ils seront tenus d’y procéder dans la huitaine, sous l’autorisation du juge commissaire suivant les formes prescrites pour la vente des biens des mineurs » ; Que les articles 540 et 541 du Code de procédure Civile et Commerciale relatifs à la vente des immeubles appartenant aux mineurs quant à eux énoncent qu’ « elle ne pourra être ordonnée après qu’un avis du conseil de la famille qui doit être homologué par le Tribunal qui ordonnera la vente, déterminera la mise à prix de chacun des immeubles à vendre et les conditions de la vente » ;
Que ces dispositions impératives et impérieuses sont d’ordre public étant donné que le régime des liquidations participe de l’ordre public ; Que la vente querellée de l’immeuble susvisé est donc nulle d’une nullité d’ordre public ; Que la demande de nullité de l’ordonnance de la société SCI OBA est dès lors fondée ; Qu’elle indique que contrairement aux allégations de l’appelante sur l’incompétence du juge commissaire, l’article 452 du Code de Commerce sus évoqué lui donne compétence pour surveiller et contrôler la régularisation des opérations et la gestion de la faillite ; Qu’étant le seul juge de la régularité de ces opérations, il est aussi habilité à sanctionner toutes irrégularités commises ; Que ses décisions peuvent faire l’objet d’une voie de recours qui n’est pas l’appel ; Considérant que revenant aux débats la SCI OBA, agissant sous la plume de son Conseil Me Jérémie WAMBO fait observer qu’en l’état actuel de la législation il n’existe pas de juge commissaire en matière de liquidation bancaire ; Que la BMBC avait été mise en liquidation suivant jugement n°117 rendu le 17 novembre 1996 par le Tribunal de Grande Instance du Wouri (qui n’avait pas nommé de juge commissaire) suite au retrait de son agrément par l’autorité monétaire par arrêté n°0491/MINEFI/CAB du 09 août 1996 ; Que sieur MBELLA MBOUM avait été nommé liquidateur ; Que l’article 17(4) de l’annexe à la Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la législation bancaire dans les Etats de l’Afrique Centrale dispose en effet que « tout établissement de crédit dont l’agrément a été retiré entre en liquidation celle-ci est prononcée d’office par les instances judiciaires compétentes sur saisine soit de l’autorité monétaire, soit du liquidateur nommé par la COBAC en vertu de la Convention du 16 octobre 1990 » ; Que l’alinéa 6 du même article précise que « le liquidateur nommé par la COBAC est responsable de la liquidation du fonds de commerce de la banque. Les syndics ou liquidateurs judiciaires assurent la liquidation des autres éléments du patrimoine de la personne morale » ; Que dans le cas d’espèce, la société de recouvrement des créances a été désignée liquidateur bancaire et l’expert MBELLE MBOUM liquidateur judiciaire, aucun autre organe n’intervient dans cette liquidation qui est soumise au contrôle de la COBAC ; Que la réglementation de la liquidation des établissements de crédit est spéciale et déroge aux règles de droit commun du Code de Commerce et de l’Acte Uniforme organisant les procédures collectives d’apurement du passif ; Que la SCI OBA ajoute qu’elle ne pouvait pas attaquer la décision du juge commissaire devant le Tribunal de Grande Instance étant donné que c’est la même personne qui occupait les deux fonctions, elle ne pouvait pas se dédire ; Considérant que toutes les parties à travers leur Conseil ont conclu ; Qu’il échet de statuer contradictoirement à leur égard ; Considérant s’agissant de la qualité de juge commissaire de la liquidation de la BMBC qu’aux termes de l’article 17 de l’annexe à la Convention portant harmonisation de la législation bancaire dans les Etats de l’Afrique Centrale « …tout établissement de crédit dont l’agrément a été retiré entre en liquidation celle-ci est prononcée d’office par les instances judiciaires compétentes sur saisine soit de l’autorité monétaire soit du liquidateur nommé par la COBAC en vertu de l’article 15 de la Convention du 16 Octobre 1990 « pendant la durée de la liquidation, l’entreprise demeure soumise au contrôle de la commission bancaire. Elle ne peut effectuer que des opérations
