La liquidation d’astreinte constitue une mesure d’exécution forcée qui relève de la compétence du juge de l’exécution. C’est donc à tort que le juge chargé de l’exécution saisi s’est déclaré incompétent d’où l’infirmation, par le juge d’appel de l’ordonnance rendue à cet effet. En statuant de nouveau sur la cause, le juge ramène le montant à une somme inférieure à celle exigée par le demandeur.
Article 49 AUPSRVE
(COUR D’APPEL DU LITTORAL, Arrêt N°149/REF du 18 Août 2008, Affaire Société NINA contre SCB Cameroun & Autres)
LA COUR, Vu l’ordonnance n°032 rendue le 31 Janvier 2008 par le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Ab Ad ; Vu l’appel interjeté le 5 Février 2008 par la Société NINA SARL représentée par le sieur B Ac Aa ; Ouï le Président en la lecture de son rapport ; Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions ; Vu les pièces du dossier de la procédure ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME Considérant que par requête reçue et enregistrée au Greffe de la Cour d’Appel de céans le 6 Février 2008 sous le n°278, la Société NINA SARL dont le siège social est à Ab A 32 a sous la plume de son représentant légal sieur B Ac Aa, interjeté appel de l’ordonnance sus visé ; Considérant que la SCB Cameroun SA par l’organe de son conseil Maître L.Y. EYOUM, Avocat au Barreau du Cameroun, a conclu à l’irrecevabilité de cet appel en ce que la requête dudit ne contient ni les motifs de l’appel, ni les conclusions de l’appelante et qu’aucune expédition de l’ordonnance attaquée n’y a été annexée, et ce en violation des articles 190 et 191 du code de procédure civile et commerciale ; Mais considérant qu’à l’examen des pièces du dossier de la procédure il ressort que contrairement aux allégations de l’intimée toutes les formalités prescrites par les textes suscités ont été respectées ; Qu’en somme cet appel a été fait dans les forme et délai de la loi ; Qu’il y a lieu de le recevoir et de statuer contradictoirement, toutes les parties ayant conclu ;
AU FOND Considérant que saisi d’une action en liquidation d’astreinte prononcée par le jugement n°46 du 23 Octobre 1996 rendu par le Tribunal de Première Instance de Douala, le juge chargé du contentieux de l’exécution dudit Tribunal statuant en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA n°6 s’est déclaré incompétent au motif que
l’astreinte se définissant comme une condamnation pécuniaire prononcée par le juge et destinée à vaincre la résistance d’un débiteur récalcitrant et à amener à exécuter sur une décision de justice ; qu’il ne s’agit donc nullement, conclut-il, d’une mesure d’exécution forcée ni une mesure conservatoire « relevant de l’office du juge du contentieux de l’exécution » ; Considérant que l’appelante fait grief au premier juge d’avoir ainsi statué alors que la liquidation d’astreinte est une mesure d’exécution liquidable par le juge qui l’a prononcée ou par le juge du contentieux de l’exécution conformément à l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA N°6 ; Considérant que s’il est admissible (et logique) que tout juge peut assortir sa décision d’une astreinte, il est tout aussi admissible que celle- ci peut être liquidée par tout juge et a fortiori le juge du contentieux de l’exécution de l’article 49 suscité dont l’office est précisément de statuer sur toute difficulté liée à l’exécution d’une décision de justice ; Qu’au demeurant et à titre du droit comparé, il est édifiant de relever que la jurisprudence et le législateur français (2e ch.Civ. Css du 14 Octobre 1999 cf RTD Civ 2000 .163 et article 35 Loi N°91- 650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution) ont définitivement pris position dans ce sens en décidant que c’est le juge de l’exécution et lui seul qui liquide l’astreinte sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir » ; Considérant qu’il découle de ce qui précède qu’en se déclarant incompétent pour liquider l’astreinte prononcée, le premier juge a exposé sa décision à la censure de la Cour ; Qu’il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise et en statuant à nouveau, se déclarer compétent ; Considérant que la Société NINA SARL expose que par jugement N°46/jugt du 23 Octobre 199 rendu par le Tribunal de Première Instance de Douala, la Société SCB- CL a été condamnée au paiement d’une astreinte de 30.000 FCFA par jour de retard à compter de la date de signification de l’ordonnance de référé n°540 du 10 Janvier 1996 jusqu’à la date où elle se résoudra à observer le dispositif de ladite ordonnance lequel prescrivait à la société SCB- CL de lui restituer le titre foncier N°12836/W ; Que ladite ordonnance a été signifiée le 04 juin 1996 et la restitution dudit titre foncier par cette banque n’a pu voir lieu que le 07 février 2001, soit 1491 jours plus tard ; Qu’elle sollicite donc la liquidation de cette astreinte à la somme de 30 000Fx 1491 jours = 44 730 000 FCFA ; Considérant qu’il est constant que du 04 Juin 1996 (date de la signification de l’ordonnance) au 7 Février 2001 (date de la restitution effective du titre foncier retenu) il s’est écoulé 1491 jours ; que la SCB- CL n’a point daigné justifier sa résistance à s’exécuter ; Considérant qu’il est communément admis que l’astreinte provisoire dont est assortie une décision doit être liquidée en tenant compte non seulement de celui à qui l’injonction a été adressée mais également des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécution ; Considérant que dans le cas d’espèce qu’en dépit du mutisme de la SCB CL SA relativement au fondement de son refus de restituer le titre foncier susvisé et ce durant quatre ans, il convient dans le cadre du pouvoir souverain reconnu au juge en la matière, de ramener le taux de ladite astreinte à 15 000 F par jour, soit un montant total de (15.000 x 1491 jours)= 22 365 000 FCFA (Vingt deux millions trois cent soixante cinq mille francs) ;
Considérant enfin que la partie qui succombe au procès en supporte la charge des dépens conformément aux prescriptions de l’article 50 du code de procédure civile et commerciale ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard des parties, en matière civile et commerciale en appel et en dernier ressort ;
EN LA FORME Reçoit l’appel ;
AU FOND Infirmons la décision attaquée ; Se déclare compétente ; Ramenons à 15 000 (quinze mille) le montant journalier de l’astreinte ; Condamnons la société CA SCB CAMEROUN ci devant SCB et SCB- CL à payer à la société NINA la somme de FCFA 22 365 000 (Vingt deux millions trois cent soixante cinq mille) (…)