strictement nécessaires à l’apurement de sa situation. Elle ne peut faire état de sa qualité d’établissement de crédit qu’en précisant qu’elle est en liquidation ; « Le liquidateur désigné par la COBAC est responsable de la liquidation du fonds de commerce de la banque « les syndics ou liquidateurs judiciaires assurent la liquidation des autres éléments du patrimoine de la personne morale » ; Considérant qu’il ressort de ce texte que la spécificité de la procédure de liquidation des banques est qu’elle n’admet pas de juge commissaire, le rôle de surveillance et de supervision des opérations de liquidation étant dévolu à la COBAC ; Que c’est pour cela que ni l’arrêté n°0029/MINEFI/CAB du 10septembre 1996 portant nomination d’un liquidateur bancaire auprès de la BMBC en liquidation, ni le jugement civil n°117 du 07 novembre 1996 portant mise en liquidation d’office de la même banque et nommant un liquidateur judiciaire n’évoquent nullement le juge commissaire ; Considérant donc qu’eu égard à l’inexistence de cette institution s’agissant de la liquidation des banques, c’est à tort que le premier juge a cru devoir s’attribuer cette compétence pour rendre l’ordonnance querellée ; Qu’il s’agit d’un excès de pouvoir blâmable qu’il convient de censurer par l’annulation pure et simple de cette décision ; Considérant que les banques en liquidation étant exceptes du paiement des consignations auprès des cours et tribunaux ; il convient de mettre les dépens à la charge du trésor public ;
PAR CES MOTIFS statuant publiquement contradictoirement à l’égard des parties, en matière de référé, en appel et en dernier ressort, en formation collégiale et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME Reçoit l’appel
AU FOND Annule l’ordonnance entreprise Met les dépens à la charge du trésor public ;
Note : Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO, agrégée des facultés de droit, Université de Dschang (Cameroun)
Cette décision donne l’occasion d’apprécier le particularisme de la liquidation des établissements bancaires au regard du droit commun des procédures collectives. En effet, en dépit de l’adoption de l’AUPCAP et même sous l’empire de la législation antérieure à savoir le code de commerce pour le cas d’espèce, les établissements de crédit restent soumis à des règles particulières en cas de liquidation. Cette particularité peut être notée au niveau des procédures applicables mais elle l’est aussi et d’abord au niveau des organes compétents pour la mise en œuvre de ces procédures.
C’est ainsi que pour les pays de la zone CEMAC dont fait partie le Cameroun les textes applicables sont ceux issus des conventions de 1990 et 1992 portant respectivement création de la COBAC et harmonisation de la législation bancaire dans la zone. Au regard de ce texte, les organes de la liquidation sont le liquidateur judiciaire désigné par les tribunaux et
le liquidateur bancaire désigné par la COBAC qui assure, pour sa part, supervision de la procédure de liquidation.
La BMBC installée au Cameroun était donc soumise à cette législation pour sa liquidation dont la procédure était d’ailleurs ouverte avant l’entre en vigueur de l’AUPCAP. Le juuge-commissaire n’était donc pas un organe compétent dans la conduite de cette liquidation, de sorte, qu’il n’avait aucune compétence pour trancher d’une contestation qui touchait à la procédure et concernait l’annulation d’un acte de vente conclu par le liquidateur.
Les juges saisis, ne pouvaient que constater l’inapplication des règles traditionnelles d’apurement du passif et en déduite que le juge-commissaire n’était pas compétent ( au même titre que le syndic d’ailleurs) eu égard à la procédure en cours.
Sur ces questions, lire également, KALIEU Yvette Rachel, Le contrôle bancaire dans la zone de l’Union monétaire de l’Afrique centrale, Penant, n°841, oct.-déc. 2002, p.445 ; NJOYA NKAMGA Beauclair, La COBAC dans le système bancaire de la CEMAC, Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, T. 13, 2009.